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00:00Il est 7h43. Retour maintenant sur les violences liées au trafic de drogue sur la Dalle Kennedy dans le quartier Villejean à Rennes.
00:07Un quartier où les règlements de comptes entre trafiquants sont de plus en plus fréquents.
00:11Samedi, deux hommes ont été blessés par balle dont un grièvement.
00:14Tous deux sont des habitants qui se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment.
00:18Les habitants justement, ils n'en peuvent plus et on en parle avec notre invitée.
00:21Bonjour Régine Comocoli.
00:23Bonjour Justine.
00:24Vous habitez Villejean depuis 20 ans, vous y êtes élue de quartier, également conseillère départementale d'Ille-et-Vilaine.
00:29Maman aussi de trois enfants, est-ce que déjà aujourd'hui vous diriez que vous êtes inquiète pour vous, pour vos enfants, votre famille ?
00:35Je suis très très inquiète. La peur gagne toute la famille.
00:39J'ai une fille de 17 ans, la dernière 6 ans et 15 ans et c'est horrible ce qui se passe.
00:45Là ce matin, je sais qu'ils vont faire un grand détour.
00:48Il va falloir se lever un peu plus tôt, 10 minutes plus tôt pour faire un grand détour, pour éviter le passage qui est plus facile.
00:54Donc oui, j'ai très très peur et j'en dors même plus maintenant.
00:57Pour éviter cette dalle Kennedy.
00:59Ou pourtant demain, vous organisez un rassemblement.
01:02Vous appelez les habitants, mais même plus généralement les rennais, à venir dire quoi ?
01:06Stop au trafic ? Stop à cette violence qui est maintenant jour et nuit ?
01:11Ah oui, c'est ça, c'est dire stop aux violences.
01:13Dire que la vie de nos enfants compte.
01:15Parce que ce qui s'est passé samedi dernier, c'est trop trop grave.
01:19C'est un choc.
01:20Déjà que le quartier est touché par la pauvreté, la précarité et la souffrance sociale.
01:25Et là, on a passé un autre cap.
01:27On n'en avait pas besoin.
01:28On parle des fusillades, on parle des balles.
01:30Et cette fois-ci, elles n'ont pas été perdues.
01:32Elles ont touché, comme vous l'avez rappelé, les êtres humains.
01:35Et ce n'est plus possible.
01:36Ce n'est vraiment pas possible.
01:37Et vous pensez, Régine Comocoli, que la peur ne va pas gagner ?
01:41Demain, qu'il y aura des gens à participer à votre rassemblement ?
01:44J'espère.
01:45J'espère parce que tout le travail qu'on est en train de faire,
01:48et je dis « on » avec le collectif Kouiné aussi, parce qu'il y a les maires de quartier.
01:51J'essaie un peu de pousser cette dynamique pour justement éviter ça,
01:55de transformer cette peur en action.
01:57Parce que si la peur gagne, il n'y aura plus du tout personne à l'extérieur.
02:01Et là, les trafiquants vont s'installer.
02:04Et ce n'est pas ce qu'on veut.
02:05C'est notre lieu de vie.
02:06C'est notre quartier.
02:07C'est notre village.
02:08Donc, il faut faire quelque chose.
02:09Et c'est pour ça qu'on demande aussi à tous les autres quartiers de venir.
02:13Parce que notre sécurité, c'est leur sécurité aussi.
02:15Donc, je pense qu'ensemble, on peut changer les choses.
02:18Et l'histoire nous le raconte, quand les maires prennent les choses en main,
02:21elles changent les choses.
02:22Donc oui, je suis optimiste malgré tout.
02:24– Cette dalle Kennedy, quartier Villejean,
02:27elle a toujours eu une mauvaise réputation, en tout cas pas très bonne réputation.
02:31Qu'est-ce qui a changé, Régine Komokoli ?
02:34Est-ce qu'il y a quelque chose qui a changé ?
02:36– Alors oui, il y a quelque chose qui a changé depuis l'année dernière, depuis novembre.
02:40Ce n'est plus possible.
02:41On a des jeunes qui arrivent qu'on ne connaît pas.
02:43Parce que malgré tout, ce sont nos enfants, ces jeunes-là.
02:46Pas des enfants de 13, 14, 15 ans.
02:47Ce sont nos jeunes qui, l'histoire et la situation sociale
02:51a fait qu'à un moment donné, ils basculent de l'autre côté.
02:54Mais jusqu'au-là, il y avait moyen de communiquer, d'échanger,
02:57parce qu'on occupe régulièrement cet espace public
02:59avec le collectif que j'ai co-créé.
03:01Mais là, c'est très difficile, parce que les jeunes qu'on voit aujourd'hui,
03:04on ne les connaît pas.
03:05– Ils ne viennent pas de Rennes, vous voulez dire ?
03:06– Ils ne viennent pas de Rennes, ils viennent d'ailleurs.
03:08Ils viennent s'installer, ils sont très distants
03:10et toujours en mode prêt à dégainer, comme ils disent eux-mêmes.
03:14Donc oui, c'est très difficile, cette ambiance-là.
03:17Et c'est ce qu'on veut éviter, parce qu'il faut dialoguer malgré tout.
03:20Pour qu'on puisse avancer, échanger, il faut dialoguer.
03:23Mais s'il n'y a pas la communication, c'est compliqué.
03:25Donc oui, la question de sécurité, ça se pose fortement, oui.
03:28– Et il y a des habitants qui veulent quitter, maintenant, Villejean.
03:31On leur a donné la parole ces dernières semaines
03:33et ils sont de plus en plus nombreux, en tout cas,
03:36à exprimer cette volonté de partir.
03:38Vous comprenez ?
03:39– Je comprends, c'est légitime.
03:40– Vous aussi, vous avez envie de quitter Villejean ?
03:42– Si j'avais la possibilité.
03:44Mais après, la question, c'est que partir où ?
03:46Et puis, partir pourquoi ?
03:48C'est ça aussi, il y a d'autres habitants qui disent aussi
03:50mais pourquoi c'est à moi de partir ?
03:52Pourquoi on doit être délogé ?
03:53C'est-à-dire, les personnes qui arrivent, au nom de quoi ?
03:55Certes, ils ont des armes et ça fait peur,
03:57parce que là, c'est dit vraiment…
03:59Moi, je viens de la République Centrafricaine,
04:01j'ai l'impression d'être à Bangui, avec des fusillades et des armes.
04:04Mais en même temps, c'est chez nous et on veut rester là.
04:06Nos enfants vont à l'école là, ils vivent là, on vit là.
04:09On a nos amis, donc partir, c'est pas non plus envisageable.
04:13On y pense, parce que c'est normal, la peur est là.
04:16Mais ce que j'ai dit à ces habitants-là,
04:18c'est que faisons ensemble à ce que nous pouvons rester ensemble.
04:21– Et les pouvoirs publics, Régine Comocoli ?
04:23Vous êtes élue de quartier, vous êtes conseillère départementale.
04:26Il y a la mairie, il y a l'État, la préfecture.
04:28Aujourd'hui, il y a des CRS sur cette dalle Kennedy, mais combien de temps ?
04:31Il y a une polémique autour des caméras de surveillance.
04:33Est-ce qu'elles fonctionnent ? Quand est-ce qu'elles fonctionnent ?
04:35Est-ce qu'elles servent vraiment ?
04:37Quel regard vous avez là-dessus sur l'action finalement des pouvoirs publics ?
04:41– Pour les caméras, je peux vous dire que les ressentis, c'était le mépris.
04:45Le mépris des habitants, comment c'est possible ?
04:48Oui, les pouvoirs publics ont leur responsabilité,
04:50la municipalité a sa responsabilité, l'État et tout le monde.
04:54Après, les responsabilités sont partagées.
04:56Là, pour l'instant, dans l'immédiat, on veut de la sécurité pour tout le monde.
04:59C'est un droit, c'est ce qu'on réclame.
05:01– Donc plus de policiers, des CRS jour et nuit ?
05:05– Je ne pense pas. Je pense que moi, ce que j'ai toujours demandé,
05:08parce que ce qui arrive aujourd'hui, c'est plusieurs années.
05:10En fait, ça fait des années que ça dure.
05:12C'est la police de proximité, d'échanger avec les habitants.
05:15C'est un service public qu'on veut, c'est pas la police répressive.
05:19C'est quand ça ne va pas qu'on en voit.
05:21C'est vrai que là, on a entendu que la police va être là jusqu'à dimanche
05:24parce qu'ils n'ont pas les moyens.
05:26Ce n'est juste pas possible.
05:27Mais qu'est-ce qui va se passer après dimanche ?
05:29Est-ce que ça va recommencer ?
05:30Est-ce que ça va être des rendez-vous hebdomadaires,
05:32des jeux de cache-cache avec la police quand la police est là ?
05:34Les jeunes ne sont pas là, en tout cas ceux qui commettent ces actes.
05:37Et quand ils ne seront pas là, est-ce que ça va recommencer ?
05:40Et je saisis cette occasion aussi pour dire qu'il y a d'autres jeunes
05:43qui veulent autre chose aussi.
05:44Parce que là, on met tous les jeunes dans le même bateau.
05:46Et ce n'est pas possible parce qu'il y a des jeunes dans ce quartier
05:49qui, malgré la situation sociale, se battent pour s'en sortir.
05:52Donc oui, les politiques ont abandonné ce quartier, il faut le dire.
05:56Les logements, l'éducation et même le mandat associatif,
06:00ils n'ont plus de subventions pour travailler auprès des jeunes
06:03et auprès des familles aussi.
06:04Et je pense qu'il faut reprendre là.
06:06Et bien, le message est passé.
06:07Merci beaucoup, Régine Komokoli, d'avoir été l'invitée d'ici,
06:10Armoric, ce matin, vous êtes élue de quartier,
06:13donc à Villejean, conseillère aussi départementale d'Ille-et-Vilaine
06:16et vous appelez donc à ce rassemblement poussette-goûter
06:19demain, 15h, sur la dalle Kennedy.
06:21Tous les rennais sont invités à y participer.

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