• la semaine dernière
Transcription
00:00Quand je regarde les résultats de la police et de la justice, ils disent que les bandes
00:16urbaines, ça a diminué, mais moi je dis que le phénomène n'a juste muté.
00:19Avant, c'était des bandes urbaines, bien définies, comme ci, comme ça.
00:22Aujourd'hui, le phénomène est devenu beaucoup plus différent, plus difficile à cerner,
00:27il faut le comprendre, mais il y a toujours autant d'impact et peut-être même plus de
00:30violence.
00:31On se réunit aujourd'hui à l'initiative du service vie associative de la commune d'Underlet
00:36en coopération avec Change ASBL et Centre Culturel Kumba.
00:42Aujourd'hui, comme vous le savez, on va discuter et échanger via des témoignages sur la thématique
00:49de l'insertion sur le professionnel au sens large, mais aussi de la difficulté des familles
00:53monoparentales pour l'éducation et l'accompagnement de leurs jeunes, souvent qui se retrouvent
00:58dans des situations précaires sur l'espace public.
01:02Au fond de moi, je me suis dit non, là, tu as une seconde chance, parce que je t'ai vraiment
01:06déclaré mort.
01:07Il y avait même des gens, ça tournait déjà, comme les rumeurs qu'il y a à Bruxelles,
01:13ça va vite, les gens qui disaient, ouais, Darcy, mais il est mort et tout.
01:16Donc il y en a vraiment qui étaient dans tous les états, qui disaient qu'il n'y avait pas
01:20Facebook, qu'il n'y avait pas tout ça, mais les nouvelles tournaient déjà.
01:23Et c'est vraiment à partir de ça que je me suis dit qu'il y a moyen de faire autre chose
01:27de sa vie.
01:28Et même par après, j'ai été incarcéré, donc j'ai plusieurs étapes qui a fait que
01:32c'est plusieurs étapes que j'ai eues pour me réveiller et on m'a sorti de prison.
01:39J'ai eu le temps d'écrire, j'ai été rassemblé aussi avec d'autres frères qui étaient là,
01:43qui ont le même parcours que moi.
01:45Et je me suis dit franchement, on était enfermé, on avait plein de projets, on s'est dit écoute,
01:49là on est enfermé, qu'on sera dehors, on est libre de faire ce qu'on veut faire, tu
01:53vois.
01:54Faut arrêter de se dire que j'ai pas le choix.
01:56Comment tu vois le fait qu'on montre qu'en Occident, il y a un système éducatif qui
02:00est censé être au top et que justement, on nous donne l'image qu'en Afrique, il faut
02:07plutôt quitter l'Afrique pour venir vers l'Europe.
02:08Et toi, tu dis que justement, c'est le fait de retourner au bled et je fais le lien parce
02:13que justement, avec Change et d'autres associations comme la tienne aussi, on organise des voyages
02:17justement pour permettre à ces jeunes d'aller voir un peu ce qui se passe dans leur pays
02:20d'origine en espérant que ça fasse un déclic.
02:22Qu'est-ce que tu pourrais nous en dire un peu plus par rapport à ton voyage sur place
02:26avec ton adolescence ici et le énième déclic, on va dire un peu plus marquant que ça a
02:32fait en toi justement, en te rendant compte qu'il y en a qui vont plus aimer l'Afrique
02:36ou d'autres qui vont dire, ah regarde la chance qu'on a d'être en Europe.
02:38En même temps, on fait partie des deux cultures.
02:40Qu'est-ce qui t'a marqué le plus concernant ce voyage ?
02:44Vraiment, comme tu as dit, il y a un piège qu'on nous fait croire qu'ici l'éducation
02:50est meilleure, pas du tout, les mêmes valeurs.
02:53Ici, surtout en tant qu'Africain, ici c'est plus chacun pour soi alors qu'en Afrique,
02:59tout le monde est solidaire.
03:00Sim, rappeur, artiste, producteur du label Blaps Music d'origine congolaise, donc d'office
03:08il fallait que j'assiste à l'événement, encore merci pour l'invitation et franchement,
03:15j'ai kiffé le débat, il faut plus d'organisations comme ça pour qu'on puisse un peu parler,
03:21discuter, trouver des solutions ensemble.
03:23C'est notre présence ici, Sandra, qui est comme je disais tout à l'heure une éducatrice
03:27de base et qui est en reconversion professionnelle pour devenir formatrice et une très très
03:34grosse particularité personnelle et intime, c'est que cette année, elle a eu son frère
03:38qui a été assassiné par une bande urbaine, donc qui est décédé au mois de mars de
03:42cette année et on te remercie très très sincèrement Sandra parce qu'on sait que c'est
03:46pas facile de s'exprimer sur ce sujet là et donc je suis moi-même ému de t'accueillir
03:50sur ce panel afin de livrer ce témoignage extrêmement précieux parce qu'il y a encore
03:55des gens qui pensent que les bandes urbaines n'existent pas ou en tout cas pas sur les
03:58formes qu'elles existaient il y a 15-20 ans, mais voilà que cette année-ci, ton frère
04:02adoré, on a tous des frères et sœurs et on peut même pas imaginer ni comprendre la
04:06douleur et la souffrance qu'on peut ressentir, des années après ça restera marqué à jamais
04:12et donc encore merci pour ta présence et je te laisse t'exprimer comme tu le sens,
04:19donc j'ai pas envie de passer d'un côté ou de l'autre par le travail d'éducatrice,
04:23vraiment présente-toi, livre-nous ton témoignage comme tu le sens et j'essaierai de t'accompagner
04:27à ça.
04:28Je m'appelle Sandra Moleka, je suis la grande sœur de Gaëlle Mavinga qui a été assassinée
04:35le 24 mars 2024 dans la commune de Lacan, précisément à la rue Steyl, c'est un fait
04:43qui est passé à la TV, je pense que ceux qui suivent les médias ont dû l'entendre,
04:50avant de pouvoir échanger avec le modérateur, j'ai écrit un petit texte.
04:57Seule face à un destin, le cri d'une grande sœur brisée, aujourd'hui un samedi comme
05:03celui-ci, ma vie a basculé, ce jour restera gravé en moi, comme celui où j'ai perdu
05:09mon frère Gaëlle, injustement arraché à la vie, un assassinat, froid, brutal, commis
05:17par des personnes qu'ils ne connaissaient même pas.
05:19Je suis venue aujourd'hui à l'événement organisé par l'ASBL Change, que je connaissais
05:26de loin par rapport à toutes les activités qu'ils ont organisées depuis des décennies
05:31pour la jeunesse des pays spécialement subsahariens, et en collaboration aussi avec
05:37d'autres associations, et à mon tour, quand j'ai eu le drame qui est survenu dans ma
05:45vie, le décès de mon frère Gaëlle Mavinga, ils sont venus à moi, je ne les ai pas cherchés
05:52parce qu'ils connaissaient aussi mon frère, mais hormis ça c'était quand même un sujet
05:56de société qui les a quand même beaucoup touchés, et moi ça m'a fait quand même
06:02du bien de me sentir moins seule et de pouvoir aussi parler, parler pour Gaëlle, parler
06:09aussi pour les jeunes qui n'ont pas la possibilité d'être entendues, et je dis toujours dans
06:16chaque drame, c'est ou bien une leçon ou bien une bénédiction, c'est à toi de savoir
06:21ce que tu peux en faire et tu peux faire quelque chose de grand, de sauver d'autres personnes,
06:26et à partir de ça aussi, la mémoire de la personne peut être honorée à travers
06:31des gestes qui sont bien dans la société dans laquelle on évolue, et surtout des messages
06:38comme aujourd'hui, je pense que les jeunes, les familles, et même l'Etat on va dire,
06:45parce que l'Etat joue un rôle, les politiques ont besoin d'entendre ça, et c'est bien aussi
06:53des endroits où on peut avoir des moments d'échange, des moments de parole, des moments
06:56de réflexion, et j'espère que ça ne sera pas la dernière fois.
07:00Marion Vanam, qui est donc assistante sociale au CPS de Scarbeck, ça c'est correct, et
07:06qui travaille dans l'accompagnement des jeunes, merci Marion pour ta présence aujourd'hui,
07:12après les témoignages très touchants d'Alsim et de Sandra, tu vas nous parler en quelques
07:19minutes du travail que tu fais de l'accompagnement des jeunes à Scarbeck, c'est la deuxième
07:24plus grosse commune de la région et la sixième plus grande de Belgique, il y a 22 000 jeunes
07:29entre 18 et 30 ans qui vivent sur cette commune, qui est très diversifiée aussi avec des
07:35populations qui viennent de Syrie, d'Irak, d'Europe de l'Est et d'Afrique, est-ce que
07:40tu peux nous parler un petit peu du travail d'accompagnement que tu mènes au sein du
07:43CPS de Scarbeck, sachant aussi que la situation n'est pas très facile à Scarbeck, car comme
07:49vous le savez, le collège n'est toujours pas constitué et c'est la seule commune de
07:53tout le pays où on n'a pas encore de majorité communale.
07:55Tout d'abord merci beaucoup de me recevoir aujourd'hui, merci beaucoup de pouvoir témoigner,
08:04moi je travaille comme assistante sociale au CPS de Scarbeck depuis maintenant 5 ans,
08:10avec le pôle jeunes, on encadre les moins de 25 ans, étudiants et non étudiants, donc
08:18on fait un accompagnement tout d'abord financier quand même, mais aussi de manière matérielle
08:25pour pouvoir tout d'abord respecter la dignité humaine de chacun. Il est vrai qu'on est face
08:35à des populations diversifiées, on a des jeunes issus de familles monoparentales ou
08:42bien issus de familles avec leurs deux parents ou bien même des jeunes seuls qui sont arrivés
08:47ici en Belgique suite à la guerre ou autre. J'ai beaucoup appris, c'était très enrichissant
08:54au niveau des autres intervenants, des témoignages, des histoires.
08:59Aujourd'hui vous avez une diversité de spécialistes jeunes dans beaucoup de domaines,
09:12donc c'est d'abord important au niveau scolaire. Beaucoup de femmes travaillent, c'est important
09:21parce qu'elles ont travaillé pendant longtemps malgré leur diplôme, toujours dans le truc des
09:28ménages etc. Comme on ne reconnaissait pas les diplômes et tout ça, pas le droit de travailler,
09:36on n'avait pas tout ça. Aujourd'hui on est beaucoup plus loin. Il y a une certaine diversité
09:43dans beaucoup de structures, sociétés de plus en plus et monsieur a dit qu'on a besoin de
09:51rôle modèle. Donc il est important, vraiment important et c'est là où je suis positif,
09:59c'est qu'il faut qu'avec nos associations, on fasse sortir ces rôles modèles qui existent
10:09dans plusieurs domaines. Nos jeunes doivent rêver d'abord. Pour devenir quelqu'un, il faut rêver,
10:17sans ça. Donc ils doivent rêver et puis réaliser leur rêve. Il faut les amener dans cette rue,
10:24donc il faut amener ça. Maintenant pour répondre à la question, oui, à Bruxelles surtout, on a la
10:33chance qu'on a une diversité importante qu'il n'y avait pas au début. Mais cette diversité est dans
10:44différentes parties, ce qui est bien, mais il ne suffit pas d'être dans ces parties parce que dans
10:53ces parties, il y a aussi le système de préjugés et stéréotypes qui est assez profond, qui vous
10:59broient aussi. On vous met dans le parti parce que vous devenez comme une sorte de carotte pour
11:05amener, mais vous devez être acteur et actrice dans ce parti et ce n'est pas donné. Donc ça
11:13demande un temps, ça demande un temps, il faut continuer, ça demande un temps, mais il faut,
11:18je pense qu'il y a un moyen de faire beaucoup. C'était des témoignages très puissants,
11:28francs, courageux et beaucoup de respect dans ces personnes-là, dans ces témoignages-là. Beaucoup
11:44d'informations sont sorties dans ces témoignages-là. Je les remercie beaucoup pour leur sincérité dans
11:52leurs propos et je pense qu'il y a beaucoup de souffrance chez les jeunes et pourtant il y a
12:03beaucoup, beaucoup de talent parmi ces jeunes. Je trouve ça très important qu'on continue de
12:09parler de la délinquance qui est toujours un fait dans notre vie tous les jours, juste qu'on
12:17n'est pas confronté à ça directement. Donc c'est important de mettre ça à la lumière pour pouvoir
12:23travailler là-dessus. Moi je suis plus axée culturelle, donc je travaille surtout sur le
12:32bien-être d'une personne, pouvoir s'épanouir et je trouve que ça commence vraiment par soi-même.
12:38Si on a un moyen de s'exprimer, que ce soit par la musique, par la peinture ou quoi que ce soit,
12:44dans l'art, si on a un moyen de s'exprimer, ça aide à pouvoir avancer et aussi si on le partage,
12:50c'est une représentation pour d'autres personnes. L'importance pour moi, c'est qu'on fasse un
12:55travail efficace pour notre communauté, notamment pour cette jeunesse, mais pas que pour la jeunesse.
12:59On a malheureusement travaillé depuis des années, puisque vous voyez ce clip qui date de dix ans,
13:05sur une thématique qui me touchait. Ces bandes urbaines, malheureusement ou heureusement,
13:11je connais un tout petit peu. J'ai moi-même eu un parcours assez atypique, on va dire. Il vaut
13:21mieux prévenir que guérir. Donc on essaie encore de faire de la prévention, on essaie encore de
13:25tirer la scène d'alarme et dédier aux gens, aux familles, comme aux jeunes, faire attention.
13:31Éduquer ses enfants, c'est quelque chose de très difficile dans un pays adoptif où justement la
13:38discrimination ne facilite pas les choses, la pauvreté encore moins, et le fait que les parents,
13:45souvent des mamans tout seuls ou des papas tout seuls, éduquent leurs enfants seuls,
13:49ça complique encore les choses. Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas s'en sortir, mais c'est
13:54plus difficile. Je voulais d'abord remercier le public, les intervenants. C'était un événement
14:02franchement très riche en émotions, mais surtout avec des propositions constructives et un message
14:08d'espoir. Aujourd'hui, on sait qu'on n'est plus seul face à notre destin. Il faut encourager la
14:14jeunesse justement à croire en eux et à trouver des pistes de solutions justement avec des
14:18partenariats, avec des milieux associatifs, mais aussi avec des institutions et je voudrais
14:23remercier Action Vivre Ensemble et la vie associative de la commune de Anderlecht. C'était
14:30un événement qu'on va remettre sur les rails et avec votre soutien, on pourra être plus utile
14:40justement à aider les gens qui ont le plus besoin dans nos communautés. Merci.