• hier
Transcription
00:00Quel pouvoir a le cinéma ? Vous avez 4 heures !
00:05Le cinéma, pour moi, a un pouvoir immense, au sens où il façonne les imaginaires depuis qu'il existe,
00:14parce qu'il reste encore très populaire.
00:16Et même si, aujourd'hui, les salles de cinéma ne sont peut-être pas aussi fréquentées qu'avant,
00:20ça continue d'avoir un pouvoir culturel et d'influence culturelle qui est immense,
00:23par le fait que ce soit diffusé sur les plateformes,
00:25qu'il y ait de nombreux extraits qui soient diffusés sur les réseaux sociaux,
00:28que ça continue aussi de faire vivre le débat public.
00:30Donc ça a un pouvoir d'influence immense, parce que ça permet aussi d'atteindre les gens avec les émotions,
00:37et donc d'aller leur parler de grands sujets plus politiques pour certains et d'autres un peu moins,
00:43mais il y a toujours quand même une dimension sociétale au cinéma,
00:46puisque précisément ça parle de notre société, ça parle de notre monde.
00:50Donc je pense que ça permet d'avoir, notamment via les processus d'identification au personnage,
00:55de susciter l'empathie et de promouvoir une certaine vision du monde,
00:59qui a longtemps été celle d'un certain type de personnes en fait,
01:03qui étaient pendant très longtemps des hommes blancs d'un certain âge, plutôt bourgeois.
01:08Et je pense que c'est quand même un peu en train de changer aujourd'hui,
01:11mais donc ça a ce pouvoir de nous transmettre une certaine vision du monde,
01:17une certaine perception du monde.
01:19Et donc quand on change cette perception justement,
01:22je pense que ça peut permettre de participer à faire changer les choses.
01:25Et on a plein, je pense, d'exemples de films qui ont pu faire changer les mentalités,
01:29qui ont pu participer à faire évoluer notre perception collective de tel ou tel sujet.
01:33Et puis je pense qu'il y a une deuxième utilité aussi au cinéma,
01:36qui est celle de susciter des débats.
01:38Parce qu'il y a beaucoup de films qui font débat,
01:40et ça permet d'avoir des débats aussi dans la sphère publique de manière générale.
01:44Je pense par exemple au film Les Misérables de Lajli,
01:47qui par exemple a permis de vraiment se poser la question des violences policières.
01:51Sachant que c'était quelque chose qui était très compliqué,
01:54puisqu'Emmanuel Macron avait même dit ne parlez pas de violences policières,
01:57cette idée que ça n'existait pas,
01:59alors que le film justement traite quand même de cette problématique,
02:01qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, ça pose la question.
02:03Qu'est-ce qu'on fait en fait avec cette réalité ?
02:06Et d'ailleurs Emmanuel Macron lui-même avait dit que le film l'avait interpellé.
02:10Alors je ne dis pas du tout que ça a résolu le problème,
02:12mais ça a permis d'ouvrir le débat.
02:13Et donc je pense que le cinéma a un rôle dans de nombreux cas qui est très politique.
02:17Ici c'est notre vie.
02:20Toi tu débarques, nous ça fait dix ans qu'on est là.
02:23On est les seuls à se faire respecter.
02:25Eh les gars, les gars, soleil, soleil !
02:26De qui ils respectent, je ne parle pas.
02:27Les gens d'ici ils ont peur de vous, c'est tout.
02:31Tu connais ça ?
02:32Quand on t'a volé un lion ?
02:33Ouais.
02:34Il y a la pression sur les petits, il faut qu'on retrouve le lion.
02:38Arrête-toi là !
02:44Vous n'éviterez pas la colère et les cris.
02:47Putain !
02:48La galère c'est qu'il y a un drôle qui nous a filmé.
02:50Qu'est-ce que tu me parles de gérer un drôle ?
02:51Là il y a un gamin inconscient là.
02:54C'est ce qu'on peut faire tomber la batte avec cette vidéo si on veut.
02:59Je pense que j'ai été inspirée par des films,
03:01qu'il y a des films qui m'ont bouleversée.
03:02Moi le premier qui m'a marquée et dont je me souviens vraiment aujourd'hui,
03:06c'est le film Persepolis de Marjane Satrapi
03:08qui a vraiment posé la pierre de mon engagement qui viendra plus tard
03:13et qui a été vraiment le début de mon amour pour le cinéma
03:18et le fait de l'avoir vu en salle à l'époque
03:21a complètement changé le rapport au monde que je pouvais avoir.
03:24C'est-à-dire que de me rendre compte, enfant,
03:26qu'il existait dans le monde d'autres petites filles comme moi
03:30qui n'avaient pas les mêmes droits
03:31et qui étaient soumises à une violence patriarcale
03:34beaucoup plus extrême que celle que moi je pouvais subir
03:37et dont je n'avais aucune conscience à l'époque,
03:38ça a vraiment réveillé une indignation, une forme de révolte,
03:42une curiosité, une volonté de comprendre comment ça c'était possible
03:45parce que ce que j'ai compris dans ce film, c'est que ça existait vraiment,
03:48que ce n'était pas un conte, que ça avait vraiment existé
03:51et ça m'a profondément marquée au point que,
03:53juste après avoir visionné ce film,
03:56j'ai voulu lire des livres sur le sujet,
03:58voir d'autres films sur le sujet,
03:59j'ai posé beaucoup de questions à mes parents sur ce qui se passait
04:02notamment en Iran et plus tard dans d'autres pays du monde
04:05et ça a été vraiment le début de quelque chose.
04:07C'est pour dire le pouvoir que ça peut avoir le cinéma.
04:12Hé, c'est combien pour ça ?
04:13Cent auments
04:14Cinquante
04:15Soixante
04:16Cinquante
04:17Soixante
04:18Cinquante
04:22Hé toi, c'est quoi cette tenue ?
04:24C'est quoi ? C'est chaussure de punk
04:25Quelle chaussure de punk ?
04:26Ça là
04:27Mais c'est des baskets, cette forme, c'est punk
04:30C'est parce que je fais du basket au club de mon école
04:32Et cette veste, c'est pour faire du basket aussi
04:34Ça, qu'est-ce que c'est ? Michael Jackson ?
04:36Ce symbole de la décadence occidentale
04:38Mais pas du tout, madame
04:40C'est, c'est, c'est mal comique ça
04:42Tu te fous de moi, c'est Michael Jackson
04:44Laisse ton foulard, petite pute
04:45Allez, ça suffit, tu viens avec nous au comité
04:47J'ai vraiment adoré Vain Dieu, c'est-à-dire au point de le recommander
04:49sur tous mes réseaux sociaux dès que je l'ai vu
04:51et à me dire, il faut absolument voir ce film
04:54C'est tellement rare en fait, de voir cette jeunesse rurale
04:58qui n'est pas regardée avec condescendance
05:00qui n'est pas regardée avec idéalisation non plus
05:02parce qu'on voit quand même toutes les problématiques que ça peut poser
05:04sur cette jeunesse qui n'est pas non plus trop mise en scène
05:07C'est pas vraiment les bourgeois qui vont faire semblant d'être de classe populaire
05:11Non, les acteurs sont vraiment aussi issus de cette région
05:14Les accents ne sont pas fins
05:16Et on sent aussi tout simplement que la réalisatrice, Louise Courvoisier
05:19est originaire de là-bas
05:21Et c'est vraiment un film qui touche tout simplement
05:25et qui permet de voir d'autres jeunesses
05:27parce qu'au cinéma, on a longtemps quand même eu des stéréotypes de jeunes
05:30qui sont souvent d'ailleurs mis en scène par des personnes
05:32qui sont plus jeunes depuis longtemps
05:34et qui ne correspondent pas à la diversité des jeunesses
05:37Alors cette jeunesse-là de Vindieu
05:39c'est une des jeunesses françaises
05:41qui est tellement invisibilisée
05:43et souvent incomprise du caricaturé
05:45et qui là, dans ce film, est montrée je trouve avec énormément de justesse
05:48Et pour être issue moi-même quand même de milieu rural
05:50pour avoir grandi en Ardèche
05:52c'est pas du tout la même culture, c'est pas la même chose
05:54mais j'ai retrouvé quand même certaines similitudes
05:57certains points communs avec ce que j'avais pu voir quand j'étais plus jeune
06:00notamment les fêtes de village
06:01qui sont vraiment montrées avec beaucoup de tendresse
06:03dans la manière dont elle a réalisé ce film
06:05et puis ça fait plaisir d'avoir une jeune femme
06:07qui vient d'avoir 30 ans
06:09qui réalise un film qui est en train d'être un très grand succès
06:12et j'en suis très heureuse pour elle
06:13qui a un regard très différent
06:15et qui, voilà, son profil n'est pas majoritaire
06:17aujourd'hui je pense dans la production de films
06:19donc ça donne très envie de l'encourager
06:21vraiment, j'en ai parlé partout
06:23j'ai essayé d'en faire presque la promotion
06:25tellement j'ai adoré ce film
06:29Quoi ?
06:31Qu'est-ce que tu fous ? C'est Ghost Trip de Obélix, là
06:33Je viens du front d'ange
06:35Si je me fais le pote d'ange, je peux me faire 30 000 balles, mon gars
06:37Tu vas jamais la gagner, la médaille Toton
06:39Pourquoi ?
06:46Adieu
06:50Pourquoi tu veux te lancer là-dedans, toi ?
06:52C'était le métier de mon père, il a claqué, alors...
06:54Et puis je saurais pourquoi faire d'autre
06:58Pardon, Toton
06:59Faites-le !
07:00Moi j'ai envie de citer un autre film que j'ai vu hier
07:02là au festival qui est Diamant Brut
07:04et qui parle aussi
07:06de cette jeunesse
07:08de... alors là c'est une jeunesse qui est très pauvre aussi
07:10qui n'a rien à voir, qui est dans le sud de la France
07:12qui n'a rien à voir avec celle de Vindieu
07:14et qui vit, voilà, dans le sud de
07:16Afréjus et qui permet de
07:18comprendre pourquoi autant de jeunes
07:20aspirent à être des candidats de télé-réalité
07:22pourquoi ça a autant de succès
07:24et c'est un film qu'on devrait
07:26vraiment voir pour arrêter de mépriser
07:28en fait les jeunes
07:30qui ont ce type d'aspiration et qui ont
07:32ce type d'idole, parce qu'on comprend
07:34la violence sociale, là encore
07:36sans misérabilisme
07:38avec une héroïne, pour moi c'est
07:40vraiment dans le female gaze, elle est vraiment
07:42filmée dans sa puissance aussi
07:44et dans sa vulnérabilité
07:46immense et surtout la violence
07:48infinie qu'elle subit, qui est une
07:50violence de classe, qui est une
07:52violence patriarcale
07:54Je trouve que c'est un film qui permet de comprendre
07:56comment on en arrive à ce que ça
07:58devienne une telle aspiration et on comprend
08:00en fait que pour elle, la télé-réalité
08:02c'est devenu une question de vie ou de mort
08:04et on ne voit jamais ça comme ça
08:06au cinéma
08:26Ça me réjouit parce que
08:32ça montre que le cinéma avance dans sa capacité
08:34à représenter aussi
08:36des jeunesses diverses avec plus de
08:38justesse et sans être dans une posture
08:40paternaliste qui voudrait
08:42forcément soit la juger
08:44et la caricaturer de manière négative
08:46soit complètement la rendre
08:48misérabiliste et provoquer
08:50une simple espèce de pitié, là c'est
08:52pas ça qui se passe dans aucun des films que je viens
08:54de citer. En tant que journaliste qui travaille sur les questions de jeunesse
08:56depuis plusieurs années, ça me réjouit grandement

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