Après une consultation en interne, la direction de la rédaction a choisi de geler les comptes de «Libé» sur la plateforme d’Elon Musk. En direct vidéo, on revient sur cette décision avec Lauren Provost, directrice adjointe, et Mickaël Frison, responsable des réseaux sociaux.
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00:00Depuis le rachat de Twitter par Elon Musk, le réseau social il a changé.
00:03Il prend le nom de X, il laisse proliférer la haine,
00:06met en avant tout ce qui correspond plus ou moins à un agenda ultra conservateur
00:10et surtout, il laisse passer énormément de désinformations.
00:13Cette semaine, on vous l'a annoncé, Libération a pris la décision de quitter X,
00:17de je laisser compte et donc de ne plus rien y partager.
00:20Et ce que je vous propose aujourd'hui, c'est de comprendre pourquoi on a fait ça.
00:23Et pour ce faire, on reçoit Lauren Provo,
00:25tu es directrice adjointe de la rédaction de Libération.
00:28Salut Corentin, salut tout le monde sur le chat.
00:31Et à côté de toi, Mickaël Frison, tu es responsable des réseaux sociaux à l'Ibé.
00:34Bonjour Corentin, bonjour à tous.
00:35Alors ma première question, c'est pour toi, Lauren,
00:37sur le dernier post Twitter, donc X, de l'Ibé.
00:43Il est écrit que la plateforme ne correspond plus aux valeurs de notre journal.
00:48Pourquoi ?
00:50On peut se poser la question dans l'autre sens.
00:51On peut se demander quelles sont les valeurs de Donald Trump
00:55et par extension celles d'Elon Musk, propriétaire de cette plateforme depuis 2022
01:00et qui a une place de choix dans la nouvelle administration du nouveau mandat Donald Trump.
01:04Si je fais la liste, ça peut être les idées réactionnaires, le mensonge, la violence,
01:10la loi du plus fort et celle du plus riche, du coup, le sexisme, le racisme, la haine des institutions.
01:18Et donc pour moi, c'est ça qui définit aujourd'hui l'idéologie de Donald Trump et celle d'Elon Musk.
01:24Et quand je fais cette liste là, on voit bien à quel point c'est l'inverse de ce que défend un média comme Libération.
01:31C'est vraiment à l'opposé de nos valeurs, puisqu'on est un journal de gauche progressiste
01:36qui a toujours transmis des valeurs d'humanisme et de tolérance.
01:41Et aujourd'hui, on ne peut plus ne plus voir ce décalage, en fait,
01:45entre les valeurs qui sont promues par cette plateforme et son algorithme et les nôtres.
01:50Et ça nous a sauté aux yeux ces derniers mois et ça a sauté aux yeux du monde
01:54quand Elon Musk a décidé de faire un double salut nazi en modo vision.
01:58Ça, c'est sûr. C'est une question qui s'est pas mal posée dans le tchat.
02:01À quel point l'investiture de Donald Trump a joué dans la prise de la décision?
02:06Merci beaucoup de regarder cette discussion.
02:07S'il vous plaît, abonnez-vous à la chaîne YouTube de Libération.
02:10On produit des vidéos comme ça chaque semaine.
02:12Vous pouvez commenter, vous pouvez liker et surtout, je vous souhaite un bon visionnage.
02:17On peut peut-être raconter comment on a pris la décision,
02:18parce que c'est une décision, en fait, qui est une longue réflexion.
02:24En fait, on parle de quitter X ou de ne pas quitter X.
02:27C'est un vrai débat, un dilemme depuis le rachat par Musk,
02:30parce que très rapidement, et Michael va revenir dessus dans les détails, je pense,
02:34puisqu'il est au cœur de tout ça en tant que responsable de nos réseaux sociaux.
02:37En fait, très rapidement, on voit des changements sur la plateforme qui viennent compliquer notre travail.
02:42Je pense que ça a commencé avec la fin de la modération,
02:46enfin la diminution de la modération et la conséquence pour une rédaction comme la nôtre,
02:50ça a été l'impact sur le travail de nos journalistes et le harcèlement qu'ils pouvaient subir
02:55et comment est-ce qu'on pouvait lutter contre.
02:58Je pense qu'il y a eu ça, il y a eu des changements progressifs d'algorithme
03:01qui ont fait que nos contenus informationnels étaient déjà moins mis en avant
03:06et que, à chaque fois que quelqu'un se rend sur la plateforme,
03:09s'il vient pour chercher des contenus de Libération, dans tous les cas, on va toujours lui montrer,
03:12en premier, les posts d'Elon Musk et en second, des posts qui sont à l'opposé de ce qu'il pense ou elle pense.
03:19Et on a observé tout ça, on a souvent eu des discussions en pleinière avec Mickaël
03:25et toute l'équipe rédactionnelle dans notre comité de rédaction pour parler de ces changements,
03:30pour que les gens les comprennent, parce que tu peux te dire aussi qu'est-ce qui se passe,
03:33je ne reconnais pas Twitter, mais vraiment pour les comprendre,
03:36on a chroniqué tout ça et on en a discuté ensemble.
03:39Et progressivement, on a commencé à se dire, mais quel est l'intérêt de rester là-dessus ?
03:45Et est-ce que ça peut s'inverser ?
03:47Et on voyait, au contraire, la situation se dégrader avec des conséquences à la chaîne.
03:53Et puis, on a fini par se dire qu'il fallait accélérer notre prise de décision
03:58et avoir des discussions un peu plus tranchées après l'élection de Donald Trump,
04:02puisque tout ça se précisait, et également la place qu'allait avoir Elon Musk dans l'administration Trump.
04:07Et donc, depuis novembre-décembre, on a eu plusieurs échanges
04:12qui se sont soldés par un vote de la rédaction organisé par notre société des rédacteurs.
04:17Et là, on a eu accès à un résultat où plus de 80% des membres de la rédaction ayant participé au scrutin
04:26ont décidé de quitter X, donc on a décidé de les suivre.
04:31Et ça arrivait à un moment où notre réflexion aboutissait aussi à ça.
04:38Avec l'investiture de Trump et le double salut nazi, c'était indéfendable de rester pour nous sur cette plateforme.
04:44Donc, on a décidé de la quitter le 21 janvier dernier.
04:47Moi, je voulais te demander, Mickaël, est-ce que tu as vu la plateforme changer ?
04:51Ça fait longtemps que tu travailles, que tu gères les réseaux sociaux.
04:55Est-ce que Twitter, X, a changé au fil du temps ?
04:59Oui, dès le rachat par Elon Musk, très rapidement, on a été confronté à des bâtons dans les roues pour faire notre travail.
05:08C'est-à-dire, tout à coup, sous nos postes étaient surexposés des commentaires vraiment haineux d'utilisateurs
05:16qui payent pour l'affichage de ces commentaires.
05:19C'est ceux qui payent pour avoir le X vérifié, le bouton bleu, la coche.
05:28Donc, ces commentaires-là, ils étaient bien plus mis en avant que les autres.
05:31Et c'est des gens qui veulent faire entendre ce qu'ils ont à dire.
05:34Donc, ils payent pour ça.
05:36Ensuite, il y a eu le changement d'affichage des articles sur X.
05:43Nous, le compte Twitter, le compte X de l'IB, c'était le partage des articles de libération, en gros, toute la journée, de 5 heures du matin à 2 heures du matin.
05:53Et tout à coup, le titre de l'article n'apparaissait plus.
05:57Le chapeau de l'article n'apparaissait plus.
05:59Alors, le chapeau, c'est le sous-titre que vous voyez en dessous qui explique un peu de quoi il s'agit.
06:04Et ça, ça compte beaucoup dans la presse et encore plus à Libération.
06:07Parce que l'IB, parfois, on fait des titres un peu sympas, le petit jeu de mots ou parfois quelque chose d'un peu poétique ou parfois un peu nébuleux, peut-être.
06:16Et un sous-titre, ça apporte quelque chose pour comprendre.
06:19Donc, pour nous, ça nous a obligés à prendre plus de temps pour faire les posts, à retravailler notre façon de faire.
06:27Ensuite, le fait qu'apparaissaient tous ces commentaires absolument affreux.
06:33Encore une fois, ce n'est pas du tout une histoire de liberté d'expression.
06:36Vraiment, les gens sont libres de dire ce qu'ils veulent.
06:38Mais quand on reçoit des menaces de mort, des trolls, des injures ou des choses qui n'ont rien à voir ou qui sont de la propagande pro-Russe, pro-Maroc, pro-je-sais-pas-qui.
06:52Pour nous, pour l'équipe des réseaux sociaux, ça veut dire aller voir chaque commentaire et se dire, est-ce que je le supprime ou est-ce que je le masque, en tout cas, parce que je n'ai pas le pouvoir de le supprimer ?
07:02Et est-ce que je bloque cette personne ?
07:04Je pense que depuis le rachat par Elon Musk, j'ai bloqué 20 à 30 personnes par jour.
07:12Ça fait beaucoup !
07:13Pour bloquer autant de gens, il faut se taper la lecture de 100 à 150 messages haineux.
07:19Et vraiment, j'en visais peut-être à 5% de ce qu'il y avait, parce que je ne peux pas faire que ça de mes journées et mon équipe non plus.
07:26Donc il y a eu tout ça.
07:28Ensuite, il y a eu le fait que nos tweets, nos posts étaient moins diffusés.
07:33On le voyait bien.
07:35Pourtant, la ligne éditoriale de Libé n'a pas changé.
07:37On traite l'actu, même encore de façon plus spontanée, parce qu'on a un service actu qui bosse très fort.
07:43On est très, très réactifs sur l'actu.
07:46Il n'y avait pas de raison que nos posts marchent moins bien que ceux des utilisateurs qui payent, en fait, les serfias et compagnie, ceux qui font de l'actu de façon non professionnelle sur les réseaux et qui payent pour que leurs posts se diffusent.
08:02Donc tout ça, ça a été des petits bâtons dans les roues, les uns après les autres.
08:07Et effectivement, comme a dit Lorraine, le moment où Trump est élu et où on voit qu'Elon Musk va avoir un rôle très important dans cette histoire, c'est le moment où on s'est dit il faut vraiment prendre une décision, même si on commençait à y réfléchir dès qu'il y a eu le rachat Twitter par exemple.
08:27Je rajoute quelque chose.
08:29On a aussi, nous, perdu le contact professionnel avec les équipes de X en France.
08:35Moi, je n'ai pas toujours travaillé à Libération.
08:37Avant, je travaillais dans une radio qui s'appelle Europe 1, qui a aussi beaucoup changé comme X.
08:42À l'époque où on était à Europe 1, les gens de Twitter, on les rencontrait, on allait dans leur bureau, on montait des opérations avec eux.
08:49Là, maintenant, si j'envoie un mail à X, je suis bien content si j'ai une réponse, mais bien souvent, je n'ai pas de réponse.
08:59Il y avait ce truc où on recevait un émoji poupe quand on écrivait, quand on écrivait aux équipes.
09:06C'était un des changements insultants envers les journalistes.
09:11Quand tu écrivais à une adresse email, c'était notamment les journalistes américains qui l'avaient fait remonter.
09:16Quand tu écrivais aux équipes de X en tant que journaliste, une adresse press at x.com, quelque chose comme ça, tu recevais un émoji caca.
09:28Oui, très bizarre.
09:29Vous pouvez chercher ce truc-là.
09:31C'est la considération qu'a cette plateforme pour les journalistes.
09:38Et puis ça, c'est des choses qu'on a entendues.
09:40Ça, c'était la version trash et non-professionnelle, la plus basse possible.
09:52Mais quand tu vois qu'Elon Musk, au moment de l'investiture de Trump, félicite les gens parce que c'est grâce à vous et que vous êtes le média maintenant et qu'il nous considère comme des ennemis du peuple.
10:06En fait, tu vois quelle est la place qu'on occuperait sur ce réseau social quand le dirigeant en pense ceci.
10:16Et je voudrais rajouter quelque chose sur les valeurs qui expliquent aussi pourquoi certains médias aujourd'hui ont décidé de quitter X.
10:25Libération en fait partie, mais ça a commencé avant avec le Guardian, l'Avangardia.
10:34Il y a eu tous ces mouvements en France, le Monde, West France, NPR et d'autres institutions.
10:39C'est aussi qu'au cœur de notre grand projet, notre valeur cardinale, c'est avant tout de donner des faits et des informations.
10:46Libération donne des enquêtes, fait attention à la justesse des faits dans chacun de ses articles.
10:51Et aujourd'hui, ce réseau social qui a abandonné, comme on l'a dit, toute modération, promet tout l'inverse.
10:59Ça promet la désinformation sous couvert de liberté d'expression.
11:03Je pense qu'on pourra discuter de cette notion et je vois que ça vous intéresse dans le chat.
11:06Et PIP l'aidait en permanence.
11:09Et donc aujourd'hui, on se retrouve, nous, à hurler dans le vide d'une certaine façon, à essayer de vider l'océan à la petite cuillère.
11:15Et je pense qu'on peut mettre notre énergie autrement, on peut l'utiliser autrement, qu'on peut diffuser sur d'autres canaux
11:23et aussi appeler les gens à venir nous lire directement puisqu'on va aussi en parler, je pense, au cœur du sujet.
11:31C'est plus ou moins ce glissement.
11:33On le voit s'opérer aussi sur d'autres plateformes sociales, malheureusement, et donc il va falloir s'organiser autrement.
11:40Un dernier exemple de la mauvaise relation qu'on avait avec Twitter en France, avec X.
11:47Il y a eu une très forte campagne de publicité sur X usurpant l'identité de Libération.
11:55C'était un truc pour vendre des crypto-monnaies, c'était une arnaque totale.
12:00C'était un crypto-scam, ça s'appelle.
12:01Et donc c'était un faux article de Libération.
12:03Il y a eu la même chose pour Le Monde, il y a eu la même chose pour Le Figaro.
12:07Et ça renvoyait vers un faux site de Libération qui arnaquait les gens.
12:11Quand on a écrit à X en disant, s'il vous plaît, arrêtez ça, des gens payent pour diffuser cette publicité.
12:19Vous avez le pouvoir de l'arrêter.
12:22Je ne sais pas ce qu'ils ont fait, parce que les publicités, elles ont tourné pendant six mois.
12:25Non, mais oui, on est obligé de passer par voie légale et on n'arrive plus aussi.
12:28Il y a beaucoup de gens qui disent c'est à l'Europe, c'est à la législation de mieux encadrer les plateformes.
12:34Nous, nous devons rester dessus.
12:36Et en fait, on voit bien que là, pour l'instant, ça n'est pas fait.
12:41Et donc peut être que le jour où ça sera fait, nous, on a gelé nos comptes.
12:43On ne dit pas qu'on espère peut être y revenir.
12:46Mais là, pour l'instant, on ne peut pas continuer d'y bosser, d'y bosser sereinement et de continuer de participer, d'alimenter cette grande machine.
12:55Et on ne veut pas non plus faire le business d'Elon Musk.
12:58Oui, c'est en fait nos tweets.
13:01Ils sont entourés de publicités qui rapportent de l'argent à Elon Musk.
13:05Nous, on a des tweets qui, parfois, sont vus 2, 3, 4 millions de fois, parfois plus.
13:11Donc, ça fait beaucoup d'impression pour Elon Musk, beaucoup d'affichage de publicité.
13:15Bon, donner de l'argent à Elon Musk, on s'en passe.
13:17Sur cette question financière, on a tout un carton qui se demande si financièrement,
13:22est-ce que ça représente, ce départ, une grosse perte financière ?
13:25Je rajoute quelque chose.
13:27Est-ce que ça engendre une perte d'abonnés, de gens qui viennent sur l'Ebay depuis X ?
13:33Alors, grosse perte, non.
13:36Perte, oui.
13:37C'est-à-dire, on gagne chaque jour des abonnés via les réseaux sociaux parce que les gens voient nos articles.
13:46Mon équipe et moi, on cherche à attirer le plus possible les gens sur le site de Libération.
13:52Et pour lire nos articles, il faut s'abonner.
13:55Donc, X, ça représentait, oui, des centaines d'abonnements à Libération par année.
14:03Mais de moins en moins, au fil des mois, ces derniers mois, les six derniers mois, c'est chaque mois un peu moins.
14:10Mais à un moment, il faut faire un choix.
14:12Il faut faire un choix.
14:14On renonce à ça et surtout, on se dit qu'on va les faire ailleurs, en fait.
14:19Le temps qu'on passe sur Twitter, sur X, pardon, à Libération, ça correspondait à un emploi, un temps plein.
14:29À l'équipe des réseaux sociaux, on est quatre et on travaille sur Facebook, X, Instagram et puis d'autres canaux comme WhatsApp et Blue Sky, etc.
14:40Bon, le temps qu'on ne va plus mettre sur X, on va le mettre ailleurs.
14:44Donc là, depuis lundi, on fait dix fois plus de postes sur Blue Sky.
14:48En fait, le volume qu'on faisait sur X, maintenant, on le fait sur Blue Sky.
14:52On a l'espoir qu'on va réussir à attirer des abonnés via ce canal.
14:57Pour le moment, on a un peu plus de soixante mille abonnés.
14:59Je les remercie. Merci beaucoup de nous suivre sur Blue Sky.
15:01Ça fait plaisir. Venez si vous n'y êtes pas.
15:05Mais oui, on quitte quelque chose qui marchait bien.
15:08On l'arrête en sachant cela et on se tourne vers quelque chose dont on ne sait pas trop si ça va marcher.
15:16C'est un pari. On est un peu forcé de faire ce pari, mais on le fait en conscience et on prend notre risque.
15:22Tant pis pour les abonnements qu'on faisait via X.
15:26Il y a pas mal de gens qui se demandent, est-ce que quitter X, ce n'est pas abandonner le combat face à l'extrême droite ?
15:31Est-ce que ce n'est pas arrêter la résistance ?
15:33Moi, c'est ce que je pensais pendant des années.
15:35Si tu veux, la politique de la chaise vide, c'est quelque chose qui me faisait peur et qui fait que pendant longtemps,
15:44j'étais vraiment d'avis de rester sur cette plateforme et de continuer le combat.
15:50Et comme je l'ai dit, progressivement, on se rend compte qu'on vidait l'océan à la petite cuillère.
15:58Et je vais même aller plus loin, en fait, on met en danger nos lecteurs et les gens qui cherchent une information
16:07et qui pensent trouver encore des médias fiables, etc. dessus en restant sur cette plateforme.
16:13J'en suis convaincue aujourd'hui.
16:15En fait, il y a une telle désinformation, des tels discours de haine qui sont illégaux.
16:21La diffusion de fausses informations, l'ingérence, les discours de haine, c'est illégal.
16:25Ce n'est pas de la liberté d'expression, les gars, c'est illégal.
16:29Il y a tellement ça sur ce réseau social qui se diffuse qu'en y restant, en donnant rendez-vous aux gens,
16:36suivez-nous sur X, retrouvez-nous sur X, en promouvant, en alimentant toute cette machine, on les met en danger.
16:42Et je suivais peut-être que vous aussi, je ne sais pas si vous avez suivi ce débat philosophique avec Louis Sarkozy au milieu,
16:49qui dit la liberté d'expression, c'est aussi le droit de partager de fausses informations.
16:55En fait, c'est tout l'inverse.
16:56Déjà, c'est illégal de le faire.
16:58Mais en plus de ça, les fausses informations, elles sont une atteinte permanente à nos démocraties,
17:07à nos valeurs et aussi à la liberté d'expression.
17:10Et aujourd'hui, les philosophes, il y a un débat philosophique très intéressant où les philosophes t'expliquent que oui,
17:15les fausses informations sur les Juifs, par exemple, c'est ça qui a causé la Shoah.
17:19Et les fausses informations que vous voyez circuler sur cette plateforme vous rentrent dans la tête.
17:24Et c'est ça le vrai danger à la liberté d'expression.
17:26Et elles resteront en tête.
17:28Moi, je suis arrivée après un long cheminement, parce qu'après, on pourra en parler.
17:33Moi, je suis quelqu'un qui a toujours travaillé sur X.
17:35Je pense que ça a lancé ma carrière et je fais partie des premiers inscrits.
17:41Mon mug au travail, c'est toujours un mug qui vient du siège de X, de Twitter avec l'oiseau bleu.
17:49J'ai toujours ce côté, j'ai dû faire un deuil personnel.
17:54Mais aujourd'hui, je suis convaincue que c'est devenu dangereux.
17:56Donc, j'ai fermé mon compte. Il est inactif depuis des mois et des mois.
17:59Mais là, je l'ai vraiment mis en privé.
18:01Je le laisse. Il est gelé, comme les comptes de Libé.
18:06Et ça m'a fait évoluer dans ma réflexion qui était très pragmatique et vraiment très.
18:13Il faut continuer de y être. Il y a encore des gens qui cherchent de l'info et tout.
18:15Mais en fait, venez changer vos routines.
18:19Il y a des réseaux sociaux qui naissent et qui meurent chaque jour.
18:23On peut trouver d'autres façons de consommer l'information.
18:27Si c'est ça que les gens viennent chercher.
18:29En fait, non, il faut sortir de cette bulle qu'est X parce qu'elle est dangereuse.
18:34Le point que tu soulèves, Corentin, c'est ce qui fait aussi qu'on a mis un peu de temps à prendre notre décision.
18:40Nous, on s'est dit, quand on débattait dans la rédaction, tout le cœur du débat, c'était.
18:45Faut-il partir au nom de nos valeurs et mettre nos meilleurs efforts ailleurs ou faut-il continuer à être sur le ring?
18:54Et puisque c'est l'endroit où prospère l'extrême droite, où elle se sent comme chez elle,
18:59et bien continuer à y balancer les enquêtes de Frontal, la newsletter qui parle de l'extrême droite, les enquêtes de Checknews, etc.
19:07Et en fait, on ne peut pas couper la poire en deux.
19:11C'est l'un ou l'autre, parce qu'en fait, si on continue à poster les enquêtes sur l'extrême droite, sur Checknews,
19:16en fait, on continue à faire le jeu de X et on continue à faire le jeu du rendez-vous, ce que décrit Lorraine.
19:21Dans le chat tout à l'heure, il y avait une question que je trouvais hyper intéressante.
19:25Je ne me souviens plus du pseudo qu'il a posé, mais merci à toi.
19:29Cette personne entendait les arguments, mais je le cite, si je ne m'abuse, ils sont applicables à la quasi-totalité des réseaux,
19:36notamment celui dont le LibéBot fait la pub.
19:38Donc le LibéBot, c'est le bot qui est dans le chat de Twitch et qui vous met la promotion de diverses médias sociaux,
19:44ce qui me rappelle aussi qu'il faut que je supprime X du LibéBot.
19:48J'ai oublié de le faire.
19:49Tu sais qu'il y a encore des gens qui s'abonnent au compte X, des bombardiers.
19:52C'est très étonnant.
19:54C'est une forme de soutien peut-être, c'est comme un pouce en l'air.
19:56Il y a 200 personnes qui iront follow le compte.
19:59C'était la question de Skunky Baldur, parce que je l'avais noté aussi.
20:02Je note les pseudos, je les connais moins que toi.
20:05Et donc, du coup, est-ce qu'effectivement, ces arguments sont-ils applicables à la quasi-totalité des réseaux?
20:13Est-ce que X est vraiment différent de Meta, Insta, Facebook, YouTube?
20:18Point d'interrogation pour Meta.
20:20Oui, en tout cas, il y a un glissement, c'est-à-dire que X, ça fait un moment qu'on est vigilant dessus.
20:25Notre dépendance au réseau, en tant que stratégie de diffusion de nos articles de presse, etc.
20:30On y fait attention, comme on fait attention à notre dépendance à tous les GAFAM, en fait, à Google.
20:36On essaie d'équilibrer pour ne pas dépendre de l'un ou de l'autre.
20:40En revanche, ce qui se passe depuis l'élection de Donald Trump, la victoire de Donald Trump,
20:46c'est que la Silicon Valley et Jeff Bezos,
20:53Mark Zuckerberg, se mettent dans la roue de Trump et de Musk.
21:00Pour Zuckerberg, ça peut être pour sauver sa peau et pour d'autres, ils vont là où sont leurs intérêts.
21:09Ils sont très intéressés, ils défendent leurs intérêts en suivant ceux qui sont au pouvoir.
21:14Et donc, en effet, il faut qu'on se pose plus globalement la question de
21:19est-ce que dans six mois, on n'a pas le même débat dans la rédaction sur Meta ?
21:27Mais là aussi, il y avait une différence qui fait que c'était difficile de quitter X.
21:31Je pense, Michael, c'est que X, c'est un des derniers réseaux sociaux grand public, entre guillemets,
21:37à permettre de sortir de la plateforme.
21:40De plus en plus, les algorithmes des réseaux comme TikTok, Meta et autres,
21:46en fait, ils ne valorisent pas les liens extérieurs.
21:48Ils te laissent dans ta... Tu dois rester sur la plateforme.
21:51C'est-à-dire que sur Facebook, si je veux faire venir les gens sur Libération.fr,
21:57c'est un peu le jeu du chat et de la souris.
21:58Je dois un peu planquer le lien dans les commentaires, etc.
22:01Sinon, le post est moins diffusé.
22:03Sur Instagram, je ne peux pas mettre du RL cliquable dans les posts.
22:05Je suis obligé de le mettre en story derrière un bouton.
22:08Sur Twitter, il y avait une carte qui s'affichait, la photo de l'article, le titre et une époque plus maintenant.
22:14Tu cliques de suite, t'arrives sur Libération.fr.
22:16C'est aussi pour ça qu'on faisait le plus d'abonnements via les réseaux sociaux à Libération.fr,
22:21parce que c'était facilité.
22:23Et à partir du moment où ils changent les règles,
22:26c'est ça aussi qui nous interroge pour les autres plateformes, évidemment.
22:30Oui, et puis, c'est une vigilance à avoir.
22:32Et pour l'instant, je vois les gens sur la web, vas-y, quittez Meta.fr.
22:35Mais en fait, déjà, l'équilibre des médias est fragile.
22:39On a besoin de sources de trafic.
22:46On ne peut pas faire n'importe quoi et tout débrancher parce qu'ils se remettent dans la bulle.
22:49Sinon, demain, il n'y a plus de stream de l'EB, on va avoir des problèmes.
22:55On a besoin d'aller chercher les lecteurs où ils se trouvent.
22:57Et en fait, on voit qu'il y a une tendance générale à ne pas se couper de l'information en elle-même.
23:03Les gens restent intéressés par l'information, mais ils se coupent des moyens traditionnels et des médias traditionnels pour les consulter.
23:09Voilà, vous, vous êtes en train de discuter d'actu avec nous sur Twitch.
23:13Les gens suivent les influenceurs de l'information sur les réseaux sociaux.
23:18Nous aussi, on doit réfléchir à comment occuper ces espaces-là et à suivre les nouveaux modes consommation de l'information.
23:25Donc, c'est difficile pour nous de dire bon, bah ouais, super, les mecs, on est trop forts.
23:29Venez, tout le monde viendra directement chercher nos informations.
23:32Ce n'est pas vrai. Donc, il faut quand même qu'on continue à exister sur ces plateformes.
23:37Mais en étant tout à fait vigilants dans la façon dont on les utilise et en continuant de chroniquer aussi pour informer les gens sur ce qu'il s'y passe.
23:47C'est très important.
23:48Et puis pour le lien avec le lecteur, c'est très important pour nous aussi.
23:52Nous, on lit tous les commentaires qui sont postés sur les postes Instagram, etc.
23:56Alors, ça ne nous guide pas dans nos décisions éditoriales, mais c'est un retour immédiat du lecteur.
24:03On voit tout de suite les sujets qui intéressent le public, lesquels n'intéressent pas aussi.
24:10Et ça nous permet de mieux travailler nos mises en avant, etc.
24:14Il n'y a que via les réseaux sociaux qu'on peut avoir ce retour.
24:17Les gens ne nous écrivent pas une lettre à chaque fois qu'ils terminent la lecture du journal.
24:21Donc, difficile de s'en passer.
24:23Ça fait réagir dans le chat Horacio qui dit nous ne sommes pas obligés d'aller sur X pour s'informer.
24:28C'est à vous de nous et c'est à vous de nous l'imposer.
24:32Je pense que ce que soulève Horacio, c'est le côté.
24:36Est-ce que les médias ont vraiment besoin des réseaux sociaux pour diffuser de l'information ?
24:42Tu disais, Lorraine, qu'il faut bien aller chercher les gens où ils sont.
24:45Est-ce qu'il existe un monde où il n'y a plus de réseaux sociaux et il n'y a que des médias avec leurs propres applications qui diffusent de l'information ?
24:52Ce monde existe, mais c'est 1986.
24:56C'est passé, c'est passé.
24:58Après, peut-être qu'on peut devenir aussi indépendant d'eux qu'on l'a été, mais ce n'est pas dans un futur très proche.
25:07Je n'y crois absolument pas.
25:09Tous les chiffres, une partie de mon travail, c'est de regarder toutes les études qui sont faites sur les consommations de l'info,
25:14de réfléchir à la stratégie de diffusion d'un média comme Libération, en tant que directrice adjointe de la REDAC.
25:20Et en fait, on voit toutes les études.
25:22Quand tu regardes les 16-30 ans, leur consommation de l'information, 76% la consomment sur les plateformes.
25:29Aujourd'hui, c'est une réalité.
25:30Et là, je ne te parle pas des plus de 65 ans, c'est les 16-30 ans, donc c'est les lecteurs, soit de demain, soit actuel.
25:37Et donc, peut-être qu'il existe un futur où c'est encadré, où ces plateformes existent, mais avec un cadre légal européen pour que l'information existe dessus.
25:50Mais là, je pense que pour l'instant, c'est un petit fantasme.
25:57On vit quand même avec une réalité comptable très simple.
26:01Mettons, par exemple, un billet de Thomas Legrand, celui sur Elon Musk, qu'il a fait cette semaine.
26:06Il est imprimé dans le journal, qui est vendu à je ne sais pas combien de milliers d'exemplaires.
26:11Mais mettons, on va dire, je ne sais pas, 10 000.
26:13J'invente un chiffre.
26:14C'est le week-end et après, il y a 15 000 en diffusion abonné.
26:18Super. Il est sur le site aussi.
26:20Je ne sais pas combien de lecteurs il va faire, mais on va dire, allez, 120 000, 200 000 peut-être.
26:26Corentin, toi, tu fais une vidéo avec lui, on la met sur Instagram, elle fait 700 000.
26:32On la met sur TikTok, elle fait 300 000.
26:34Donc, la production de Libération, ce n'est pas que le journal imprimé, ce n'est pas que Libération.fr.
26:41On ne fait pas de la sous-actu sur les réseaux sociaux.
26:44Ce que vous voyez sur le compte Instagram de Libé, ou sur la page Facebook, etc.
26:50Certes, ça ne représente pas tout ce que fait Libération, parce qu'on ne peut pas mettre 100 articles dans la vitrine.
26:56Sinon, on ne voit plus ce qu'on veut mettre en avant.
26:59Mais ça ressemble à Libération, ce n'est pas un sous Libération.
27:03Moi, le retour que j'ai le plus souvent de lecteurs à propos d'un article de Libé, c'est, ah oui, je l'ai vu sur Instagram.
27:10J'aimerais beaucoup qu'on me dise, je l'ai vu dans le journal que je suis allé acheter au kiosque ce matin.
27:14Ou alors, je me suis abonné un an pour 250 euros.
27:17En vérité, non, beaucoup de gens vont sur Instagram et s'ils veulent lire plus, ils vont sur le site et là, ils s'abonnent.
27:25Mais c'est 2%, 3% des gens qui voient le poste.
27:30Merci beaucoup.
27:31On va juste faire une toute petite pause, puisqu'on va finir cette première partie de la discussion pour notamment libérer Lorraine.
27:37Merci tout le monde. A une prochaine fois.
27:39Dans cette deuxième partie de discussion, on va essayer de comprendre avec toi, Mickaël,
27:43qu'est-ce qui fait dans les contenus de X qu'il y a un problème avec la plateforme ?
27:51Ce que je voudrais te poser comme question, c'est est-ce que tu as des exemples concrets
27:55de postes, de discussions sur X qui ont été préjudiciables
28:01pour la liberté d'informer, l'information et pour Libération ?
28:07Plein, plein.
28:09Je vous ai parlé tout à l'heure de la campagne qui visait à arnaquer des gens en utilisant la marque Libération.
28:17Je vous raconte un peu de quoi il s'agit.
28:19Donc, c'est une campagne de pub qui faisait la promotion d'un soi-disant site Libération.fr
28:26avec un article, avec un titre complètement putassier, avec un humoriste qui aurait révélé une vérité.
28:34Je ne sais pas quoi faire, un truc assez nébuleux.
28:38Et cette publicité, elle était marquée Libération.fr, comme si elle émanait de nous.
28:43Et quand on cliquait dessus, elle renvoyait sur une copie du site Libération.fr
28:48avec un texte qui n'avait ni queue ni tête,
28:52Swooch LGBT, un truc affreux.
28:54Et ça, c'était une arnaque.
28:56Et quand moi, j'écrivais à X en leur disant les gars, what the fuck, s'il vous plaît,
29:02aidez-moi à supprimer ce truc-là, je le signale 60 fois par jour.
29:06On me disait oui, oui.
29:07Donc déjà, on me le disait au bout de cinq jours.
29:08Donc, merci beaucoup.
29:10Et puis, il ne s'est rien passé.
29:13Ça a continué.
29:14Et là, maintenant, ces publicités, elles sont diffusées avec un faux site du Monde, le Monde.fr.
29:20Avant ça, il y a eu Le Figaro, puis sans doute que dans trois mois, ce sera le Parisien.
29:24Et un jour, ce sera l'équipe.
29:25Voilà, je veux dire, pour faire ses bénéfices,
29:31X ne peut pas encourager la tromperie.
29:35C'est quand même, ils utilisent le logo de Libération, la marque Libération,
29:39un faux site de Libération, tout ça pour rouler les gens.
29:42Mais ça pourrait être pour autre chose.
29:43Ça pourrait être pour faire un faux site d'actu.
29:44Ça pourrait être pour insulter des gens, dénoncer des trucs complètement faux.
29:51Et à une époque, quand on avait un problème avec quelque chose sur Twitter,
29:55j'écrivais à Twitter France, mais j'avais une réponse.
29:58Mais dans les trois heures, dans les trois heures, il ne me donnait pas toujours raison,
30:03parce que ça reste des plateformes, ça reste une boîte noire, etc.
30:05Mais c'était beaucoup plus simple.
30:08Et même chose avec les messages haineux qui pouvaient concerner nos journalistes.
30:16Alors, je n'ai pas envie de citer de noms, mais voilà.
30:20Je pense que tout le monde a déjà vu des messages haineux
30:23adressés à la dessinatrice Coco, qui intervient tous les jours dans Libération.
30:29Je ne sais pas combien de fois j'ai signalé des tweets vraiment absolument odieux,
30:35menaçants pour elle ou pour son entourage.
30:40Bon, j'ai une réponse six jours après.
30:42Et nous avons estimé que ce post n'en fera pas nos règles.
30:45Super, ok, voilà pourquoi on part en partie.
30:50Ce n'est pas possible de...
30:53L'expression de Lorraine, elle est bonne, c'est mettre en danger
30:56les lecteurs, mais aussi nos journalistes.
30:58Je veux dire, moi, je suis dans la rédac' tous les jours avec mon équipe.
31:02J'ai envie d'être bien avec mes collègues.
31:04S'ils sont menacés, s'il y a des choses comme ça,
31:08si on écrit des choses affreuses sur eux,
31:10si on diffuse leurs photos sur leur consentement, j'ai vu ça aussi.
31:14Ça, je l'ai signalé à X.
31:16Pareil, ça n'en fera pas nos règles.
31:18Très bien, ça n'en fera pas vos règles, gardez vos règles.
31:20Et je reprends mes billes et mes articles tous les jours.
31:24Est-ce qu'il y avait certains sujets,
31:27certains papiers qui étaient plus visés que d'autres, que ce soit politique,
31:31sur les violences sexuelles, comment ça se passe ?
31:33Alors, il faut savoir que sur les réseaux sociaux de libération,
31:38selon les plateformes, il y a des sujets d'articles qui fonctionnent mieux.
31:42Sur Instagram, ce qui marche bien, c'est les sujets lifestyle,
31:46les sujets idées, un peu d'international.
31:50Sur Facebook, c'est beaucoup les témoignages, la newsletter VQ,
31:53les portraits, la culture, etc.
31:56Sur X, c'est la politique et la société.
32:01Donc, par exemple, peut-être les articles qui ont le mieux marché sur l'Ibée
32:05cette année, c'est les dîners de la Macronie avec le RN.
32:11C'est l'article de Sophie Desaires sur le crépuscule de la Macronie.
32:16C'est tous nos articles sur Gisèle Pellicot et tout ça.
32:20Mais ça génère un nombre de commentaires,
32:22mais qui n'ont parfois rien à voir avec le sujet, où tout est prétexte
32:26à taper sur... Alors, tout le monde en prend pour son grade, c'est-à-dire Macron,
32:30Mélenchon, les socialistes, les écologistes, parfois le RN aussi,
32:34mais beaucoup de défense du RN, évidemment,
32:36puisque c'est beaucoup des trolls d'extrême droite,
32:39même pas forcément des trolls, d'ailleurs.
32:42Et sur les sujets de société, c'est
32:45dès qu'on parle d'immigrants, je vous laisse deviner les commentaires,
32:49dès qu'on parle des droits des personnes trans, ça part dans tous les sens.
32:53Dès qu'on parle des droits des femmes, c'est de la misogynie, en veux-tu en voilà.
32:58C'était plus possible.
33:00Je veux dire, moi, je n'ai jamais demandé aux gens qui suivent Libération sur X
33:05d'être d'accord avec nous.
33:06Moi, je m'en fous qu'ils ne soient pas d'accord, ce n'est pas mon sujet.
33:09Nous, on dit quelque chose sur l'actualité.
33:12On fait des billets, des enquêtes, on crée aussi de l'information.
33:18Après, libre aux gens d'y adhérer ou pas, mais juste noyer tout ça
33:24sous un flot de commentaires qui n'ont rien à voir, tout ça pour défendre,
33:29encore une fois, le RN ou autre chose.
33:31Peu importe, ce n'est même pas le cœur du sujet.
33:33C'est juste, la conversation n'avait plus de sens.
33:37Et à une époque, Twitter, Lorraine, elle a dit, elle vient d'une...
33:41Elle a commencé sa carrière grâce à Twitter.
33:43Je peux dire la même chose, moi aussi.
33:45Je suis sorti d'école de journalisme en 2012.
33:48C'est le boom de Twitter à ce moment-là.
33:50Et c'est ça aussi qui fait qu'on a mis du temps à se décider à partir,
33:54pas que Libé, mais tout le monde, les politiques, les médias,
33:58même les utilisateurs lambda.
34:00Il faut rappeler qu'on a adoré Twitter.
34:03Twitter, ça a été un outil extraordinaire.
34:06Si un jour, on fait la rétrospective des années 2010 en mode nostalgie,
34:10on ne peut pas faire l'impasse sur Twitter.
34:13Je veux dire, moi, j'ai rencontré des amis sur Twitter.
34:16J'ai trouvé du boulot grâce à Twitter.
34:19J'ai pu faire ma place dans les médias grâce à ce que je savais faire sur Twitter.
34:24J'ai pu développer la présence de Libération.
34:27Avant ça, Europe 1, où je travaillais, ça s'est fait essentiellement sur Twitter.
34:31C'est pour ça qu'on a dû...
34:33C'est pour ça que ça nous fait mal de partir de Twitter, tu vois.
34:36Et par exemple, moi, j'en veux beaucoup.
34:40Alors pas Elon Musk, mais voilà.
34:43Mais ça me rend triste ce qu'il se passe en ce moment.
34:46Pas que politiquement, aussi personnellement, tu vois.
34:49Concrètement, ce qui se passe aujourd'hui avec X, de devoir fermer le compte mardi.
34:52Moi, mardi, j'étais pas bien.
34:54Mardi, quand on a pris la décision et qu'on a dû faire le petit post carré
34:59que vous avez vu sur X, du coup,
35:02et qu'on l'a posté à 15 heures.
35:05Oh, la petite boule dans la gorge.
35:07Ça t'a fait un compliqué.
35:08Mais bien sûr, mais enfin, X, c'est un tiers de mon travail.
35:13Qui perd en un quart d'heure un tiers de son travail ?
35:18C'est quand même fou, tu vois.
35:19Et à Libé, moi, je peux vous dire, j'adore ce que je fais,
35:22gérer les réseaux sociaux avec mon équipe, c'est génial.
35:25Mon plaisir supplémentaire dans ce que je fais ici à Libération,
35:29c'était de prendre le biais de Thomas Legrand ou de Jonathan Boucher-Pétersen
35:33ou l'enquête de Sophie Dédésaire ou de Willy Ledevin
35:38et d'essayer de faire le meilleur tweet possible sur le sujet.
35:42Un truc qui soit présentable, lisible, informatif,
35:45qui donne envie de cliquer, qui donne envie d'être partagé.
35:48Ça, c'est le cœur de mon métier.
35:49J'adore faire ça.
35:51Je ne peux plus le faire.
35:52Je vais le faire ailleurs. Ce n'est pas grave.
35:55X est mort.
35:57Goodbye.
35:58Adieu sans couronne, tu vois.
35:59On va faire la même chose sur Blue Sky.
36:01On met nos efforts sur Instagram, etc.
36:03Mais oui, voilà, c'est dommage.
36:05Mais c'est vrai que sur les sujets de politique et de société,
36:08ce qui est quand même, je pense, un tiers de la production de Libération
36:12chaque jour, oui, ça partait dans tous les sens.
36:14Ça partait dans tous les sens.
36:15Moi, j'ai un exemple concret.
36:16On a posté un témoignage d'une victime de violences sexuelles,
36:21Agathe Pujol, dans l'affaire Philippe Cobert.
36:24Et comme c'est un sujet que moi, j'ai réalisé, je suis allé regarder sur X
36:27comment est-ce que les gens le réceptionnaient,
36:30parce que je me doutais que ça pouvait faire parler.
36:31J'ai été méga choqué des commentaires qui étaient présents.
36:34C'est ce post-là que tu as fait sur X.
36:36Agathe Pujol accuse Philippe Cobert de l'avoir violée et agressée
36:39sexuellement de ses 17 à ses 29 ans, mais aussi de l'avoir fait violer
36:42par des hommes recrutés sur des sites de petites annonces.
36:44Une des réponses qu'il y a eu, c'est
36:45Désolé, mais je n'ai pas entendu qu'elle a été forcée, ni menacée, ni obligée.
36:48Il y a un moment donné, il faut accepter qu'il en est.
36:51C'est le truc qui m'a complètement choqué.
36:53Un autre gars qui me dit blablabla, c'est tout ce que j'ai compris en vrai.
36:58Tu te rends compte, 12 ans plus tard.
37:00Un autre commentaire, un dernier que j'ai sélectionné, elle a 17 et lui 60 ans
37:04et une conne, voilà tout.
37:06Mais tu n'es pas la première à coucher avec une pseudo vedette
37:07et certainement pas la dernière.
37:09Maintenant, on fait un livre.
37:11C'était choquant.
37:13Moi, j'étais dépité de voir des trucs pareils sur un sujet aussi important.
37:19Mais est-ce qu'il n'y avait que ça sur X à la fin?
37:21Oui, à la fin, il n'y avait que ça.
37:24Tout simplement parce que les gens qui avaient quelque chose de positif à dire
37:30ne prenaient plus le temps de le faire.
37:31À quoi ça sert?
37:32C'est-à-dire puisque de toute façon, algorithmiquement,
37:37les choses sont biaisées.
37:39Ton message, puisque tu ne payes pas X pour avoir X premium, etc.
37:45Ton poste, tu postes dans le vide.
37:48Ne paye que les gens qui veulent faire entendre
37:52ce qu'ils ont à dire.
37:52Donc, c'est des gens qui ont un agenda politique, idéologique.
37:57Pardon, quiconque a fait l'expérience de X ces derniers mois.
38:04Quand on voit un poste de quelqu'un avec une coche bleue,
38:08on sait d'avance où ça va aller.
38:10Ça ne rate jamais, ça ne rate jamais.
38:12Donc, tant mieux pour eux s'ils ont trouvé un moyen de se faire entendre.
38:17Ça leur coûte 9 euros par mois.
38:19Bon, chacun en pense ce qu'il veut.
38:21Mais oui, à la fin, il n'y avait que ça.
38:23Ce n'est pas tant le problème des commentaires,
38:25c'est à dire, je pense qu'il y a quand même assez peu de gens
38:28qui vont lire les commentaires sous les articles.
38:31Pas que de l'Ibée, du Monde, de France Info, etc.
38:35C'est juste,
38:37l'ambiance est pourrie, en fait.
38:39Tu vois, Twitter n'a jamais été le royaume des bisonnours.
38:43Ce n'était pas un épisode de mon petit poney, Twitter.
38:45Mais quand même, il y avait de la place pour tout, en fait.
38:50Et là, le débat n'en est plus un.
38:55Les arguments n'en sont pas.
38:57Et c'est tout de suite la haine, les menaces, les trolls.
39:01Twitter, c'est devenu un mélange entre 4chan et jeuxvideo.com.
39:04Qui a envie de ça ? Qui a envie de ça ?
39:06Sans doute que les gens qui y restent seront très contents
39:10de cette ambiance.
39:12Bon, pas avec nous, quoi.
39:13Mark Zuckerberg, il a annoncé il y a quelques jours que Meta allait mettre fin
39:17au programme de vérification des faits au sein de leur réseau de jour.
39:21Hurle de rire, pardon, la vérification des faits sur Meta.
39:27Je veux dire tout le délire Covid, vaccin, machin.
39:31Ça s'est passé sur Facebook, la vérification des faits sur Facebook.
39:35J'attends de voir quoi.
39:37C'est le royaume de l'arnaque aussi.
39:40Il y a je ne sais pas combien de photos faites par IA
39:43où on nous fait passer des vessies pour des lanternes.
39:48C'est le royaume de la fake news.
39:51Facebook, oui, ils ont financé des programmes de fact checking, etc.
39:55Mais ça fait longtemps que la vérité des faits
39:59n'est pas plus établie sur Facebook que sur X.
40:03Mais sauf que sur Facebook, c'est dans des canaux plus souterrains.
40:09C'est dans des groupes qui sont parfois sont fermés.
40:13Alors moi, j'utilise vraiment très peu Facebook en dehors du boulot, j'avoue.
40:17Mais si tu n'es pas dans tel cercle, etc., tu vois pas tout ce qui se dit.
40:23Mais de toute façon, c'est même pas possible pour Facebook
40:26de vérifier la véracité de chaque poste.
40:29Je ne sais pas combien de millions de postes sont envoyés chaque minute.
40:34Mais par pitié qu'on arrête de me dire
40:36Oh mon Dieu, Facebook arrête le fact checking.
40:38Ils l'ont fait quand quoi?
40:41Moi, la question qui en découle de cette remarque, c'est que
40:44est-ce que Facebook, Insta est en passe de devenir comme X?
40:50Je pense qu'on peut séparer les destins de Facebook et d'Instagram
40:54pour des raisons publicitaires, c'est à dire que Instagram,
41:00c'est encore le petit écran joli de méta.
41:05C'est l'endroit où Chanel peut acheter de la publicité, etc.
41:11Allez voir les pubs qu'il y a sur X.
41:13Les pubs sur X, maintenant, c'est des cryptos
41:17où rien qu'en les regardant, tu sens l'arnaque,
41:19tu sens que ton fric se barre de ta poche.
41:23C'est des sites chelous, etc.
41:25Enfin, il n'y a plus un annonceur fiable sur X, sur Instagram.
41:31Je ne sais pas ce que tu regardes, c'est basé sur ta consommation,
41:34mais moi, j'ai des vrais annonceurs que je connais.
41:36J'ai Le Bon Coin, des marques de bagnole,
41:41des boutiques de disques, des concerts, etc.
41:44À partir du moment où ça va devenir la foire d'Empoigne,
41:48le royaume des trolls, etc., je ne suis pas sûr que Chanel
41:51va encore vouloir mettre ses pubs là-dedans.
41:54Tant mieux, Chanel reviendra à la presse écrite.
41:57Bonjour Chanel, merci pour votre dépense publicitaire.
42:01Je ne pense pas qu'ils aient intérêt à faire ça.
42:03Facebook, c'est différent.
42:04Facebook prend déjà un peu ce pas, je veux dire.
42:08Facebook, quand on en parle entre nous, on dit Boomerland.
42:13C'est une façon pas très sympathique de dire qu'on y trouve à boire et à manger
42:17et pas des produits de meilleure qualité.
42:20Je voulais te demander, c'est quoi la suite, en fait ?
42:23Là, on a quitté X, il y a d'autres réseaux sociaux et il y a Blue Sky.
42:28Tout le monde en parle.
42:29C'est vraiment vachement mieux, Blue Sky ?
42:32En tout cas, ça ressemble beaucoup au Twitter qu'on a aimé.
42:35Voilà, ça ressemble.
42:37Enfin, il y a un petit air de 2013 dans cette histoire, tu vois.
42:41C'est-à-dire pour le moment, il y a une bonne ambiance,
42:43même si les trolls commencent à arriver parce que
42:48je veux dire les trolls sur X, entre eux, ils vont vite s'emmerder.
42:52Il y a un moment, s'ils n'ont plus personne à troller, ça ne marche pas.
42:55Donc, ils vont aller chercher les gens ailleurs.
42:58Donc, pour le moment, Blue Sky, nous, on a, je ne sais même pas le chiffre,
43:02je n'ai pas regardé ce matin, entre 60 et 70 000 abonnés.
43:05Encore une fois, merci beaucoup de nous suivre sur Blue Sky.
43:08Il y a de la conversation.
43:09Ça commence à être intéressant.
43:10Pour le moment, c'est positif, c'est constructif.
43:14Je crois que c'est toi hier qui m'as envoyé un screen.
43:16Non, ce n'est pas toi.
43:17Quelqu'un m'a envoyé un screen de Blue Sky en me disant
43:19il y a un débat constructif sur Blue Sky.
43:22Oui, c'est même étonnant que ça nous étonne.
43:26Mais ça n'a pas la puissance de X ou de Twitter.
43:32Nous, on a fermé un compte, le compte Libé.
43:36Il y avait 3,5 millions d'abonnés.
43:39Bon, ils n'étaient pas tous actifs.
43:40Ces 3,5 millions d'abonnés qui étaient accumulés depuis 2009.
43:44Donc sûrement qu'entre temps, il y en a certains qui ont perdu leur mot de passe,
43:47qui ont arrêté de se connecter, etc.
43:51Mais oui, il y avait beaucoup plus de répondants sur Twitter.
43:55C'est pour ça que tout à l'heure, j'ai dit c'est un pari.
43:58C'est un pari un peu forcé, cette histoire.
44:00On quitte quelque chose qui fonctionne
44:02pour quelque chose dont on se dit bon, peut-être, on n'est pas sûr, etc.
44:08C'est pour ça qu'on ne met pas tous nos œufs dans le même panier.
44:12La production des réseaux sociaux de Libé, elle se fait sur Facebook,
44:16sur Instagram, sur Blue Sky, sur WhatsApp, sur LinkedIn,
44:20sur YouTube, sur TikTok, sur Dailymotion, etc.
44:23Donc voilà, on essaye de déployer nos efforts.
44:25On fait des tests. On voit ce qui marche, on voit ce qui ne marche pas.
44:29Là, par exemple, sur Blue Sky,
44:30on poste beaucoup plus de liens depuis une semaine.
44:35Là, j'ai l'impression que c'est un peu trop, par exemple,
44:38vu le nombre de gens qui suivent,
44:41le nombre de fois où ils consultent dans la journée.
44:43Je n'ai pas l'impression que les utilisateurs consultent autant de fois
44:47Blue Sky que X.
44:49Mais par ailleurs, l'appli n'est pas encore aussi bien faite que X.
44:52Tu ouvres Blue Sky, il faut actualiser deux fois pour bien voir le feed, etc.
44:57Twitter, OK, les débats étaient pourris, mais techniquement, ça marchait très bien.
45:02Tu ouvrais, ça apparaissait, ça marchait, etc.
45:05Donc, tout ça met un peu de temps.
45:07Notre temps, le temps qu'on mettait sur Twitter,
45:11donc en gros, je vous dis, c'est un emploi à temps plein.
45:16On le met un peu plus sur Instagram, on fait plus de postes,
45:18on fait un peu plus de stories.
45:20On passe plus de temps à voir qu'est-ce qui marche, qu'est-ce qui ne marche pas.
45:23On teste Blue Sky.
45:24On a un canal WhatsApp dans lequel on poste pas encore assez à mon goût,
45:29mais ça prend du temps, ce genre de choses.
45:30TikTok, j'aimerais qu'on ait une production propre sur TikTok
45:34parce que TikTok fonctionne comme ça, c'est-à-dire que si on duplique
45:36juste les reels qu'on fait pour Instagram, ça ne marche pas ou pas toujours.
45:42Donc, on fait aussi avec les moyens de libération.
45:46Je vous ai dit, aux réseaux sociaux, on est quatre, à la vidéo, vous êtes deux.
45:49Donc, c'est des petits moyens.
45:51C'est beaucoup moins que Le Monde.
45:53C'est beaucoup moins que Le Figaro.
45:55C'est beaucoup moins que Le Parisien.
45:57Mais si on n'a pas de moyens, on est malin.
45:59On essaye de faire autrement, etc.
46:03C'est ça aussi qui fait que cette décision de X, on ne va pas la regretter, en fait,
46:06parce qu'on mettait beaucoup de temps,
46:10beaucoup d'énergie et du coup, de l'argent, puisque un emploi, il est payé, etc.
46:14C'est du temps au service d'Elon Musk, etc.
46:19Donc, on s'en passe désormais.
46:21Merci beaucoup, Mickaël, pour tous tes éclairages.
46:23Au revoir. Merci pour tout.
46:25Et suivez-nous sur Blue Sky, Instagram, Facebook, où vous voulez, YouTube et Twitch.