• il y a 2 semaines
Le 10 novembre dernier, des dizaines de solitaires ont pris le départ de la 10e édition du Vendée Globe. Une course emblématique mais dangereuse ! En effet, pendant la compétition, les marins naviguent près de l'Antarctique, une zone bondée d’icebergs. Et c’est ici qu’intervient CLS, filiale du CNES et de la CNP qui cartographie les glaces à l’aide de satellites pour anticiper les trajectoires des icebergs. Retour sur cette entreprise, partenaire de la première heure du Vendée Globe qui a été chargée de la surveillance des icebergs menaçant la route des skippers.

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00:00Au tour de la table aujourd'hui pour ce grand débrief Yann Le Chelc au fondateur de Probable AI, bonjour Yann et Julien Pillot enseignant-chercheur en économie à l'INSEC.
00:13Bonjour Julien. Bonjour.
00:14Bon on avait normalement une troisième personne comme d'habitude mais Marie-Christine Levé est souffrante aujourd'hui donc malheureusement elle ne sera pas avec nous.
00:22Ça ne va pas nous empêcher de parler de sujets d'éducation notamment. On va parler de stratégie de la France en matière d'intelligence artificielle,
00:29comment elle a été épinglée dans un récent rapport dévoilé par l'OPEX qui est l'office parlementaire qui évalue les choix scientifiques et technologiques de la France.
00:39Il y a 18 recommandations et quelques-unes notamment pour ce sommet d'action pour l'IA qui se prépare et se tiendra à Paris en février 2025.
00:47Donc on va parler de ça évidemment aujourd'hui. On va aussi s'intéresser à nos données de santé avec cette polémique autour de la nouvelle fonctionnalité de Doctolib.
00:56Et puis globalement ce sujet on en est où de la protection des données de santé des Français ?
01:01Mais on commence avec un sujet en pleine mer et dans l'espace aussi, le Vendée Globe sous surveillance spatiale.
01:07Et pour en parler j'ai convié à distance Franck Mercier. Bonjour Franck.
01:11Bonjour.
01:12Vous êtes le chef de projet Vendée Globe Expert Glass chez CLS, filiale du CNES, société à mission internationale.
01:21Vous fournissez des solutions d'observation et de surveillance de la Terre et vous êtes un des partenaires de la première heure du Vendée Globe.
01:29Vous assurez en fait la sécurité de la course depuis l'espace. Pourquoi depuis l'espace ?
01:36Alors en fait le satellite c'est l'unique moyen de surveiller l'immensité de l'océan Austral qui est souvent hostile d'ailleurs comme on peut le voir en ce moment sur la tête de la course.
01:46Et donc le service que nous fournissons cette année au Vendée Globe ça consiste à détecter les icebergs et à suivre leur évolution de manière à définir en fait ce qu'on appelle une zone d'exclusion antarctique.
01:59Donc à la limite du terrain de jeu pour faire simple autour de l'Antarctique au delà de laquelle les concurrents n'ont pas le droit d'aller.
02:05D'accord donc en fait vous publiez une cartographie. Quels sont les risques pour justement pour tous ceux qui sont dans la compétition face aux icebergs ?
02:14C'est sûr que la collision avec un iceberg, on a des précédents historiques qui montrent qu'en général la fin n'est pas toujours très satisfaisante.
02:23Donc là le but c'est justement que les skippers ne soient pas en mesure de prendre de telles images, qu'ils puissent rester suffisamment éloignés des icebergs et ne pas s'en approcher.
02:35Et aujourd'hui le satellite c'est le meilleur moyen ou le seul moyen même d'éviter ces collisions ?
02:41C'est vraiment le seul moyen de surveiller la totalité de l'océan Austral. Clairement il n'y a pas d'autre solution que le satellite pour couvrir une telle superficie.
02:52Et alors quand je dis le satellite en vrai, quels sont les types de satellites que vous utilisez ?
02:57Alors en fait nous utilisons trois familles de satellites. Donc l'imagerie optique mais ça c'est des choses assez classiques mais qui sont très vite limitées en fait par la présence des nuages.
03:07Donc on ne peut pas baser notre service uniquement là-dessus et c'est pour ça qu'on a mis l'accent sur les technologies radars.
03:13Parce que les technologies radars nous permettent de voir et de détecter les icebergs aussi bien le jour que la nuit ou au travers des nuages.
03:19Donc pour ça on a fait une utilisation détournée d'une technique que nous maîtrisons très bien en CLS qui s'appelle l'altimétrie satellitaire.
03:27Qui initialement a été conçue pour mesurer très précisément l'élévation du niveau des océans.
03:33Mais ça permet aussi de détecter des réflecteurs flottant à la surface de l'océan donc en particulier les icebergs ou les bateaux.
03:39Et puis ça nous permet d'établir en fait, comment dire, de cartographier les principales zones d'iceberg.
03:47Et une fois que la course est lancée, que les bateaux s'approchent de cette zone d'exclusion antarctique,
03:53on refait un passage avec une autre technique de l'imagerie radar.
03:57Pour le coup on a véritablement des images bidimensionnelles de 500 km par 500 km pour chaque image avec une résolution de l'ordre de la centaine de mètres.
04:07Et donc là ça nous permet véritablement de vérifier du mieux possible devant le passage des bateaux s'il ne reste pas des icebergs qui nous auraient échappé précédemment.
04:16Assez impressionnant. Une question peut-être ou une réaction Yann ?
04:19Oui, une réaction sur cette capacité finalement d'observer les éléments qui sont plus forts que nous malheureusement
04:25et plus dangereux que de nombreuses choses que l'on crée nous-mêmes.
04:29Et donc les satellites par le biais de traitement du signal permettent d'observer, d'anticiper, c'est presque un service d'intérêt général.
04:37C'est d'ailleurs ce que vous faites en fait puisque vous êtes une filiale du CNES.
04:41On est précisément dans ce cas d'usage qui s'appliquera j'imagine à plein d'autres choses y compris les incendies, des inondations.
04:49Et où on a besoin d'avoir une forte maîtrise technologique européenne.
04:53Oui, donc bravo.
04:55Alors ça vous permet des ajustements en temps réel aujourd'hui sur cette cartographie des icebergs ou en tout cas des zones d'exclusion ?
05:03Des zones interdites aux navigateurs ?
05:05Oui, alors en fait la zone d'exclusion elle doit être définie quelques jours avant le passage du leader.
05:11Elle doit rester la même pour tous les concurrents.
05:13Donc c'est pour ça que nous faisons en fait deux séquences d'imagerie.
05:17Une première séquence donc quelques jours avant le passage du leader qui nous permet là pour le coup de fixer et de modifier éventuellement cette zone d'exclusion.
05:25Et après s'il s'avère que notre modèle de dérive des icebergs nous indique que certains icebergs qui étaient au sud de cette zone d'exclusion se rapprochent de cette limite.
05:36Et bien à ce moment-là nous refaisons à nouveau des nouvelles images radar pour contrôler la situation pour les concurrents qui seraient en retard par rapport au leader.
05:44Donc on assure la sécurité aussi bien du leader que des derniers concurrents bien évidemment.
05:48Et vous voyez aussi tous les petits morceaux là qui sont autour des icebergs au moment des fontes ?
05:53Justement c'est ça la problématique c'est qu'actuellement nos capacités nous permettent de détecter des icebergs qui font à peu près 80 mètres de long.
06:01Typiquement l'exemple standard, le gabarit standard c'est Fort Boyard.
06:06Donc ça fait 80 mètres de long, 20 mètres de large, 1 mètre de haut.
06:08C'est ce qu'on est capable de détecter je dirais de manière systématique avec nos moyens.
06:13Mais bien évidemment un tel objet ça fait des milliers de milliers de gros leurs qu'on appelle donc les petits résidus d'icebergs qui font de l'ordre de quelques mètres cubes.
06:22Donc c'est pour ça que la subtilité de l'exercice c'est de réussir à parvenir à détecter les plus gros icebergs en fait pour suspecter la présence des plus petits.
06:34Et c'est là aussi que notre modèle de dérive nous permet, enfin dérive et puis qui intègre aussi des questions de fontes et de dislocation des icebergs.
06:42Voilà ça nous permet d'anticiper la présence de ces petits icebergs même si on n'est pas capable de les voir.
06:47Et donc ces modèles mathématiques ça j'imagine que vous ne les aviez pas au départ.
06:52La première course n'était pas aussi bien équipée en matière de prédiction.
06:56Comment vous voyez le futur, le prochain saut technologique ?
06:59Alors le prochain saut technologique c'est clairement lié à une mission qui vient d'être lancée récemment par le CNES et par la NASA qui s'appelle SWOT.
07:10Qui là pour le coup va nous permettre d'avoir une surveillance en continu de l'océan.
07:16Alors là encore ça n'a pas été conçu pour étudier les icebergs.
07:19Mais il n'y a aucun doute sur le fait qu'on soit capable d'en faire une utilisation détournée pour détecter les icebergs.
07:25Et ce que ça va nous apporter c'est cette surveillance en continu des icebergs.
07:30Peut-être un petit peu plus gros, des icebergs de l'ordre de 200 mètres à peu près.
07:33Mais voilà ça ce sera forcément très utile.
07:36Merci beaucoup pour cet éclairage, ça permet de voir le Vendée Globe aussi du ciel.
07:41Un autre point de vue.
07:43Franck Mercier, je rappelle que vous êtes chef projet Vendée Globe, expert glace chez CLS.
07:48Merci beaucoup d'avoir été avec nous.
07:49Je ne sais pas si Julien a peut-être une réaction avant que vous nous quittiez ou une question ?
07:53Peut-être une question oui.
07:55Bonjour Franck.
07:56Déjà je suis fasciné par ce que vous faites.
07:58Et ça s'inscrit en fait dans une démarche globale de la tech au service du sport et de la tech au service de l'humain.
08:03Parce qu'il s'agit quand même de préserver éventuellement des vies face à des collisions qui seraient extrêmement dramatiques.
08:08Quelle est votre position vis-à-vis des esprits chagrins qui parfois peuvent se manifester sur les réseaux sociaux
08:15en disant qu'à force de mettre la technologie au service du sport et notamment du Vendée Globe,
08:19on perd un petit peu le sel de la grande aventure humaine que peut être cette traversée ?
08:24C'est sûr que le Vendée Globe a évolué.
08:29Au début c'était essentiellement des aventuriers.
08:31Et puis ce secteur du sport s'est professionnalisé.
08:36Et aujourd'hui on a une forte partie des concurrents du Vendée Globe qui sont là pour la performance
08:42et qui après en avoir discuté avec eux préfèrent les maigres périodes de repos et de sommeil.
08:49Ils préfèrent bien sûr pouvoir dormir tranquille sans avoir la crainte d'une collision avec un iceberg.
08:55Ils ont déjà beaucoup d'autres soucis à gérer, beaucoup d'autres difficultés à contourner.
08:59Et d'une manière générale les concurrents en tout cas préfèrent.
09:03Et après c'est sûr que la perception du grand public, je pense que c'est quelque chose qui peut évoluer aussi.
09:12Parce que toutes ces observations nous permettent de beaucoup mieux comprendre la distribution des icebergs dans l'océan.
09:20C'est quelque chose qui était mal connu aussi avant.
09:22Parce que ce sont les courses au large qui permettent de mettre en œuvre de tels moyens pour construire cette connaissance.
09:29Merci beaucoup, on vous libère cette fois Franck.
09:32Merci d'avoir été avec nous.
09:34Merci, au revoir.
09:35Au revoir.
09:36Alors on enchaîne nous avec nos autres sujets.
09:39On a l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
09:43qui a été saisi par l'Assemblée nationale et le Sénat pour faire le point sur les développements de l'IA
09:48et puis sur la stratégie française, la stratégie nationale.
09:52Trois sénateurs, Alexandre Sabatou, Patrick Chaise et Corinne Narassiguin ont donc rédigé ce rapport.
09:59Chat GPT et après, bilan perspective d'intelligence artificielle.
10:02Alors il y a tout un bilan sur les technologies.
10:05Je ne sais pas si vous avez pu jeter un œil, Yann, parce que le rapport est tout frais.
10:09Il date d'hier et il est assez complet.
10:12On nous dit notamment que la principale innovation en 2024, ce sont les agents d'IA, les agentic workflows.
10:19Tout ce qui permet d'automatiser les tâches et d'avoir du machine to machine dans l'IA.
10:26Et puis il nous présente aussi les IA comme les prochaines interfaces entre nous et les services numériques.
10:33Le rapport est complet, mais il conclut que nous avons pris beaucoup de retard sur la partie infrastructurelle.
10:41Ce qui veut dire que les étapes d'après doivent s'anticiper.
10:45C'est un rapport qui est utile, qui montre nos faiblesses.
10:49Il faut être très lucide par rapport à ces faiblesses.
10:52Et c'est tout à fait le sens de l'histoire.
10:55L'agentic était déjà scripté d'avance.
10:57Certains scientifiques pensaient que les modèles allaient devenir de manière exponentiellement intelligent.
11:01Ce n'est pas vrai du tout.
11:03D'ailleurs, ça me fait penser à un article dans Wired il y a plus de dix ans,
11:06où finalement tout ce qui est good enough est suffisant pour que l'industrie s'en empare.
11:11Et donc ces modèles, ça y est, sont digérés par l'économie.
11:14Ils vont continuer à progresser, mais ce n'est plus le sujet.
11:16Le sujet, c'est qu'est-ce qu'on en fait, comment est-ce qu'on disrupte,
11:20comment est-ce qu'on change la manière dont certaines tâches humaines sont gérées.
11:27Donc ça aura un impact sur le marché du travail, décolle blanc,
11:31ce qui avait été écrit déjà il y a quelques années.
11:34Donc voilà, un petit peu alarmiste tout de même,
11:38parce qu'il faut tout de même bien gérer tous ces sujets qui vont arriver, degré ou de force.
11:43Parce que les Américains sont devant, vont nous les imposer par des acteurs habituels.
11:48Et je regrette le traitement très très très léger sur la partie open source,
11:52qui est peut-être notre seul espoir pour rattraper notre retard.
11:57Donc on ne traite pas la souveraineté, on ne traite pas notre retard systémique.
12:02Alors il y a justement quand même, il pointe du doigt ce rapport quelques manquements,
12:06notamment sur le sommet de l'action pour l'IA, l'absence du sujet sur l'éducation, la formation,
12:11et l'absence du sujet sur la souveraineté.
12:14Donc il le soulève ce point, cette question de l'autonomie.
12:17D'un point de vue économique aussi, il y a beaucoup d'enjeux qui sont présentés
12:20sur la complexité de la chaîne de valeur,
12:23et la difficulté justement pour l'Europe d'être compétitive en matière d'infrastructure.
12:28Il y a aussi l'idée qu'il va falloir préparer une réforme sur la propriété intellectuelle,
12:33et puis toutes ces questions géopolitiques et transformation du travail.
12:37Vous avez eu le temps de le lire aussi Julien ?
12:39Je l'ai survolé parce qu'il est tout frais, et qu'il est très dense,
12:42il fait plus de 300 pages comme ce rapport, donc il va falloir un petit peu de temps pour le digérer.
12:45Mais je vais être dans la continuité de ce qu'a pu dire Yann, en étant plus sévère.
12:49Je sais qu'on est en période de Noël, et d'une certaine façon je m'étonne toujours
12:52qu'il y a des adultes qui croient encore au Père Noël.
12:55Parce qu'on en est à combien de rapports sur l'IA en vérité ?
12:58Depuis le rapport Villani, on en a fait combien ?
13:00Entre les rapports gouvernementaux, les rapports d'officine,
13:03les rapports qui ont pu être produits par des think tanks.
13:05On en a une cargaison.
13:08Et en vérité, de rapport en rapport, on ne fait qu'attester de notre retard qui s'accumule,
13:15et de nos faiblesses structurelles qui de toute façon ne peuvent être réglées que par une seule chose.
13:19Par l'argent. On en revient toujours au nerf de la guerre, sur les marchés d'innovation.
13:23Je vais faire un tout petit peu d'auto-promotion.
13:27J'ai publié il y a trois jours de cela un article sur The Conversation,
13:31qui atteste du fait que la bulle de l'IA n'éclatera pas,
13:35peut-être dégonflera-t-elle, mais elle ne va pas éclater.
13:38Il y a plein de chiffres dans cet article.
13:40Il est librement disponible à la consultation.
13:42Je vais juste en citer un seul.
13:44Aujourd'hui, c'est 200 milliards.
13:46200 milliards, c'est l'investissement des seuls GAFAM pour la seule année qui est encore en cours.
13:51200 milliards.
13:53Si on a oublié dans ce pays que pour jouer un rôle majeur dans les industries d'innovation,
13:58il faut passer par la case investissement et il faut y mettre le paquet,
14:04en vérité, on ne fera que perdre les combats de la tech les uns après les autres.
14:09On a perdu celui du web commercial, on a perdu celui du web 2.0,
14:12on est en train de perdre celui de l'IA et on perdra demain celui du quantique.
14:15Sur le financement de cette stratégie, le rapport est aussi très sévère.
14:18Déjà, il nous dit que l'investissement massif de 27 milliards d'euros sur 5 ans
14:23promis par le gouvernement, on n'y croit pas.
14:29Ce sont des sommes trop conséquentes visiblement pour que ce soit crédible aux yeux des rapporteurs.
14:35Ils estiment en revanche qu'il serait plus judicieux de reconduire un programme
14:39qui s'appelle confiance.ai qui coûte pas très cher et qui s'arrête en 2024.
14:45Est-ce que c'est juste une question d'argent ou est-ce que c'est aussi faire avec nos forces déjà aujourd'hui ?
14:50Le constat que Julien apporte est réel et d'ailleurs le rapport Draghi parle de ces proportions également.
14:56C'est-à-dire qu'il s'agit de 800 milliards qu'il faudrait injecter dans l'économie européenne.
15:00Donc 800 milliards, 200 milliards de l'autre côté sur une année, ça correspond globalement.
15:05Donc on n'est pas dans la course et je pense qu'on ne va pas réussir à débloquer ces capitaux.
15:11Donc il faut penser différemment.
15:13Il ne faut pas essayer de copier les Américains sur un modèle qu'ils ont inventé,
15:18qu'ils maîtrisent et qu'ils dominent.
15:21Et donc si je suis moi aussi à mon tour sévère, en réalité si on est humble,
15:25il faudrait peut-être considérer que l'Europe est dans la même situation que l'Afrique.
15:29Préadoption de la mobilité.
15:31On n'a tellement pas investi dans l'infrastructure sous-jacente
15:34qu'il faut réfléchir à ce que l'on va pouvoir adopter demain pour être dans la course et bénéficier.
15:39C'est pour bien expliquer parce qu'en Afrique en fait on n'a pas misé sur connecter tous les continents en fibre optique
15:45mais basculer directement sur un réseau moins onéreux, plus simple d'accès qui est le réseau mobile.
15:50Donc là ce que vous nous dites Yann, c'est peut-être que nous il faut qu'on envisage une stratégie complètement différente.
15:56Mais laquelle ?
15:57Celle qui nécessite une vision pour le projet européen ou au moins le projet français.
16:02Alors c'est difficile aujourd'hui d'avoir une vision dans la situation actuelle
16:06mais cette vision doit se raccrocher à nos valeurs qui nous distinguent, qui nous singularisent.
16:11Donc c'est vrai que la régulation est une manière de poser les bases et donc de se protéger mais c'est défensif.
16:17Il faut être offensif.
16:18Comment est-ce qu'on peut être offensif par rapport à des valeurs qui sont nobles ?
16:22Comment est-ce qu'on revient à nos sources ? Comment est-ce qu'on revient à l'Europe des lumières ?
16:25C'est vraiment ce sujet.
16:26Les lumières c'est donc la science, c'est donc l'éducation.
16:29Là aussi les rapporteurs s'en prennent effectivement à cette approche européenne
16:33uniquement par les risques autour de l'IA et invitent à ce que le sommet de l'action pour l'IA
16:37soit une approche différente où on construit quelque chose.
16:40Moi j'ai bien aimé aussi cette petite phrase, ça fait partie des recommandations,
16:46ils nous disent « mieux vaut une bonne IA chez soi qu'une très bonne IA chez les autres ».
16:50Vous êtes d'accord avec ça ?
16:51Complètement.
16:52Le problème au niveau de l'infrastructure c'est pas…
16:54Ça veut dire qu'on fera pas aussi bien ? Mais c'est pas grave ?
16:56C'est pas grave parce qu'en réalité cette notion de dire « il faut travailler avec les meilleurs »
17:00c'est-à-dire les Américains, parce qu'ils sont les meilleurs aujourd'hui,
17:03c'est quelque chose qui fait de nous des locataires à vie.
17:06On ne sera plus jamais propriétaire à ce rythme.
17:09Donc évidemment il ne faut pas empêcher de travailler avec les Américains
17:11qui sont des bonnes plateformes, des bons produits pour des multinationales par exemple.
17:15Mais dans certains cas on peut très bien se suffire de technologies qui sont hébergées ici,
17:21gérées ici, « fine-tuned » et l'open source permet de distribuer.
17:25Donc l'open source c'est toujours l'instrument du challenger.
17:28On doit l'utiliser parce que nous sommes challenger.
17:31Mais encore faut-il accepter cette position du challenger
17:35qui va le rester pendant encore plusieurs décennies.
17:37Et puis croire à nos chances.
17:39Quel est le regard de l'économie sur l'open source d'ailleurs ?
17:42Je vais abonder dans le sens de Yann.
17:45C'est vraiment la solution idoine pour les challenger.
17:48D'ailleurs même une entreprise comme Microsoft qui était passée de leader à challenger
17:53à un moment donné s'est rapprochée du monde de l'open source
17:56à créer des passerelles avec Linux pour pouvoir tout simplement
18:01trouver des leviers d'innovation différents qui lui ont permis de se repositionner
18:05et redevenir l'entreprise leader que l'on connaît aujourd'hui.
18:08L'open source c'est effectivement un trésor d'innovation,
18:12c'est un trésor d'idées, c'est tout un tas de « spillovers »
18:15pour employer un très mauvais terme anglo-saxon.
18:18Mais c'est la possibilité de connecter des intelligences de façon extrêmement rapide
18:22avec des problématiques juridiques qui se posent de façon bien moindre
18:26que sur les grands modèles propriétaires
18:28et qui permettent de gagner du temps, de la vélocité et de l'agilité.
18:33Donc évidemment ces modèles open source sont, lorsque l'on est challenger
18:36et qu'on a beaucoup moins de moyens que nos concurrents,
18:39non seulement la bonne solution mais la seule solution pour mener une stratégie aboutie
18:45et quitte à effectivement pour certains combats se contenter de « good enough »
18:50et sur d'autres combats mettre le paquet pour avoir un vrai leadership technologique.
18:56Est-ce que les utilisateurs, les citoyens sont prêts à se dire
19:00« je ne prends que l'IA bonne, je ne prends pas la très bonne parce qu'elle n'est pas d'ici » ?
19:06Il faut que les pouvoirs publics soient exemplaires pour commencer
19:10puis ensuite les industriels aussi vont comprendre qu'il y a une espèce de souveraineté
19:14lorsqu'on adopte de l'open source puisqu'il y a une transparence,
19:17donc une capacité d'auditer en profondeur.
19:19C'est un ensemble, c'est plutôt une posture que l'on doit adopter,
19:23celle du challenger qui dit l'open source en fait c'est notre porte de sortie vers plus de maîtrise,
19:28moins de dépendance, c'est un curseur, on ne fait que le bouger.
19:31Mais il faut passer outre cela et faire très attention,
19:34parce que, merci sur ce sujet de l'open source,
19:37mais le terme open source est extrêmement contesté aujourd'hui
19:40et Meta essaie de se l'approprier en définissant l'open source par rapport à l'AMA2
19:46qui n'est pas du tout open source et open AI qui est closed AI en réalité.
19:51Donc il faut faire très attention au vernis marketing
19:54et à ses volontés de récupérer quelque chose qui est plutôt noble et stable
19:58dans une définition open source qui tient depuis 25 ans.
20:00Or aujourd'hui tout le monde essaie de dire je suis open source parce que j'ouvre une partie du système.
20:06Or attention, il faut vraiment être exigeant et exiger la totalité de la chaîne,
20:10y compris la source des données, jusqu'aux droits voisins, etc.
20:13Il y a la question aussi de la gouvernance.
20:17Là, ce rapport nous rappelle qu'il y a quand même une dizaine de projets de gouvernance mondiale de l'intelligence artificielle.
20:23Donc c'est le kouglof total.
20:26Du côté de l'ONU, l'UNESCO, l'OCDE, le Conseil de l'Europe, le G20, le G7,
20:31j'en passe parce que la liste est vraiment trop longue.
20:34Donc il suggère que tout cela soit rassemblé, peut-être piloté par l'ONU, simplifié en tout cas.
20:42C'est pareil au niveau de la France.
20:43Alors là, vraiment le rapport hyper sévère sur la gouvernance, le pilotage de la stratégie nationale française.
20:49Vous, en tant qu'entrepreneur, investisseur, vous êtes sur un projet d'IA important de recherche avec l'INRIA.
20:58Est-ce que vous avez l'impression que vous avez les bons interlocuteurs ?
21:01Est-ce que vous sentez que ce projet d'une puissance française dans l'IA, il peut se concrétiser ?
21:09Puissance, non. Mais nation sophistiquée qui peut comprendre ce qui se passe sous le capot, oui.
21:16Mais est-ce que vous avez les bons interlocuteurs aujourd'hui ?
21:19Alors bon, on est en plein motion de censure et tout ça, c'est peut-être pas le bon jour pour savoir si on a les bons interlocuteurs.
21:24On a des interlocuteurs qui sont, oui, ils sont brillants.
21:26Le problème, c'est qu'il y a toujours cette attirance vers OpenAI qui ouvre son bureau à Paris.
21:33C'est extraordinaire, tapis rouge, on veut travailler avec les meilleurs.
21:36En fait, non, OpenAI fait ce qu'il fait, il le fait dans tous les pays.
21:39Il ne faut pas dérouler le tapis rouge.
21:42En réalité, il faut être assez délibéré dans notre approche de maîtriser ce que l'on sait maîtriser.
21:48Et côté INRIA, il y a une maîtrise d'œuvre majeure pour la France.
21:52Donc INRIA est bien positionné pour le faire.
21:54Et nous sommes, nous, sur les fondamentaux de l'IA.
21:57Là où on ne sait pas être puissant, c'est sur les LLM, les Large Language Models, parce que ça nécessite trop de capitaux.
22:04En Allemagne, Aleph Alpha a laissé tomber.
22:07Ils ont abandonné. Pourquoi ? Parce qu'ils ne peuvent pas suivre.
22:10Ils ne voient pas de possibilités.
22:12Donc on peut se poser la question pour Mistral.
22:14Mais est-ce que Mistral a une responsabilité pour créer de la souveraineté ?
22:17Ce n'est pas leur rôle non plus.
22:19En tout cas, ils sont soutenus, tant que possible, politiquement.
22:22Ils développent un modèle économique avec des soutiens aussi du côté de Microsoft.
22:26C'est une voie possible.
22:27Oui, Julien ?
22:28Non, c'est une voie possible, mais encore une fois, il faut une stratégie qui soit complète.
22:32Si on veut une vraie gouvernance et souveraineté nationale sur des sujets aussi sensibles que ceux-ci,
22:39sachant que derrière, il y a des données qui sont parfois extrêmement sensibles et stratégiques,
22:45qui transitent par ces logiciels-là et ces solutions-là,
22:48il faut penser l'ensemble de la chaîne de valeur.
22:51Et ça commence par l'éducation.
22:53Le problème, c'est que sur ces industries-là, on est sur du temps très long.
22:56Ce qu'on observe aujourd'hui sur les marchés, ce sont des balles qui ont été tirées du canon.
23:01Il y a déjà 10 ans, 10-15 ans.
23:03Et on arrive à ce moment de l'histoire où on n'a peut-être jamais eu autant besoin de former des super mathématiciens,
23:11des super data scientists, des super scientifiques.
23:15Et dans le même temps, l'une du point d'hier ou d'il y a deux jours,
23:19le niveau en mathématiques des étudiants français n'a jamais été aussi faible.
23:24Donc, encore une fois, une stratégie, ça se pense sur le temps très long.
23:28Et ça se pense sur toutes les aspérités de celle-ci.
23:31Et je crois qu'on a le droit d'avoir un regard extrêmement sévère
23:34vis-à-vis des gouvernements successifs et des ministres de l'éducation nationale
23:37qui n'ont pas su investir sur ces sujets-là, quand il le fallait.
23:41Alors, on enchaîne avec notre autre sujet.
23:44C'est Dr. Olive, concurrent ou non de mon espace santé mis en place par l'assurance maladie en 2022.
23:50En tout cas, il y a un nouvel onglet santé qui s'apprête à faire son apparition au début de l'année 2025.
23:56C'est censé pouvoir regrouper l'ensemble des consultations, des ordonnances,
24:02mais aussi de faciliter les échanges entre les professionnels de santé autour du patient.
24:07Est-ce qu'il peut y avoir, comme ça, deux lieux de référence pour les données de santé des Français ?
24:13Est-ce que, selon vous, c'est une concurrence ?
24:15Est-ce que ça pose aussi le problème de la privatisation des données de santé des Français ?
24:21Concurrence, non. Compétition, oui. Et ça, c'est bien.
24:25Si on compare par exemple Uber à G7, Uber a mis une pression folle à cet acteur qui était un petit peu endormi.
24:32Et le service aux citoyens, à l'utilisateur, a été renforcé.
24:36Donc G7 est bien meilleur aujourd'hui grâce à cette compétition avec Uber.
24:40Et d'ailleurs, Uber n'est pas non plus hyper dominant maintenant.
24:43Donc finalement, la compétition s'est organisée et cet acteur qui est privé, mais un peu particulier tout de même,
24:49a bénéficié de cette compétition.
24:51Donc là, il s'agit d'une fonctionnalité.
24:53Le sens de l'histoire, c'est que les Français seront équipés de cette fonctionnalité chez l'un et ou chez l'autre.
24:59Donc, c'est à l'État de mettre les moyens pour...
25:03Je n'ai pas noté les chiffres, mais si on regarde les chiffres,
25:05Doctolib part devant dans la course, en arrivant après, enfin, en lançant son service plus tard.
25:10Mais ils l'ont mérité, ils ont rempli un besoin et c'est tout à fait pertinent.
25:14Maintenant, c'est à la France aussi d'être très clair par rapport à ce qui est protégé,
25:18et ce qui doit être protégé,
25:20et à ce que Doctolib fait ce qu'il faut pour protéger les données des citoyens.
25:23Où sont hébergées ces données par exemple ?
25:25On en revient toujours là.
25:28Non, mais effectivement, qu'il puisse y avoir de la rivalité,
25:31qu'il puisse y avoir de la compétition, ça crée de l'émulation.
25:36Donc forcément, ça va dans le sens de l'amélioration des services,
25:39l'amélioration de la qualité des services.
25:41En revanche, il y a des côtés sombres aussi.
25:44Du fait de dupliquer ce type de service, ça duplique aussi les coûts de gestion du service,
25:49les coûts de sécurisation du service.
25:50Ça fait aussi deux portes d'entrée potentielles pour des actions malveillantes.
25:54Et on sait qu'aujourd'hui, le sujet de la cybersécurité
25:57est probablement le sujet majeur du 21e siècle,
26:00et sur lequel on n'est pas toujours extrêmement bien équipé, il faut le dire.
26:04Et puis en bout de chaîne, peu importe qui délivre le service,
26:08qu'il soit public, qu'il soit privé, pourvu qu'il soit performant,
26:10et pourvu que les données soient sécurisées et souveraines.
26:14Et tant qu'on continuera à héberger les données de santé
26:17chez des hyperscalers américains, Microsoft pour ne pas le citer,
26:20en vérité, on pourra se poser la question de savoir
26:22qui a accès à ces données qui sont extrêmement sensibles.
26:25Mais il y a les deux sujets, sécurisées et souveraines.
26:27En réalité, elles sont pas mal sécurisées si c'est chez AWS, je pense que c'est le cas.
26:31En réalité, il y a cette distinction entre le cyber et la souveraineté.
26:36Les américains, théoriquement, pourraient avoir accès.
26:40Mais le font-ils ? C'est une question théorique à ce stade.
26:43Ils ne le font pas.
26:44Théorique, sauf à y voir quand même aujourd'hui la situation géopolitique,
26:49et voir un risque demain pour notre maîtrise et notre souveraineté.
26:54On pourrait considérer que finalement, Doctolib pourrait s'arrêter
26:59parce qu'il y a un conflit géopolitique,
27:02et donc c'est une solution qui doit être dégradée vis-à-vis des utilisateurs
27:06puisqu'elle n'est pas pérenne.
27:08Ça, c'est un vrai risque.
27:09Et sur la monétisation des données de santé ?
27:12Julien ?
27:14C'est cette question que ça pose.
27:16Quand c'est à l'assurance maladie, on n'imagine pas qu'ils vont faire du business avec.
27:19Quand ça se passe avec une société privée, on peut se poser la question.
27:23Elles s'en défendent.
27:24Même si elles s'en défendent complètement.
27:26Elles s'en défendent, mais toujours est-il que parmi les données
27:29qu'on peut éventuellement récupérer sur les personnes,
27:32les données de santé font partie de celles qui ont le plus de valeur pour le marché.
27:36Ça, c'est établi dans un nombre assez considérable d'articles.
27:41On peut se réjouir que ce soit une société française.
27:43Oui, mais à qui elles profitent ces données à la sortie.
27:47Ces données sont ensuite exploitées par des entreprises étrangères
27:51pour faire du ciblage marketing, pour vendre des produits
27:54qui n'ont pas été fabriqués en France, qui n'ont pas été conçus en France
27:57et qui sont éventuellement distribués par des entreprises françaises ou pas à la sortie.
28:01Ces données-là, qui ont été produites par les Français
28:03et par l'entremise d'un service qui lui-même bat prévient tricolore,
28:07elles auraient surtout généré de la valeur pour des intérêts étrangers.
28:10Merci beaucoup Julien Pillot et Yann Lechel de m'avoir accompagné
28:12pour ce débrief de l'ActuTech.
28:13C'était Smartech, à très bientôt.

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