Le réalisateur Bertrand Blier, célèbre pour ses comédies iconoclastes des années 1970 et 1980 Les Valseuses, Tenue de soirée et Buffet froid, est mort lundi soir à l'âge de 85 ans. Fils du comédien Bernard Blier, il avait révélé au grand public Gérard Depardieu en 1974 dans Les Valseuses, immense succès populaire au goût de soufre, avant de collaborer avec lui dans sept autres films dont Trop belle pour toi (1989).
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00:00Avec la disparition d'un cinéaste qualifié de provocateur, d'anticonformiste, amateur d'humour noir,
00:08c'est Bertrand Blié qui s'est éteint aujourd'hui à l'âge de 85 ans.
00:12Alors quand on pense à Bertrand Blié, on pense aux films des valseuses,
00:15à Kalmos, on pense à Préparer au mouchoir, on pense aussi à Tenue de soirée,
00:21tant de films qui aujourd'hui, peut-être, peut-être, ne pourraient pas voir le jour.
00:25Ça va être le thème de notre discussion maintenant.
00:28Et pour bien comprendre de quoi il s'agit quand on évoque Bertrand Blié et les valseuses,
00:34il suffit de revoir un extrait.
00:37Ne te fais pas de soucis, vieux. Dans la vie, tout s'arrange.
00:40Tu n'as jamais de vraies raisons de se biguer.
00:42Ils ne peuvent pas nous faire un trou au cul, on en a déjà un.
00:44On ne va quand même pas rouler comme ça, droit devant, sans savoir où,
00:48jusqu'à ce que le réservoir soit vide.
00:51Pourquoi pas ?
00:55Tu ne te sens pas en joueur ?
00:57On n'est pas bien ?
00:59Si, paisible, à la fraîche, décontracté du gland.
01:08Et on bandera quand on aura envie de bander.
01:11Voilà, tout le monde est en train de s'installer, de prendre place.
01:16Stephen Bellery, c'est vrai que c'est quelqu'un d'important dans le monde du cinéma qui vient de disparaître.
01:20Oui, il y a 18 longs métrages, mais c'est des classiques, en fait, que Blié nous laisse,
01:24des classiques qui ont marqué leur temps, leur époque, on va dire,
01:29qui seraient peut-être difficiles à monter en termes de production aujourd'hui.
01:33Blié avait cet humour noir, avait cet humour cru, avait ce regard aussi anticonformiste sur sa propre époque.
01:41Mais il a secoué aussi, on va dire, les années 70, la France de Pompidou.
01:45Il a quand même choqué même cette France-là en mettant, disons,
01:50le doigt parfois sur nos travers et sur une certaine France.
01:55Quand il réalise Les Valseuses en 1974, c'est son premier film.
02:00Il y a peut-être aussi dans l'esprit de Blié cette envie de choquer déjà,
02:04de secouer un monde du cinéma qui l'agace, lui qui a grandi.
02:08Rappelons que son père était évidemment un grand acteur, celui des tontons flingueurs.
02:15Donc il a grandi, il a vu ce cinéma, il a mis du temps à y arriver.
02:18Il était assistant réalisateur à 20 ans, il a fait d'abord un documentaire,
02:22il a mis du temps aussi à exister.
02:24Donc peut-être que la provocation a été un des ressorts
02:27et ça lui a permis d'exister de cette sorte-là et de marquer après environ 20 ans de cinéma.
02:32Myriam Boyer, bonsoir.
02:33Bonsoir.
02:34Vous avez tourné trois films de Bertrand Blié.
02:37Oui.
02:38Trop belle pour toi.
02:40Le bruit des glaçons et 1, 2, 3 soleil dans le désordre.
02:44Et puis une pièce au théâtre.
02:45Une pièce au théâtre.
02:46J'insiste parce que quand on fait du théâtre, ça veut dire qu'on passe deux mois ensemble.
02:50Et je dois dire que Bertrand était là tous les soirs pendant les représentations
02:54et on allait dîner tous les soirs après, comme à l'époque de son père.
02:57Quel souvenir avez-vous de lui aujourd'hui ?
02:59Formidable.
03:01Je crois que c'est un des plus grands qu'on ait eu.
03:05Je dois dire que je le mets, c'est même mes mentors,
03:07c'est Chéreau au théâtre, Corneau avec Céré Noir.
03:11J'ai eu cette chance-là et j'ai eu cette chance de travailler avec Bertrand.
03:18Et Bertrand, c'est quelqu'un, contrairement à ce qu'on dit,
03:23c'est pas pour provoquer, c'est son monde.
03:27C'est un véritable artiste.
03:28Il a son monde à lui.
03:31Son langage.
03:32Son langage.
03:33Et c'est un bonheur.
03:34Un grand dialoguiste.
03:35Voilà.
03:36Et quand vous êtes comédien, c'est un bonheur de rentrer dans le monde
03:40d'un véritable grand artiste.
03:42Comme je dis, il avait plein de choses à dire.
03:44Et d'ailleurs, il vous engueulait.
03:46Si on sautait un mot, il disait, non, je n'ai pas passé la nuit
03:50à trouver ça pour que tu l'avales.
03:52Non, non, pas question.
03:53Et il était attentif.
03:54Il était très...
03:57Il était là, quoi.
03:58Il était vraiment là.
03:59On ne pouvait pas lui la faire.
04:01Mais à l'heure de Me Too, est-ce que Bertrand Blier
04:04pourrait faire aujourd'hui les films qu'il a faits ?
04:06On parlait des valseuses ou préparer vos mouchoirs ou d'autres.
04:10D'autant plus qu'il a fait tourner neuf fois Gérard Depardieu,
04:13qui était son acteur fétiche.
04:15Oui.
04:15D'ailleurs, on s'interroge, est-ce que ce soir,
04:18le service public diffusera un film de Bertrand Blier ?
04:21Mais vous vous rendez compte, c'est terrible.
04:23C'est vraiment terrible.
04:24Parce que ce qu'il faut bien se dire...
04:25Pourquoi c'est terrible ?
04:26Parce que moi qui suis de la période, 20 ans, 68,
04:31donc c'est vraiment la période.
04:33On a vécu un moment extraordinaire.
04:36On a tout envoyé balader.
04:39Ça fait un bien, mais ça fait un bien à tout le monde.
04:43Même reculé ou plus loin, il y a quelque chose qui s'est passé.
04:47Il ne faut pas croire, mais les femmes...
04:49Nous, on pensait être l'égal des hommes en agissant comme eux.
04:53On agissait comme eux.
04:54Je veux dire, le harcèlement, ce n'était pas seulement des mecs.
04:57Il y avait des femmes qui étaient avec...
05:00On avait l'impression qu'on avait gagné la liberté.
05:03On s'est trompées.
05:04On s'est trompées, c'est sûr.
05:05C'est sûr que ce n'était pas malin.
05:07Ce n'était pas ce qu'il y avait de mieux à faire
05:09que d'avoir le comportement des hommes.
05:11Mais on a dit que Bertrand Billet était misogyne.
05:13Mais non.
05:14Alors moi, je l'ai cru.
05:15Moi-même, je l'ai cru, parce qu'il m'a rencontrée depuis les Valseuses.
05:18Et puis, on aimait beaucoup Patrick Devers.
05:20Donc quand il est parti, chaque fois qu'il faisait un film,
05:23il me disait de venir le voir.
05:26On discutait.
05:28Je ne travaillais pas avec lui jusqu'au jour où j'ai fait
05:31« Trop belle pour toi ».
05:32Et quand je voyais les films,
05:34je me disais, c'est bien que je ne sois pas dedans,
05:36parce que peut-être que je n'aurais pas trop aimé.
05:40Mais après, quand j'ai travaillé avec lui,
05:42il y a un truc que j'ai compris.
05:43Ce n'est pas de la misogynie.
05:44Si vous regardez, les rôles des femmes sont formidables.
05:48On n'est pas là en train de servir la soupe aux comédiens.
05:52Il y a toujours des rôles de femmes très forts.
05:54Carole Bouquet, Josiane Balasco.
05:56Les rôles de femmes sont très forts.
05:58Miu-Miu, Isabelle Huppert, même dans les Valseuses.
06:02Voilà, voilà.
06:03Je veux dire que vraiment, et Jeanne Moreau.
06:05Franchement, c'est le contraire de la misogynie.
06:09On va regarder un extrait de « Trop belle pour toi ».
06:12Et puis, on va continuer d'en discuter avec nos autres invités, bien sûr.
06:17Ça fait cinq jours que tu me regardes,
06:19et puis maintenant, tu me tournes le dos.
06:21C'est dégueulasse comme procédé.
06:28Pourquoi soudain, celle-là, qui justement n'a rien pour plaire,
06:33pourquoi elle nous chavit ?
06:37Comment est-ce possible ?
06:40C'est une femme sans importance.
06:41Ça serait très vite fini.
06:44Je la connais ?
06:45Non.
06:45On va continuer d'en discuter avec Emmanuelle Dancour,
06:47parce que vous êtes présidente de l'association Me Too Média.
06:50On va écouter aussi Lucas Aubry, rédacteur en chef adjoint du magazine Sofil.
06:53Mais sur Bertrand Blier, vous pourriez voir les Valseuses, Emmanuelle Dancour ?
06:59Moi, j'ai l'âge exact du film, et la réponse est non.
07:03C'est un film que j'ai aimé bien avant Me Too,
07:04que j'ai toujours refusé de voir, parce que j'étais très gênée.
07:08J'étais très gênée par le rôle qui était donné aux femmes dans ce film.
07:12Très gênée aussi, parce que c'était un film culte,
07:15qui a été un gros succès quand il est sorti.
07:16Il avait créé la polémique quand il est sorti.
07:18Mais il adorait ça, créer la polémique.
07:19Un film qui a été interdit au moins de 18 ans,
07:21qui aujourd'hui est tout public, ça pose aussi question.
07:23Et c'est un film culte qui est devenu aujourd'hui un film qui valide la culture du viol.
07:31C'est-à-dire que c'est une série de viols et d'agressions sexuelles totalement minimisées.
07:36Il suffit d'en parler, ne serait-ce qu'à Brigitte Fossey,
07:39qu'on n'a pas citée tout à l'heure,
07:40qui est totalement incapable de regarder la scène qui la concerne
07:42quand elle allait être un bébé,
07:44qui est une des rares scènes que j'ai pu avoir,
07:45parce qu'elle n'y arrive pas.
07:46Elle n'y arrive pas parce que c'est une agression.
07:48Et c'est un film qui aujourd'hui est dénoncé tel quel,
07:51et blié aussi.
07:53Souvenez-vous, en 2015, et je me tourne vers les produits cinéma,
07:58a refusé finalement à renoncer à un film qui s'appelait...
08:02Existe en blanc.
08:03Existe en blanc, qui était une sorte de valseuse un peu plus récente.
08:07C'était l'histoire nature en série, obsédée par les soutiens-gorges.
08:10Et lui-même a dit dans une interview à Allociné,
08:13aujourd'hui on ne peut plus faire ce genre de film, la tendance n'est pas à ça.
08:17Donc il a eu une prise de conscience.
08:18Peut-être qu'il avait peur d'être censuré.
08:20Mais peut-être.
08:21Mais non, il l'a proposé et il n'a pas pu le faire.
08:24Il vous avait proposé ce film ?
08:25Et vous auriez tourné dans ce film ?
08:27Je lui ai dit, c'est trop petit, mais autrement peut-être.
08:30Mais il faut savoir que moi je suis ici pour représenter les féministes,
08:34je suis dans cette posture-là.
08:35Nous les féministes, on n'est pas pour la censure.
08:38Et si ces films sont diffusés, moi j'ai aucun souci avec ça,
08:41à condition qu'il y ait de la context-culture.
08:43Moi je ne suis pas pour la cancel-culture.
08:45Amitié Média, on n'est pas pour la cancel-culture.
08:47Quand il y a eu cette histoire avec Le Dernier Tango à Paris à la Cinémathèque,
08:50on réclamait juste un débat, on ne réclamait pas du tout l'annulation du film.
08:53Vous n'avez pas confiance finalement aux spectateurs,
08:55qui saient bien que Les Valseuses, c'est le reflet aussi d'une époque,
08:58des années 70, et qu'aujourd'hui, effectivement, on ne ferait plus ce film.
09:01Mais ce n'est pas vrai, Olivier Truchot.
09:04Le film n'est pas le reflet d'une époque.
09:06Le viol n'a jamais été d'une époque.
09:08Le viol était déjà un crime à l'époque.
09:10Il est le reflet peut-être des dérapages de la libération sexuelle des années 70.
09:14On peut le dire.
09:16Regardez le film et appréciez les comédiens.
09:17Je ne sais pas de quoi ce film est le nom.
09:20Je sais ce qu'il est devenu aujourd'hui.
09:22Je sais qu'aujourd'hui, c'est un film difficile à présenter
09:25sans élément de contexte.
09:26Et puis, on sait aussi que, excusez-moi,
09:28mais Anou Grimbert, qui n'a pas été cité, et que je salue,
09:31qui a été la compagne de Bertrand Blier,
09:34a quand même raconté qu'elle aussi,
09:36elle a participé à cette espèce d'ambiance très malsaine sur les films
09:40où on minimisait tout ça.
09:42On rigolait bien.
09:43Oui, tout le monde rigolait parce que personne n'osait s'élever.
09:45Mais non, mais non.
09:46Anou Grimbert a quand même dit...
09:48Madame Anou Grimbert a quand même dit
09:51qu'on a tout assisté à des agressions sexuelles.
09:55Pardon, pardon.
09:56À des agressions sexuelles.
09:57Moi, je veux bien aujourd'hui, avec le regard d'aujourd'hui,
10:00qu'il y ait des comédiennes qui tout d'un coup regardent ça
10:02en se disant, mais à l'époque, à l'époque,
10:04j'ai tourné avec Anouk dans 1, 2, 3 Soleil.
10:07Je ne l'ai jamais vue un jour.
10:09Evidemment.
10:10Mais non, mais elle était en amour avec son maître.
10:15Il faut se démanifier du temps pour se réveiller.
10:17C'était très beau, très très beau.
10:19Il faut avoir du temps, je ne sais pas,
10:21mais il faut du temps pour ouvrir les yeux
10:23sur ce qui se passe et ce qui n'est pas acceptable.
10:26Elle l'a dit publiquement qu'elle a eu du mal à vivre
10:28certaines scènes avec le recul.
10:30Aujourd'hui, c'est terrible maintenant
10:32les gens qui ont un regard d'aujourd'hui.
10:36Moi, je suis très heureuse de ce qui se passe
10:38pour mes petites filles qui ont 24 ans.
10:40Très heureuse que ça avance.
10:42Ma mère s'est fait taper sur la figure pendant 16 ans.
10:46Les années 50, quand on allait au commissariat,
10:48ma pauvre dame, il faudrait que vous soyez gentille
10:50avec votre mari.
10:51Ça a évolué.
10:52Après, ça a évolué.
10:54Et que ça évolue encore.
10:55Tant mieux.
10:56Mais tant mieux.
10:57Mais regardons pas, regardons pas
10:59ces films avec l'œil d'aujourd'hui.
11:02En plus, je vais vous dire, des films nuls.
11:04Des films nuls parce qu'il y avait les valseuses.
11:06Mais on avait des films tous les jours,
11:08en casting, d'aller voir tous les jours
11:10des rôles mais qui étaient minables.
11:12Et il y a eu plein de films qui étaient minables.
11:14Là, c'est un beau film.
11:16C'est un très beau film avec des super acteurs.
11:18Que ce soit Miu Miu et les deux,
11:20c'est vraiment dommage pour des acteurs
11:22de ne pas voir le travail de ces trois personnes.
11:25C'est un film abîmé.
11:26Lucas Aubry, on ne peut pas résumer sa carrière aux valseuses,
11:28même si c'est son plus gros succès,
11:30parce qu'il a fait des films qui ont été célébrés à Cannes,
11:32qui ont permis à leurs acteurs d'obtenir des prix.
11:36On pense à Michel Blanc qui vient de disparaître
11:38et qui a eu le prix d'interprétation à Cannes
11:40en tenue de soirée.
11:42Lucas Aubry, peut-être la circonstance aggravante
11:44pour Bertrand Billet, c'est que son acteur fétiche,
11:46c'est Gérard Depardieu.
11:48Quand je dis qu'on hésite à diffuser
11:50des films de Bertrand Billet, c'est parce que
11:52dans les grands films de Bertrand Billet,
11:54il y a toujours Gérard Depardieu.
11:56Il y a souvent Gérard Depardieu.
11:58On se demandait si des chaînes de télé
12:00allaient pouvoir diffuser ses plus grands films ce soir.
12:02Vous évoquiez Le bruit des glaçons.
12:04Je pense que c'est un film qui est diffusable.
12:06Peut-être pour revenir sur les valseuses,
12:08je pense que s'il faut le regarder
12:10avec le regard d'aujourd'hui,
12:12mais également le mettre en perspective.
12:14C'est ce que fait parfois la critique de cinéma.
12:16C'est ce que font parfois des émissions de télé.
12:18Je pense qu'on devrait diffuser Les valseuses
12:20parce que c'est un film important,
12:22parce qu'il a fait des millions d'entrées à l'époque.
12:24Parce qu'il a révélé Patrick Devers, Gérard Depardieu.
12:26Parce qu'il a révélé des acteurs,
12:28parce qu'il est d'une certaine manière
12:30représentatif de cette époque
12:32qui avait bien des aspects problématiques.
12:34Il faut aussi le diffuser
12:36pour pouvoir le mettre en perspective
12:38et pour pouvoir parler de cette époque.
12:40Bertrand Blier, sa marque de fabrique,
12:42c'était cet humour noir,
12:44mais j'ai envie de dire même cet humour absurde.
12:46Quand on voit par exemple Buffet Froid,
12:48on est vraiment dans un film qui est sur l'absurde.
12:50C'est parfois surréaliste.
12:52On sait qu'il dialoguait très souvent avec Buñuel.
12:54Je veux parler de dialogue justement.
12:56C'est surtout des dialogues.
12:58C'est une langue, Bertrand Blier avant tout,
13:00qui se retrouve également dans les romans.
13:02Une langue qui n'est pas toujours très châtiée.
13:04Pas toujours très châtiée.
13:06Elle a quelque chose d'audiare,
13:08c'est une langue noble
13:10qui emprunte
13:12à une langue plus populaire.
13:14On va regarder un extrait.
13:16C'est celui de Buffet Froid
13:18où parfois on est dans des dialogues surréalistes,
13:20un peu absurdes.
13:22Bonne journée.
13:24La routine.
13:26Beaucoup de meurtres en ce moment ?
13:30Ça marche pas mal.
13:32Et vous arrêtez les coupables ?
13:34Le moins possible.
13:38Le coupable est beaucoup moins dangereux
13:40en liberté qu'en prison.
13:42Pourquoi ?
13:44Parce qu'en prison, il contamine les innocents.
13:46Donc il faisait tourner son père,
13:48Bernard Blier, grand acteur.
13:50Et voilà d'ailleurs comment
13:52Bernard parlait de Bertrand.
13:56Il avait fait des études très brillantes
13:58contrairement à ce qu'il dit d'ailleurs.
14:00Et je pensais qu'il allait faire
14:02une grande école.
14:04Il a décidé de faire du cinéma.
14:06J'étais ravi d'ailleurs.
14:08Je l'ai simplement aidé au départ.
14:10Je ne l'ai vraiment jamais aidé.
14:12Mais je lui ai simplement permis
14:14de frapper à la bonne porte.
14:16Je l'ai aiguillé au départ.
14:18Je ne m'en suis plus jamais occupé après.
14:20Parmi la nouvelle génération d'acteurs,
14:22ceux qui sont les têtes d'affiches aujourd'hui,
14:24ils ont réagi pour saluer aussi
14:26la mémoire de Bertrand Blier.
14:28C'est le cas de Jean-Paul Rouve qu'on a croisé
14:30aujourd'hui en pleine promotion
14:32des Tuches 5. Le film sort le 5 février.
14:34C'est intéressant de voir comment celui
14:36qui fait des grands films d'humour aujourd'hui
14:38regarde l'humour d'hier.
14:40Ils avaient partagé ensemble un court-métrage
14:42qui s'appelait Papa, Alexandre, Maxime et Eduardo
14:44et qui était sorti il y a 10 ans.
14:46On va écouter justement la réaction de Jean-Paul Rouve.
14:48Blier quoi !
14:50Et là t'es avec Blier.
14:52Lui, grand metteur en scène,
14:54immense dialoguiste.
14:56Là c'est de la poésie.
14:58C'est une langue le Blier.
15:00Donc moi ça me touche.
15:02Évidemment, c'est un cinéma que j'adore.
15:04Des grands films.
15:06Des chefs-d'oeuvre.
15:08J'ai tourné avec lui dans un court-métrage.
15:10C'était super.
15:12J'ai passé des moments avec lui.
15:14J'étais allé acheter du jambon,
15:16des grosses tranches de jambon,
15:18du jambon persillé.
15:20On se faisait à 10h du mat du jambon avec un coude rouge.
15:22Forcément, Blier était obligé.
15:24Emmanuel, vous avez réagi là.
15:26Vous avez souffiré au moment
15:28où on a dit c'est Jean-Paul Rouve.
15:30Pourquoi ?
15:32Parce que c'est quelqu'un...
15:36Moi je suis gênée.
15:38Je ne peux pas.
15:40Je suis gênée qu'on soit en train de célébrer...
15:42On ne comprend pas.
15:44C'est important pour ceux qui nous regardent.
15:46Je suis gênée
15:48qu'on soit en train de célébrer
15:50quelqu'un.
15:52Je ne sais pas si vous avez d'autres personnes
15:54qui ont réagi.
15:56Il pourrait y en avoir plein.
15:58Dans tous les cours, pendant des années,
16:00il reprenait des dialogues
16:02des films de Blier.
16:04Tous les gosses étaient élevés.
16:06Il peut lui faire n'importe quoi.
16:08Elle ne griffe pas, elle ne mord pas.
16:10Ce film des valseuses
16:12est quand même le marqueur fort d'un problème.
16:14C'est un point de vue politique.
16:16C'est une fiction.
16:18C'est un point de vue de réalisateur.
16:20Myriam l'a dit tout à l'heure.
16:22Elle a dit qu'il était vraiment ça.
16:24J'ai dit qu'il avait
16:26un monde d'artistes singuliers.
16:28L'artiste est singulier.
16:30C'est formidable.
16:32Quand vous êtes un artiste,
16:34on ne peut pas tout pardonner.
16:36C'est son univers.
16:38C'est son univers.
16:40David Lynch faisait un autre cinéma.
16:42Vous avez le cinéma de Bertrand.
16:44Le cinéma de Bertrand,
16:46il y en a beaucoup
16:48qui ne lui arrivent pas la cheville.
16:50Je vous assure que combien de comédiens
16:52ont travaillé des scènes dans les cours
16:54de Bertrand Bayer.
16:56On est en train de parler d'un film
16:58qui valide la culture du viol
17:00et qui la minimise
17:02et qui a rendu rigolo
17:04et sexy des viols
17:06et des agressions sexuelles.
17:08Quand on voit les valseuses,
17:10on ne se dit pas que je vais faire pareil.
17:12Elle est consentante.
17:14Le rôle de Miu Miu,
17:16elle est consentante.
17:18Vous ne trouvez pas que c'est un problème
17:20que le rôle de Miu Miu ?
17:22Vous ne trouvez pas que c'est un problème ?
17:24Elle se prend comme une gifle dans le film.
17:26On s'en prend toutes dans le film.
17:28Demandez à Brigitte Frosset.
17:30Encore une fois, c'est une fiction.
17:32J'en donne une à Gérard Depardieu
17:34dans Trop belle pour toi.
17:36Je lui flanque une trempe
17:38et tout le plateau était là
17:40et était content de voir la tête de Gérard.
17:42Qu'est-ce qu'il va dire ?
17:44Vous voyez, la femme,
17:46elle peut même donner une claque.
17:48Il y a d'autres réactions.
17:50Comment protègent les techniciennes sur les plateaux ?
17:52Comment protègent les actrices sur les plateaux ?
17:54Jean Dujardin, on l'avait croisé.
17:56C'était une archive à l'occasion
17:58de la sortie du bruit des glaçons.
18:00Il a réagi sur Instagram.
18:02On a le droit aussi au moment
18:04du décès d'un réalisateur
18:06de ne pas que le réduire à cette
18:08prétendue misogynie qu'il l'est peut-être.
18:10Je pense que ces films sont en beaucoup
18:12de points problématiques, mais on a le droit
18:14au moment de lui rendre hommage
18:16de parler d'autre chose tout en mettant
18:18un texte, et c'est un peu ce qu'a fait Jean-Paul Ronde.
18:20Simplement pour rester sur les valseuses
18:22d'Emmanuel Dancourt, vous pensez que
18:24derrière les valseuses, un film comme ça,
18:26ça incite à violer ?
18:28Je pense que ce film a donné une image
18:30drôle, cool et rigolote.
18:32J'en ai vu plein d'extraits.
18:34Peut-être que si je les mets bout à bout,
18:36ça fait le film.
18:38Je ne peux pas voir un film où il y a Depardieu.
18:40Excusez-moi, Charlotte Tarnou est à l'association.
18:42Les victimes de Depardieu sont à l'association.
18:44C'est mon choix. Je n'ai aucun problème
18:46à ce que les gens le regardent. Je ne suis pas
18:48dans la cancel culture, je le redis. On est dans la contexte culture.
18:50Mais moi, je ne peux pas.
18:52Vous ne pouvez pas regarder aujourd'hui un film du genre Depardieu ?
18:54En fait, j'en suis vraiment incapable.
18:56Incapable, parce que je connais les victimes,
18:58mais incapable tout court par solidarité.
19:00Mais ce n'est pas que Depardieu, c'est tous les autres
19:02mis en cause. Je ne peux pas aller voir
19:04des spectacles ou tout ça.
19:06On va regarder encore un extrait. L'oeuvre
19:08de Bertrand Blier, c'est aussi
19:10tenue de soirée
19:12qui aborde
19:14l'homosexualité, le trio amoureux,
19:16mais à la mode, bien sûr, Bertrand Blier.
19:18Oui.
19:20Pour un mec qui a du pif, tu pourrais le tendancer par éviter les proprios.
19:22Surtout quand ils sont armés. C'est de ta faute, tu n'as qu'à pas me troubler.
19:24Comment ça, c'est de ma faute ?
19:26Il est beau, lui. Parfaitement, tu me troubles.
19:28Alors moi, je fais des conneries. Comment ça, je te trouble ?
19:30Ta présence me trouble, ton odeur me trouble.
19:32Te sentir derrière moi dans l'obscurité,
19:34ça me déperd mes moyens.
19:36Quand tu es devant, c'est encore pire.
19:38Tu le trouves pas un peu bizarre, toi, ce mec ?
19:40À quel point de vue ?
19:42T'as pas l'impression qu'il aurait derrière la tête
19:44comme une idée de m'enculer ?
19:46C'est pas exclu.
19:48Voilà.
19:50Ça, c'est la provoque. Il faut rappeler que
19:52c'est Berlard Giraudeau qui devait jouer le rôle
19:54de Michel Blanc. Il l'a refusé
19:56parce que c'était un rôle assez audacieux,
19:58pas évident à assumer. Et Michel Blanc
20:00a eu raison d'accepter. Sa carrière a changé
20:02à ce moment-là.
20:04Évidemment. Et puis rappelons que quand même, Blier
20:06va remettre
20:08dans la lumière toute cette troupe
20:10du splendide. C'est-à-dire qu'après
20:12Les Bronzés, il va faire tourner
20:14quasiment tout le splendide individuellement.
20:16Thierry Lhermitte, Michel Blanc à deux reprises,
20:18Tenue de soirée, on l'a dit, puis Merci la Vie en 91.
20:20Il va faire tourner Dans Trop Belle pour toi,
20:22Josiane Balasco, puis Les Acteurs en 2000
20:24où chacun a joué son propre rôle. Thierry Lhermitte
20:26dans La Femme de mon pote, et puis Clavier
20:28dans l'ultime film qu'on voit exceptionnel.
20:30Qui avait été coproduit par Christian Clavier, d'ailleurs.
20:32En 2019. Et donc, il l'a fait
20:34tout au long de sa carrière.
20:36Il a eu cette période où il a voulu faire
20:38retravailler cette troupe du splendide.
20:40Et puis, c'est quelqu'un, d'ailleurs,
20:42Jean Dujardin le dit, c'est quelqu'un qui aimait beaucoup les acteurs
20:44dans son poste. Et il a aussi fait découvrir
20:46en tout cas, toute une nouvelle génération d'acteurs.
20:48Puisque Depardieu, Miu Miu,
20:50Isabelle Huppert, Devers sont
20:52totalement inconnus quand ils montent ce film.
20:54Mais il les met dans la lumière et il fait des stars. Donc, il avait
20:56aussi cette gourmandise de faire
20:58découvrir des jeunes, de les mettre dans la lumière,
21:00de les diriger. Il avait vraiment le
21:02nez pour les découvrir. Depardieu
21:04qui fait le siège du
21:06producteur pour jouer dans les valseuses.
21:08Parce qu'il se dit, c'est vraiment le film qu'il me faut pour démarrer
21:10ma carrière. Ce que vous avez évoqué, tous les acteurs
21:12du splendide, il y a la réaction de Josiane Balasco
21:14aujourd'hui sur son compte Instagram.
21:16Voilà ce qu'elle a écrit
21:18Josiane Balasco pour saluer
21:20la mémoire de Bertrand Blier.
21:22Elle lui a
21:24dit, elle lui a dit, écoutez, j'aimais
21:26beaucoup cet homme.
21:28Au revoir Bertrand.
21:30Et puis au passage, en fait, bois un verre
21:32avec Michel.
21:34Avec Michel Blanc.
21:36Et quand on a Anouk Grimbert qui dans un article de Elle
21:38dit que Blier et lui s'excitaient mutuellement
21:40pour humilier les femmes et en rire. L'équipe faisait
21:42allégeance, riait aussi pour plaire au roi.
21:44À ce moment-là de ma vie, je n'avais alors pas d'autre choix que
21:46de rire avec la meute pour avoir une petite place.
21:48Moi, je trouve que cette parole-là, je regrette qu'Anouk
21:50ne soit pas là sur le plateau ce soir. Cette parole-là,
21:52il faut l'entendre aussi. D'une femme qui
21:54connaissait Blier intimement et
21:56quitte à, et avec de la nuance,
21:58je suis d'accord pour la nuance. À parler de quelqu'un,
22:00il faut en parler dans toutes ses dimensions. On ne peut pas
22:02juste célébrer la personne. Il s'en est défendu. Il disait
22:04à Blier, j'ai toujours adoré déshabiller les femmes
22:06au cinéma. Je n'aime pas qu'on me raconte
22:08des histoires d'amour où l'on fait semblant. J'aime
22:10la crudité du regard. Lui, il estimait
22:12que les artistes, les acteurs
22:14n'étaient pas là pour s'économiser sur
22:16un plateau de cinéma, que ça n'était pas un métier
22:18facile à faire et
22:20qu'on était dans ce métier pour
22:22montrer parfois une certaine forme de réalité.
22:24Peut-être que son envie dans Les Valseuses
22:26était de montrer que la culture du viol
22:28faisait partie des années 70 et
22:30que ça existait aussi. C'est une
22:32fiction en cela. Il ne faut pas mélanger
22:34la liberté sexuelle avec
22:36la culture du viol.
22:38Parce que c'est une autre époque. Aujourd'hui,
22:40tu fais ce film,
22:42peut-être que tu te dis,
22:44mais vraiment, à l'époque,
22:46ça n'a rien à voir
22:48avec la culture du viol. Rien à voir.
22:50Merci à tous.
22:52Quand la personne est soumise, c'est de la culture du viol.
22:54Merci à tous. Merci d'avoir été avec nous.