Charles de Gaulle a connu un parcours hors-norme. Défendant, selon lui, « une certaine idée de France », celui qui a refusé la défaite de juin 1940, s'est attaché à reconstruire le pays pendant l'après-guerre avant de devenir le fondateur et le premier président de la Ve République.
À l'occasion de cette émission spéciale, Jean-Pierre Gratien est accompagné de l'historienne, Christine Clerc, du comédien et éditorialiste, Christophe Barbier et du co-auteur de la série « De Gaulle, l'éclat et le secret », Patrice Duhamel.
À l'occasion de cette émission spéciale, Jean-Pierre Gratien est accompagné de l'historienne, Christine Clerc, du comédien et éditorialiste, Christophe Barbier et du co-auteur de la série « De Gaulle, l'éclat et le secret », Patrice Duhamel.
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00:00:00Générique
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00:00:16Bienvenue à tous dans cette émission spéciale.
00:00:19Dans un instant, vous allez découvrir le 6e et dernier épisode
00:00:23de la série De Gaulle, l'éclat et le secret,
00:00:25réalisé par François Vell et coécrite par Patrice Duhamel
00:00:29et Jacques Santamaria, que nous avons eu le plaisir
00:00:32de vous proposer sur notre chaîne LCP.
00:00:35Ce dernier épisode commence à la fin de la scie particulière,
00:00:39année 1968, Pompidou n'est plus Premier ministre
00:00:43et à la tête de l'Etat, De Gaulle, fragilisé,
00:00:46va livrer son ultime combat sur la scène politique française.
00:00:50Je vous laisse découvrir la suite,
00:00:52puis Patrice Duhamel sera avec nous sur ce plateau,
00:00:55en compagnie de l'un des interprètes de cette série,
00:00:57Christophe Barbier, qui incarne Alain Pierre-Philippe,
00:01:01et de la journaliste Christine Clerc.
00:01:03Avec eux, nous reviendrons sur l'éternel Charles de Gaulle,
00:01:06celui qui marqua à tout jamais de son empreinte
00:01:09l'histoire de notre pays au siècle dernier.
00:01:12A tout à l'heure.
00:02:14Surtout aujourd'hui, le 6 juin.
00:02:16Oh, soyez gentil.
00:02:18Ne le lui rappelez pas.
00:02:24Il y a toujours ce photographe, là-bas.
00:02:30Il pleuvra avant ce soir.
00:02:33C'est toujours comme ça, les 6 juins.
00:02:38Le 6 juin 44,
00:02:41j'avais presque gagné.
00:02:44Et 25 ans plus tard,
00:02:47je marche sur la terre d'Irlande parce que j'ai perdu.
00:02:53Le 27 avril dernier, ils n'ont pas suivi.
00:02:57En 40, ils disaient qu'au bout de nos peines,
00:03:00il y aurait la gloire la plus grande du monde,
00:03:04celle des hommes qui n'avaient pas cédé.
00:03:07Et aujourd'hui,
00:03:10ils ont le tiercé.
00:03:12La télé.
00:03:14La gamelle est pleine.
00:03:17Alors, l'effort et la volonté, à quoi bon ?
00:03:22Pourtant, l'an dernier,
00:03:23j'ai pensé que c'était vraiment reparti, mon général,
00:03:26que les Français continueraient de vous suivre.
00:03:28Quand nous sommes entrés de Badène-Badène, j'en étais sûr.
00:03:31Ah, Badène-Badène.
00:03:35Brave Massus.
00:03:38Nous n'avons pas toujours été d'accord,
00:03:41mais il a toujours été fidèle.
00:03:44Les Français veulent que le général de Gaulle soit le général de Gaulle,
00:03:48ce qui veut dire qu'il n'y a qu'un seul mot d'ordre.
00:03:53Faire face.
00:04:01Faire face.
00:04:03Ça n'intéresse plus personne, ces choses-là.
00:04:06En cette matinée du 10 juillet 1968,
00:04:08a eu lieu à l'hôtel Matignon la passation de pouvoir
00:04:12entre M. Georges Pompidou et le nouveau Premier ministre,
00:04:15M. Maurice Couve de Murville,
00:04:16qui, on le rappelle, a été sans discontinuer
00:04:19ministre du général de Gaulle depuis dix ans.
00:04:22Bon. Merci. Merci, monsieur.
00:04:24C'est ce qu'on appelle le changement dans la continuité.
00:04:33Vous êtes au courant, Maurice ?
00:04:34Pompidou se répand sur vous en parlant de la profonde ambition
00:04:37de Couve de Murville.
00:04:39Je sais, René, mais il ne vous épargne pas non plus.
00:04:43Sa phrase favorite, c'est « Capitain est un poignard ».
00:04:47Il nous faut rester sur nos gardes.
00:04:48Pompidou s'est fait beaucoup d'amis parmi les députés,
00:04:50qui sont prêts à le suivre au moindre signe.
00:04:52Comme vous le savez, il ne prendra pas de vacances.
00:04:54Il est déjà en campagne.
00:04:56Et ici même, au Conseil, il a des yeux et des oreilles.
00:04:59Comme si je ne le savais pas déjà.
00:05:02Monsieur le Président de la République.
00:05:08Monsieur le Premier ministre.
00:05:11Monsieur le Président.
00:05:13Je vous en prie.
00:05:21Nous avons beaucoup à faire.
00:05:25Les chantiers sont nombreux.
00:05:28Et pour cela, nous devons commencer par ne pas douter de nous-mêmes.
00:05:34Je veux que, dans tout le pays,
00:05:38comme dans ce gouvernement,
00:05:41on sente une réelle vitalité.
00:05:45Nous allons engager les réformes annoncées,
00:05:49à commencer par celles des universités.
00:05:53Il y aura les réformes sociales,
00:05:57économiques, la participation, j'insiste,
00:06:02la participation.
00:06:04Car nous devons tirer les leçons de la crise
00:06:07qui a secoué notre pays ces derniers mois.
00:06:11Et avant cela,
00:06:13tout le monde doit savoir que nous ne tolérerons plus
00:06:17que l'ordre public soit bafoué.
00:06:21Les abus, c'est fini.
00:06:24Ce qui s'est passé va coûter très cher aux finances de la France,
00:06:29qui ont de surcroît à subir l'effet de la fuite des capitaux.
00:06:35Nous devons rétablir la confiance,
00:06:41penser les plais
00:06:43et travailler à une grande œuvre d'avenir.
00:06:53Il est l'heure de la conférence de presse.
00:06:56Les journalistes n'ont jamais été aussi nombreux.
00:07:00Ils vont nous demander, eux aussi, ce qu'est la participation.
00:07:04Je crois, mon général.
00:07:06Et aussi des nouvelles de Pompidou.
00:07:14J'ai dit ce que j'avais à dire à cette conférence de presse.
00:07:17Mais...
00:07:21Il faisait très chaud.
00:07:23Et j'étais gêné par la toux.
00:07:25J'ai surtout eu le sentiment que c'était la dernière fois.
00:07:31Vous avez mis les rieurs de votre côté
00:07:34en disant que le mois de mai avait fait croire
00:07:36que les canards sauvages étaient les enfants du bon Dieu.
00:07:39Oui.
00:07:41Mais j'aimerais vous demander, mon général,
00:07:44pourquoi vous avez présenté la régionalisation
00:07:47et la réforme du Sénat
00:07:49comme aussi nécessaires que la participation de la France ?
00:07:52On s'est aperçus que la participation
00:07:56n'était pas compatible avec la procédure du référendum.
00:08:01Notre Constitution ne le permettait pas.
00:08:05Il fallait remettre tout ça sur l'enclume.
00:08:08Dans ce cas, pas de référendum du tout.
00:08:11Vous aurez permis de terminer votre mandat.
00:08:13Mais ce que je voulais, comme je l'ai dit,
00:08:16c'est que vous me permettez de me permettre
00:08:20Mais ce que je voulais, comme je l'ai toujours fait,
00:08:24c'est que le pays me dise s'il avait encore besoin de moi.
00:08:30Je n'ai jamais eu qu'une ambition, Floyc.
00:08:33La liberté des hommes.
00:08:35La liberté qu'il faut conquérir et conserver
00:08:40en voyant le plus loin possible.
00:08:43Tant pis.
00:08:45Vous dites que vous avez eu l'impression
00:08:48que cette conférence de presse était la dernière.
00:08:52Je vous avoue, mon général, moi aussi.
00:08:55Un vieux compagnon ne pouvait en ressentir que de la douleur.
00:08:58Qu'est-ce qui vous a donné cette impression ?
00:09:02La façon très noble dont vous avez passé le flambeau à M. Pompidou.
00:09:07Quand vous l'avez invité à se mettre en réserve de la République
00:09:12et à se préparer au mandat que la nation pourrait un jour lui confier.
00:09:22Mon général,
00:09:24est-ce à cause de M. Pompidou que vous ne souhaitez pas être en France
00:09:27la semaine prochaine pour l'élection présidentielle ?
00:09:32Il sera élu. C'est tout ce qui compte.
00:09:36En tout cas, à sa place, je sais ce que je ferai à votre retour.
00:09:41J'irai vous accueillir à la descente de l'avion.
00:09:45L'idée lui viendra, peut-être.
00:09:48Mais il n'osera pas.
00:10:06Tout cela est très ennuyeux.
00:10:11Tiens, c'est entendu.
00:10:15J'espère que ce n'était pas Philippe pour te dire qu'il ne vienne pas demain ?
00:10:19Non, c'était le secrétaire général de l'Élysée.
00:10:23J'ai déjà une carte pour ton anniversaire.
00:10:26Nous ne sommes que le 1er novembre.
00:10:28D'ici le 22, il peut se passer tout ce qu'on veut.
00:10:31Et puis, 78 ans.
00:10:33Est-ce qu'on doit vraiment célébrer ça ?
00:10:36Qu'est-ce qui se passe, Charles ?
00:10:39Que t'as dit Tricot ?
00:10:41On a découvert le cadavre d'un voyou dans une décharge publique.
00:10:46Il avait écrit des lettres et posséderait des photos compromettantes concernant...
00:10:53Madame Pompidou.
00:10:55Des saletés.
00:10:57Oh mon Dieu.
00:10:59Ça ne peut pas être vrai. Il faut faire attention.
00:11:01Ça ne peut pas être vrai. Il faut faire quelque chose.
00:11:04J'ai demandé qu'on prévienne tout de suite Pompidou.
00:11:07Mais je ne me mêlerai pas de ça.
00:11:10C'est un coup monté, évidemment.
00:11:12Il n'y a rien de sérieux dans cette histoire. C'est de la boue.
00:11:15On ne peut pas laisser accuser une femme comme Mme Pompidou. Il faut rentrer à Paris.
00:11:19Nous rentrerons lundi comme prévu.
00:11:21Demain, c'est le jour où on honore les morts.
00:11:32Elle aurait 40 ans.
00:11:37Si elle avait vécu,
00:11:39elle serait toujours notre tout petit
00:11:43qui accompagne son papa
00:11:46en attendant de le retrouver.
00:12:02Du nouveau dans l'affaire Markovitch.
00:12:05Ce dossier dans lequel le nom de Mme Pompidou a été cité.
00:12:09En effet, les enquêteurs sont désormais certains
00:12:12qu'il s'agit d'une sordide machination politique
00:12:15visant à affaiblir Georges Pompidou.
00:12:17Pour autant, les adversaires de l'ancien Premier ministre,
00:12:20notamment dans la majorité, ne semblent pas vouloir désarmer
00:12:23et continuent d'alimenter les rumeurs.
00:12:26Vous savez la raison qui m'a poussé à solliciter cet entretien, mon général.
00:12:31Je tiens à vous dire trois choses capitales.
00:12:34Tout d'abord, je connais assez ma femme pour savoir
00:12:37qu'elle ne peut en aucun cas être mêlée à cette histoire abjecte.
00:12:41On désigne d'une façon qui ne m'inspire que le dégoût
00:12:45l'affaire.
00:12:47L'affaire Markovitch.
00:12:50Ensuite, si l'on cherche à me mouiller,
00:12:53ce sera en vain.
00:12:56J'aimerais pouvoir en dire autant.
00:12:59Ce sera le dernier point de certains ministres.
00:13:02Je parle de M. Kouf de Murville et de M. Capitan,
00:13:06ainsi que de proches collaborateurs de l'Élysée.
00:13:10Il n'y a eu aucune réaction d'homme d'honneur.
00:13:13Mais moi, je n'ai jamais cru une seule seconde à cette histoire.
00:13:18Et j'ai demandé quand vous préviez de s'en aller,
00:13:21j'ai demandé quand vous préviez de s'en déler.
00:13:24Justement, mon général,
00:13:27je n'ai été prévenu que 48 heures après.
00:13:30Et pas par ceux que vous aviez chargé de m'informer,
00:13:34qui sont restés silencieux, et le sont toujours.
00:13:37Personne ne fera croire que c'est involontaire.
00:13:42Ceux qui ont manqué à ce point à la dignité,
00:13:45qu'espèrent-ils les conséquences de tout cela ?
00:13:48S'ils n'attendent que de la souffrance, ils peuvent s'estimer comblés.
00:13:51Leurs calculs visent d'autres fins.
00:13:53Ils ont d'ores et déjà échoué.
00:13:57Vous savez, on n'est pas un homme d'État
00:14:02sans avoir enduré la calomnie,
00:14:05traité toutes ses bassesses par le mépris.
00:14:11Je suis un Auvergnat au cuir épais, mon général.
00:14:15Je sais à quoi m'en tenir et quoi faire.
00:14:18Mais il s'agit de ma femme.
00:14:19Et le mépris ne suffira pas.
00:14:28Encore une fois,
00:14:30laissez l'infamie recouvrir ceux qui la répandent.
00:14:37Il faut songer désormais à vous affirmer
00:14:41et à faire en sorte qu'on n'oublie pas ce que vous êtes
00:14:45et ce que vous serez.
00:14:49Mon estime et mon amitié
00:14:52vous sont pour toujours acquises,
00:14:55ainsi qu'à Madame Pompidou.
00:15:20Bien, messieurs, vous aviez tous vos feuilles de route.
00:15:24Je vous engage donc à vous y atteler dès que possible.
00:15:29Comment tu l'as trouvé ?
00:15:31Il a l'air déterminé, mais je voudrais pas qu'il se trompe.
00:15:35Tout ce qui me revient sur la régionalisation est mitigé.
00:15:39Disons que c'est un peu trop tard.
00:15:42C'est un peu trop tard.
00:15:44C'est un peu trop tard.
00:15:46C'est un peu trop tard.
00:15:47Tout ce qui me revient sur la régionalisation est mitigé,
00:15:51disons très mitigé.
00:15:54Et sur le Sénat, ça ne prend pas non plus ?
00:15:57De toute façon, maintenant, ça jouera sur son nom.
00:16:00Et je suis persuadé que c'est ce qu'il veut.
00:16:04Lui seul face au peuple.
00:16:07Ah, le voilà.
00:16:10Pardonnez-moi de vous avoir fait attendre, mesdames et messieurs les journalistes,
00:16:14mais il est guère plus facile de circuler à Rome qu'à Paris.
00:16:18Tu vas m'attendre ?
00:16:20Et je vous remercie de vous être déplacés.
00:16:23Je suis très sensible à l'intérêt que vous portez
00:16:28à mon séjour dans la ville éternelle.
00:16:30Justement, dans quel contexte s'inscrivez-vous ?
00:16:32Il ne vous a pas échappé que,
00:16:34n'ayant plus la charge de conduire le gouvernement de la France,
00:16:37je disposais d'un peu plus de temps pour voyager.
00:16:40Vous avez été reçu en audience par le Pape.
00:16:43C'est un très grand honneur que le Saint-Père a fait à ma femme et à moi-même.
00:16:47Est-ce que ce voyage vous permet d'oublier ce qu'on appelle maintenant en France
00:16:51l'affaire Markovitch ?
00:16:53L'abjection ne peut s'oublier comme je n'oublierai pas
00:16:56ceux qui l'ont conçue et répandue.
00:16:59Et la France ?
00:17:01Seriez-vous à l'occasion candidat à la présidence de la République ?
00:17:05Pour l'heure, cette question ne se pose pas.
00:17:08Mais, si le général de Gaulle se retirait,
00:17:13il va de soi que je serai le président de la République.
00:17:16C'est ce que j'espère.
00:17:17Si le général de Gaulle se retirait,
00:17:21il va de soi que je serai candidat.
00:17:26Alors, Floyc, vous avez eu ça ?
00:17:29Vous avez reçu M. Pompidou, mon général.
00:17:32Les Français penseront que cette déclaration a été faite avec votre accord.
00:17:36Alors, nous allons mettre les choses au point.
00:17:39Je veux qu'on publie un communiqué rappelant que j'ai été réélu en 65
00:17:44président de la République pour 7 ans.
00:17:47Il faut de remplir ce mandat jusqu'à son terme.
00:17:50Je le transmets immédiatement, mon général.
00:17:52Merci, Floyc.
00:17:55Oui, je sais.
00:17:57Yvonne, j'ai toujours dit 80 ans.
00:18:00Que voulez-vous ? C'est de la politique.
00:18:04Je tiendrai parole.
00:18:17...
00:18:48Monsieur le Président.
00:18:50Je vous en prie.
00:18:52Merci.
00:18:54Vous souhaitez me voir, mon général ?
00:18:56S'il vous plaît.
00:19:01Nous avions le même âge avec Eisenhower.
00:19:05Et presque un même destin.
00:19:08Un grand soldat devenu président de son pays.
00:19:11Oui. Et nous partons à ses funérailles.
00:19:15Vous avez une excellente relation avec le président Nixon.
00:19:19J'ai reconnu en lui un homme d'État.
00:19:22Et un patriote.
00:19:25Eisenhower...
00:19:27C'était autre chose.
00:19:30Bon, ça n'a pas été facile au début.
00:19:34Mais...
00:19:36Il y a eu la libération.
00:19:38Général Eisenhower.
00:19:40Au nom de notre bonne amitié,
00:19:42je vous demande de faire entrer des troupes dans Paris.
00:19:45Et de désigner la 2e division blindée du général Leclerc pour en prendre la tête.
00:19:51Je suis le premier des Américains à croire
00:19:54que sans la résistance française,
00:19:57pas beaucoup de landings auraient failli.
00:20:01La France compétente
00:20:03entrera la première dans Paris.
00:20:07Elle est chez elle.
00:20:11Merci, général.
00:20:17Finalement, mon général,
00:20:20vous n'êtes pas aussi anti-américain qu'on a pu le dire.
00:20:23Moi, je défends la France.
00:20:26Alors, bien sûr,
00:20:28nous sommes tantôt amis, tantôt adversaires.
00:20:31C'est une situation que l'on retrouve souvent dans la vie.
00:20:35On croit que rien ne pourra détruire certains liens.
00:20:39Et puis, ça arrive.
00:20:41Voilà.
00:20:43Faites-vous allusion à Pompidou ?
00:20:48Pompidou a voulu faire croire que ce qu'il avait dit à Rome lui avait échappé.
00:20:52Que ce n'était pas sérieux.
00:20:54Et voilà que 15 jours après, il remet ça à Genève.
00:20:57Qu'il ne se fatigue plus, j'ai compris.
00:21:01Mais ne pensez-vous pas qu'il cherche surtout à faire oublier l'affaire Markovitch ?
00:21:06Je sais qu'il m'a souvent reproché de ne pas être intervenu,
00:21:10de ne pas l'avoir soutenu.
00:21:12Vous voyez De Gaulle ramasser les poubelles ?
00:21:15C'est une histoire montée de toutes pièces.
00:21:19N'empêche,
00:21:21il aurait dû mieux choisir ses fréquences.
00:21:23Le référendum, il le soutient ?
00:21:26Il le soutient, mais il n'en veut pas.
00:21:28Giscard est plus franc.
00:21:30On sait qu'il ne me soutiendra pas.
00:21:32Giscard et Pompidou ont la même préoccupation.
00:21:36Je suis de trop.
00:21:38Non.
00:21:39On ne peut empêcher les ambitions personnelles.
00:21:42Mais les Français savent ce qu'ils vous doivent.
00:21:44Je ne peux pas faire leur bonheur contre leur gré.
00:21:47Je ne peux pas.
00:21:48Mais les Français savent ce qu'ils vous doivent.
00:21:50Je ne peux pas faire leur bonheur contre leur gré.
00:21:53Il n'y a plus de volonté.
00:21:55J'ai l'impression de perdre mon temps.
00:21:57Le référendum vous prouvera le contraire.
00:22:00Fray et Giscard m'ont démontré qu'on n'était pas en mesure de le gagner, ce référendum.
00:22:05Il pourrait être annoncé, bien sûr.
00:22:08D'ici là, on me dit que ce serait le mieux.
00:22:12Personne ne reconnaîtrait le général De Gaulle dans une décision comme celle-là.
00:22:15Oui, ça donnerait l'impression de battre en retraite.
00:22:18Mais ce ne serait pas dans le déshonneur.
00:22:21Le problème, comme vous dites, c'est que ce ne serait pas De Gaulle.
00:22:25Je n'ai pas reculé en 40, je ne vais pas le faire maintenant.
00:22:29Et pour la bonne raison que si on ne le fait pas, ce référendum, de vrai,
00:22:33on ne fera plus rien et la France s'effacera.
00:22:46En réponse à la seule question posée,
00:22:49qui est d'approuver par une seule réponse l'ensemble du projet de loi,
00:22:54en ce qui me concerne, avec regret, mais avec certitude,
00:23:00je ne l'approuverai pas.
00:23:03Comme il fallait s'y attendre, la déclaration de Valéry Giscard d'Estaing n'a pas manqué son effet.
00:23:08Effectivement, le dernier sondage sur le référendum maintient le oui sous la barre des 50%.
00:23:16Nous voici arrivés au terme de ce Conseil des ministres,
00:23:22le dernier avant le référendum de dimanche prochain.
00:23:28Nous nous réunirons en principe mercredi,
00:23:34puisque nous gardons l'espoir de nous retrouver la semaine prochaine.
00:23:40S'il n'en était pas ainsi, ce serait un chapitre de l'histoire de la France qui s'achèverait.
00:23:58Je vous remercie.
00:24:02J'ai à vous parler.
00:24:10Je voulais vous voir, Malraux, avant votre meeting de ce soir.
00:24:16Il y aura du monde.
00:24:19Vous me direz ce que vous inspire votre fidélité.
00:24:25Pompidou a raison.
00:24:28J'ai l'impression qu'il n'y en a pas.
00:24:31Il n'y en a pas.
00:24:33Vous me direz ce que vous inspire votre fidélité.
00:24:38Pompidou a promis qu'il viendrait.
00:24:41Oui, il viendra, mais il ne prendra pas la parole.
00:24:46Il se contentera d'applaudir et tout le monde comprendra que, quoi qu'il advienne, c'est lui, désormais, qui est là.
00:24:56Les patrons, les bourgeois et les banquiers peuvent dormir tranquilles.
00:25:05Je leur dirai qu'il ne peut pas y avoir d'après Gaullisme contre le général de Caulle.
00:25:17À vous, je peux le dire.
00:25:20Je serai heureux et soulagé si le non l'emporte.
00:25:28J'ai fait ce que j'ai pu pour mon pays.
00:25:31Un jour, l'histoire jugera.
00:25:40Monseigneur, ne vous inquiétez pas.
00:25:45J'enregistrerai mon discours vendredi, comme prévu, et puis je m'en irai.
00:25:52Je vais prendre les dispositions nécessaires.
00:25:57Peut-être qu'avec dix ans de moins...
00:26:02Les Français ne veulent plus d'un homme de mon âge.
00:26:06Et surtout, ils ne veulent plus d'une France debout.
00:26:11Nous n'y pouvons plus rien.
00:26:22Françaises, Français, vous, à qui si souvent j'ai parlé pour la France,
00:26:30sachez que votre réponse, dimanche, va engager son destin.
00:26:37Si je suis désavoué par une majorité d'entre vous,
00:26:47et quel que puisse être le nom, l'ardeur de l'armée de ceux qui me soutiennent,
00:26:56et qui, de toute façon, détiennent l'avenir de la patrie,
00:27:00ma tâche actuelle de chef de l'État deviendra évidemment impossible,
00:27:08et je cesserai aussitôt d'exercer mes fonctions.
00:27:16Vive la République !
00:27:19Vive la France !
00:27:30Vive la République !
00:27:45Ça dira comme sortie ?
00:27:47Ce n'est pas perdu, mon général.
00:27:50Ainsi, Flouik, et tout le monde le sait.
00:27:54Nous rentrons, Yvonne.
00:28:00Au revoir, Yvonne.
00:28:30Faites baisser les drapeaux.
00:28:53Arrêtez.
00:28:56Merci pour tout, mon vieux.
00:28:58Merci.
00:29:25Au revoir.
00:29:52Bonjour, madame.
00:29:54Avez-vous fait bonne route ?
00:29:56La meilleure qui soit, Charlotte.
00:30:00Bonjour, général.
00:30:02Bonjour, Charlotte.
00:30:05Cette fois-ci, nous rentrons définitivement.
00:30:11Allongez.
00:30:25À l'heure où nous faisons ce point,
00:30:27il apparaît qu'en métropole,
00:30:29le non l'emporte avec un pourcentage
00:30:32qui se situe aux alentours de 53%.
00:30:35Ce qui laisse, vous l'aurez compris,
00:30:37peu de chance à un renversement de tendance.
00:30:39Je crois qu'on en a assez vu.
00:30:49Tout va bien.
00:30:52Ton mari vient de recevoir son congé.
00:30:56Il fallait bien que ça arrive un jour.
00:30:59Je voudrais que tu n'aies pas de chagrin.
00:31:04Dans dix ans, on se rendra compte que j'avais raison.
00:31:09Et dans cinquante ans, encore plus.
00:31:22Non, le communiqué doit être bref.
00:31:25Il n'y a rien d'autre à dire que ceci.
00:31:28Je cesse d'exercer mes fonctions
00:31:30de président de la République.
00:31:32Cette décision prend effet aujourd'hui à midi.
00:31:36Non, ni téléphone, ni visite.
00:31:39Qu'on me laisse en paix.
00:31:43Je ne peux pas.
00:31:45Je ne peux pas.
00:31:47Je ne peux pas.
00:31:49Qu'on me laisse en paix.
00:33:50Voici le texte.
00:33:51Je cesse d'exercer mes fonctions
00:33:53de président de la République.
00:33:55Cette décision prend effet aujourd'hui à midi.
00:33:57Depuis midi, monsieur Alain Poher,
00:33:59le président du Sénat,
00:34:00exerce provisoirement les fonctions
00:34:02de président de la République.
00:34:03À 20h, il y a eu...
00:34:04Nombreuses réactions en France
00:34:06après le départ du général de Gaulle,
00:34:08le président Nixon...
00:34:09Quant aux ministres,
00:34:10ils se sont retrouvés ce matin
00:34:11à l'hôtel Matignon pour un conseil de cabinet.
00:34:13Monsieur Couvre-de-Murville a lu aux journalistes
00:34:15la lettre d'encre la France...
00:34:18...sur la régionalisation
00:34:19et sur la réforme du Sénat...
00:34:20...des personnalités qui seront candidates
00:34:22à la présidence de la République.
00:34:24Déjà, un certain nombre de déclarations
00:34:26ont été prononcées.
00:34:27Ainsi, monsieur Valéry Giscard d'Estaing...
00:34:39Eh bien, voilà.
00:34:41C'est fini.
00:34:43Je n'éprouve que honte
00:34:45et tristesse, mon général.
00:34:51Il y a au moins une centaine de journalistes à la grille.
00:34:53Ils perdent leur temps, je ne les verrai pas.
00:34:56Je n'interviendrai pas sur quoi que ce soit.
00:34:59Les Français souhaiteraient peut-être que...
00:35:01Que je leur parle une dernière fois ?
00:35:03Il n'y a plus rien à dire.
00:35:04Qui a dit non ?
00:35:07Vous prendrez toutes les dispositions
00:35:09dont nous avons parlé, n'est-ce pas ?
00:35:12Et j'insiste sur le fait
00:35:14que je refuse tout traitement prévu
00:35:16pour les anciens présidents,
00:35:18y compris pour le Conseil constitutionnel.
00:35:21Tout sera fait, mon général.
00:35:28Au fond, voyez-vous,
00:35:30je ne suis pas mécontent de terminer ainsi.
00:35:33Non.
00:35:34Quelle perspective avais-je vraiment ?
00:35:37Sinon,
00:35:38des difficultés
00:35:40qui n'auraient pu que réduire
00:35:42le personnage que l'histoire a fait de moi.
00:35:45Et muser
00:35:47sans bénéfice pour la France.
00:35:51Alors, bien sûr, il y a la trahison de Giscard.
00:35:55Et penser
00:35:56à tous ces hommes que j'ai vaincus depuis 30 ans
00:35:59et qui, depuis hier soir, redressent la tête.
00:36:06Alors, ça ne vous étonnera pas, mais...
00:36:09C'est à mon cher Château-Brillant
00:36:11que je pense aujourd'hui
00:36:13à ce qu'il disait sur le Duc de Lausanne.
00:36:17Un de ces hommes
00:36:19en qui finissait un monde.
00:36:28Il va y avoir à Paris un grenouillage effréné.
00:36:32Et puis, l'élection,
00:36:34je ne veux pas être là.
00:36:36J'aimerais aller en Irlande.
00:36:38Une partie de mes ancêtres maternelles
00:36:40est irlandaise.
00:36:43M. Georges Pompidou
00:36:45sort victorieux
00:36:47de cette élection nationale
00:36:49avec 57,78 %
00:36:52des suffrages exprimés.
00:36:55Élu président de la République
00:36:57pour 7 ans.
00:37:10Et...
00:37:16Et ici...
00:37:30La France...
00:37:34La France des Arts...
00:37:40La France...
00:37:43La France...
00:37:45La France des Arts...
00:38:09Mona, c'est Grand Duc !
00:38:11Regarde-les !
00:38:15Oh, tel dommage que mon frère n'ait pas pu venir.
00:38:20Oui, d'autant que j'avais des choses à lui demander pour mes mémoires.
00:38:25Votre travail avance bien, papa ?
00:38:27Je me donne un mal de chien, il le faut bien.
00:38:30Le temps presse.
00:38:34Vous pourriez en consacrer davantage au repos.
00:38:36Écoutez Yvonne, vous savez bien qu'à moins de 4 ou 5 heures par jour, on n'arrive à rien.
00:38:41En tout cas, le seul qui soit autorisé à pénétrer dans ce bureau, c'est le chat.
00:38:49Coucou, grand-père.
00:38:51Coucou.
00:38:52Anne a encore un secret pour son grand-père.
00:38:55Ah bon ? Qu'est-ce que c'est que ce secret ?
00:39:12Oui ?
00:39:13Mes respects, mon général. Je vous remercie d'avoir accepté que je vous téléphone.
00:39:18J'aimerais vous convaincre de recevoir le président de la République qui voudrait vous voir.
00:39:23Il le souhaite ardemment, mon général.
00:39:26Richard, dis à Pompidou que ce n'est pas dans mes intentions.
00:39:31Tout cela ne consomme plus.
00:39:35Moi, j'ai besoin de vous.
00:39:37Tout cela ne consomme plus.
00:39:40Mon général, vous lui avez fait l'honneur d'un message de félicitation.
00:39:44Il en a été très touché. Je me permets d'insister.
00:39:48C'est inutile, Richard. J'ai été très heureux de vous parler.
00:40:38Merci, Charlotte.
00:40:41À demain. Bonne nuit.
00:40:42Bonne nuit, madame. Bonne nuit, général.
00:40:45Bonsoir, Charlotte.
00:40:54Anne-Rose sera gâtée demain.
00:40:57Il aura des filets de sel avec du rôti de bœuf.
00:41:00Pas de dessert ?
00:41:03T'inquiète pas, tu auras ton île flottante.
00:41:10Finalement, nous aurons vu peu de monde. C'est mieux ainsi.
00:41:14Oui, je vais continuer à voir de temps en temps ceux qui m'ont suivi.
00:41:19Les autres ont fait leur choix.
00:41:21Je n'ai pas envie que des fils complaisants qui viendraient me jurer que c'est toujours de Gaulle qui les inspire.
00:41:28Malheureux, c'est différent.
00:41:30Malheureux. Il va s'interroger sur le sens des choses,
00:41:35en contournant toutes les questions qui leur amèneraient à Dieu,
00:41:40au prétexte qu'il n'y croit pas, alors que c'est le contraire.
00:41:44C'est l'homme de l'inattendu.
00:41:49Il y a trois ans, quand il était étudiant,
00:41:54il y a trois ans, quand il était allé à Marly,
00:41:58il m'avait écrit qu'il avait rencontré dans le jardin un lapin de Garenne,
00:42:04et qu'il lui avait conseillé de rester là, au cas où je reviendrai.
00:42:10Je vois bien la scène.
00:42:17Ah Yvonne.
00:42:19Ah Yvonne.
00:42:23Nous avons connu tant de choses, toi et moi.
00:42:27Et qu'aurais-je pu entreprendre si tu n'avais été là ?
00:42:32Ce qui a été accompli,
00:42:34elle a été parce que nous avons été l'un avec l'autre,
00:42:39même quand les océans nous séparaient.
00:42:43Quelle vie je t'ai fait vivre ?
00:42:47Que d'horizons, de tourments, de dangers,
00:42:56et notre plus grand chagrin,
00:43:05mais aussi que d'indicibles joies par ta présence.
00:43:16Mon sang, c'est la fontaine ardente du bonheur,
00:43:24et sois la plus heureuse étant la plus jolie,
00:43:28ô toi, mon unique amour, de ma grande folie.
00:43:46Il pourrait vous en dire plus que moi sur mes mémoires.
00:43:50C'est lui qui en est le veilleur.
00:43:53Avez-vous remarqué qu'à chaque fois qu'il y a un chat dans une maison,
00:43:56il est le seul à se tenir au courant de tout ?
00:43:59Churchill avait un chat, qu'il appelait Nelson.
00:44:05Tous les soirs, comme un bébé,
00:44:08il s'éloignait de la maison.
00:44:12Tous les soirs, comme un directeur de cabinet,
00:44:18il lui faisait le compte-rendu de la journée.
00:44:21Il lui parlait des affaires en cours.
00:44:24Et un jour, Churchill me dit,
00:44:26j'ai l'impression que je ne lui apprends rien.
00:44:29Il sait déjà.
00:44:34Moi, je ne vous apporte aucune nouvelle du monde
00:44:37et rien ne se fait que de médiocre.
00:44:43La grandeur n'existe plus. Certains s'en réjouissent.
00:44:47Oui, ce sont ceux qui confondent la grandeur et le faste,
00:44:51qui n'y voient que du théâtre.
00:44:53La grandeur, c'est la solitude, l'austérité et l'indépendance.
00:44:57Toute notre vie l'a prouvé.
00:45:00À Londres, en 40, il fallait nous définir.
00:45:05Venu de partout, si différent, on me posait la question,
00:45:09qui sommes-nous ?
00:45:11Des exilés ? Des combattants d'une quelconque légion ?
00:45:16Alors j'ai dit, nous sommes la France.
00:45:21J'ai osé, parce que c'était vrai.
00:45:27Qui parlera pour elle à présent ?
00:45:30Le risque, désormais, c'est que la France
00:45:33est à sa tête des hommes habiles, intelligents, cultivés
00:45:38et même parfois honnêtes,
00:45:41mais qui ne croient pas suffisamment en elle
00:45:44ou ne l'aiment pas assez.
00:45:47S'ils sont persuadés que la France n'est plus capable
00:45:51de tenir sa place, de diriger son destin,
00:45:55alors commenceront les renoncements.
00:46:00Et ce sera fini de notre indépendance
00:46:04et de notre souveraineté.
00:46:08Que nous reste-t-il, mon général ?
00:46:13Je vois venir un temps où l'homme se satisfera
00:46:17de n'être qu'une marchandise, fier de se suffire à lui-même,
00:46:22sans ressentir le besoin de quelque chose de plus grand.
00:46:30Le jour s'en va.
00:46:34La nuit ne m'effraie pas.
00:46:38En juin 40, George Mandel m'a dit qu'il fallait aimer la nuit,
00:46:44parce qu'elle était porteuse de lumière.
00:46:49Vous et moi connaissons cela.
00:46:54C'est peut-être la vraie définition de la résistance.
00:46:59La nuit, longtemps dévouée à la nuit,
00:47:03tout à coup se poursuit vers l'ombre
00:47:09et devient l'azur.
00:47:13Magnifique poète.
00:47:15Pierre Jean Jouve, il lui a suffi de vous entendre prononcer la France
00:47:20pour savoir ce qu'était l'espérance.
00:47:26Allons, madame, demain, il fera jour.
00:47:44Au revoir, mon cher et si grand ami.
00:47:51Mon général,
00:47:53avoir pu vous aider a été la fierté de ma vie.
00:47:57Il est encore davantage, face aux néons.
00:49:21Le général de Gaulle est mort.
00:49:25La France est veuve.
00:49:30En 1940, de Gaulle a sauvé l'honneur.
00:49:36En 1944, il nous a conduit à la libération et à la victoire.
00:49:44Que dans l'âme nationale de Gaulle vive éternellement.
00:49:53Tout est à faire, madame.
00:49:58Qu'il ne reste rien, Yvonne.
00:50:01Surtout pas de reliques.
00:50:04Rien.
00:50:14La France est à nous.
00:50:26Je t'aime,
00:50:32ma mère,
00:50:38comme le soleil
00:50:44qui s'éteint
00:50:51par la froide lune.
00:51:08C'est donc le sixième et dernier épisode de la série De Gaulle,
00:51:11l'éclat et le secret, réalisé par François Vell
00:51:14et co-écrite par Patrice Duhamel et Jacques Santamaria,
00:51:17que nous avons eu le plaisir de vous proposer
00:51:20dans son intégralité sur notre chaîne.
00:51:22Retour maintenant sur le plateau de cette émission spéciale
00:51:25en compagnie de nos invités pour évoquer l'éternel De Gaulle,
00:51:29celui qui marqua à tout jamais de son empreinte
00:51:32l'histoire pas si ancienne de notre pays.
00:51:35Patrice Duhamel est parmi nous.
00:51:37Pour commencer, bienvenue à vous, Patrice Duhamel.
00:51:39Vous êtes journaliste politique,
00:51:40ancien directeur général de France Télévisions,
00:51:42et vous avez donc co-écrit cette série
00:51:44aux côtés de Jacques Santamaria,
00:51:46à qui on doit les dialogues, d'ailleurs.
00:51:48On a fait le scénario ensemble et c'est lui qui a fait les dialogues.
00:51:51Jacques Santamaria, avec qui vous avez par ailleurs
00:51:53publié ce livre De Gaulle, l'album inattendu
00:51:55publié aux éditions de l'Observatoire.
00:51:58On va bien sûr reparler ensemble de ce dernier épisode,
00:52:01de l'ensemble de cette série que nous avons eu le plaisir
00:52:05de présenter dans son intégralité sur notre chaîne.
00:52:08Christophe Barbier est également avec nous.
00:52:10Vous êtes journaliste, ancien directeur de la rédaction de L'Express,
00:52:12et depuis quelques années maintenant,
00:52:14éditorialiste politique et chroniqueur
00:52:16chez nos confrères de BFM TV.
00:52:18Mais ceux qui nous regardent le savent peut-être moins.
00:52:22Vous êtes aussi un homme de théâtre,
00:52:24metteur en scène, comédien.
00:52:26Je crois avoir compté plus de 60 mises en scène à votre actif.
00:52:30Et vous interprétez, bien sûr, dans cette série,
00:52:32on l'a vu, l'ancien ministre Alain Perfit.
00:52:35Alain Perfit, à l'époque, ministre de l'Information.
00:52:37Nous sommes entre 1962 et 1966.
00:52:41Cette fameuse écharpe rouge que vous portez tout le temps,
00:52:44est-ce qu'on la doit, cet amour pour le théâtre ?
00:52:47On l'attribue plus souvent à François Mitterrand
00:52:49qu'au général De Gaulle, mais elle n'a rien de politique
00:52:51et en effet, on est plus proche du rideau de théâtre.
00:52:53Oui, on peut en savoir un tout petit peu plus,
00:52:55parce qu'on vous voit toujours avec cette écharpe rouge.
00:52:58En quoi elle vous rapproche du théâtre ?
00:53:00C'est peut-être une manière, pour moi, d'emporter partout,
00:53:02de quoi tirer le rideau ou lever le rideau.
00:53:04Christine Clerc, enfin, est avec nous.
00:53:06Vous êtes journaliste et éditorialiste politique.
00:53:09Vous êtes l'autrice de nombreux ouvrages consacrés à Charles De Gaulle.
00:53:13Quatre ouvrages au total, dont celui-ci,
00:53:15qui prolonge d'ailleurs assez bien,
00:53:17le dernier épisode de la série que nous venons de voir ensemble,
00:53:20est intitulé Adieu la France.
00:53:22Pourquoi De Gaulle est parti ?
00:53:24Publié lui aussi aux éditions de l'Observatoire.
00:53:26Pourquoi De Gaulle est parti ?
00:53:28Je vous poserai la question, bien entendu, tout à l'heure.
00:53:31Merci d'avoir accepté notre invitation.
00:53:33Patrice Duhamel, décrivez-nous le pourquoi de cette série,
00:53:36comment est née l'idée de cette série,
00:53:38que nous venons de voir en intégralité sur notre antenne,
00:53:42et particulièrement ce dernier épisode.
00:53:45On voulait faire quelque chose, depuis longtemps,
00:53:47avec Jacques Santamaria, sur De Gaulle.
00:53:50Alors, il y avait eu des documentaires,
00:53:52il y a eu assez peu de fiction,
00:53:54parce que jusqu'à la mort du général,
00:53:56on n'avait pas le droit de le montrer dans les fictions.
00:53:59Dans le fameux Paris brûle-t-il, par exemple,
00:54:02on voit un morceau, la main,
00:54:06la morse du bras, mais c'est tout.
00:54:08Et puis après, il y a eu une forme de...
00:54:10Je sais pas si c'est de la pudeur ou de la timidité
00:54:12devant le personnage.
00:54:14Puis nous, on s'est dit, pour les 50 ans de sa mort,
00:54:16il faut quand même faire quelque chose
00:54:18de vraiment costaud, sérieux.
00:54:20Et puis, on en a parlé, bien entendu, à France Télévisions.
00:54:26Et on a mis un peu de temps avec eux
00:54:29à réfléchir au format.
00:54:31Est-ce qu'il fallait faire un unitaire ?
00:54:33Éventuellement, un film de cinéma.
00:54:35Il y en a un, bientôt, qui va d'ailleurs sortir.
00:54:38Il y en a déjà eu un, qui a été réalisé
00:54:40par Gabriel Lebovin, un très bon film,
00:54:42qui avait beaucoup de succès.
00:54:44Et finalement, vous optez pour une série ?
00:54:46Pour une série.
00:54:49Est-ce qu'il faut demander l'autorisation
00:54:51aux descendants de De Gaulle pour faire cette série ?
00:54:54On les a informés.
00:54:56On les connaît, Jacques et moi,
00:54:58on les connaît assez bien.
00:55:00Il n'y a eu aucun problème de ce côté-là.
00:55:02La chance qu'on a eue, et le privilège,
00:55:04c'est qu'on a pu tourner
00:55:06beaucoup de scènes.
00:55:08François Vell a tourné beaucoup de scènes
00:55:10dans les lieux réels, c'est-à-dire
00:55:12à la boisserie, l'extérieur,
00:55:14ce qu'on a vu à la fin du dernier épisode,
00:55:16cette vue extraordinaire
00:55:18sur la campagne
00:55:20de la Marne.
00:55:22C'est la Haute-Marne, d'ailleurs.
00:55:24C'est la même plaine.
00:55:26Sauf qu'il y a moins de champagne.
00:55:30Et l'intérieur aussi
00:55:32de la boisserie, ce qui est vraiment
00:55:34assez exceptionnel.
00:55:36Et à l'Elysée, on a pu tourner
00:55:38dans le parc,
00:55:40et également à l'Hôtel Matignon.
00:55:42Une partie des scènes intérieures,
00:55:44nous sommes à la boisserie.
00:55:46Oui, on est à la boisserie,
00:55:48notamment quand De Gaulle rédige
00:55:50ses mémoires, ce qu'il a fait
00:55:52après être parti de l'Elysée
00:55:54et être entré de son célèbre
00:55:56voyage en Irlande.
00:55:58Est-ce qu'on vous a associé au casting ?
00:56:00Oui, pas trop.
00:56:02Quand j'étais directeur général
00:56:04de France Télévisions, on me demandait
00:56:06sur les castings, je disais toujours
00:56:08que ce n'était pas mon métier.
00:56:10Samuel Labarthe, grand coup de chapeau.
00:56:12Je pense que Yvonne De Gaulle est formidable.
00:56:14Le ministre de l'Information,
00:56:16ça ne correspond pas à l'idée
00:56:18que Christophe se fait des rapports
00:56:20entre la politique et les journalistes.
00:56:22L'imperfite, c'était quand même...
00:56:24On va en dire un mot.
00:56:26Samuel Labarthe, il joue De Gaulle
00:56:28de 40...
00:56:30J'ai connu cette époque-là, c'était pas mal.
00:56:32Samuel Labarthe, il joue De Gaulle,
00:56:34il interprète le rôle quitte,
00:56:36de 1940 jusqu'à 69.
00:56:38Il était totalement plein
00:56:40de son personnage.
00:56:42C'est extraordinaire.
00:56:44Je le connaissais un petit peu.
00:56:46Quand j'étais délégué de France Télé,
00:56:48à ce moment-là, il jouait
00:56:50dans les petits meurtres d'Agatha Christie.
00:56:52C'était un des grands personnages
00:56:54emblématiques de France 2.
00:56:56Et là, il est rentré dans ce personnage
00:56:58d'une manière extraordinaire.
00:57:00Pendant le tournage, le soir et le matin,
00:57:02avant d'aller tourner, il lisait encore
00:57:04les mémoires du général, tous les bouquins.
00:57:06Il a dû lire les 4 bouquins
00:57:08de Christine, etc.
00:57:10Il était vraiment...
00:57:12C'était le général, sur le tournage.
00:57:14Je suis allé au tournage à l'Elysée,
00:57:16dans le parc de l'Elysée.
00:57:18C'était extraordinaire.
00:57:20Tout juste qu'on ne lui demandait pas des autographes
00:57:22pour qu'il signe sur le De Gaulle.
00:57:24Constance Dolé joue Yvonne De Gaulle.
00:57:26On donnera peut-être un mot avec vous
00:57:28tout à l'heure. Christopher Craig,
00:57:30Winston Churchill, Francis Huster,
00:57:32André Malraux...
00:57:34Je ne sais pas ce que vous pensez
00:57:36de la création de Malraux par Huster,
00:57:38mais elle est tout de même particulière.
00:57:40Et puis,
00:57:42Christophe Barbier, à l'imperfite.
00:57:44On vous a proposé ce rôle.
00:57:46Comment vous l'a proposé ?
00:57:48Comment vous vous êtes mis à incarner
00:57:50à l'imperfite dans cette période particulière
00:57:52où les ministres de l'Information...
00:57:54On l'appelait d'ailleurs, je crois,
00:57:56monsieur censure, à l'époque.
00:57:58Oui, tout à fait. Le rôle du ministre de l'Information
00:58:00était vertical. On ne connaît plus ça aujourd'hui,
00:58:02et tant mieux. C'est Simona Rari,
00:58:04j'ai demandé si ça m'intéressait. J'ai dit oui tout de suite.
00:58:06Parce que pour moi, d'abord, Perfit, c'était
00:58:08l'auteur de C.T. De Gaulle.
00:58:10Ce recueil de témoignages, de citations,
00:58:12de face à face. C'est une Bible
00:58:14pour se référer à De Gaulle.
00:58:16Mais qui est parue combien de temps après la mort de De Gaulle ?
00:58:18Entre le temps et en 96, je crois.
00:58:20Et donc, 25 ans après la mort.
00:58:22Je pourrais vous en parler avec beaucoup de liberté,
00:58:24mais c'est-à-dire
00:58:26à quel point c'était difficile
00:58:28de publier des choses,
00:58:30d'entrer dans l'intimité du général...
00:58:32C'est une question d'autodiscipline, aussi,
00:58:34à lui, Perfit.
00:58:36Oui, mais personne n'avait le droit,
00:58:38personne ne se reconnaissait le droit.
00:58:40Personne n'osait.
00:58:42C'était aussi, pour moi, Perfit,
00:58:44plusieurs autres personnages. D'abord, le ministre de l'Éducation
00:58:46de mai 68, avec un porte-à-faux,
00:58:48parce qu'il avait été assez moderne, finalement,
00:58:50dans sa manière de gérer les événements,
00:58:52qui lui avait échappé. C'est aussi le maire de Provins,
00:58:54donc quelqu'un qui, tout le temps,
00:58:56se référait à ce qu'on lui disait dans sa commune
00:58:58pour avoir l'idée de la France d'en bas,
00:59:00et puis, enfin, il était le successeur
00:59:02à l'Académie française de Paul Morand.
00:59:04Or, j'ai incarné Paul Morand, aussi,
00:59:06sur scène, face à Gabriel Chanel,
00:59:08lors de leur exil après la guerre.
00:59:10Donc, pour moi, il y avait une sorte
00:59:12de passage de témoin entre les deux.
00:59:14Il avait été l'objet d'un attentat,
00:59:16comme De Gaulle.
00:59:18Alors, Christine Claire, vous avez écrit un livre
00:59:20qui nous rapproche et qui nous ramène
00:59:22à ce dernier épisode de la série
00:59:24qu'on a eu l'occasion de voir
00:59:26à l'instant ensemble.
00:59:28Pourquoi De Gaulle est-il parti
00:59:30de la manière dont il est parti ?
00:59:32Je parle évidemment du pouvoir.
00:59:34En avril 69,
00:59:36à l'issue de ce fameux référendum
00:59:38sur la régionalisation,
00:59:40la réforme du Sénat.
00:59:42Alors, est-ce que c'est un coup de poker ?
00:59:44Est-ce que c'est un suicide politique,
00:59:46comme on l'a beaucoup lu, beaucoup entendu ?
00:59:48Pour expliquer un petit peu
00:59:50à nos téléspectateurs ce qu'ils viennent de voir
00:59:52à l'instant, dans ce dernier épisode.
00:59:54Je crois que c'est un grand chagrin,
00:59:56parce qu'on montrait bien cette série.
00:59:58Cet homme qu'on croyait intraitable,
01:00:00évidemment, très orgueux, etc.,
01:00:02en fait, était insensible
01:00:04et il était sujet
01:00:06à des déprimes.
01:00:08Et là, il s'était lancé
01:00:10dans ce projet
01:00:12de référendum parce qu'il étonnait,
01:00:14mais c'était aussi... Il savait
01:00:16qu'il prenait un risque. Il le savait bien.
01:00:18Parfois, il lui arrivait de dire
01:00:20qu'il le souhaitait, parce que finalement,
01:00:22c'était une belle sortie.
01:00:24Sortir sur un échec,
01:00:26sur ce projet de référendum,
01:00:28dont on trouverait maintenant que c'était
01:00:30vraiment une très bonne idée,
01:00:32de faire participer davantage
01:00:34les Français à des choix importants.
01:00:36Et...
01:00:38Il espérait, au fond de lui-même,
01:00:40parce qu'on a toujours ça chez De Gaulle.
01:00:42La série le montre très bien.
01:00:44Il est...
01:00:46Il est pessimiste, finalement.
01:00:48Il se résout d'avance
01:00:50au pire, en ce qui le concerne,
01:00:52pas en ce qui concerne la France.
01:00:54Mais en même temps, il espère.
01:00:56C'est une histoire d'amour. Il espère
01:00:58que la France, à un moment, va se réveiller,
01:01:00va lui signifier sa reconnaissance,
01:01:02son amour, et on continue ensemble.
01:01:04Surtout qu'entre-temps, Pompidou avait
01:01:06beaucoup grandi, était devenu un rival
01:01:08important.
01:01:10Donc, je pense qu'il fait
01:01:12ce référendum
01:01:14en espérant un geste
01:01:16d'amour, mais en prévoyant
01:01:18quand même que ça serait
01:01:20une belle sortie. Il le dit, d'ailleurs.
01:01:22Vous écrivez dans votre livre qu'il est dans une
01:01:24forte période de doute, en réalité,
01:01:26après les événements de 68.
01:01:28Il a toujours douté de l'amour des Français.
01:01:30Il a toujours douté
01:01:32de leur mobilisation,
01:01:34de leur capacité
01:01:36à faire des efforts,
01:01:38à se sacrifier.
01:01:40Il les a embarqués, il les a relevés,
01:01:42mais il était toujours...
01:01:44On l'a bien vu, déjà,
01:01:46quand il est parti
01:01:48en 41...
01:01:50En 46.
01:01:52Il est parti, déjà,
01:01:54découragé.
01:01:56Il aurait aimé que les Français le retiennent.
01:01:58Il croyait qu'ils allaient le retenir.
01:02:00Il était très déçu.
01:02:02Et là, il avait au fond
01:02:04de lui-même un petit espoir, mais en même temps,
01:02:06il se savait quand même âgé, fatigué.
01:02:10Il pensait que c'était peut-être pas...
01:02:12C'était quand même une assez belle sortie.
01:02:14C'est aussi votre interprétation,
01:02:16Patrice Duhamel.
01:02:18Il y avait tout de même eu ses législatives,
01:02:20à la sortie de 68, où il avait obtenu
01:02:22une très large majorité.
01:02:24Pourquoi a-t-il eu besoin de revenir
01:02:26avec le referendum en 68 ?
01:02:28On n'a pas le temps de refaire tout le film
01:02:30de cette période,
01:02:32mais les Français,
01:02:34les journalistes, les éditorialistes,
01:02:36tous les commentateurs disent
01:02:38que c'est Pompidou qui a gagné
01:02:40les élections législatives.
01:02:42C'est Pompidou qui avait presque imposé,
01:02:44comme convaincu De Gaulle,
01:02:46le fameux 30 mai 1968...
01:02:48-...de faire des élections.
01:02:50-...qui avait disparu la veille
01:02:52à Baden-Baden, sans prévenir
01:02:54son Premier ministre. Pompidou arrive
01:02:56le lendemain avec sa lettre de démission dans la poche.
01:02:58Mon général, vous ne m'avez pas fait confiance,
01:03:00je vous remets ma démission. De Gaulle lui dit
01:03:02non, vous restez, je fais un référendum.
01:03:04Et Pompidou lui dit, si vous faites
01:03:06un référendum, vous allez le perdre,
01:03:08parce qu'en 68, il y a eu un mouvement
01:03:10qui était très hostile au général,
01:03:12à la personne du général. 10 ans, ça suffit.
01:03:14Et il convainc De Gaulle,
01:03:16quand même, il faut le faire,
01:03:18de renoncer au référendum
01:03:20et de faire des élections législatives.
01:03:22Une dissolution réussie, pour une fois.
01:03:24Dissolution réussie.
01:03:26Dissolution, référence
01:03:28à la situation actuelle, qui est faite
01:03:30comme ça devrait être le cas à chaque fois,
01:03:32non pas pour provoquer une crise,
01:03:34mais pour la régler.
01:03:36Avec ce qu'on a appelé
01:03:38une assemblée bleu horizon.
01:03:40Et quelques mois après...
01:03:42Alors qu'en 67,
01:03:44ils avaient eu la majorité d'une poignée de sièges.
01:03:46Quelques mois après, ça se dégrade
01:03:48et puis Pompidou lance ses fameux
01:03:50appels de Rome.
01:03:52Voilà, Pompidou
01:03:54est vraiment très atteint.
01:03:56Sur cette sortie du général De Gaulle,
01:03:58Christophe Barbier ?
01:04:00La sortie du général De Gaulle, c'est une sortie
01:04:02chevaleresque, presque au sens médiéval.
01:04:04C'est la sortie du connétable.
01:04:06Comment réussir sa sortie ?
01:04:08Il aurait terminé son mandat.
01:04:10Il se serait épuisé au fur et à mesure du quotidien,
01:04:12les rivaux se seraient agités,
01:04:14les dauphins se seraient entretués.
01:04:16Là, il part parce qu'il pose une question
01:04:18de confiance au peuple, et le peuple dit non.
01:04:20C'est assez grandiose.
01:04:22Il a été le seul à avoir ce courage-là
01:04:24dans la liste des présidents de la République.
01:04:26Ils sont un sujet d'avant-garde.
01:04:28La participation, la décentralisation.
01:04:30Ils restent dans la recherche
01:04:32de la modernité.
01:04:34Il s'est dit, dans ce dernier épisode,
01:04:36qu'il y avait des vieux lions.
01:04:38Churchill est déjà mort depuis quelques années.
01:04:40Mais Eisenhower, et je sais si Eisenhower
01:04:42a aidé De Gaulle en 1944,
01:04:44meurt en mars 69.
01:04:46Christophe parlait
01:04:48d'un départ chevaleresque.
01:04:50Il y a une histoire qu'on a racontée
01:04:52il n'y a pas très longtemps.
01:04:54C'est l'avant-veille du référendum.
01:04:56Il enregistre son allocution,
01:04:58en disant, si je perds,
01:05:00je m'en vais, etc.
01:05:02Il prend l'ascenseur avec son aide de camp,
01:05:04l'amiral Floyck.
01:05:06Il rentre dans l'ascenseur en disant
01:05:08à Floyck, ça ira comme sortie,
01:05:10donc il sait qu'il va perdre.
01:05:12Il va se reposer
01:05:14dans ses appartements pendant une demi-heure.
01:05:16Il ressort, il descend.
01:05:18Alors que le chauffeur le prenait
01:05:20toujours devant la terrasse
01:05:22du côté parc de l'Elysée,
01:05:24il lui dit, vous allez vous mettre
01:05:26devant un petit salon, quand on regarde
01:05:28le parc comme ça, qui est à gauche,
01:05:30le salon d'argent, un endroit que De Gaulle détestait
01:05:32parce que c'est là qu'il y avait eu
01:05:34le coup d'Etat de Louis-Napoléon Bonaparte,
01:05:36c'est là que Napoléon Ier
01:05:38avait signé,
01:05:40et il y a toujours le facsimilé
01:05:42de l'abdication dans ce petit salon,
01:05:44c'est une espèce de bonbonnière,
01:05:46et c'est là que Félix Faure avait fait
01:05:48son fameux malaise avec sa maîtresse.
01:05:50Et quand il sortait de l'Elysée,
01:05:52je vais vite, mais c'est une histoire
01:05:54extraordinaire, quand il sortait de l'Elysée,
01:05:56le chauffeur, il y a deux sorties
01:05:58pour l'Elysée en voiture,
01:06:00et il demandait au chauffeur de sortir par la gauche,
01:06:02parce que comme ça, il sortait
01:06:04en face du théâtre Marigny,
01:06:06c'était plus facile avec une voiture de sortir.
01:06:08Et là, il dit au chauffeur,
01:06:10aujourd'hui, on sort par la droite.
01:06:12Il s'arrête,
01:06:14il dit au commandant du palais,
01:06:16qui sait qu'il ne le reverra jamais,
01:06:18et pourquoi est-il sorti par la droite ?
01:06:20Parce que c'est là que Napoléon Ier,
01:06:22quittant l'Elysée,
01:06:24était monté dans la berline du général Bertrand,
01:06:26et qu'il avait quitté l'Elysée.
01:06:28Et sortir,
01:06:30c'est une histoire très peu connue.
01:06:32Je l'ai raconté à un président de la République,
01:06:34pas à Macron une fois,
01:06:36qui m'a dit, vous êtes sûr ?
01:06:38Un mois après, il s'était renseigné,
01:06:40il m'a dit, oui, vous avez raison,
01:06:42mais c'est une histoire extraordinaire.
01:06:44Il voulait sortir de l'Elysée comme Napoléon Ier.
01:06:46Et c'est là qu'il s'arrête pour serrer la main
01:06:48d'un gardien de la paix
01:06:50qui s'en souviendra
01:06:52toute sa vie.
01:06:54C'est tout De Gaulle.
01:06:56Il n'a pas eu l'adhésion, systématiquement,
01:06:58évidemment, des Français.
01:07:00C'est le cas aussi en 1965.
01:07:02Ça fait partie de l'épisode
01:07:04où vous incarnez Alain Perfit,
01:07:06parce qu'à l'issue du premier tour,
01:07:08en 1965, il n'est pas encore élu.
01:07:10Il va falloir un deuxième tour face à Mitterrand.
01:07:12Et on en est à se demander
01:07:14si De Gaulle ne va pas quitter le pouvoir
01:07:16à l'issue de ce premier tour.
01:07:18Il a fait une non-campagne,
01:07:20il a même refusé d'utiliser son droit d'accès
01:07:22à la télévision,
01:07:24et donc, il considère qu'il n'a pas été
01:07:26reconduit à la hauteur de son destin.
01:07:28Donc, en effet, la question se pose.
01:07:30Il y a une inquiétude dans son entourage.
01:07:32Est-ce que l'orgueil du connétable ne va pas le faire
01:07:34démissionner uniquement sur ce sujet ?
01:07:36Et Alain Perfit, que vous êtes dans cette série,
01:07:38marque son inquiétude.
01:07:40Il a fallu que Pompidou téléphone.
01:07:42Tout le monde s'est mobilisé.
01:07:44Et Perfit a eu son rôle aussi,
01:07:46parce que Perfit était l'homme des médias,
01:07:48c'est l'homme de la jeunesse aussi,
01:07:50et il lui explique que ce n'est pas le général le problème,
01:07:52il était blessé à mort.
01:07:54Il dit quand même quelque chose d'incroyable,
01:07:56d'invraisemblable,
01:07:58intellectuellement,
01:08:00quand on est le général de Gaulle.
01:08:02Il dit, j'ai fait 44% au premier tour,
01:08:04comment voulez-vous que je passe 50% au deuxième ?
01:08:06Il avait besoin
01:08:08qu'on le console aussi.
01:08:10Il n'a pas compris la mécanique de l'élection qu'il a créée.
01:08:12Il teste aussi, toujours.
01:08:14Il avance
01:08:16des scénarios pessimistes
01:08:18pour que les autres
01:08:20embrayent ou, au contraire, le contredisent.
01:08:22Il y a toujours une façon de tester son entourage,
01:08:24et c'est fidèle
01:08:26ou soi-disant fidèle,
01:08:28parce que, finalement, il hésite encore.
01:08:30Mais c'est vrai qu'il a eu
01:08:32un coup de blues terrible, là.
01:08:34Et Jacques Santamaria,
01:08:36parce que Christine parlait de chagrin,
01:08:38il a inventé une très belle formule sur De Gaulle,
01:08:40au moment du départ de De Gaulle.
01:08:42Il a dit que c'est le haut chagrin.
01:08:44C'est tellement gaullien, cette formule.
01:08:46C'est exactement ça.
01:08:48Jacques Santamaria, je rappelle,
01:08:50c'est celui qui est le coauteur de cette série.
01:08:52Allez-vous.
01:08:54À propos de cette série, c'est vrai que,
01:08:56dans la mémoire collective, il y a deux grandes périoles
01:08:58concernant De Gaulle.
01:09:00Il y a le héros français
01:09:02de la Seconde Guerre mondiale
01:09:04et puis il y a le De Gaulle
01:09:06de 58, celui qui va installer
01:09:08la Ve République, en finir avec
01:09:10le bourbier algérien
01:09:12et, évidemment, cette fin
01:09:14qu'on a vue dans ce dernier épisode.
01:09:16C'était ça,
01:09:18la commande,
01:09:20parce qu'il y a trois épisodes
01:09:22sur cette première période, la Seconde Guerre mondiale,
01:09:24et trois épisodes sur, finalement,
01:09:2658 et après.
01:09:28Il n'y a pas d'épisode sur l'entre-deux, par exemple.
01:09:30Non, mais il fallait faire des choix.
01:09:32On était obligés et on voulait aussi...
01:09:34Tout est basé sur des faits réels.
01:09:36Il y a des épisodes
01:09:38dont certains téléspectateurs nous ont dit
01:09:40que ce n'était pas possible, c'est la réalité.
01:09:42Quand sa famille le rejoint à Londres
01:09:44le 18 juin,
01:09:46alors qu'elle prend le bateau,
01:09:48sa femme ne sait pas où il est.
01:09:50Elle va savoir le lendemain matin.
01:09:52Au sud de l'Angleterre,
01:09:54elle apprend qu'il est là, en lisant le journal,
01:09:56et qu'il a lancé un appel la veille.
01:09:58Donc, on voulait vraiment
01:10:00qu'il y ait à la fois le De Gaulle personnel,
01:10:02familial, on le voit avec sa fille Anne,
01:10:04pour laquelle il avait une passion absolument
01:10:06extraordinaire, au sens étymologique
01:10:08du terme, et puis il fallait
01:10:10choisir les moments,
01:10:12les périodes, on ne pouvait pas parler de tout.
01:10:14La traversée du désert, c'est intéressant,
01:10:16je ne sais pas ce qu'en pensent Christine et Christophe,
01:10:18personnellement, intellectuellement,
01:10:20mais politiquement, c'est pas très intéressant,
01:10:22parce qu'il lance un parti politique.
01:10:24Très dynamique.
01:10:26Le RPF, en effet, est une histoire qui capote.
01:10:28Le RPF, qu'il lance en 1946,
01:10:30et qui n'aura pas le succès,
01:10:32et se compter sur le plan électoral.
01:10:34Il écrira ses mémoires aussi,
01:10:36ses fameuses mémoires de guerre.
01:10:38Vous avez été surprise,
01:10:40m'avez-vous dit, par l'interprétation
01:10:42et le rôle
01:10:44occupé dans cette série par Yvonne de Gaulle.
01:10:46Tante Yvonne, c'était son surnom
01:10:48qui lui donnait les Français.
01:10:50Je me souviens
01:10:52du canard enchaîné.
01:10:54Elle était totalement ridiculisée.
01:10:56C'était la...
01:10:58On en faisait une bigote.
01:11:00Avec son tricot sur les genoux.
01:11:02Ridicule, ne s'occupant que de...
01:11:04Ah, mes poulets, mes poulets,
01:11:06sont-ils restés dans le coffre de la voiture
01:11:08après un attentat ?
01:11:10On la rapetissait énormément.
01:11:12Ce n'est pas le cas dans cette série.
01:11:14Pas du tout. On a une femme sensible,
01:11:16intelligente, qui intervient
01:11:18en espérant qu'il ne va pas se représenter,
01:11:20parce qu'elle connaît sa douleur.
01:11:22Elle sait bien dans quel état
01:11:24de souffrance il est,
01:11:26et finalement aussi de vieillissement,
01:11:28parce qu'on ne traverse pas
01:11:30toutes ces tragédies
01:11:32sans en souffrir
01:11:34à l'arrivée.
01:11:36Non, elle est vraiment
01:11:38sensible et intelligente.
01:11:40Elle est réhabilitée.
01:11:42Il y a beaucoup de réhabilitations
01:11:44dans cette série de Gaulle aussi.
01:11:46Ce n'était pas
01:11:48l'homme impénétrable
01:11:50et insensible
01:11:52dont on a longtemps entretenu l'image,
01:11:54et notamment la gauche.
01:11:56Maintenant, la gauche est devenue gaulliste.
01:11:58Tout le monde est devenu gaulliste.
01:12:00On voit sa sensibilité.
01:12:02On voit laisser l'être à sa femme,
01:12:04justement, parler de la femme.
01:12:06Ma chère petite femme chérie,
01:12:08et comme j'ai pensé à toi.
01:12:10C'est merveilleux.
01:12:12Après, je regardais les images,
01:12:14je voyais qu'il descendait de voiture,
01:12:16ils venaient lui ouvrir la porte.
01:12:18Vous en connaissez beaucoup, des hommes politiques,
01:12:20qui viennent ouvrir la porte à leur femme
01:12:22et qui lui écrivent, ma chère petite femme chérie.
01:12:24C'est vraiment
01:12:26un autre visage de de Gaulle
01:12:28qui apparaît et qui explique
01:12:30beaucoup de choses, au fond.
01:12:32Sa sensibilité, son amour
01:12:34des lettres,
01:12:36de la poésie,
01:12:38le fait qu'à peine
01:12:40arrivé à Paris,
01:12:42à la fin de la guerre,
01:12:44la première chose auxquelles il songe,
01:12:46c'est de réunir des écrivains à déjeuner.
01:12:48C'est formidable, quand même.
01:12:52Le culte de l'esprit,
01:12:54le culte de la littérature,
01:12:56le culte de l'histoire de France,
01:12:58tout ça révèle une sensibilité
01:13:00qu'on a voulu
01:13:02trop longtemps ignorer,
01:13:04que ses adversaires, comme Mitterrand,
01:13:06le premier,
01:13:08qui est-il, lui, de Gaulle,
01:13:10le dictateur, etc.
01:13:12On a totalement
01:13:14masqué,
01:13:16on a totalement masqué
01:13:18une partie de sa personnalité.
01:13:20Moi, je dois dire, je l'ai découvert
01:13:22à l'Express, on m'avait demandé
01:13:24de faire une étude sur des discours
01:13:26de Général de Gaulle,
01:13:28j'étais dans les volumes de Général,
01:13:30et je lis ses lettres.
01:13:32J'étais ahurie. On ne m'avait jamais parlé
01:13:34de ce De Gaulle-là, de ses lettres.
01:13:36Ses lettres à sa femme,
01:13:38bien sûr, mais aussi à des amis,
01:13:40à l'occasion de mariages
01:13:42ou d'enterrements.
01:13:44C'était toujours une très grande sensibilité.
01:13:46Donc, il y avait un autre De Gaulle...
01:13:48Et cet autre De Gaulle,
01:13:50vous l'avez sans doute retrouvé.
01:13:52Je l'ai retrouvé, dont on n'avait pas le droit
01:13:54de parler avant.
01:13:56C'est le même De Gaulle ou c'est le même De Gaulle
01:13:58sur deux périodes bien distinctes ?
01:14:00Pour moi, c'est le même De Gaulle
01:14:02à la fois sur les deux périodes,
01:14:04imprégné d'une certaine idée de la France,
01:14:06de la conscience de son destin.
01:14:08C'est non seulement le même De Gaulle
01:14:10guerre et 58-69,
01:14:12mais c'est le même De Gaulle intime
01:14:14et public. L'homme d'Etat
01:14:16et l'homme d'intimité, je pense, sont mûs
01:14:18par les mêmes principes moraux, par la même rectitude.
01:14:20Et l'amour qu'il a pour sa fille Anne
01:14:22et la manière dont il l'accompagne,
01:14:24d'évidence, un comportement
01:14:26d'homme d'Etat responsable.
01:14:28Anne, porteuse de la trisomie 21.
01:14:30Qui meurt à 20 ans.
01:14:32Qui meurt à 20 ans.
01:14:34Qui meurt à 20 ans.
01:14:36Bien sûr, on est dans l'intimité,
01:14:38donc il y a la tendresse, il y a l'affection,
01:14:40mais qu'est-ce qui le guide ? C'est qu'une enfant
01:14:42comme cela, envoyée par la Providence,
01:14:44eh bien, on s'en occupe à chaque instant.
01:14:46C'est une priorité.
01:14:48Il n'était pas question de la mettre dans une maison.
01:14:50Il n'y a pas d'égoïsme, il n'y a pas de mesquinerie.
01:14:52L'image de cette période-là est assez rare.
01:14:54Oui, tout à fait.
01:14:56Je pense que c'est le même individu,
01:14:58mais selon sous quelle facette on le regarde,
01:15:00les reflets du soleil ne sont pas les mêmes.
01:15:02Éternel de Gaulle, c'est le titre
01:15:04que nous avons donné à cette émission spéciale,
01:15:06parce que c'est vrai qu'aujourd'hui,
01:15:08en 2024, nombreux sont ceux
01:15:10qui font encore référence à De Gaulle.
01:15:12Je pense évidemment au personnel politique
01:15:14de notre pays.
01:15:16Pour commencer, Georges Pompidou.
01:15:18Est-ce qu'on peut dire que c'était
01:15:20le dauphin désigné ?
01:15:22Ça a été le dauphin désigné
01:15:24jusqu'au moment où, au début 69,
01:15:26donc trois mois avant le référendum,
01:15:28il lance un appel à Rome,
01:15:30qui a été un peu gonflé
01:15:32et instrumentalisé par l'entourage du général,
01:15:34et puis ensuite, la même chose
01:15:36à Genève, quelques semaines plus tard.
01:15:38Mais De Gaulle
01:15:40a toujours considéré
01:15:42que si Pompidou
01:15:44n'avait pas fait cet appel,
01:15:46il aurait peut-être perdu le référendum,
01:15:48mais sans doute moins largement,
01:15:50en tout cas, parce que les Français
01:15:52votaient pour le départ du général,
01:15:54mais en sachant qu'il y avait Pompidou
01:15:56qui arrivait derrière, donc ils étaient rassurés.
01:15:58Il n'y avait pas une forte inquiétude.
01:16:00Pompidou,
01:16:02qui n'avait pas été résistant,
01:16:04qui n'avait pas adhéré au RPF,
01:16:06et donc pour les gaullistes,
01:16:08les compagnons de De Gaulle,
01:16:10c'était pas forcément le meilleur profit.
01:16:12D'où l'affaire Markovitch,
01:16:14qui a été organisée, gérée totalement
01:16:16et parfois très directement
01:16:18par un certain nombre de compagnons
01:16:20du général De Gaulle, et pas les moindres.
01:16:22On peut continuer l'affiliation
01:16:24avec vous, Christophe Barbier,
01:16:26alors évidemment, on a envie de citer,
01:16:28après Pompidou, Chirac...
01:16:30Oui, mais Chirac, c'est l'héritier de Pompidou.
01:16:32C'est le cadet Pompidou, mis en scène pour Pompidou,
01:16:34d'ailleurs, qui lui donne le ministère de l'Intérieur
01:16:36début 1974, parce qu'il sent qu'il va
01:16:38quitter le pouvoir avant la fin, et qu'il faut
01:16:40donner un ministère régalien à son héritier.
01:16:42Donc, Chirac,
01:16:44mis en scène, évidemment, son gaullisme monolithique,
01:16:46est quand même un homme de Pompidou.
01:16:48Ce qui est frappant,
01:16:50c'est que l'appel de Cochin,
01:16:52il fait référence à De Gaulle,
01:16:54et le référendum de Maastricht, il fait aussi
01:16:56référence à De Gaulle.
01:16:58Il est perdu le référendum sur la Constitution européenne.
01:17:00Non, le véritable héritier, peut-être, de De Gaulle,
01:17:02c'est peut-être Philippe Séguin.
01:17:04Du gaulliste gaullien, si j'ose dire.
01:17:06C'est peut-être plus Philippe Séguin,
01:17:08dans le mélange du social, la participation,
01:17:10d'une certaine idée de la France,
01:17:12un De Gaulle plus pessimiste et passif,
01:17:14plus canapé-dépressif
01:17:16qu'actif.
01:17:18C'est pour ça qu'il est peut-être passé à côté de son destin.
01:17:20Comment vous qualifieriez
01:17:22l'idéologie de De Gaulle ?
01:17:24Elle était,
01:17:26à ce point, malléable pour pouvoir
01:17:28être récupérée
01:17:30par différentes parties politiques, d'ailleurs,
01:17:32dans des formations politiques très diverses.
01:17:34On va évoquer peut-être le Front National dans un instant.
01:17:36Elle était aussi malléable que ça,
01:17:38l'idéologie de Charles De Gaulle ?
01:17:40À partir du moment où on part de l'Etat,
01:17:42l'Etat, c'est moi, il aurait pu le dire aussi,
01:17:44De Gaulle. C'est un centralisateur, un étatiste.
01:17:46Tous ceux qui viennent se greffer à cette vision-là,
01:17:48qu'il s'appelle chevènement ou qu'il soit de droite,
01:17:50peuvent récupérer le gaullisme
01:17:52et le dupliquer.
01:17:54Philippe Séguin vient d'être cité
01:17:56comme peut-être celui qui est l'héritier le plus naturel,
01:17:58qui incarne le mieux ce qu'a été l'idéologie de De Gaulle.
01:18:00C'est d'abord la survie de la France.
01:18:02La France, comme un grand pays, comme un pays influent,
01:18:04il a fait le tour du monde, De Gaulle,
01:18:06pour rencontrer que ce soit au Mexique,
01:18:08que ce soit en Indochine,
01:18:10partout, il est allé partout.
01:18:12Et c'était les idées de la France,
01:18:14c'était l'influence de la France,
01:18:16la grandeur de la France.
01:18:18C'était ça avant tout.
01:18:20Et c'était aussi le partage.
01:18:22Il n'était pas pour la bourgeoisie,
01:18:24il n'y aimait pas beaucoup,
01:18:26il n'était pas pour les riches,
01:18:28il était pour le pays.
01:18:30Et ce qui était bon pour le pays,
01:18:32s'il fallait partager davantage,
01:18:34il l'a dit d'ailleurs,
01:18:36il n'hésitait pas à le dire dans ses discours
01:18:38qu'il allait falloir faire des sacrifices,
01:18:40qu'il allait falloir peut-être
01:18:42payer plus d'impôts pour certains.
01:18:44Il ne se cachait pas.
01:18:46C'est en cela que vous le différenciez
01:18:48des populistes, notamment, dans vos écrits.
01:18:50Il n'hésite pas.
01:18:52C'était pas un populiste.
01:18:54Il dit que vous allez souffrir,
01:18:56il va falloir payer,
01:18:58mais ça n'est jamais une catégorie sociale
01:19:00vraiment contre une autre,
01:19:02même si, visiblement,
01:19:04il est plus passionné par les intellectuels
01:19:06que par les patrons.
01:19:08Moi, je dirais trois choses, très vite.
01:19:10Le sens de l'Etat, à un niveau extraordinaire,
01:19:12l'autorité,
01:19:14à tout point de vue,
01:19:16et l'indépendance.
01:19:18L'indépendance, c'est peut-être ça qui domine
01:19:20et peut-être le distingue le plus
01:19:22de la France et de lui, par rapport au parti.
01:19:24Pour être indépendant,
01:19:26il fallait être assez fort.
01:19:28C'est une indépendance presque rebelle.
01:19:30Vous vous rendez compte ce que c'est
01:19:32si on essaie de revenir aujourd'hui...
01:19:34Pour être indépendant,
01:19:36il fallait être fort.
01:19:38C'est des choses absolument extraordinaires.
01:19:40Refusant l'entraide de la Grande-Bretagne
01:19:42dans le marché commun.
01:19:44Une des rares fois où on le voit pleurer,
01:19:46c'est le premier essai atomique.
01:19:48C'est la marque de la force
01:19:50et de l'indépendance de la France.
01:19:52Il est bouleversé.
01:19:54Heureux et bouleversé.
01:19:56J'ai dit un mot sur le Front national
01:19:58tout à l'heure,
01:20:00c'est vrai que Marine Le Pen,
01:20:02lorsqu'elle avait à ce côté Philippot,
01:20:04a essayé de récupérer
01:20:06une partie de cet héritage,
01:20:08elle aussi.
01:20:10On peut couper la croix de Lorraine en plusieurs morceaux.
01:20:12Il y a un des descendants du général de Gaulle
01:20:14qui est allé fricoter avec le RN,
01:20:16qui a fait un petit parcours.
01:20:18Eux aussi, à partir du moment où ils veulent
01:20:20s'arroger le monopole du patriotisme,
01:20:22il faut récupérer la figure de de Gaulle.
01:20:24Il faut quand même réussir à faire oublier
01:20:26que ceux qui ont tiré sur de Gaulle
01:20:28au Petit Clamard, dont Bastien Thiry,
01:20:30ont été défendus par Tixier Vignancourt,
01:20:32dont le directeur de campagne en 1965
01:20:34s'appelle Jean-Marie Le Pen.
01:20:36Donc l'affiliation de l'extrême droite,
01:20:38elle est avec l'antigaullisme le plus forcené,
01:20:40avec des nostalgiques de Vichy,
01:20:42avec surtout les partisans de l'Algérie française.
01:20:44C'est un gaullisme tardif
01:20:46et qui est un gaullisme quand même de mascarade.
01:20:48D'ailleurs, ce tireur du Petit Clamard
01:20:50ne sera pas gracié.
01:20:52Celui-là, je leur laisse, dit-il,
01:20:54ils peuvent en faire un héros.
01:20:56Il avait tiré sur une femme.
01:20:58D'abord, il n'avait pas tiré lui-même.
01:21:00Il a fait tirer, mais il n'a pas tiré lui-même.
01:21:02Il a juste baissé un journal
01:21:04pour donner le signal de l'attaque.
01:21:06Et il a tiré sur sa femme.
01:21:08Il a tiré sur une voiture dans laquelle
01:21:10il savait qu'il y avait une femme,
01:21:12qui était la Première dame.
01:21:14Mais ça, de Gaulle considérait que c'était
01:21:16deux choses inacceptables.
01:21:18Il incarne aussi l'homme providentiel,
01:21:20qui plus est,
01:21:22lorsqu'on est président de la Ve République,
01:21:24qu'il a lui-même créé, inventé.
01:21:26C'est peut-être aussi à cause de cela
01:21:28qu'on fait forcément référence à lui.
01:21:30Emmanuel Macron, en 2017,
01:21:32sur sa photo officielle,
01:21:34du côté de la photo, on voit
01:21:36les mémoires de guerre de De Gaulle.
01:21:38On fait référence à lui par nostalgie
01:21:40d'une époque où nous étions grands,
01:21:42où la France était
01:21:44un grand pays qui a été écouté.
01:21:46Mais à partir du moment où on parle
01:21:48de la fonction même de président
01:21:50de la République sous la Ve,
01:21:52on parle de Gaulle, non ?
01:21:54Oui.
01:21:56C'est une question, je ne sais pas.
01:21:58L'extraordinaire longévité...
01:22:00Tous ceux qui passent à l'Elysée font référence.
01:22:02...et solidité de la Constitution,
01:22:04c'est quand même un miracle,
01:22:06parce que cette Constitution,
01:22:08il l'a faite pour lui.
01:22:10C'est souvent ce qu'on a dit, en tout cas.
01:22:12Elle a survécu.
01:22:14Il n'aurait jamais accepté...
01:22:16Il remettait son mandat en cause à chaque fois.
01:22:18Il n'aurait jamais accepté, on le savait,
01:22:20qu'il n'était même pas question une seconde.
01:22:22S'il perdait les élections, il démissionnait.
01:22:24Et malgré ça,
01:22:26les cohabitations
01:22:28n'ont pas remis en cause,
01:22:30mais ont peut-être, d'une certaine manière,
01:22:32renforcé la...
01:22:34La légitimité que l'histoire lui a donnée,
01:22:36il pensait que l'onction populaire
01:22:38allait la donner à ses successeurs.
01:22:40Ca a été valable jusqu'au quinquennat.
01:22:42Le quinquennat a un peu dilué tout cela.
01:22:44C'est peut-être le début de la sénescence de la Ve.
01:22:46Battra-t-elle la IIIe encore en quatre ans ?
01:22:48Oui.
01:22:50On peut se demander si on supporterait
01:22:52d'avoir un président pendant sept ans.
01:22:54Le temps s'est accéléré, c'est évident.
01:22:56Et cette image
01:22:58de l'homme providentiel,
01:23:00là aussi utilisée
01:23:02par un certain nombre
01:23:04de nos présidents
01:23:06sous la Ve République ?
01:23:08Le mouvement psychologique et politique
01:23:10le plus extraordinaire,
01:23:12autour de l'idée qu'on se fait d'un homme providentiel,
01:23:14de l'autorité du monarque républicain
01:23:16qui incarne la Ve République,
01:23:18c'est Mitterrand, quand même.
01:23:20Si on relit...
01:23:22Quand Mitterrand a été élu en 81,
01:23:24ce livre extraordinaire, magnifiquement écrit,
01:23:26le coup d'Etat permanent,
01:23:28qui était sorti en 64,
01:23:30il a vite disparu des librairies.
01:23:32Personne ne pouvait le trouver.
01:23:34C'était impossible.
01:23:36Quand on relit ce livre,
01:23:38c'est extraordinaire bien écrit,
01:23:40mais c'est au-delà du pamphlet.
01:23:42C'est un pamphlet d'une violence inouïe,
01:23:44mais ça montre aussi un homme qui s'est plongé
01:23:46dans les rouages de la Ve République,
01:23:48qui a complètement compris leur fonctionnement
01:23:50et qui, grâce à cela, va pouvoir se mettre
01:23:52dans son parcours présidentiel
01:23:54et être plus monarque que De Gaulle.
01:23:56Ca ne grandit pas son hauteur.
01:23:58Il y a quand même pas mal de jalousie qui passe.
01:24:00C'est le mot de la fin.
01:24:02Quand il arrive à l'Elysée en 81,
01:24:04le jour de l'investiture,
01:24:06on lui demande
01:24:08s'il veut s'installer
01:24:10dans le bureau du général.
01:24:12Evidemment, oui.
01:24:14Il ne se pose même pas la question plus d'une seconde.
01:24:16C'est impossible qu'il n'aille pas dans le bureau du général.
01:24:18La constitution sera dangereuse, après moi.
01:24:20Mais la constitution du général De Gaulle
01:24:22s'en accommode très bien.
01:24:24Je suis incroyablement nostalgique
01:24:26de quelque chose qui n'a jamais existé.
01:24:28C'est un face-à-face télévisé
01:24:30entre Mitterrand et De Gaulle.
01:24:32Une belle idée de fiction.
01:24:34Il y a peut-être une idée.
01:24:36Merci vraiment.
01:24:38Merci vraiment à tous les trois
01:24:40d'avoir participé à cette émission spéciale
01:24:42à la suite du 6e et dernier épisode
01:24:44de votre série
01:24:46co-écrite avec Jacques Santamaria,
01:24:48Patrice Duhamel.
01:24:50Un immense dialoguiste
01:24:52que Christophe connaît bien.
01:24:54Il y aura peut-être des réactions
01:24:56à aller chercher.
01:24:58J'espère que vous serez là pour réagir
01:25:00à ce que seront les réactions
01:25:02à la suite de la diffusion de notre échange
01:25:04et de l'ensemble de cette série sur notre chaîne.
01:25:06Je remercie aussi, félicité Gavalda,
01:25:08Victoria Bellé, qui, comme à l'accoutumée,
01:25:10m'ont aidée à préparer cette émission.
01:25:12Je vous donne rendez-vous
01:25:14pour une prochaine émission spéciale.
01:25:16On verra bien à propos de quel personnage
01:25:18et à propos de quelle fiction
01:25:20concernant nos hommes politiques.
01:25:22A bientôt, en tout cas.