Un enfant, témoin des violences de son père sur sa mère, a prévenu un camarade qui a donné l'alerte sur Pronote. Le père de famille a pu être interpellé. Il doit être jugé ce mardi 28 janvier.
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00:00Merci d'être en direct avec nous ce matin, vous êtes le procureur de la République de Montbéliard, merci d'être avec nous pour évoquer ce matin
00:06cette histoire de violence conjugale survenue dans la ville d'Audincourt, dans le Doubs, c'était ce week-end, la police a été
00:13alertée grâce à l'application Pronote, vous savez c'est la plateforme numérique qui sert à communiquer entre l'école, les parents et les enseignants.
00:20Avant de vous entendre, monsieur le procureur, on va d'abord raconter l'histoire avec Alexandra González. Bonjour Alexandra, tout a commencé samedi
00:26quand une femme est victime des coups de son mari au domicile du couple et devant les enfants.
00:31Oui, on est donc samedi dernier, en début de matinée à Audincourt dans le Doubs, un père de famille roue de coup sa femme,
00:40il la frappe, elle est à terre et tout ça devant, vous le disiez, les enfants qui sont âgés de 4 à 13 ans.
00:46Les enfants pleurent, la femme est recroquevillée à terre et l'aîné qui a 13 ans
00:51va envoyer un message d'abord à l'un de ses camarades en lui disant, je cite,
00:56ma mère est en train de se faire démonter par mon père. Ce camarade en question va avoir l'incroyable présence d'esprit
01:03d'aller sur sa plateforme Pronote et d'envoyer un message à sa cheffe d'établissement, la proviseure du collège,
01:10pour lui expliquer la situation. Et alors qu'on est samedi et qu'on est en plein week-end, et bien cette proviseure va avoir cette notification
01:16et va immédiatement appeler le 17, prévenir la police. Les policiers arrivent très rapidement sur place
01:23et en réalité en parallèle, en même temps, l'adolescent de 13 ans avait également
01:28prévenu les pompiers, donc tout le monde se retrouve sur place et peut intervenir, sauver les enfants, sauver la maman.
01:34Paul-Edouard, la loi
01:35ce père de famille va être jugée ce matin. Quel est son profil et que risque-t-il aujourd'hui ?
01:41Alors dès cet après-midi, en comparution immédiate,
01:44un profil de père de famille, j'allais dire classique, une famille on ne peut plus ordinaire, un couple marié depuis une quinzaine d'années,
01:51trois enfants, aucun antécédent judiciaire, ni du côté de monsieur, ni aucune difficulté signalée par
01:57Madame. Et pour autant, effectivement, j'ai fait le choix d'une réponse particulièrement fermée et rapide, en le faisant déférer hier à l'issue de sa garde à vue.
02:04Et donc il sera jugé cet après-midi, selon le régime de la comparution immédiate, il risque sa mort.
02:08Et donc il sera jugé cet après-midi, selon le régime de la comparution immédiate, il risque cinq ans d'emprisonnement.
02:11Vous avez pris une autre décision, monsieur le procureur, vous avez décidé d'engager des poursuites judiciaires contre le père,
02:17parce que la mère a refusé de porter plainte.
02:21Alors la mère, effectivement, a été entendue longuement par nos services de police et pour autant, effectivement, j'allais dire assez classiquement,
02:29malheureusement, c'est quelque chose qu'on constate quotidiennement dans la lutte contre ce fléau que sont les violences intra-familiales,
02:36à savoir que des victimes, des femmes victimes, qui sont pourtant immédiatement prises en charge,
02:40qui dénoncent un certain nombre de faits, parfois graves,
02:43là, en l'occurrence, cette dame a effectivement été rouée de coups,
02:46elle emporte les stigmates sur son corps,
02:49tout ceci a été constaté par un médecin à l'hôpital dès le moment de sa prise en charge,
02:54et pour autant, malgré tout cela, elle a fait le choix de ne pas déposer plainte,
02:58ce n'est pas un obstacle juridique pour nous,
03:01puisqu'encore une fois, on peut engager des poursuites en dépit d'une absence de plainte,
03:05dès l'instant qu'on estime qu'on a suffisamment d'éléments dans la procédure permettant d'engager des poursuites pénales.
03:11– Ce qui est intéressant, monsieur le procureur, c'est que l'alerte a été donnée par un canal, j'allais dire,
03:15qui n'est quand même pas habituel.
03:19– Tout à fait, alors le canal n'est pas habituel et quelque part l'est pour autant assez quotidiennement,
03:26dans le sens où nous sommes quasi quotidiennement le réceptacle de ce qu'on appelle des signalements
03:31au titre de l'article 40 des établissements scolaires,
03:33qui nous signalent, dans le cadre du partenariat que nous avons tous au long de l'année,
03:37un certain nombre de situations, de mineurs en danger, de révélations, de faits,
03:41qui peuvent avoir une qualification pénale,
03:44de constatations, d'éléments qui peuvent conduire pour nous à ouvrir une enquête pénale.
03:49Là, la particularité, c'est que ce signalement, il a pris une forme totalement inhabituelle,
03:54à savoir que cette chef d'établissement scolaire reçoit, via l'applicatif Pronote,
03:58qui permet aux enseignants de dialoguer avec les parents d'élèves et les élèves,
04:03elle reçoit un message d'un camarade de classe, de l'aîné de la fratrie,
04:08qui assistait à toute la scène de violence, qui était véritablement traumatisé,
04:11on a récupéré des enregistrements audios, notamment on entend ce jeune enfant en pleurs,
04:16qui a le réflexe, lui, de solliciter les services de secours,
04:19donc il fait le numéro des pompiers,
04:21mais parallèlement, il alerte un petit camarade,
04:23et ce camarade va avoir, je trouve ce réflexe formidable,
04:26d'alerter une personne ressource pour lui, qui est le chef de son établissement scolaire.
04:30Cette chef d'établissement a le réflexe tout aussi remarquable, alors qu'on est samedi,
04:34qu'elle n'est pas nécessairement, dans le cadre d'une astreinte,
04:37à devoir checker ses e-mails ou ses notifications,
04:40et bien elle va voir très rapidement cette notification,
04:43ce qui va la conduire à immédiatement faire le 17,
04:46et donc cette alerte aux services de police va nous permettre d'engager
04:49très, très, très rapidement une patrouille de police secours au domicile
04:52et prendre en charge toute la famille.
04:54Vous lui avez parlé à cette chef d'établissement, à la principale du collège ?
04:59Non, je ne l'ai pas encore contactée.
05:02La chef d'établissement, je pense qu'elle est dans l'analyse.
05:07L'établissement scolaire, qui a déjà pu avoir à gérer un certain nombre de situations complexes,
05:13était évidemment épaulé par l'inspection académique.
05:16Il y a aussi tout un volet pour l'établissement scolaire
05:18qui consiste à prendre en charge de manière parfaitement sécure les enfants,
05:23et notamment l'aîné de la fratrie qui est scolarisé dans cet établissement.
05:26Donc il appartient d'abord à l'établissement scolaire de mettre tout cela en œuvre.
05:30C'est toute une chaîne qui se met en route dès l'instant qu'on a une situation
05:33de violence intra-familiale qui a une incidence sur la scolarisation d'un ou plusieurs enfants.
05:38Je rappellerai un élément très important, c'est que dans une scène de la sorte
05:42qui est malheureusement quelque chose de classique qu'on déplore quotidiennement,
05:45les enfants sont tout autant victimes que la personne directement victime des coups.
05:50En l'occurrence, cette mère de famille qui subit les coups de son conjoint
05:55après une crise de jalousie générée en début de matinée par celui-ci,
06:00les coups sont portés au vu et au su des enfants, et notamment des enfants les plus âgés,
06:08qui prennent cela de plein fouet.
06:10C'est la raison pour laquelle, j'ai retenu, le législateur a permis de créer
06:15une circonstance aggravante liée à la présence de mineurs.
06:19J'ai retenu donc une infraction de violence en présence de mineurs permettant de retenir
06:23comme victime à la fois la maman, mais également les trois enfants de la fratrie.
06:27Merci infiniment pour votre témoignage monsieur le procureur,
06:29et on espère que votre témoignage éveillera peut-être les consciences
06:35et permettra de lever un peu plus le tabou sur ces violences intra-familiales.
06:39Merci d'avoir été en direct avec nous ce matin.