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La multiplication de vidéos haineuses de la part d’influenceurs algériens ou franco-algériens suscite de nombreuses questions. Les regards se tournent notamment vers Alger, soupçonnée d’avoir lancé une initiative coordonnée pour véhiculer des messages discréditant le gouvernement français.

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Transcription
00:00Je suis fier d'être algérien.
00:02On est les soldats de l'extérieur.
00:04On est les soldats dormants.
00:06J'espère qu'ils vont te tuer, qu'ils vont t'attraper, qu'ils vont te...
00:08Des influenceurs algériens qui menacent
00:10des opposants politiques, des querelles
00:12d'influence, des accusations d'apologie
00:14du terrorisme, et si
00:16une histoire de tiktoker
00:18révélait en fait l'état des relations
00:20entre deux pays aussi amis
00:22qu'ennemis. Vendredi 3 au matin,
00:24Youssef A, dit Zazou Youssef
00:26sur les réseaux, est interpellé pour
00:28ses menaces sur internet.
00:30Il m'a tué.
00:32Je l'ai tué.
00:34Je l'ai tué.
00:36Je l'ai tué.
00:38Le lendemain,
00:40il est placé en détention provisoire pour
00:42apologie publique d'un acte de terrorisme.
00:44Quelques heures plus tard,
00:46celui qui se fait appeler Imad Tintin, 31 ans,
00:54est interpellé avant d'être présenté à un juge
00:56pour provocation directe à un acte de terrorisme.
00:58Enfin, dimanche soir,
01:00un dénommé Doualemne est arrêté
01:02à Montpellier après avoir publié une vidéo
01:04sur TikTok appelant à tuer et à
01:06faire souffrir un Algérien pro-démocratie.
01:08Derrière leurs arrestations
01:10se trouve un seul homme, Shaouky Benzéra.
01:12A 33 ans, c'est un activiste
01:14politique algérien, réfugié en France,
01:16un opposant au régime actuel.
01:18Je suis arrivé en France en
01:202012 pour faire mes études.
01:22Puis j'étais resté en étant
01:24salarié. J'avais commencé mon
01:26activisme politique au début des années
01:282010. A l'époque, c'était dans la vague
01:30des printemps arabes.
01:32J'avais milité dans un parti d'opposition.
01:34Donc je pouvais rentrer en Algérie
01:36jusqu'à ce qu'il y a eu la vague
01:38du Irak, donc le mouvement
01:40qui a fait chuter Abdelaziz
01:42Bouteflika. Sur les réseaux
01:44sociaux, il a pris l'habitude de parler
01:46de la politique d'Abdelmajid Tebboune,
01:48le président algérien. Lui,
01:50globalement, toute personne qui critique
01:52le régime semble être soutenue
01:54par le militant. Du camp macroniste
01:56à l'extrême droite, on l'a aperçu
01:58défendant l'eurodéputé d'extrême droite
02:00Sarah Knafo, visée par une plainte du
02:02régime algérien, ou encore
02:04Marion Maréchal-Le Pen. Le régime d'Alger
02:06se comporte comme un état voyou. C'est aussi
02:08un fervent défenseur de Boilem Sandsal,
02:10auteur algérien, pro-démocratie,
02:12proche de la droite macroniste.
02:14Il est actuellement détenu en Algérie,
02:16ce que dénonce le président de la République.
02:18La cible de Shaouky Benzéra
02:20ces dernières semaines, c'était les
02:22influenceurs algériens menaçants et qui se
02:24trouvent en France. Sur X, il publie
02:26alors des extraits de leurs vidéos en les traduisant
02:28nom, pseudo et localisation
02:30compris. Le 31 décembre, c'est ce
02:32tweet visant Sazou Youssef
02:34qui va le faire connaître de tous.
02:36On voyait des
02:38influenceurs, on voyait
02:40des agents
02:42d'influence du régime algérien,
02:44concrètement. Rapidement, d'autres
02:46influenceurs le menacent pour tenter de le faire
02:48Ils sont tous algériens, mais
02:50beaucoup se trouvent aussi sur le sol français.
03:08Pour comprendre ce que tentent de faire ces
03:10influenceurs avec leurs menaces,
03:12il faut faire un saut de l'autre côté
03:14de la Méditerranée.
03:16Nous sommes en 2019,
03:18l'Algérie est dirigée par
03:20le président Bouteflika depuis
03:2220 ans. Le régime a instauré un culte
03:24de la personnalité pour cacher sa mauvaise
03:26santé, et alors que de nouvelles élections
03:28présidentielles se préparent, il n'a pas
03:30prévu de lâcher le pouvoir. Par milliers
03:32dans la rue, la population va organiser
03:34des manifestations chaque semaine.
03:40On est contre le cinquième mandat du
03:42Bouteflika. À un moment donné, il doit céder sa place.
03:44C'est obligatoire.
03:46Après plusieurs mois, le président finit par démissionner
03:48et une période de transition s'installe.
03:58En décembre 2019, un nouveau
04:00président est élu, Abdelmajid Tebboune,
04:02ancien premier ministre de Bouteflika.
04:04Le régime a subi un coup,
04:06mais rien n'a vraiment changé. Six ans
04:08après, le feu de la révolte couvre encore.
04:10Ce mouvement qui dure depuis 2019,
04:12c'est le Hirak.
04:26Et face à ces militants du Hirak
04:28qui souhaitent la chute du régime,
04:30s'est créé un réseau pro-régime
04:32pour Shaouky Benzéra, les influenceurs
04:34présents en France en feraient partie.
04:42Il y a ce surnom,
04:44il est très connu, il avait plus de
04:46136 000 abonnés et
04:48il faisait partie d'un groupe dit
04:50nationaliste. Il s'attaquait aux opposants,
04:52il nous insultait. C'est quelque chose
04:54qui s'est construit au fil des
04:56années aussi. À la suite de son
04:58interpellation, ce Tonton Boalem
05:00s'est vu retirer son titre de séjour en France
05:02et attend dans un centre de rétention
05:04avant son expulsion. On a des gens
05:06qui partagent les mêmes éléments
05:08de langage. Ce qu'ils disent, c'est que
05:10l'Algérie est visée. On y visait
05:12en France, bien sûr, la France
05:14officielle, les médias français.
05:16De toute façon, là, c'est une question de logique.
05:18On n'entend parler que d'Algériens.
05:20Il y a quelque chose.
05:22Selon nos informations, aucun ordre
05:24demandant aux influenceurs d'agir
05:26contre la France ne viendrait directement
05:28d'Alger. Les services français estiment
05:30par contre que ce réseau d'influenceurs
05:32est probablement coordonné
05:34et organisé par des personnalités proches
05:36du régime algérien. C'est aussi
05:38l'avis de Vincent Gesser, chercheur
05:40au CNRS, qui ne rejette pas l'hypothèse
05:42d'un régime algérien qui tire
05:44quelques ficelles. Je pense qu'il faut effectivement
05:46un peu déconstruire qu'il y aurait comme ça
05:48un État algérien avec une cellule secrète.
05:50Mais il y a des réseaux qui ont toujours existé
05:52dans la relation franco-algérienne
05:54depuis très très longtemps. Et on peut penser
05:56c'est une hypothèse, bien sûr,
05:58que l'un de ces réseaux d'influence
06:00a tenté d'activer
06:02un certain nombre d'individus
06:04via les réseaux sociaux pour
06:06participer à une critique
06:08de l'image de la France. Je crois qu'il faut là
06:10avoir beaucoup de prudence
06:12parce qu'on a d'abord très peu de preuves.
06:14Si l'on suit la version du chercheur,
06:16il nous resterait donc une question
06:18à nous poser. Pourquoi s'attaquer
06:20à la France ?
06:22En 2022, Emmanuel Macron
06:24est en visite officielle à Alger.
06:26Il veut resserrer les liens avec le pays.
06:28Mais un élément va finir par
06:30brouiller cette belle amitié, juste ici.
06:32Ce territoire grand comme
06:34trois fois le Portugal, le Maroc
06:36veut mettre la main dessus, l'Algérie
06:38soutient les indépendantistes qui s'y trouvent.
06:40Problème, en octobre 2024,
06:42malgré son amitié avec l'Algérie,
06:44la France va prendre partie
06:46en reconnaissant la souveraineté du Maroc
06:48sur le territoire. Les relations
06:50diplomatiques entre Paris et Alger,
06:52déjà compliquées, deviennent glaciales.
06:54Le pouvoir algérien s'est senti
06:56froissé, s'est senti blessé,
06:58s'est senti trahi, quelque part, par la France
07:00sur cette question, je dirais,
07:02du Sahara occidental, mais d'une manière
07:04plus générale sur la question
07:06de la relation algéro-marocaine.
07:08On est aussi dans les effets
07:10d'onde de la gestion post-Irak,
07:12c'est-à-dire une volonté du pouvoir algérien
07:14de reprendre ses marques en France,
07:16notamment vis-à-vis de nombreux
07:18binationaux qui avaient très fortement
07:20soutenu les mouvements
07:22protestataires contre le régime de Bouteflika
07:24ou contre le régime algérien de manière générale.
07:26Le 5 janvier,
07:28au moment de l'arrestation du troisième influenceur,
07:30la situation a l'air de s'enliser.
07:32Le ministre des Affaires étrangères,
07:34Jean-Noël Barraud, affirme avoir des doutes
07:36sur les intentions de l'Algérie
07:38à travailler avec la France.
07:40Nous souhaitons entretenir les meilleures relations
07:42avec l'Algérie. C'est l'intérêt de l'Algérie et c'est l'intérêt
07:44de la France et des Français.
07:46Nous avons, en 2022, rédigé
07:48une feuille de route.
07:50Nous observons des postures,
07:52des décisions de la part des autorités
07:54algériennes qui nous permettent de douter
07:56de l'intention des
07:58Algériens à se tenir
08:00à cette feuille de route.
08:01C'est la première fois qu'on utilise des relais
08:03individuels et des réseaux sociaux
08:05pour menacer explicitement
08:07des opposants au régime d'Alger.
08:09Je dirais que d'habitude,
08:11ça a relevé d'une affaire de professionnel
08:13de la sécurité algérienne.
08:15D'habitude, parce que se mêler
08:17des affaires politiques de l'autre,
08:19c'est presque une tradition.
08:21Pendant très longtemps, je dirais, la France
08:23a aussi favorisé une ingérence des services
08:25sécuritaires algériens sur le territoire français
08:28pour maîtriser, notamment,
08:30la communauté franco-algérienne.
08:32On voit bien que l'histoire
08:34de l'Algérie et de la France,
08:36c'est aussi une histoire d'ingérence.
08:38Je dirais que l'ingérence est constitutive
08:40de la relation
08:42algéro-française et franco-algérienne
08:44parce que ce sont des territoires,
08:46des sociétés qui ont tellement été liés
08:48que de toute façon, quels que soient
08:50les régimes, les pouvoirs, les gouvernements,
08:52les présidents de la République, l'ingérence
08:54est un élément de cette dynamique franco-algérienne.
08:57À mon avis, ce côté radical,
08:59violent TikTok est clairement
09:01inspiré de l'expérience russe.
09:03Mais avec des moyens, ou du moins,
09:05une maîtrise des réseaux sociaux
09:07qui n'est pas celle de la Russie,
09:09qui n'est pas celle des clans pro-Proutine.
09:11C'est une mauvaise copie.
09:12Et comme pour l'ingérence russe,
09:14la méthode algérienne semble s'exporter.
09:16Depuis janvier, le Mali a dénoncé
09:18une nouvelle fois des actes d'ingérence
09:20de l'Algérie sur son territoire.
09:22Le régime aurait soutenu des groupes terroristes.
09:24Une semaine après,
09:26Alger n'a toujours pas répondu.

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