"Je pensais que j'allais mourir en prison."
Ancien braqueur, Khaled Miloudi a été condamné à 30 ans de réclusion. Derrière les barreaux, c'est l'écriture qui l'a aidé à survivre. Du grand banditisme à sa sortie de prison, il raconte.
Ancien braqueur, Khaled Miloudi a été condamné à 30 ans de réclusion. Derrière les barreaux, c'est l'écriture qui l'a aidé à survivre. Du grand banditisme à sa sortie de prison, il raconte.
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00:00Suite à une bagarre, j'ai été condamné à l'an de prison ferme.
00:04Donc j'ai fait appel et ma condamnation a été aggravée à 18 mois.
00:09J'étais rempli de pétrite, de carence affective, j'étais désociabilisé.
00:14Et dans la cour de promenade, j'ai rencontré des anciens qui m'ont pris sous leur aile.
00:19Et à partir de là, j'ai mis les pieds dans le grand banditisme.
00:22J'étais sportif, j'étais boxeur.
00:26Donc je donnais aussi des cours de boxe aux anciens.
00:28Et à partir de là, ils m'ont pris. J'ai senti une forme de reconnaissance de leur part.
00:33Et je crois qu'à ce stage-là, c'est ce que je recherchais aussi.
00:35Quand je sors de prison, je vais dans un bar où on m'avait laissé une adresse.
00:43Je les ai retrouvés quelques mois après.
00:47Et puis les premiers braquages ont commencé.
00:50Ma témérité les a surpris, mon courage.
00:52Parce que quelque part, bien au fond de moi,
00:56je savais, je sentais que j'avais déjà des prédispositions pour l'art de la guerre
01:01par rapport à mon père qui était militaire de carrière.
01:04J'avais déjà touché des armes dans mon enfance.
01:07Les braquages duraient quelques minutes.
01:08J'étais bien habillé, j'avais des belles voitures, j'avais de l'argent.
01:12Et donc partout où j'allais, c'était tapis rouge.
01:14Plus personne ne me disait « Monsieur, c'est soirée privée, vous ne pouvez pas rentrer, vous êtes mal habillé ».
01:18Moi qui en manquais, je pouvais acheter ce que je voulais et je pouvais aussi redistribuer autour de moi.
01:22J'avais conscience que j'étais enfermé dans une espèce de spirale.
01:26Et il n'y avait pas d'issue de secours.
01:29Je braquais, je dépensais, je braquais, je dépensais.
01:32Et je savais qu'un jour ou l'autre, tout ça allait s'arrêter.
01:35Je pensais me faire tuer aussi puisque j'avais une vie dangereuse.
01:38Et quand on prend les armes, on peut blesser quelqu'un, le tuer, mais on peut aussi se faire tuer.
01:42Je me suis fait arrêter après le braquage d'une joaillerie à Rouen.
01:45Et après une fusillade avec un échange de coups de feu avec la police.
01:48Je n'ai pas accepté ma peine.
01:50Et je ne pensais pas que j'allais sortir de prison, très sincèrement.
01:53Je pensais que j'allais mourir en prison.
01:55Mettre des mots dessus, c'est toujours difficile, mais...
02:00Le suicide, pour moi, c'était comme une forme de libération.
02:03Je savais un peu les épreuves que je devais surmonter.
02:08Et puis je me suis senti lâche.
02:10Comme c'est un sentiment qui ne me correspond pas.
02:16Je n'ai pas tout fait bien dans ma vie, loin de là, mais...
02:20Lâche jamais, j'ai été lâche.
02:22Que ce soit pour assumer devant une cour d'assises, dans mes propres victimes.
02:27J'ai toujours assumé mes responsabilités.
02:29Et là, je me suis jeté sur le bloc-notes.
02:33Et j'ai commencé à écrire.
02:34Écrire, c'était...
02:36Voilà, c'est ce qui m'a sauvé.
02:39Je ne me suis pas suicidé parce que justement, j'ai pu extraire
02:42ce que je devais tout de suite extraire.
02:44Tous ces bleus sous la peau.
02:46Toutes ces affres, toutes ces...
02:50Toutes ces absences.
02:51J'ai cherché le sens de ma peine.
02:52Donc pour moi, je pensais que c'était...
02:54C'était comme une perpétuité déguisée pour moi.
02:57Quand on a une longue peine, pour sortir, il faut avoir un CDI.
03:01Il faut avoir un travail, un emploi.
03:05J'ai eu la chance de trouver un employeur qui m'a fait confiance.
03:09Et pendant un an, vous sortez le matin et vous rentrez le soir.
03:12Quand j'étais en train de préparer mon pactage,
03:13il y a un surveillant, c'est un ancien,
03:15qui raccompagnait toujours les détenus à la porte de la sortie.
03:18Et il m'a dit, il me dit,
03:19« Qu'est-ce que vous avez envie de faire ? »
03:20Je pose toujours la question aux détenus qui sortent.
03:23« Qu'est-ce que vous avez envie de faire, là, tout de suite,
03:24quand vous allez sortir ? »
03:26J'étais en train d'arranger mes dernières affaires.
03:28Et naturellement, spontanément,
03:30je lui dis, « Faire des rencontres, surveillant. »
03:33Et la première chose que j'avais envie de faire,
03:35c'était faire des rencontres.
03:37En dehors d'aller voir mes enfants, bien sûr, ma mère.
03:39Mais j'avais envie de faire des rencontres.
03:41J'avais envie de rencontrer des gens.
03:42Moi, qui étais toujours seul dans ma cellule,
03:44je me suis retrouvé dans le métro,
03:47avec 20, 30 personnes collées à moi.
03:49Et là, c'est pareil, je voulais m'en débarrasser,
03:51mais je ne pouvais pas.
03:52Donc, c'était les premières graves.
03:54Donc, c'était un moment aussi difficile, douloureux même.
03:58Je ne pensais pas que ça pouvait faire ça, quoi,
04:00d'avoir comme ça des gens collés à vous.
04:04Et puis après, les premiers rapports
04:06avec mes collègues de travail aussi.
04:09Des moments à la machine à café aussi,
04:11on se racontait nos petites histoires
04:13où je commençais un peu à reprendre pied dans la société,
04:17à créer du lien social aussi,
04:21et puis à me rendre utile aussi.
04:24Parce qu'en prison, on a ce sentiment d'inutilité.
04:28Toutes les personnes qui ont appris mon parcours
04:29ont été surpris.
04:31J'avais le sentiment, à ce moment-là,
04:34qu'en fin de compte, les gens étaient beaucoup plus ouverts
04:36que je pensais.
04:37La société civile,
04:39qu'il y avait beaucoup moins de gens
04:41pétris de préjugés que je le pensais,
04:44et que leur parler d'un parcours carcéral,
04:48ça n'empêchait pas de créer du lien.
04:49Au contraire, je crois que cette franchise
04:51et cette ouverture d'esprit que j'avais,
04:55les touchait.