Arrivé ce vendredi matin en quatrième position du Vendée Globe, le skipper de Charal Jérémie Beyou est revenu sur ses dernières heures de navigation et sur la bagarre qui l'a opposé à plusieurs concurrents pour cette place d'honneur.
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00:00La frustration, la fierté, qu'est-ce que c'est ?
00:15Il y a des quatrièmes places qui sonnent comme des défaites, celles-là sonnent plutôt
00:22comme une victoire.
00:23Ça met un peu de temps à accepter que ça ne serait qu'une quatrième place et puis
00:28au bout du compte je suis fier de cette quatrième place donc c'est un peu tout ça qui ressurgissait
00:36hier soir au moment d'arriver.
00:37Après l'arrivée a été l'image de tout le reste de la course, même l'arrivée n'était
00:45pas simple.
00:46Il y avait 40 nœuds juste 10 milles avant la ligne, sur la ligne ce n'était pas évident,
00:52la mer s'est creusée et il fallait juste franchir la ligne d'arrivée, ça n'a pas
00:57été si simple.
00:58Il y a des courses qui sont plus faciles que d'autres, qui sont plus fluides que d'autres.
01:03Celle-là a été plus fluide pour les trois de devant, un peu moins pour moi et tout le
01:10groupe que j'ai fini par réussir à mener.
01:15Après quand c'est dur aussi, tu es d'autant plus satisfait de ce que tu as fait et d'arriver
01:24à t'en sortir.
01:25De toute façon cette course-là c'est avant tout le dépassement de soi et d'arriver à
01:31aller au bout de ses idées, aller au bout de la course quoi qu'il arrive.
01:35Pour le coup là j'ai eu quelques sujets sur lesquels arriver à me dépasser.
01:41Sur l'intensité qui a surpris tout le monde de A à Z, vous avez été en mode régate.
01:48C'est surprenant oui ou non, il faut être habitué à ça, c'est sûr.
01:55Je pense que cette course-là, devant en tout cas, va aller de plus en plus vers ça.
01:59Après il y a des cuts météo qui se font et on n'y peut pas grand-chose, on est un
02:04peu passagers quand ça arrive.
02:05Mais après au sein des groupes, devant en tout cas, on l'a vu avec Charlie Johan et
02:14on l'a vu dans notre groupe avec Nico et avec Sam, il ne faut rien lâcher.
02:19Et là depuis l'Indien je suis en mode Figaro quasiment, avec ton ciré, tes bottes, t'as
02:29tout qu'est par terre, tu manges par terre, tu dors par terre, tu fais la météo par
02:35terre, t'as une main sur ton écoute en permanence.
02:40Ouais c'est sûr qu'il faut être prêt à ça, pour arriver à faire des bonnes places
02:45sur cette course-là, maintenant il faut être prêt à ça, c'est sûr, ouais.
02:49Alors !
02:51Ouais à qui j'ai dit, c'est un de vous deux que j'ai dit hier, que si c'est pas
03:16toi ce n'est peut-être que lui, que moi cette course je l'adore, que moi cette course
03:22je l'aime, je la veux, et que quelque part j'avais un peu le sentiment que cette course-là
03:27voulait pas de moi, mais parce que ça a commencé par deux abandons et puis tous les péripéties
03:33qu'on connaît, mais si on prend le résumé que tu viens de donner, c'est quand même
03:37trois bouclés d'affilée, et à chaque fois en naviguant comme il faut je trouve, donc
03:45voilà, chacun a son aventure avec cette course-là, la mienne elle n'est pas si simple, elle
03:52n'est pas scellée d'une victoire pour l'instant, mais malgré tous les misères qu'elle peut
03:57me faire, j'adore toujours.
03:58Tu vas revenir ?
03:59Écoute je vais retrouver ma femme et mes petits, je vais partir en vacances et puis
04:07tu me reposeras la question dans quelques semaines.
04:08Alors le record de l'avènement c'est que t'as fait mieux qu'Armel.
04:12J'ai fait mieux qu'Armel ?
04:13Ouais.
04:14J'ai fait un truc avec Armel.
04:15Écoute non, bah ouais, de toute façon après, c'est une course, je pensais que ça allait,
04:24je me disais à un moment que ça allait quand même basculer, bon l'Indien il part, tu
04:29te dis peut-être pacifique, on va réussir à recoller et puis après le Cap Horn, tu
04:33reprends l'historique de tous les tours du monde, t'as tout le temps des coups après
04:37le Cap Horn et il y a un effet d'élastique et ça revient, et là pas du tout.
04:42Donc c'est sûr que c'est une course qui a été un peu particulière de ce côté-là,
04:48mais devant, ils étaient devant et ils se sont retrouvés devant au bon moment et notamment
04:53Charlie il a pris les quelques petites dizaines de milles d'avance qui ont fait le cut au
04:58bon moment et donc un immense bravo à lui, je crois que c'est un marin XXL, il a réussi
05:06à surmonter son précédent Vendée où les circonstances à l'arrivée sont quand même
05:13j'imagine un peu compliquées pour lui à avaler et il a quand même franchi deux fois
05:18d'affilée la ligne d'arrivée du Vendée en tête et c'est pas rien, ça prouve bien
05:24que c'est un extraterrestre donc bravo à lui, bravo à Johan, bravo à Seb, Seb j'avais
05:29mis dans mon petit carnet des favoris et je suis super content pour lui, et puis surtout
05:36bonne chance à tous ceux qui sont encore en mer, il faut que ça se finisse bien, les
05:40conditions sont compliquées là pour les jours à venir donc j'espère que chacun va finir
05:46en bon état.
05:47Qu'est-ce que vous retiendrez de ce cinquième par rapport aux autres, c'est le plus intense
05:51ou le plus rapide ?
05:52Je pense que c'est le plus intense, le niveau de la flotte a encore augmenté, c'est beaucoup
05:55plus dense dans les dix premiers, c'est vraiment dense, ça ne pardonne pas la moindre erreur
06:02et ça ne pardonne pas la moindre petite impasse météo, Thomas Ruyant c'est un monstre aussi,
06:20et au départ tu te dis Thomas Ruyant il va être sur le podium, en fait non, le moindre
06:26petit truc qui ne va pas à bord, le moindre petit phénomène météo fait que tu es derrière
06:31et puis tu peux vite te retrouver 6, 7, 10, 12, dans ces eaux là c'est vraiment intense
06:39et puis après les phénomènes météo je trouve vont plus vite, c'est plus compliqué, il
06:45y a des grains, les vents sont instables, sur ces machines là c'est compliqué à gérer
06:50les machines sont extrêmes donc dès que le vent n'est pas stable il faut vraiment
06:55être dessus pour arriver à trouver un point d'équilibre et à faire avancer la machine
06:59correctement, ça c'est beaucoup plus intense aussi, la machine en elle-même est plus intense,
07:04la concurrence, tout le monde veut gagner, cette course est encore entrée dans une autre
07:12dimension, c'est un truc de malade.
07:16Et au niveau des émotions aussi ?
07:19Oui parce qu'après c'est le concept, tu es en solitaire et sans assistance donc tu es
07:30dans ta boîte de carbone, elle fait 20 mètres mais en vrai tu es dans 6 mètres carrés
07:34pendant trois mois et quand ça se passe mal tu es face à toi-même et dans cette caisse
07:40de résonance qui est cette boîte en carbone en fait et du coup toutes tes émotions elles
07:43sont décuplées, elles résonnent dans ta tête et il faut arriver à passer au-dessus
07:48de ça et c'est un exercice, cet exercice mental il est ultra difficile, il est ultra
07:53stressant, il est ultra compliqué à gérer et voilà pour parler des émotions quand
08:00tu arrives au bout de ça pour le coup ça fait du bien et c'est satisfaisant.