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Comment la Tech s'est-elle hissée à ce niveau de toute-puissance dans la politique internationale ? Entretien avec Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux États-Unis, et la politologue et essayiste Asma Mhalla.
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Transcription
00:00Et un grand entretien spécial USA ce matin, spécial consacré à Trump et à ce que certains
00:08dans la presse s'appellent la broligarchie qui se profile avec lui et avant son investiture
00:14le 20 janvier prochain à Washington et son arrivée à la Maison-Blanche, un homme qui
00:20n'arrivera pas seul au pouvoir mais qui sera accompagné de certains parmi les personnages
00:26les plus puissants du monde d'aujourd'hui, des personnages qui ont façonné le monde
00:31dans lequel nous vivons et celui de la tech en particulier.
00:35Nous avons le plaisir pour en parler de recevoir deux fins connaisseurs de la question, Asma
00:42Malla et Gérard Haro.
00:43Bonjour à tous les deux et bienvenue.
00:46Bonjour.
00:47Asma Malla, vous êtes politiste et vous êtes aussi spécialiste de géopolitique de la
00:52tech.
00:53Vous avez publié technopolitique, comment la technologie fait de nous des soldats aux
00:58éditions du Seuil et un livre très sincèrement prémonitoire où il y a en creux déjà énormément
01:05de choses qu'on peut constater avant même que Donald Trump ne soit officiellement président
01:11des Etats-Unis.
01:12Quant à vous Gérard Haro, vous avez été ambassadeur de France aux Etats-Unis, vous
01:17avez été en poste notamment lors du premier mandat de Donald Trump, vous avez été ancien
01:23représentant permanent de la France auprès des Nations Unies à New York et vous connaissez
01:29non seulement le pouvoir américain, la diplomatie mieux que personne mais vous avez également
01:35connu, rencontré tous ces acteurs de ce nouveau monde qui se profile, ceux qui sont ces broligarques
01:44comme on le dit dans Libération ce matin, que ce soit Peter Thiel, Mark Zuckerberg ou
01:50Elon Musk.
01:51On va en parler évidemment, question réaction chers auditeurs au 01 45 24 7000 ou sur l'application
01:58de France Inter.
02:00D'abord Gérard Haro, qu'est-ce que vous entendez quand vous regardez ce moment, ce
02:05moment un peu suspendu où Donald Trump n'est pas encore en charge, n'est pas encore officiellement
02:11président des Etats-Unis, il est président élu, quand vous dites que c'est maintenant
02:17déjà le moment Trump qui a commencé ?
02:19Oui, c'est très frappant.
02:21Vous savez, les Américains sont en réalité, contrairement à ce qu'on pense, très formalistes
02:26et donc le président élu théoriquement finalement se tait et on attend son arrivée le 20 janvier
02:33pour connaître ses collaborateurs et pour le voir prendre le pouvoir et on a l'impression,
02:39on a eu l'impression que dès le lendemain de son élection, Joe Biden a disparu de la
02:44carte et Trump s'est imposé et notamment s'est imposé par ses nominations.
02:50Vous savez, au fond, la force de Donald Trump et sans doute cela explique une partie de
02:55ce qu'il a déclaré récemment sur Groenland, Panama, etc., c'est d'occuper la scène médiatique.
03:01C'est-à-dire que pendant les quatre ans du premier mandat, il n'y avait pas une journée
03:06où il n'y avait pas une déclaration fracassante de Donald Trump et donc tout le monde se positionnait
03:10par rapport à Trump qui sait qu'un quart d'heure de mauvaise publicité, c'est mieux
03:15que pas de publicité du tout.
03:16Ce moment Trump, Gérard Arnault, qu'est-ce qu'il a de différent par rapport à celui de 2016 ?
03:21D'abord, en 2016, il avait été le premier surpris de son élection, il n'était pas prêt
03:26et donc lorsqu'il est arrivé à la Maison Blanche, il n'avait pas la moindre idée
03:29de ce que c'était qu'être président des Etats-Unis et du coup il avait été un peu
03:34pris en main par les conservateurs classiques qui avaient essayé finalement de le canaliser,
03:40de le dominer.
03:41Ils me donnaient des conseils, à moi l'ambassadeur, en disant qu'il ne faut pas trop le prendre
03:45de haut, on va essayer et ça n'avait d'ailleurs pas assez mal marché.
03:51Mais alors là, il arrive, il pense qu'il connaît tout et il arrive surtout entouré
03:55finalement de radicaux comme lui.
03:59À ce moment-là, si on regarde l'actualité toute récente des Etats-Unis, on voit ces
04:03images d'incendies terribles qui sont en train de ravager la Californie, 14 000 hectares
04:08qui ont brûlé en 4 jours, 11 morts.
04:11Ce qui est intéressant en fait, c'est le discours autour de ça, c'est-à-dire que
04:14tout de suite, Donald Trump se saisit du sujet, il accuse la Californie de manquer d'eau
04:18parce qu'il protège un poisson, ce qui est une fake news en réalité.
04:22Ça illustre cette rhétorique de Trump qui est presque virale et qui détourne tout à
04:27son avantage, y compris au prix de la fake news.
04:29En 2016, je me rappelle d'un éditorial de Catherine Weiner dans le Guardian qui parlait
04:36de la fameuse post-truth politics, de l'ère de la post-vérité.
04:40Donc c'est exactement ça qu'il continue, c'est-à-dire que le mensonge, peu importe
04:44le format qu'il peut prendre techniquement, une fake news, un deep fake, de la rumeur,
04:50de la décontextualisation, peu importe en fait, ce sont des stratégies d'encerclement
04:55cognitif et en fait un refaçonnage d'une certaine façon des opinions publiques et
05:00de l'agenda médiatique.
05:01Peu importe la question de la vérité, elle ne compte plus, ou plus exactement, du régime
05:05de vérité qui est en train d'être refaçonné.
05:08Ça c'est très important à comprendre et je profite de la question vraiment pour
05:12poser, pour faire ce pas de côté qui va être essentiel dans les mois et les années
05:15à venir pour nous.
05:16La question de la vérité, il faut vraiment qu'on arrive à la décentrer parce qu'elle
05:20ne sera plus du tout la réponse et je le disais déjà il y a quelques mois.
05:24Qu'est-ce que ça veut dire la décentrer ?
05:25La réponse qu'on donne c'est qu'il faut fact-checker.
05:28Vous voyez bien que ça ne fonctionne pas.
05:29Est-ce que c'est les réseaux sociaux jusqu'à récemment et qui renoncent à faire, désormais
05:32en tout cas c'est chez Meta, Facebook ?
05:34Le fact-checking, c'est-à-dire se dire la véracité des faits, il faut absolument,
05:38et je l'ai toujours dit, continuer à le faire parce que c'est un marqueur de nos
05:42démocraties, c'est un marqueur et ça documente et ça permet aussi à un état de droit de
05:47fonctionner en cas de recours, en cas de plainte, etc.
05:51Mais quand il est question d'idéologie, quand il est question d'opinion publique,
05:55quand il est question de contrôle social en réalité, parce que c'est ce dont on
05:59parle, eh bien il va falloir qu'on change notre fusil d'épaule et qu'on trouve
06:04d'autres façons de rétorquer ou de répondre à ça.
06:07Donc en fait c'est des récits contre d'autres récits qui sont en train de se jouer aujourd'hui.
06:10Il y a cette idée assez forte justement qu'on est en train d'assister à quelque chose
06:15de nouveau et à vous lire justement Asma Mala, on s'aperçoit en fait que Meta a
06:20toujours déjà trafiqué les modérateurs, les algorithmes qui permettent de rétablir
06:25les faits et déjà par exemple au moment de la mort de George Floyd, Mark Zuckerberg
06:31avait déjà personnellement décidé de maintenir en ligne les postes de Donald Trump,
06:36poussé par son ami Peter Thiel, un milliardaire de la Silicon Valley que vous connaissez
06:40Gérard, ou que vous avez rencontré et qui lui déjà tenait à ce qu'on ne fasse pas
06:48disparaître les folies qu'écrivait Donald Trump.
06:52Est-ce que c'est uniquement une manière, comme on peut l'imaginer, de défendre la
06:57liberté d'expression, une version maximaliste de la liberté d'expression aujourd'hui
07:02sur Meta comme sur X ou est-ce qu'il y a quelque chose de plus ?
07:06Vous savez, la liberté d'expression, si elle signifie qu'on met sur le même plan
07:12le professeur spécialiste de virologie et qui dit que le vaccin fonctionne et l'homme
07:18de la rue qui n'a pas la moindre idée mais qui dit l'inverse, en réalité c'est de tuer
07:25la vérité, il n'y a plus de vérité, on met tout sur le même plan, c'est une sorte
07:30de chaos cognitif, l'information tue l'information, il n'y a donc plus d'information.
07:36Mais la sacralité de la liberté d'expression aux Etats-Unis, c'est vrai que c'est quelque
07:40chose qu'on a du mal à comprendre de ce côté-ci de l'Atlantique ou particulièrement
07:44en France où il y a des lois, des lois qui interdisent de tenir certains propos publics.
07:48Tout à fait, alors qu'aux Etats-Unis, comme vous le savez, on défend la liberté, les
07:52nazis ont le droit de s'exprimer au nom du fameux premier amendement.
07:58Mais ce que les médias sociaux avaient à un moment à inventer sous le contrôle d'Assemin,
08:05c'était la modération, c'était de dire il y a des choses qui ne peuvent pas être
08:10sur les médias sociaux parce que je vous rappelle que les médias sociaux ne sont pas
08:13soumis aux premiers amendements.
08:16La loi américaine ne s'applique pas pour la liberté d'expression aux médias sociaux
08:20qui sont donc libres de faire ce qu'ils veulent.
08:22Et donc, il y avait une modération qui était vraiment, qui évidemment avait des défauts,
08:28avait des limites, avait des trous, mais au moins on pouvait, on défendait quand même
08:34l'idée qu'il y avait encore un absolu, une vérité.
08:37Mais ce qui est intéressant, c'est que là, il y a une vérité judiciaire en l'occurrence
08:40ces dernières heures, puisque Donald Trump a été déclaré coupable par la justice
08:46d'avoir acheté le silence de Stormy Daniels d'une ex-star du X à l'approche des élections.
08:51Et en même temps, on ne le condamne pas.
08:53Ça veut dire quoi ? Ça veut dire ça y est, Donald Trump a le champ libre, complètement.
08:57Moi, lorsqu'on me posait ces questions sur les aspects judiciaires, vous savez, il y
09:01avait quatre gros procès dont on pensait qu'il pouvait avoir la peau de Donald Trump.
09:06Donald Trump s'en est sorti.
09:07Aucune peine.
09:08Il n'y aura aucune peine.
09:09Il va s'en sortir parce que, alors, sur tout ce qui concerne la justice fédérale, il va
09:15se gracier lui-même.
09:16Donc, les procès fédéraux vont disparaître.
09:19Il en a le pouvoir.
09:20Il en a le pouvoir.
09:21Et il va l'utiliser.
09:22Et il reste les procès d'État.
09:24Et donc, il y a deux procès, le procès de la Georgie qui va durer des années, parce
09:27que c'est très compliqué, sur ce qu'a fait Trump pour les élections de 2020.
09:32Et vous avez donc ce procès qui était un procès, il faut bien dire, au civil à New
09:39York.
09:40Et voilà.
09:41Il s'en tire bien.
09:42Mais il va quand même devoir payer quelques dizaines de millions de dollars dans une autre
09:46affaire.
09:47À ce moment-là, il en a profité, Donald Trump, pour dénoncer le système, le discours
09:50dominant.
09:51Encore une fois, c'est quelque chose qui est récurrent dans sa rhétorique.
09:54Alors, il y a plusieurs choses à dire.
09:56Ils nous promettent, parce que j'aimerais bien replacer la question sur le bidôme Musk
10:03et Trump, donc avec Musk, en réintroduisant le personnage d'Elon Musk dans l'histoire.
10:07Le Trusk.
10:08On appelle ça le Trusk, maintenant.
10:09Exactement.
10:10Alors, combien de temps ça va durer ? C'est une question qui n'a strictement aucune importance,
10:15à mon sens.
10:16Je sais qu'on s'est hystérisés là-dessus, la guerre des égos, etc., mais c'est une
10:18fausse question.
10:19Parce qu'en fait, les répartitions des tâches entre pouvoir et puissance sont déjà
10:23établies, elles sont déjà là.
10:24Mais la promesse qu'ils nous ont faite, c'est la révolution, la rupture.
10:30Et ce n'est pas du tout ce qu'ils sont.
10:32Ils sont, au contraire, l'exacte continuité de l'ensemble de nos dérives et ils sont
10:38un point paroxystique, culminant, d'exactement tout ce qu'on rejetait et d'une certaine
10:43façon, la question qu'ils nous posent, ce n'est pas du tout la liberté, maximale
10:46ou pas.
10:47C'est en fait, quel maître préférez-vous ? Quel establishment préférez-vous ? Le
10:51leur ou celui d'avant ? Et d'une certaine façon, c'est exactement les mêmes mécaniques
10:56de pouvoir, les mêmes mécaniques en pire.
10:59Parce que là, on est en train de passer, probablement, probablement, mais j'en suis
11:04à peu près sûre, d'un état de droit avec toutes les failles, toutes les dérives,
11:08toutes les attaques.
11:09Et bien sûr, qu'on peut vraiment faire une critique précise de l'ensemble des failles
11:15démocratiques en Occident, en particulier depuis la crise Covid, mais ce qui va se
11:20passer avec Trump et Musk, c'est en fait un changement de modèle politique, un changement
11:24de paradigme vers ce que j'appelle le post-légal, c'est-à-dire que ça va être le népotisme,
11:30les copains.
11:31Et surtout, sur cette rhétorique extrêmement dangereuse de « vous êtes avec moi, vous
11:35êtes servi, vous êtes contre moi, vous êtes persécuté ».
11:38C'est une ploutocratie, aujourd'hui, les Etats-Unis, Gérard Haraud, le pouvoir aux
11:45riches, le pouvoir aux plus riches.
11:46Alors, les Etats-Unis ont toujours été une ploutocratie.
11:50C'est un pays où il y a toujours eu le pouvoir, le pouvoir de l'argent, et un pouvoir
11:56de l'argent qui est d'ailleurs accepté par les électeurs, accepté par les Américains.
11:59Contrairement à la France, comme vous le savez, les riches n'y sont pas détestés.
12:03J'allais vous poser la question, il est impensable, par exemple, de voir Bernard Arnault,
12:08pour ne prendre que lui, et il est beaucoup plus pauvre qu'Elon Musk, aujourd'hui,
12:12mais soutenir un candidat à la présidentielle, faire campagne de manière aussi visible et
12:18aussi délirante qu'Elon Musk l'a fait avec Donald Trump.
12:21Qu'est-ce qui fait que nos deux démocraties fonctionnent aussi différemment ?
12:24Musk représente deux éléments de la mythologie américaine.
12:28C'est d'abord l'homme supposé parti de rien qui est arrivé à une fortune stupéfiante,
12:34et donc ça c'est un premier mythe américain, donc il suscite l'admiration.
12:38Et deuxièmement, deuxième mythe américain, la science.
12:41La science, il y a, les Américains croient toujours qu'il y a des solutions scientifiques
12:47à des problèmes, qu'ils soient des problèmes sociaux ou autres, et bien Musk réussit
12:52à représenter ce rêve américain.
12:55Mais le rêve de l'argent, il n'y a plus de modèle de société à proposer du coup ?
12:59Pourquoi ? Parce que, de nouveau, les Américains, vous savez, quand vous allez regarder l'histoire
13:03des Etats-Unis, vous allez de multimilliardaires en multimilliardaires, vous aviez Ford, qui
13:09était d'ailleurs soutenu Adolf Hitler, vous aviez avant Vanderbilt, etc., ces méga-riches
13:15qui ont toujours pesé de tout leur poids dans la vie politique américaine.
13:19Avant de retrouver les auditeurs d'Inter une question diplomatique, c'est un chapitre
13:24qu'il faut ouvrir avec vous, Gérard Arnault, on a vu le futur président des Etats-Unis
13:29dire qu'il pensait annexer le Groenland ou l'acheter, qu'il faudrait aussi mettre la
13:36mainmise sur le canal de Panama, parler du Canada comme d'un 51ème Etat américain.
13:44Qu'est-ce que vous lisez, vous, à travers cette volonté expansionniste de la part de
13:48quelqu'un dont on pensait qu'il était isolationniste, justement, qu'il allait cesser de se mêler
13:53des affaires du monde, c'est le retour de la doctrine Monroe ?
13:57Alors, il y a deux explications, l'explication optimiste, c'est du Trump, comme je le disais
14:04au début, il occupe le champ médiatique, on parle de lui, et c'est bien.
14:10Donc, il ne faut pas le prendre au sérieux ?
14:11Voilà.
14:12Ou alors, il y a aussi le côté optimiste, toujours, il demande plus pour obtenir moins,
14:16et donc, à la fin, les malheureux canadiens devront passer à la caisse en ce qui concerne
14:21les échanges commerciaux, et les Danois devront dire aux Américains, venez, vous pouvez faire
14:26la prospection minière au Groenland, ça, c'est l'aspect optimiste.
14:30L'aspect pessimiste, ce serait, en effet, la doctrine Monroe, n'est-ce pas ? C'était,
14:34je crois, le New York Post qui disait la doctrine Donro, pour faire allusion à Donald Trump,
14:39c'est-à-dire...
14:40Petit rappel historique ?
14:41Voilà.
14:42C'est-à-dire la doctrine Monroe, comme vous le savez, c'est les États-Unis qui disent,
14:45nous sommes en charge des affaires du continent américain, et aucun pays peut s'y immiscer,
14:52et donc, ce serait, au fond, une manière de dire à tout le monde, voilà, c'est le
14:55retour de la doctrine Monroe, j'ai un très gros bâton, parce qu'il va y avoir une explosion
15:00du budget de la défense américain, et à tout le monde, n'y touchez pas, mais aussi,
15:05et ça, c'est important, n'y touchez pas, et moi, je ne toucherai pas à vos intérêts
15:10essentiels.
15:11Et pour dire cela, que c'est une sorte de néo-isolationniste musclé, en gros, c'est
15:15de dire, honnêtement, l'Ukraine ou l'Estonie, j'en ai rien à faire, mais ne touchez pas
15:21au Venezuela.
15:22Ce qui est intéressant, effectivement, c'est qu'on parle du Groenland, on parle du Panama,
15:26on entend à peine, à ce moment-là, parler de la Chine, qui était le grand ennemi, depuis
15:30quelques années, des États-Unis, tout d'un coup, il y a des espèces de choses insolites
15:35qui apparaissent dans le débat, qui n'ont jamais été évoquées avant.
15:38Alors, je ne crois pas du tout que ce soit insolite, ni dû au hasard, mais en fait,
15:41il faut prendre les questions cas par cas, parce que chaque cas est un cas particulier.
15:45C'est ce que disait très justement, à l'instant, Gérard Haraud.
15:48Sur la question du Groenland, par exemple, c'est très intéressant, c'est directement
15:50lié à la question chinoise.
15:52Le délitement, le démantèlement de l'Union européenne, c'est directement lié aussi
15:57à la question chinoise.
15:58D'une part, on fait de l'Europe une déconstruction qu'on ramène à des États-nations pour pouvoir
16:03faire des deals.
16:04Les deux, Musk et Trump, sont des dealmakers, donc des deals bilatéraux, avec un rapport
16:09de force qui est forcément au profit des États-Unis.
16:11Et puis, on voit Musk qui s'adresse à des dirigeants, en tout cas des politiques, un
16:16peu, effectivement, au cas par cas dans chaque État.
16:17Il ne parle pas à l'Union européenne.
16:19Ah non, non.
16:20Et c'est l'objectif, de toute façon, pour tout un tas de raisons, mais qu'on n'a pas
16:23le temps d'évoquer.
16:24Notamment, la dérégulation pour continuer de faire du X, un rôle au compresseur idéologique,
16:29etc.
16:30Il y a toujours cette imbrication idéologie-économie.
16:32Les deux ne sont absolument pas dissociés.
16:35Mais sur la question, par exemple, du Groenland, elle est directement liée à la question chinoise,
16:39puisqu'aujourd'hui, non, la focale, et d'ailleurs, quand on voit les nominations
16:42de l'administration Trump...
16:43Pourquoi la question chinoise ? C'est vrai que ça peut paraître étonnant quand on regarde
16:46la carte du monde.
16:47Il n'y a que des faucons anti-Chine.
16:48Parce qu'aujourd'hui, la rivalité géostratégique de leadership mondial est entre les États-Unis
16:52et la Chine.
16:53Que les États-Unis sont aujourd'hui chahutés par la Chine pour être, en termes de superpuissance
17:00de leadership global, parce qu'il y a un nouvel ordre mondial qui est en train de s'installer,
17:03et que la question technologique est au cœur de cette rivalité, notamment dans ses usages
17:07militaires.
17:08Et je terminerai quand même par cette chose, oui, d'un mot.
17:11Le Elon Musk dont on parlait, c'est pour ça que je parlais de poste légal, pose aujourd'hui
17:15un énorme enjeu de sécurité nationale pour les États-Unis, compte tenu de ses liens
17:19et avec la Russie et avec la Chine.
17:21Il a trois enquêtes fédérales contre lui actuellement en cours, justement pour essayer
17:28d'identifier jusqu'à quel point il peut être dangereux sur un certain nombre de
17:32projets gouvernementaux ultra-confidentiels, où apparemment il n'aurait pas rempli toutes
17:36ses obligations.
17:37Et ça, c'est en train de passer complètement sous le boisseau.
17:39Gérard Haraud, quand Asma Valla parlait tout à l'heure de pouvoir aux amis, ça veut
17:43dire qu'aujourd'hui, ce qu'on appelait les adultes dans la pièce, et que Trump appelait
17:47l'État profond, n'est plus là pour réguler ses éventuelles volontés, expansionnistes
17:51par exemple sur le Groenland ou autre ?
17:52Non, il n'y a plus personne dans la pièce, sauf Donald Trump !
17:56Elon Musk !
17:57Elon Musk, parce qu'un des collaborateurs de Trump m'avait dit un jour, si vous êtes
18:03modéré, que vous essayez de modérer Trump, ça ne marche pas, en revanche, si vous êtes
18:07plus radical que Trump, Trump adore, parce que comme ça, c'est lui qui prend la décision,
18:12c'est lui qui est l'adulte dans la pièce, et donc face à Musk, que fera Trump ?
18:17Je pense qu'en effet, comme Asma, que ça n'a pas beaucoup d'importance.
18:20Mais quand Elon Musk va s'ingérer dans les affaires italiennes, dans la politique allemande,
18:26en soutenant un parti au-delà de l'extrême droite, quand il intervient également dans
18:32d'autres pays, est-ce qu'il agit comme le secrétaire d'État de Donald Trump ?
18:38Ils ont finalement, de manière assez étrange, parce qu'on peut dire qu'est-ce qu'il y a
18:43en commun entre l'Américain de base, derrière Trump, et le mégalomane de la technologie ?
18:49En réalité, il y a une convergence, ils convergent vers la destruction, l'un et l'autre,
18:57de cet État de droit, et de cette démocratie libérale, qui était la nôtre.
19:02Justement, question de Laurence, sur l'application France Inter, Gérard Raraud, quels sont les
19:05garde-fous, institutions, partis, constitutions, qui pourraient arrêter ou limiter Trump dans
19:12ses excès ?
19:13Aujourd'hui, pas beaucoup.
19:14Il domine le congrès, il domine une cour suprême, qui a montré qu'elle arrêtait justement
19:22le voie de la justice, et il est avec l'aura de sa victoire, et donc je pense que pour
19:29le moment, les « check and balance » américains ne fonctionnent pas.
19:34On a les yeux évidemment, douces, braqués sur la Californie, sur ces feux absolument
19:39effrayants.
19:40Un mot, puisque vous avez vécu, connu très bien ce monde, qui est aussi le monde d'Hollywood
19:45quand vous étiez ambassadeur, qu'est-ce que ça symbolise ? Pourquoi est-ce qu'on
19:49est fasciné par le feu dans cette ville-là plus qu'ailleurs ? Ces méga-feux qui pourtant
19:55se produisent et se reproduisent de plus en plus souvent dans d'autres coins du globe.
19:59Alors, il y a la fascination, je dirais pour des Français, la fascination des Français
20:03pour Hollywood, pour ces immenses fortunes, pour ces noms très connus, Malibu, Pacific
20:08Valley States, etc.
20:09Toutes les stars du cinéma que vous avez reçues à l'ambassade sont concernées.
20:14Moi, ce qui m'intéresse plus, c'est, je suis sûr que les électeurs de Donald Trump
20:19en réalité se réjouissent de ce qui se passe.
20:21Vraiment ? Parce que ce sont, c'est vraiment, ce sont
20:24leurs ennemis.
20:25D'abord, c'est la haine des élites qui porte les électeurs de Donald Trump, et en
20:30plus, ces élites-là, elles sont à 95%, elles sont démocrates, et elles sont le symbole
20:36de ce qu'ils appellent, comme vous le savez, le wokisme.
20:39Et c'est la Californie de surcroît.
20:41Et donc...
20:42État démocrate...
20:43État démocrate jusqu'au cœur et wokiste jusqu'à l'âme.
20:49Et donc, je suis sûr que pour ces gens-là, ils voient là la main de Dieu et la poursuite
20:54de leur victoire électorale.
20:56Merci infiniment à tous les deux de nous avoir aidés de comprendre Le Monde selon
21:00Trump, version 2, deuxième épisode qui démarrera le 20 janvier prochain.
21:06Merci Gérard Arraud, merci Asma Malla, je rappelle Technopolitique, comment la technologie
21:11fait de nous des soldats, ce livre prémonitoire publié aux éditions du Seuil.

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