Le film plonge dans la réalité des EHPAD en Europe, révélant un système vieillissant et défaillant, marqué par la maltraitance, la privatisation croissante et l'abandon des politiques publiques. À travers des témoignages poignants et des analyses approfondies, il explore les origines et les conséquences de cette crise, de la France à l'Espagne, en passant par le Royaume-Uni et l'Allemagne. Des parcours individuels mettent en lumière l'exploitation financière, le manque de régulation et les conséquences dévastatrices pour les personnes âgées et leurs familles. En contrepoint, le modèle scandinave offre une lueur d'espoir, illustrant une approche plus humaniste et durable. Le film incite à repenser notre rapport à la vieillesse et propose des pistes de réflexion pour construire un avenir plus respectueux et solidaire pour nos aînés.
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00:00...
00:09Vivre, c'est vieillir.
00:11...
00:14Et vieillir, c'est un défi.
00:17...
00:20En Europe, nous sommes de plus en plus nombreux
00:23à vivre de plus en plus longtemps.
00:25...
00:29Aujourd'hui, un Européen sur cinq a plus de 65 ans.
00:34...
00:36En 2050, ce sera un sur trois.
00:39...
00:43Ce vieillissement coûte cher, très cher, même.
00:45...
00:49La prise en charge de la dépendance et de la santé des personnes âgées
00:53pourrait représenter 30 % du PIB européen d'ici 2070.
00:58...
01:08Dans l'espoir de soulager les finances publiques,
01:11de nombreux Etats ont fait le choix de confier le grand âge
01:14aux bons soins du secteur privé.
01:16Parce que les vieux ont beaucoup téchère,
01:19ils peuvent aussi rapporter gros.
01:22C'est là tout le paradoxe de la silver economy.
01:25Un gisement d'or gris,
01:27exploité par de grands groupes privés,
01:29qui tirent les coups vers le bas pour augmenter leurs marges.
01:32...
01:35Nos aînés sont devenus une manne inépuisable
01:38sur laquelle on spécule.
01:39...
01:41Cette ressource, ce sont nos parents,
01:44nos grands-parents.
01:45...
01:47Et puis, c'est nous,
01:49les futurs clients des marchands de vieillesse.
01:51...
01:56Comment le capitalisme s'est-il emparé
01:58de nos ultimes années de vie ?
02:01Et à quel prix ?
02:02...
02:30En Europe,
02:32le marché du grand âge est dominé par trois multinationales.
02:35Orpea, Corian, appelée aujourd'hui Clariane,
02:39et Domus Vie, toutes d'origine française.
02:42...
02:47Pour attirer tous ces petits vieux, en faire des clients,
02:51la com' est bien rodée.
02:52...
02:57Fini les Ehpad grisâtres,
02:59place au bonheur à la carte,
03:01dans la joie et l'abondance.
03:03...
03:07Les multinationales du grand âge se développent par acquisition,
03:10en absorbant des groupes de dimension moyenne.
03:13Il s'agit d'atteindre une taille critique
03:15et de disposer d'une puissance financière incontournable.
03:19...
03:20La profitabilité des groupes est aux alentours de 10 %,
03:24c'est-à-dire à peu près le même niveau
03:26que la moyenne des groupes du CAC 40,
03:28si je laisse de côté les banques et les assurances très profitables.
03:32Donc c'est considérable.
03:34Ca veut dire qu'ils ont réussi
03:37à développer une stratégie
03:40à partir de la prise en charge de la vieillesse,
03:43qui leur permet d'être aussi rentable ou aussi profitable
03:48que Danone, qui vend des yaourts.
03:52Ces résultats ont été extrêmement élevés
03:54parce qu'ils ont pu pratiquer des prix élevés en France
03:58et parce que l'Etat les a en partie financés.
04:00La France, c'est une vachalée.
04:03C'est bien la puissance publique
04:05qui a construit ce secteur de cette manière-là.
04:09On les a laissés entrer, on les a encouragés à entrer dans ce secteur
04:12et on leur reproche de financer leurs actionnaires,
04:15mais c'est leur raison d'être.
04:16...
04:19Les coûts liés aux soins et à la dépendance
04:21demeurent à la charge de l'Etat, notamment les frais de personnel.
04:26Les pouvoirs publics subventionnent ainsi
04:28une industrie devenue très rentable.
04:31Alors, pour limiter la dépense, à partir de 2010,
04:35l'Etat va restreindre les ouvertures de maisons de retraite.
04:39Mais les géants du privé lucratif,
04:41qui possèdent 25 % des EHPAD, vont trouver la parade.
04:46Quand les potentiels de croissance en France
04:49commencent à ralentir ou à se tarir,
04:51on trouve d'autres potentiels de croissance
04:54et on le trouve à l'international,
04:55parce qu'on a des opportunités, là aussi, d'achat et de concentration.
04:59Donc, on va reproduire à l'international
05:02ce qu'on a fait en France.
05:03Musique intrigante
05:06Grâce aux profits amassés en France,
05:08les grands groupes partent à la conquête de l'Europe.
05:11Une stratégie payante.
05:13En 10 ans, ils doublent, voire triplent leur chiffre d'affaires.
05:17En 2022, celui de Domus Vie atteignait 1,6 milliard d'euros.
05:22Ceux d'Orpea et Corian, 4,5 milliards chacun.
05:29Orpea est désormais présent dans 16 pays du continent.
05:33L'autre géant, Corian, est implanté dans 6 pays européens,
05:37dont l'Allemagne, où il réalise un quart de son chiffre d'affaires.
05:42Domus Vie est établi dans 6 pays européens également,
05:47particulièrement en Espagne.
05:48Musique intrigante
05:52...
05:56L'Espagne a l'une des espérances de vie les plus élevées au monde.
06:00Pour les marchands de vieillesse, c'est l'Eldorado.
06:06Là-bas, le secteur du grand âge
06:08a été presque entièrement livré aux entreprises privées.
06:12Les groupes français se sont donc empressés
06:14de franchir les Pyrénées
06:16avec la bénédiction des autorités politiques locales.
06:20La privatisation du secteur des soins en maison de retraite
06:25est beaucoup plus importante en Espagne qu'en France.
06:28Ici, 89 % des établissements sont gérés par le secteur privé.
06:35Ca signifie que le privé a beaucoup de pouvoir
06:37dans la définition des politiques publiques
06:40en la matière d'un autre pays.
06:41Les groupes privés savent qu'il y a du profit à faire.
06:44Ils ont une clientèle et des fonds publics garantis.
06:48C'est une combinaison parfaite pour eux.
06:54Domus Vie a pénétré le pays en rachetant deux sociétés espagnoles.
07:00Depuis, le français dispose d'une position hégémonique.
07:03Il est le seul à posséder des établissements dans toutes les régions.
07:08Un empire formé à partir de la Galice,
07:10au nord-ouest de la péninsule ibérique.
07:13Mais ce succès économique ne garantit pas forcément
07:16une meilleure qualité de vie pour les pensionnaires.
07:20Carmen, la grand-mère d'Iria,
07:23a séjourné deux mois dans le centre Domus Vie de Montforte en 2020.
07:27Elle en est partie depuis.
07:47Oui.
07:48C'est bien ici, maman. Ils te traitent bien ?
07:51Oui.
08:16Je l'ai vue faire des belles vidéos.
08:18Et quand j'ai vu qu'elle ne parlait pas,
08:20qu'elle ne faisait aucun geste
08:22et qu'on devait lui tenir la tête pour qu'elle ne tombe pas,
08:25c'est là que mon cauchemar a commencé.
08:32La directrice m'explique que ma grand-mère est très âgée
08:36et qu'elle commence à s'éteindre, que c'est la loi de la vie.
08:39J'insiste et je la prie de l'envoyer à l'hôpital
08:42pour savoir ce qui se passe.
08:44Dans la chambre d'hôpital,
08:45ma grand-mère a commencé à éliminer une grande quantité de liquide,
08:49de couleurs noires, vertes,
08:50de toutes les couleurs avec une odeur nauséabonde.
08:53C'était à cause de ses intestins.
08:55Ça faisait plusieurs jours qu'elle n'allait pas à la selle.
08:59Les médecins m'ont alors expliqué qu'elle était dénutrie, déshydratée
09:03et qu'elle avait une thrombose pulmonaire.
09:06Et quand ils ont su qu'elle venait de chez Domus Vie,
09:10leurs visages se sont décomposés.
09:15Au fur et à mesure que les soignants examinent la vieille dame,
09:19ils découvrent avec effarement la gravité de son état.
09:23J'ai quelques photos de l'escar au sacrum de ma grand-mère.
09:32Elle est de la taille de mon poing.
09:35C'est inconcevable.
09:40Là, c'est le talon.
09:43Toute cette partie est déjà cicatrisée,
09:45mais elle n'a plus de talon et elle ne pourra plus jamais marcher.
09:50Jamais.
09:53J'ai pleuré.
09:54Je n'avais jamais vu une chose pareille
09:57et je ne m'attendais vraiment pas à ça.
09:59Même les infirmières de l'hôpital, quand elles ont vu ça,
10:03elles se sont affolées.
10:12Je suis en colère parce qu'ils m'ont mentie.
10:15Ils me disaient que ma grand-mère allait bien,
10:17mais tout ça, c'était des mensonges.
10:19Ils ont mis 7 jours avant de la transférer à l'hôpital.
10:23Je suis furieuse.
10:24Ma grand-mère aurait pu mourir par leur faute.
10:30Carmen, la grand-mère d'Iria,
10:33est loin d'être un cas isolé en Espagne.
10:36Ces images choquantes d'une résidence Domus Vie
10:39dans la région de Valence
10:41avaient défrayé la chronique en septembre 2020.
10:53Des personnes âgées attachées,
10:55amaigries,
10:57livrées à leur sort malgré leur dépendance,
10:59chutant, sans être secourues.
11:01Aïe !
11:10...
11:14Musique douce
11:18...
11:24Vieillir est s'encore vivre
11:27si on n'est plus considéré,
11:29plus respecté.
11:30...
11:34Vieillir est s'encore vivre
11:36si on n'est plus soigné,
11:38ni traité avec dignité.
11:39...
11:54Les résidences espagnolas,
11:56les maisons de retraite espagnoles,
11:59ont les taux les plus élevés au monde d'escar,
12:02d'infections urinaires
12:04et d'infections nosocomiales,
12:06selon l'OCDE.
12:08...
12:11Les escars sont une conséquence de l'immobilisation.
12:15Un patient immobilisé finit par faire des escars.
12:20Pour mobiliser le patient,
12:22il faut le changer de position.
12:24Et pour ça, il faut du personnel soignant.
12:29Mais c'est bien plus rentable d'être en sous-effectif,
12:32d'avoir des ratios de personnel plus bas
12:34que d'embaucher plus de gens.
12:36...
12:39En réponse, le groupe Domus Vie affirme respecter
12:43les protocoles d'hygiène et de propreté les plus strictes
12:46et souligne la pénurie de personnel dont souffre le secteur en Espagne.
12:50...
12:52-"Empezar el día con una sonrisa y mantenerla hasta la noche
12:55es nuestra vocación.
12:57Residencias para personas mayores Domus Vie.
13:01Al servicio de vuestra felicidad."
13:02...
13:05Ces images idylliques dissimulent pourtant une réalité parfois terrible
13:09que de nombreuses familles et salariés dénoncent.
13:12Mais ils s'attaquent à une entreprise très puissante.
13:15...
13:17En Espagne, Domus Vie doit son développement fulgurant à une femme,
13:22Josefina Fernandez.
13:23...
13:26Cette ancienne directrice de maison de retraite
13:29a bâti en quelques années un empire de 200 résidences
13:33et près de 30 000 salariés.
13:35...
13:38Grâce à elle, la multinationale réalise désormais
13:41près de la moitié de son chiffre d'affaires mondial en Espagne.
13:45...
13:49En novembre 2020, une commission est créée au Parlement de Galice
13:53sur les effets de la pandémie.
13:54La PDG du groupe est auditionnée.
13:57Un député de l'opposition l'interpelle.
13:59...
14:02...
14:23...
14:25Au fil du temps,
14:27Josefina Fernandez a su tisser des liens solides
14:30avec le parti populaire au pouvoir en Galice
14:33et en particulier avec son chef, Alberto Ferro.
14:36...
14:46Tous deux affichent une complicité évidente,
14:49visible lors de cette remise de prix.
14:52...
14:55Une relation que va questionner le représentant de l'opposition
14:59lors de la suite de l'audition de la femme d'affaires
15:02au Parlement de Galice.
15:03...
15:10...
15:13...
15:17...
15:19Les représentants du Parti populaire
15:21tentent d'empêcher le député de dénoncer la présence
15:24de l'épouse du président de ce Parlement
15:27dans le comité d'éthique de Domus Vitae.
15:29...
15:36Josefina Fernandez n'a pas besoin de se justifier.
15:39Le responsable de la commission s'en charge à sa place.
15:42...
15:54...
15:56Quant à Josefina Fernandez,
15:59elle ne reconnaît aucune faute
16:01et se dit même fière du travail accompli.
16:03...
16:12...
16:13Malgré les dénonciations, malgré les maltraitances,
16:17Domus Vitae semble intouchable.
16:19...
16:20Les familles questionnent le parti pris des inspecteurs
16:23chargés de surveiller les maisons de retraite,
16:26les fonctionnaires, dépendants des gouvernements régionaux.
16:29...
16:31Dans le cas de la grand-mère d'Iria, qui a failli mourir,
16:35les inspecteurs ont répondu
16:37qu'aucune lacune n'a été constatée dans les soins médicaux,
16:40reprochant même à la résidente
16:42de ne pas avoir fait preuve de coopération.
16:45...
16:47Comment est-ce possible qu'une personne de 92 ans,
16:50souffrant de démence, soit accusée d'être mal nourrie,
16:53d'avoir des escarts et de ne pas avoir été transférée à l'hôpital ?
16:56Comment c'est possible ?
16:58...
17:00L'Espagne ne compte que 200 inspecteurs environ
17:03pour 400 000 résidents dans tout le pays.
17:06Et leurs rapports ne sont pas rendus publics.
17:09...
17:1590 % du secteur des maisons de retraite
17:17est privatisé en Espagne.
17:20Et l'Etat n'assure que très imparfaitement
17:22sa mission de contrôle.
17:24...
17:26Les sanctions imposées sont rares et peu sévères.
17:29Donc, les grands groupes ne les craignent pas.
17:32...
17:36Si une entreprise écope d'une amende de 6 000 euros
17:39pour manque de personnel,
17:42mais que ce manque de personnel lui permet d'économiser 20 000 euros,
17:47ça revient à pousser l'entreprise à ne pas respecter la loi.
17:51Et ça ne l'incite pas suffisamment à corriger le tir.
17:54...
17:57Les grands groupes privés peuvent ainsi maintenir leur pratique
18:01et, d'homus vi, sa domination sur le pays.
18:04...
18:05Josefina Fernandez a fini par quitter l'entreprise en avril 2023,
18:09suite aux polémiques liées au Covid.
18:11...
18:14Malgré l'enfer vécu par sa grand-mère,
18:16Iria a été contrainte de la placer à nouveau
18:19dans une résidence d'homus vi.
18:20La Galice ne construisant plus de maisons de retraite publiques
18:24depuis 2009.
18:25...
18:27La multinationale française
18:29poursuit l'ouverture de résidences en Espagne,
18:31à la grande satisfaction de ses actionnaires.
18:34...
18:37...
18:41L'or gris.
18:42S'il y a un pays où les investisseurs ont compris
18:45comment se faire de l'argent avec les vieux,
18:47c'est bien le Royaume-Uni.
18:49...
18:51La financiarisation du secteur du grand âge
18:53y a été poussée à l'extrême.
18:55...
18:56A Guernézay, un petit paradis fiscal britannique,
19:00non loin des côtes normandes,
19:02l'homme qui possède cette luxueuse maison
19:04connaît bien le sujet.
19:05...
19:11John Moulton a dirigé une société de capital risque,
19:14un fonds d'investissement qui a fait fortune
19:17en rachetant des maisons de retraite.
19:19...
19:21Certains fonds d'investissement se développaient très vite
19:24et cherchaient des secteurs où investir.
19:27Tout le monde se disait, achetons des maisons de retraite,
19:30on va les rentabiliser et se faire beaucoup d'argent.
19:33Et en effet, des gens ont gagné beaucoup d'argent à cette époque.
19:38Il se faisait 25, 35 % de rendement avec les maisons de retraite.
19:43...
19:45...
19:47Mais ce dynamisme financier a son revers.
19:50Et ce sont les pensionnaires des maisons de retraite anglaises
19:53qui en font les frais.
19:54Ici, les grands groupes saisissent la moindre opportunité de marché.
19:59Opérations immobilières, revente au plus offrant.
20:03Un établissement peut donc fermer du jour au lendemain,
20:07sur décision comptable.
20:09Et les résidents sont ballotés d'une maison de retraite à l'autre.
20:13La loi impose au propriétaire un préavis de 28 jours seulement
20:17pour prévenir les familles,
20:19qui doivent trouver en urgence une nouvelle place pour leurs proches.
20:25C'est la mésaventure qui est arrivée à Paul Finch, à Bristol.
20:29A 92 ans, l'état de sa mère, Pam, a commencé à se dégrader.
20:36Jusque-là, cette ancienne comptable avait toujours vécu chez elle.
20:40Il y a deux ans, son fils unique a dû se résoudre
20:43à la placer dans une résidence pour personnes dépendantes.
20:56C'était la chambre de ma mère. Elle donnait sur le jardin.
21:00C'était juste à côté de chez moi.
21:02Je pouvais y aller en quelques minutes tous les jours.
21:06Elle a dû partir parce que la maison de retraite fermait.
21:09Et il a fallu lui trouver une place ailleurs.
21:11C'était très compliqué, parce que les 50 autres pensionnaires
21:15cherchaient eux aussi un établissement à Bristol.
21:22Je ne savais rien de tout ça,
21:24le jour où je suis venu ici pour lui trouver une place.
21:29Je me suis douté que quelque chose n'allait pas,
21:31parce que j'ai vu des géomètres arpenter le site.
21:34Ils prenaient des mesures avec leurs instruments.
21:40J'ai donc demandé si la maison de retraite allait fermer.
21:44Et on m'a répondu catégoriquement, non, on ne va pas fermer.
21:49En réalité, au moment où Paul installe sa mère,
21:53le propriétaire de la maison de retraite, le groupe HC1,
21:57avait déjà fait des démarches pour vendre ce site.
22:01Et six mois avant d'en informer les familles,
22:03sur des croquis alors confidentiels,
22:06des immeubles de rapports remplacent déjà les pavillons des personnes âgées.
22:16Je suis très fâché contre HC1,
22:19parce qu'ils se présentent comme l'entreprise des bons soins,
22:22alors qu'ils ont clairement menti, à moi et à d'autres familles.
22:27Ils savaient parfaitement que le site allait être reconverti et vendu.
22:32Je pense qu'ils mentaient pour attirer des clients jusqu'au dernier moment.
22:36Et prendre leur argent pour les garder là et encaisser les mensualités.
22:42Les actionnaires passent en premier.
22:44Et les proches, les familles et tous ceux qui sont impliqués sont secondaires.
22:48Ce ne sont que des pions sans importance.
23:07Mais que pèse le bien-être de 50 résidents âgés
23:10face à la valeur d'un bien immobilier d'un hectare et demi,
23:13proche du centre-ville de Bristol ?
23:18HC1 a justifié la fermeture de la résidence
23:22par raison de la faible qualité du site.
23:24Le site a été renouvelé,
23:26mais il n'y a pas eu d'information sur le site d'origine.
23:29Il n'y a pas eu d'informations sur le site d'origine.
23:31Il n'y a pas eu d'informations sur le site d'origine.
23:34Les familles sont frappées par la fermeture de la résidence
23:37par ces difficultés à recruter.
23:44Un terrain qui vaut de l'or.
23:46Un établissement au taux d'occupation trop faible pour être rentable.
23:50Un manque de personnel.
23:52Quelles que soient les raisons d'une fermeture,
23:54les familles sont toujours les dernières au courant.
23:59De leur côté, les salariés du secteur
24:02dans un pays où le marché fait la loi.
24:07On est impuissants face à la fermeture de ces résidences.
24:11On a régulièrement fait part de nos inquiétudes.
24:14En tant que syndicats, on a demandé aux collectivités locales de les racheter.
24:20Le problème, c'est qu'elles disent qu'elles n'ont pas les moyens
24:23à cause des coupes budgétaires incessantes.
24:26Donc on se retrouve coincés entre le marteau et l'enclume.
24:33Selon ce spécialiste des politiques sociales britanniques,
24:37l'objectif est clair, économiser l'argent public.
24:43Sous Thatcher, on a considéré qu'il fallait soulager
24:46l'état du fardeau que représentaient ces dépenses.
24:53On devait faire sortir ces dépenses du système de santé public
24:57en laissant les entreprises privées fournir ces services.
25:03Le cœur de cette idée, c'était d'éviter que ce soit aux contribuables de payer,
25:08d'éviter que ce soit le service public qui paie en offrant des soins gratuits.
25:17On devait aller vers un système où l'individu payait davantage.
25:22Et quand c'était à l'état de payer pour les personnes âgées,
25:25ça devait être le moins cher possible.
25:32Le mouvement de privatisation initié par Margaret Thatcher
25:36fait apparaître une nouvelle catégorie de capitalistes,
25:39les marchands de vieillesse.
25:43Dès 1988, un entrepreneur écossais, Robert Kilgour,
25:48a compris que le grand âge, c'était l'avenir.
25:52A l'époque, cet ancien vendeur de jeans,
25:55promoteur immobilier et businessman dans l'âme,
25:58est attiré par les subventions généreuses que verse le gouvernement britannique.
26:06J'avais un immeuble et je ne savais pas quoi en faire.
26:10Un ami m'a suggéré de me tourner vers un nouveau secteur,
26:13celui des maisons de retraite.
26:15Je me suis dit que oui, mon immeuble conviendrait bien pour un établissement de ce type.
26:21C'est comme ça que j'ai créé Four Seasons Health Care
26:24et que j'ai ouvert ma première maison de retraite
26:27à une époque où c'était rentable pour le privé d'investir dans ce secteur.
26:33L'entreprise s'est développée lentement les premières années.
26:36Après, on a eu l'opportunité d'acheter une société qui possédait 61 maisons de retraite.
26:44On ne pouvait pas financer nous-mêmes une opération d'une telle ampleur,
26:48un tel changement d'échelle, et la banque ne voulait pas suivre.
26:53On a donc frappé à la porte des fonds d'investissement.
26:57C'est comme ça que le grand Four Seasons est né.
27:01101 maisons de retraite, le cinquième groupe du Royaume-Uni,
27:06plus de 7 000 employés.
27:10À partir des années 2000, l'entreprise devient donc l'un des géants du secteur,
27:15grâce à l'argent injecté par la société de capital risque Alchemy Partners.
27:21Ce fonds, géré par John Moulton, va réaliser une opération très juteuse
27:26en revendant Four Seasons cinq ans plus tard.
27:30Aujourd'hui encore, depuis son havre de Guernesey, le financier s'en souvient avec émotion.
27:38On l'a acheté pour pas très cher.
27:40On a amélioré son fonctionnement et on l'a même développé un peu.
27:44Et puis on l'a vendu à d'autres fonds d'investissement qui se sont battus pour l'avoir.
27:48C'était une vente aux enchères sous pli fermé un samedi et le prix était élevé.
27:54Plusieurs centaines de millions.
28:00Désolé, je n'ai pas tous les chiffres en tête, j'ai fait plus de 250 deals.
28:08Attiré par ses perspectives de profit colossales,
28:11trois fonds vont se succéder en huit ans pour reprendre Four Seasons à tour de rôle.
28:18Ils procèdent via un mécanisme bien connu des experts.
28:22Pour obtenir le gain le plus élevé possible,
28:24ils rachètent le groupe en investissant peu d'argent propre et en ayant recours à beaucoup d'endettements.
28:32Chaque nouvel acquéreur avait pour stratégie de faire grossir l'entreprise,
28:37en pensant que plus elle serait grande, plus elle se vendrait chère.
28:42Plus ça allait, et c'est l'un des problèmes clés du secteur,
28:46plus les dettes s'accumulaient.
28:48Il y avait de plus en plus d'emprunts, et donc de plus en plus d'intérêts à payer.
28:53Ce n'était pas des emprunts classiques, avec des taux de 3 ou 5 %.
28:58Certains taux montaient jusqu'à 15 ou 18 %, dans un secteur qui ne rapporte pas autant.
29:07À son apogée, il y avait presque 1,2 milliard de livres de dette
29:11pour une société qui en gagnait environ un demi-million par an.
29:14C'est là que le groupe a été démantelé et placé sous administration judiciaire.
29:36La chute de l'un des plus grands opérateurs britanniques
29:39met dans le désarroi 17 000 familles et 22 000 salariés.
29:45Avec le recul, celui qui a fait entrer le loup dans la bergerie fait son mea culpa
29:50et dénonce lui-même les effets pervers de la financiarisation à outrance du secteur.
29:57Je suis le premier à avoir fait entrer une société de capital risque Alchemy Partners dans Four Seasons.
30:03Les autres fonds, ceux qui sont arrivés après, ne se sont pas bien comportés.
30:07Mais si je n'avais pas ouvert la porte, ils n'auraient pas pu s'introduire.
30:10J'ai donc un fardeau à porter. C'est la responsabilité que je dois assumer.
30:15Est-ce que je le referai aujourd'hui ? Non.
30:19Les rendements annuels trop ambitieux que ces fonds d'investissement ont essayé d'extraire du secteur des maisons de retraite
30:28ont, à mon avis, causé beaucoup de dégâts.
30:32Dans leur tête, c'est comme ça que ça fonctionne.
30:35C'est ce qu'ils font. Ils achètent beaucoup d'établissements, les agrègent pour créer artificiellement de la valeur,
30:42puis ils se retirent en ayant gagné beaucoup d'argent.
30:50Pour les opérateurs encore à flot, le maintien de la rentabilité passe par une sélection des bons clients,
30:56ceux qui ont les moyens.
30:59Les groupes privés ont tendance à fermer les maisons de retraite moins rentables,
31:02dans les régions pauvres, où les subventions locales sont peu élevées.
31:07À leur place, des établissements luxueux voient le jour.
31:16La plupart de leurs pensionnaires supportent seuls une facture très élevée.
31:21Près de la moitié des britanniques sont ce qu'on appelle des self-payers,
31:25ceux qui payent eux-mêmes, sans allocation de l'Etat.
31:29Ce sont ces clients qui fournissent au grand groupe l'essentiel de leurs marges.
31:35Certaines entreprises se font beaucoup d'argent, en particulier sur les résidents privés,
31:40ceux qui paient de leur propre poche.
31:43Elles font sortir énormément d'argent du système, et beaucoup d'entre elles possèdent des filiales dans des paradis fiscaux.
31:50On peut donc dire que c'est une perte nette pour le Royaume-Uni,
31:53parce que cet argent n'est pas imposé comme il le devrait.
31:56Ces revenus quittent le pays, et le gouvernement ne peut les réinvestir pour financer les maisons de retraite ou autre.
32:05Quel point commun entre les Anglais Four Seasons et HC1 ?
32:09Ou encore Domus Vie, le groupe français leader en Espagne ?
32:13Tous procèdent d'un montage financier complexe,
32:16dont les ramifications aboutissent dans différents paradis fiscaux, comme Garnezet.
32:22Les fonds d'investissement actifs sur ce marché parviendraient ainsi à échapper en partie à l'impôt sur les profits,
32:28gagnés pourtant grâce à l'argent public.
32:33Je vais vous montrer la structure classique d'un fonds de capital à risque.
32:3732 entreprises. La première d'entre elles est aux îles Caïmans,
32:41et porte le nom d'un film de James Bond, Skyfall.
32:45C'est fait exprès, pour que ni vous, ni des analystes comme moi ne puissions comprendre.
32:51On se perd dans le brouillard.
32:55Pourquoi est-ce que le gouvernement britannique tolère qu'un grand groupe de maisons de retraite
33:00transfère de l'argent à l'étranger pour tenter d'échapper à l'impôt, si c'est bien le cas ?
33:04Pourquoi ? La réglementation est défaillante.
33:08Face à cette situation, la classe politique reste inerte.
33:12Aucune des grandes promesses, comme celle affichée par Boris Johnson, n'a été mise en œuvre.
33:35De beaux discours, mais dans les faits, l'État continue de choyer les grands groupes.
33:40Depuis 2014, une loi contraint les municipalités à trouver des solutions de relogement
33:46lors des fermetures de maisons de retraite privées.
33:50Une aubaine pour les gros opérateurs, qui n'ont plus à assumer cette lourde responsabilité.
33:56Pourquoi une telle mensuétude ?
34:03Si ces entreprises quittent le secteur, où trouver de nouvelles ressources ?
34:08Où trouver l'argent pour construire de nouvelles maisons de retraite, pour maintenir celles qui sont en activité ?
34:16Le gouvernement se retrouve donc dans une impasse.
34:19S'il dérange trop ces grands acteurs, quelle est l'alternative ?
34:29Après avoir été forcé de quitter HC1, Paul a réussi à obtenir une nouvelle place, ici, pour sa mère de 93 ans.
34:37Mais cette maison de retraite a été à son tour mise en vente.
34:54N'est-ce pas assez de subir la détérioration de son corps ?
35:02L'altération de son esprit ?
35:07Faut-il encore subir un système qui enferme et fait perdre tous ses repères ?
35:25En bon capitaliste, les marchands de vieillesse savent parfaitement s'adapter à la demande.
35:31En Allemagne, 8 familles sur 10 préfèrent recourir au maintien à domicile avec l'assistance d'une auxiliaire de vie.
35:41Plusieurs centaines d'agences ont investi ce marché en plein essor pour servir d'intermédiaire.
35:47Elles font venir des femmes d'Europe de l'Est, une main-d'oeuvre travailleuse, flexible et moins chère que le personnel allemand.
36:01Dana est arrivée de Roumanie il y a quelques mois pour s'installer dans ce quartier d'Augsbourg, en Bavière, et s'occuper de Léo.
36:10Le vieux monsieur a construit cette maison de ses mains.
36:14Grâce à la présence de cette aide à domicile, il va pouvoir finir ses jours ici, entouré de ses souvenirs.
36:31J'ai besoin de ça pour ma peau.
36:39Oui, Léo.
36:41Un jour, on pourrait aller dans le jardin, si c'est mieux, et tu n'auras pas de douleurs dans tes jambes.
36:49Un peu comme ça, dans le jardin.
36:52Mais aujourd'hui, on fait de nouveau du sport avec tes jambes.
36:55C'est important, tu le sais.
37:01La présence permanente de Dana rassure Marianne, la fille de Léo, qui vit à plusieurs centaines de kilomètres de là.
37:12Ici, je suis très heureux.
37:15La maison de retraite, j'en partirai direct, j'aime pas.
37:23Pour mon père, c'est important de rester à la maison.
37:25Il l'a construite avec ma mère, nous y avons grandi, il y vit depuis 60 ans.
37:30Nous voulons qu'il reste ici le plus longtemps possible.
37:33C'est mieux que d'être arraché à son environnement habituel.
37:36Oui, c'est sûr.
37:38Je voulais absolument avoir une agence sérieuse, qui paie bien son personnel, qui garantit une protection sociale, que tout soit couvert.
37:47L'important pour moi, c'est d'avoir une agence qui travaille légalement, sérieusement, selon les lois allemandes.
37:56La famille de Léo dépense 3 238 euros chaque mois pour ce service.
38:04Cette somme est partagée entre deux intermédiaires.
38:083 000 euros vont à l'agence roumaine, chargée du recrutement de l'employé et du paiement des cotisations sociales là-bas.
38:16Cette structure règle 2 000 euros de salaire à Dana.
38:20Le reste, 238 euros, est versé à Visavi 24, une agence allemande chargée de la mise en contact.
38:36Entre Dana et Léo, tout se passe à merveille.
38:39Mais ce n'est pas toujours aussi simple.
38:41L'univers des agences de placement est un milieu opaque, aux pratiques parfois douteuses.
38:46Les familles ont beaucoup de mal à s'assurer du sérieux de ces intermédiaires.
38:56Les aides à domicile étrangères sont particulièrement vulnérables.
39:00Les agences recrutent dans des régions déshéritées d'Europe de l'Est, des femmes au chômage, endettées, peu susceptibles de revendiquer de meilleures conditions de travail.
39:10Anna est polonaise.
39:12Elle est partie du jour au lendemain pour une mission près de Düsseldorf.
39:17On ne sait pas où on met les pieds.
39:19On nous garantit certaines conditions de travail, mais sur place, on en découvre d'autres.
39:23Il m'est arrivé d'accepter une mission auprès d'une seigneur soit disant en bonne santé.
39:28J'ai découvert en réalité une dame avec une jambe en moins, un rein en moins, un estomac opéré.
39:34Il y avait de l'urine, des excréments, les pansements se salissaient.
39:37C'est moi qui les changeais.
39:39C'est quelque chose que je n'avais pas à faire, mais on nous le demandait et on nous apprenait à le faire.
39:52Elle est décédée.
39:54Il n'y avait plus rien à faire.
39:56La famille n'était pas là.
39:58J'étais complètement seule.
40:08On nous traite comme des bonnes du tiers monde.
40:11On entend souvent cette expression.
40:13Les filles du bloc de l'Est.
40:15Aucune soignante allemande n'aurait accepté ces conditions-là.
40:18On accepte ça parce qu'en Pologne, aucune femme ne peut gagner autant.
40:26Le prix de ce travail, c'est notre santé.
40:29C'est la séparation d'avec notre propre famille qui se fissure.
40:32C'est un temps qu'on ne rattrapera plus.
40:38Combien de femmes servent ainsi de main-d'oeuvre bon marché ?
40:42Corvéa Blamercy.
40:44L'opacité du secteur rend leur décompte impossible.
40:52On ne sait pas exactement combien d'auxiliaires de vie, originaires d'Europe de l'Est,
40:56travaillent aujourd'hui en Allemagne.
40:59On peut juste faire une estimation approximative, entre 300 et 600 000 personnes.
41:03Tout se passe dans une zone grise.
41:06Les aides à domicile ne sont pas visibles dans l'espace public.
41:09Elles ne sont pas non plus visibles pour le voisinage ou les proches qui habitent à proximité.
41:13Parce qu'elles vivent chez les gens et doivent être à leur disposition 24 heures sur 24.
41:20Elles n'apparaissent pas non plus dans les statistiques des services de soins dont nous disposons en Allemagne.
41:27Et finalement, on ne sait pas combien d'auxiliaires de vie, originaires d'Europe de l'Est,
41:31travaillent aujourd'hui en Allemagne.
41:42Le mot est « on s'occupe des gens » et c'est exactement ce qu'on fait aujourd'hui.
42:02Même dans les agences les plus sérieuses.
42:08Évidemment, ce n'est pas une promesse réaliste.
42:13C'est pour cela que nous avons décidé, il y a quelques années,
42:16de ne plus mentionner sur notre site Internet l'assistance 24 heures sur 24,
42:21mais uniquement l'assistance à domicile.
42:24La grande majorité des clients n'a pas besoin d'une assistance pendant la nuit,
42:28sauf peut-être deux ou trois fois pour aller aux toilettes.
42:32Ce qui peut être compliqué, c'est de distinguer le temps de travail,
42:35le temps de garde, la streinte et le temps libre.
42:39Et le fait que ces personnes soient des livins, c'est-à-dire qu'elles vivent sous le même toit,
42:43rend impossible les horaires de travail classiques,
42:46de 9h à 17h, inscrits dans le droit du travail allemand.
42:52Un tribunal a pourtant tranché.
42:53En 2021, une aide à domicile bulgare a fait reconnaître ces heures d'astreinte la nuit
42:59comme du temps de travail effectif.
43:01Paradoxalement, cette victoire judiciaire symbolique a eu des répercussions négatives.
43:08Les agences essaient de les engager en dehors du cadre juridique d'un contrat de travail.
43:16Elles ont maintenant tendance à privilégier le recrutement d'auto-entrepreneurs,
43:21afin d'éviter les obligations contractuelles.
43:27Ça veut dire que ces personnes ont encore moins de droits.
43:33Mais par qui remplacer cette main-d'oeuvre si pratique ?
43:36L'argument des agences est imparable.
43:39Le secteur ne peut se passer d'elle.
43:45Notre système de santé se serait effondré depuis longtemps.
43:51Quelle est l'alternative ? Il n'y a pas d'alternative.
43:54Tout le secteur de l'aide à domicile est privatisé.
43:59Il n'y a quasiment pas d'organisme public ou semi-public qui propose quoi que ce soit dans ce domaine.
44:08L'Union européenne a dressé un constat très sévère des conditions de vie et de travail de ces aides à domicile étrangères.
44:15Son comité économique et social a même affirmé que certaines situations avaient l'allure d'un esclavage moderne.
44:27C'était en mars 2018.
44:29Depuis, rien n'a changé.
44:33On ne peut pas continuer comme ça.
44:35Partout sur la planète, la population vieillit.
44:38Il n'y a donc pas assez de gens pour s'occuper des personnes âgées.
44:42Les employés polonaises s'occupent des personnes âgées allemandes.
44:47Les ukrainiennes s'occupent des personnes âgées polonaises.
44:52On va toujours plus loin à l'est pour chercher des travailleuses.
44:56Et puis il y a les femmes philippines qui s'occupent de tout le monde.
44:59Mais ça ne devrait pas se passer comme ça.
45:01Nous ne pouvons pas compter indéfiniment sur d'autres pays.
45:06Parce qu'alors, qui va s'occuper des personnes âgées en Ukraine ou aux Philippines ?
45:11On ne peut pas.
45:18Une division internationale du travail,
45:21où les profiteurs de vieillesse captent les auxiliaires de vie des régions les plus pauvres
45:26et se jouent des réglementations et des frontières.
45:29En Europe, il existe un royaume où les seigneurs se déclarent heureux.
45:34Plus heureux que partout ailleurs sur le continent.
45:37Le Danemark.
45:41Et comme rien n'arrive par hasard, ce champion consacre 3,6% de son PIB aux aînés.
45:4830% de plus que la France, 35% de plus que l'Allemagne.
45:52Ici, le grand âge est une mission confiée aux municipalités.
45:56Un service 100% public, financé par l'impôt.
46:00La prévention et le maintien à domicile sont au cœur d'un système reposant aussi sur le bénévolat.
46:12La généralisation des déambulateurs a permis de limiter le nombre de bénévoles.
46:18La généralisation des déambulateurs a permis de limiter le nombre de chutes, de fractures et donc d'hospitalisation.
46:30En cas d'accident, la commune finance des séances de rééducation, à l'aide parfois de robots.
46:38L'objectif est de favoriser le maintien de l'autonomie et de reculer le plus possible le départ en maison de retraite.
46:47Rester chez soi coûte cinq fois moins cher à la collectivité.
46:51D'ailleurs, le pays a cessé de construire des maisons de retraite il y a près de 40 ans.
46:56Mais cela ne suffit pas à résoudre le défi financier du vieillissement.
47:01Les communes consacrent 13% de leur budget aux personnes âgées.
47:06Comme la plupart des collectivités danoises, Helsingor, ville de 64 000 habitants, est étranglée financièrement.
47:15En 2023, il manquait 1,6 million d'euros pour boucler le budget dédié aux aînés.
47:25Le budget dédié aux personnes âgées est très serré, parce que nous avons une demande croissante.
47:31Le point positif, c'est que nos aînés vivent plus longtemps.
47:35De plus en plus de personnes atteignent 90 voire 100 ans.
47:40Mais ça veut dire aussi qu'elles ont plus de maladies chroniques qui nécessitent une aide.
47:45Ça exerce une pression sur le budget, alors que nous avons un plafond de dépenses pour cette population.
47:51Un plafond que l'État lui-même a fixé.
47:57Limiter le budget consacré aux seniors pour éviter de tout prendre aux jeunes générations, pas simple.
48:03Au Danemark, lorsque les politiques tentent de rogner sur les dépenses consacrées au grand âge, ils sont obligés de se méfier.
48:11Car les vieux Danois ne se laissent pas faire.
48:14Au fil des ans, ils ont bâti un outil d'influence redoutable.
48:19L'association Eldresagen, en français l'affaire des aînés, regroupe 1 million de Danois, 1 citoyen sur 7.
48:26Avec 180 salariés et 200 antennes locales, elle n'est pas là pour jouer les figurants.
48:33Bjarne Astrup, le fondateur, côtoie les politiciens les plus puissants du Danemark.
48:39Ce jour-là, le bureau de Copenhague tient son assemblée annuelle.
48:56Qu'est-ce que tu penses de Nicky Arnaud ?
48:59Je vais leur demander ça.
49:03Ils souhaitent des réformes, nous souhaitons des améliorations.
49:09Les réformes n'ont pas l'égalité avec les améliorations.
49:13Ils souhaitent que les problèmes s'éloignent de la maison de Christian Spohr et qu'ils sortent de la tête des communes.
49:20Et là-bas, nous devons aider les communes à avoir suffisamment d'employés et suffisamment d'argent.
49:27En septembre 2022, la première ministre est venue en personne au siège de l'association pour expliquer ses projets en direct à la télévision.
49:37En 40 ans d'existence, Eldrezagen a fait plier plus d'un gouvernement.
49:45En 2015, le ministre des Finances a voulu réduire l'allocation logement pour les personnes âgées.
49:51Il pensait que ça ne toucherait pas beaucoup de gens.
49:56Nous avons fait une étude montrant que 200 000 personnes âgées avaient vu leurs allocations logement se réduire.
50:04A cette époque, j'étais presque tous les matins sur une chaîne de télévision.
50:09Et je finissais le soir sur une autre chaîne parce que ce sujet passionnait l'ensemble de la population danoise.
50:15C'est vraiment ça que le gouvernement veut faire ?
50:18Qu'ils ont fini par retirer l'ensemble de leurs projets ? C'est l'une de nos très grandes réussites.
50:26Les mamies et les papys danois font de la résistance.
50:30Leur organisation est un modèle pour défendre les droits et la dignité des personnes âgées.
50:36Les autres Européens pourraient s'en inspirer.
50:39Mais le lobby des cheveux blancs pourra-t-il tenir éternellement face aux enjeux budgétaires ? Pas sûr.
50:49Ces derniers mois au Danemark, plusieurs parties ont évoqué l'idée que chaque Danois épargne désormais pour sa propre vieillesse,
50:58afin de soulager les finances publiques.
51:02Une première étape, peut-être, vers la privatisation des services aux aînés
51:07et la remise en cause de l'état-providence, comme cela s'est déjà produit ailleurs en Europe.
51:19La vieillesse peut être heureuse, même en maison de retraite.
51:27Comme ici, à Nantes, le temps d'une séance photo où les rôles ont été inversés.
51:35Les résidents ont quitté leur lit, leurs fauteuils, pour s'occuper à leur tour de l'équipe soignante.
51:41Ils sont devenus coiffeurs, cuisiniers, secrétaires, blanchisseurs.
51:48Des métiers qu'ils ont pu exercer dans leur jeunesse.
51:54Un premier pas pour changer de regard sur nos aînés.
52:11Un premier pas pour changer de regard sur nos aînés.
52:18Un premier pas pour changer de regard sur nos aînés.
52:25Un premier pas pour changer de regard sur nos aînés.
52:32Un premier pas pour changer de regard sur nos aînés.
52:38Un premier pas pour changer de regard sur nos aînés.
52:41Un premier pas pour changer de regard sur nos aînés.