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00:00Jusqu'à 21h avec Nathan Devers, avec Jean-Michel Salvatore, et bonsoir à vous Luc Le Sénécal.
00:06Bonsoir Pierre.
00:07Merci d'être avec nous, vous êtes un habitué de la France Bouge, d'Elisabeth Assayag bien sûr.
00:13Vous dirigez les Tricots Saint-James, qui sont ces tricots bien français, bien made in France.
00:20Et vous vouliez revenir avec nous sur le coup de gueule du patron d'LVMH,
00:25et donc du coup on va réécouter ce que disait en Assemblée Générale de LVMH Bernard Arnault.
00:30Je reviens des USA, et j'ai pu voir le vent d'optimisme qui régnait dans ce pays.
00:35Quand on revient en France, c'est un peu la douche froide.
00:38Aux USA, on vous accueille à bras ouverts, les impôts vont descendre à 15%,
00:43le marché se développe très vite.
00:45Quand on vient en France, et qu'on voit qu'on s'apprête à augmenter les impôts de 40%
00:51sur les entreprises qui fabriquent en France, pour pousser à la délocalisation, c'est idéal.
00:57Alors je ne sais pas si c'est vraiment l'objectif du gouvernement, mais en tout cas il va l'atteindre.
01:01Quand vous avez entendu ça, à quoi vous avez pensé Luc Le Sénécal ?
01:05J'ai pensé aux 40 000 entreprises PMI-PME sous-traitantes du luxe.
01:12C'est-à-dire que si le luxe délocalise, derrière il reste quand même 40 000 entreprises sous-traitantes pour le luxe,
01:19qui sont des petites entreprises avec des savoir-faire.
01:23Ce n'est pas qu'une histoire économique, c'est aussi une histoire humaine.
01:27Parce que tout ce savoir-faire, tout le Made in France, repose beaucoup sur l'excellence d'un savoir-faire français.
01:35Puisque vous êtes président de l'Institut pour les savoir-faire français,
01:39et donc vous voyez certaines entreprises, notamment du patrimoine vivant, qui sont coincées.
01:45D'un côté, elles n'ont ni les moyens, ni le droit de délocaliser, puisque ça ne vient plus du Made in France, ils vont aux Etats-Unis.
01:52Oui, et le savoir-faire est un savoir-faire humain, donc c'est difficilement délocalisable.
01:58Et puis surtout, ce n'est pas subventionné, ou en tout cas pas assez, ce savoir-faire français.
02:03Oui, alors il y a différentes mesures qu'on pourrait prendre, par exemple la TVA.
02:10Pourquoi les produits français sont taxés à 20% ?
02:14Alors que d'autres pays, comme la Chine, imposent des taxes à l'importation, nous on n'en impose pas, mais on a une TVA à 20%.
02:22L'agroalimentaire, c'est une TVA à 5,5. Donc déjà, il y aurait 15% de différence.
02:28Un autre exemple, c'est les marchés publics.
02:31Aux Etats-Unis, 50% des marchés publics sont réservés aux Américains. En France, c'est...
02:36Ça s'appelle du protectionnisme, vous voudriez qu'on fasse du protectionnisme ?
02:39Non, ce n'est pas du protectionnisme, c'est un accord européen.
02:4350%, c'est quand même... Quand je vois que nos pulls de l'armée sont fabriqués à l'extérieur de la France...
02:52Ils ne l'étaient pas.
02:53Nous on en fait, on en fait 5% du marché.
02:55À une époque ?
02:56Oui, nous, au Tricot Saint-Jean, on en fait 5%. On en fait les plus difficiles.
03:01Mais la grande usine qui fabriquait a fermé. La fameuse usine, je ne sais plus le nom, mais en tout cas, c'était une usine française.
03:08Je vous propose, avant de donner la parole à Jean-Michel Salvatore, qui connaît bien les questions économiques,
03:12qu'on écoute le président du MEDEF, Patrick Martin, qui justement réagissait à cette poussette délocalisation que proposait M. Arnault.
03:24Je sens la colère monter. L'incompréhension tourne à la colère. Ce ne sont pas des humeurs.
03:28Ça se traduit dans des comportements d'achat, d'investissement, d'embauche ou de débauche.
03:34Les conséquences, c'est que ceux qui peuvent partir, partent. Et ils ont raison.
03:39Il y a une rationalité économique. Nous, on est là, les entrepreneurs, pour faire de la croissance, pour investir, pour innover, pour embaucher.
03:46Quand vous avez un pays qui a de la croissance, qui a des conditions attractives en termes de prix de l'énergie, en termes de fiscalité,
03:54qu'est-ce que vous voulez vous y aller ? C'est normal.
03:56Jean-Michel, un patron du MEDEF qui dit « barrez-vous », c'est du jamais vu.
03:59Moi, je n'ai jamais entendu « on ». Parce que « off », évidemment, à l'époque des 35 heures, ça se disait, évidemment.
04:10Alors, on jouait avec l'idée, mais évidemment qu'on ne le faisait pas.
04:13C'était sur RTL ce matin, sur les grandes radios nationales.
04:17Moi, j'avais une question à vous poser. Parce que finalement, il y a un autre grand patron qui dirige une entreprise très internationale,
04:25mais qui a une base française très forte. C'est Florent Ménégault, le patron de Michelin, qui a donné des chiffres qui sont absolument hallucinants
04:33sur les coûts de production de Michelin. Quand un pneu coûte 100 en Asie, il y a une dizaine d'années, ça coûtait 134 euros en Europe.
04:47Et aujourd'hui, ça expose à 190 euros en Europe. Donc, on voit bien que là, les prix augmentent énormément.
04:58Et vous, est-ce que vous n'avez pas la tentation, d'une façon ou d'une autre, de délocaliser, même partiellement ?
05:07Dans le luxe, il y a certains producteurs qui le font en 4 minutes, sans trop le dire. Est-ce que vous n'avez pas cette tentation-là ?
05:15Pas du tout. Bon, d'abord, Tricot Saint-James existe depuis 135 ans. Non seulement, on a ramené toutes nos productions à Saint-James,
05:25c'est un village à côté du Mont-Saint-Michel, c'est 300 emplois. Mais au fait, si on veut produire en France, on ne sera jamais compétitif par le prix,
05:34parce que c'est un choix sociétal, etc. Donc, on sera compétitif par la qualité. Et pour moi, la qualité est la résultante d'un savoir-faire.
05:43Pourquoi Saint-James ? On exporte nos marinières et nos pulls marins au Japon, alors qu'il y a la fast-fashion.
05:50Mais vous achetez un pull Saint-James en moyenne 150 euros, vous le gardez 10 ans, c'est moins cher que la fast-fashion, vous avez trouvé le pull à 39 euros.
06:00Mais là, on n'est pas à un moment de bascule, où là, c'est trop cher, et où finalement, les clients ne sont plus là, parce que la différence de prix ne se justifie plus.
06:09Non, je ne pense pas. Il y a eu, c'est vrai, depuis 3 ans, beaucoup d'inflation, il y a eu les coûts d'énergie, il y a eu les coûts des matières premières,
06:19mais il y a encore cette confiance dans le made in France. D'abord, les jeunes consommateurs sont quand même plus conscients que d'acheter un produit fabriqué en France,
06:30qui n'a pas fait trois fois le tour de la planète, c'est quand même mieux. Et puis, c'est encore la qualité, on s'y retrouve.
06:37Mais Luc, le Sénécal, qu'est-ce que vous dites à Patrick Martin ? Qu'est-ce que vous lui répondez ? Quand il dit, écoutez, si vous avez les moyens d'y aller, allez-y, délocalisez !
06:46Oui, mais derrière, c'est les petites entreprises qui trouvent...
06:50Mais est-ce que ça vous choque qu'un président du Medef, aujourd'hui, en public, sans le dire, à un déjeuner avec des journalistes économiques, etc.,
07:00il est sur une radio, le matin, qui est écouté...
07:05D'un point de vue économique, je le comprends. Mais le made in France, ce n'est pas que l'économie, ce sont les emplois, ce sont les savoir-faire, ce sont des milliers d'entreprises...
07:15Mais oui, il est censé protéger tout ça ! Qu'est-ce qui se passe dans sa tête quand il dit ça ?
07:18Oui, je...
07:20C'est étonnant !
07:21C'est étonnant, oui, étonnant.
07:23Nathan Le Verre ?
07:24Je trouve qu'il y a deux choses qui sont étonnantes. En effet, les paroles du président du Medef, mais celles de Bernard Arnault.
07:30Parce que, bon, Bernard Arnault, quand même, c'est, à ma connaissance, la première fois qu'explicitement, officiellement, il tient de tels propos.
07:37C'est doublement étonnant.
07:39C'est étonnant, premièrement, parce que Bernard Arnault, même si, évidemment, il a toujours défendu une sorte de capitalisme,
07:44je me souviens qu'une fois, au micro de Léa Salamé, il disait que la France était un pays socialiste, un peu marxisant, etc.
07:50Mais, enfin, Bernard Arnault, d'un point de vue sociétal, il est assez progressiste.
07:55Il n'est pas, entre guillemets, sur la ligne Trump.
07:57J'ai trouvé intéressant de voir qu'il en vienne à dire, pour désigner le retour de Donald Trump aux affaires américaines,
08:03qu'un vent d'optimisme soufflait sur l'Amérique.
08:06Alors, qu'est-ce que ça signifie ?
08:07Est-ce que c'est une adhésion idéologique ? Je ne crois pas.
08:10Est-ce que c'est une manière de dire, si moi, Bernard Arnault, milliardaire plutôt progressiste sur le plan sociétal,
08:16j'en viens à parler ainsi, c'est vraiment qu'il faut réveiller profondément l'appareil français ?
08:21Et j'ai l'impression que, du côté du président du Medef, on est un peu dans la même logique.
08:24Ça veut dire des paroles presque de menace, ou en tout cas de cassandre,
08:28mais pour essayer de provoquer un réveil de dernière minute, non ?
08:31Oui, et d'autant plus que le groupe que préside Bernard Arnault fait aussi beaucoup dans la formation de ces métiers qui sont devenus rares.
08:40Ils créent des écoles, certes, pour leurs propres ateliers, mais aussi pour les ateliers des sous-traitants, etc.
08:47Mais c'est aussi du Made in France.
08:49Oui, tout en Made in France.
08:51Il faut former. Vous avez, je crois, 60% des entreprises familiales dont les dirigeants ont plus de 50 ans
09:02qui n'ont pas de successeurs ou qui n'ont pas pensé à la succession.
09:06Donc c'est une inquiétude.
09:08Et je pense que ça se greffe, comme tout le monde le sait, sur l'inquiétude que l'on vit depuis une incertitude politique,
09:16donc des conséquences économiques.
09:18Quand même, le budget n'est pas levé aujourd'hui.
09:20Je crois que c'est surtout une façon d'attirer les pouvoirs publics pour dire faites quelque chose et surtout ne faites pas n'importe quoi.
09:26Je corris juste une chose que vous avez dite, Nathan Deverme.
09:29Cela dit, les gens ne sont pas forcément au courant parce que c'est de l'esthétique,
09:32mais Bernard Arnault n'a pas dit, tiens, je vais prendre la parole en public.
09:37Il s'adressait, c'est les images de l'Assemblée Générale de LVMH qui, généralement, ne sont pas diffusées.
09:44Mais là, les services de communication de LVMH ont décidé de les diffuser
09:48parce qu'ils se sont dit, avec évidemment l'aval du grand patron, de dire on va les diffuser
09:54parce que ce n'est quand même pas tous les ans qu'il nous dit un truc pareil.
09:58Jean-Michel Salvatore.
09:59Bernard Arnault, il s'intéresse quand même beaucoup à la chose publique.
10:02Il ne faut quand même pas oublier qu'il est patron des échos, qu'il est patron du parisien,
10:07qu'il a 40% de challenge, donc c'est quelqu'un qui s'intéresse à la chose publique,
10:13qui est très inquiet de la situation économique depuis plusieurs années,
10:18qui, évidemment, fait du business dans le monde entier.
10:21Alors, il connaît bien Trump, ils sont amis, je crois pouvoir le dire,
10:26mais évidemment qu'il a un jugement sur Trump.
10:30Ils sont amis par le business, d'abord, avant même d'être qu'il l'était.
10:34Quand Bernard Arnault a inauguré une usine il y a 3 ou 4 ans, il avait demandé à Trump d'être là.
10:40Mais il se connaissait d'avant.
10:43Et je pense que dans ce que dit Arnault, ce qui l'intéresse beaucoup aux Etats-Unis,
10:50bon, il fait évidemment la part des choses sur Trump,
10:53ce qui l'intéresse beaucoup c'est l'enthousiasme et l'esprit conquérant.
10:57Et ça c'est quelque chose qui est très fort, très puissant,
11:00et qui contraste, évidemment, avec l'état d'esprit français.
11:03Mais on sait aussi qu'il y a de la politique là-dedans.
11:05Il a beaucoup soutenu Emmanuel Macron, Bernard Arnault,
11:09et puis il a appelé, ou il a fait appeler, on ne connaît pas tous les détails,
11:13juste avant la dissolution, il a dit « ne faites pas ça ! ».
11:15Et puis finalement Emmanuel Macron a fait la dissolution.
11:18Je ne suis pas là en train de me faire un film,
11:20je ne suis pas là en train de me dire « c'est la Vendetta, Bernard Arnault », non !
11:24Mais il est quand même là pour attirer l'attention,
11:27en tant que l'un des plus importants patrons de France,
11:31fleuron de l'industrie française,
11:32qui emploie 160 000 personnes en français dans le monde,
11:35de dire « ne faites pas n'importe quoi ! ».
11:38Je pense qu'il y a une chose qui est très importante,
11:41c'est ce qui se passe à Bercy.
11:43Parce que traditionnellement, à Bercy,
11:46vous avez toujours un ministre de l'économie
11:48qui est à l'écoute du monde économique,
11:51et qui est capable de faire le « go-between »
11:53entre la société civile, la société politique,
11:57et puis les chefs d'entreprise.
12:00Or là, qu'est-ce qu'on constate ?
12:02C'est qu'on a à la tête de Bercy,
12:04un ministre qui s'appelle Éric Lombard,
12:06qui était le patron de la Caisse des dépôts,
12:10et qui était peut-être patron jusqu'à ce qu'il quitte la Caisse des dépôts,
12:15mais qui aujourd'hui fait de la politique.
12:17Et c'est vrai que les déclarations qu'il a faites...
12:20Avec une dominante de gauche.
12:21Avec une dominante de gauche.
12:22Alors, il fait dire qu'il est très ami avec Olivier Faure,
12:26il reçoit Madame Tondelier, l'appel en permanence, etc.,
12:30pour essayer de décrocher une non-censure.
12:33Et c'est vrai que les déclarations de M. Lombard,
12:37au début de la semaine sur LCI,
12:39a fait l'effet d'une bombe,
12:41puisqu'il a dit en fait « ce n'est pas vrai qu'il y a trop de fonctionnaires »,
12:45« ce n'est pas vrai qu'il y a des agences qui ne servent à rien », etc.
12:48Et ça, ça a créé une colère terrible
12:50chez les patrons et dans les organisations patronales.
12:54Du coup, il y a le premier d'entre eux qui a pris la parole.
12:57Luc Le Sénégalais.
12:58Oui, je voulais rajouter quelque chose sur le Manifrance,
13:00c'est cette notion d'exportation.
13:02Parce que fabriquer en France, à l'international,
13:04c'est un signe de qualité.
13:06Donc il faut peut-être prendre aussi des mesures
13:08pour renforcer les aides à l'export pour les entreprises françaises,
13:14chasser en meute.
13:16Moi, je prends des exemples simples.
13:18Il y a une région que je connais bien, la Normandie,
13:21on emmène une délégation d'entreprises françaises
13:23à Osaka pour l'expo universelle.
13:26On chasse...
13:27Vous étiez là au Japon il n'y a pas très longtemps.
13:28Oui, j'étais au Japon,
13:29et là, on va repartir l'année prochaine.
13:31Enfin, au mois de juin,
13:33on emmène une trentaine d'entreprises normandes,
13:37spécialisées pour les EPV, les entreprises du patrimoine de vie.
13:40Donc vous exportez le Made in France.
13:42Oui, 39% des entreprises du Made in France exportent.
13:45Mais il faudrait renforcer, parce qu'il y a une demande.
13:47Si on exporte au Japon,
13:49les marinières, les piles marins,
13:51en Corée du Sud, aux Etats-Unis,
13:53c'est qu'il y a une raison.
13:54Donc il faut encourager ces démarches.
13:56Alors il y a beaucoup de choses qui ont été faites avec Business France,
13:58notamment, mais il faut peut-être encore renforcer ces démarches.
14:01Merci de votre témoignage.
14:03Luc Le Sénécal, 20h45, le journal permanent.

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