Lisa Mandel a succédé à Riad Sattouf à la rentrée 2023 en tant que dessinatrice attitrée du « Nouvel Obs ». Chaque semaine, elle croque l’actualité sur une page, publiée dans le magazine papier et notre compte Instagram @nouvelobs. Juste avant de partir à Angoulême pour la 52e édition du Festival international de bande dessinée (FIBD), l'autrice a participé à un live vidéo mensuel, en direct sur notre site, YouTube, Instagram et Tiktok. Au programme : dévoiler les coulisses de son métier. Nous vous proposons de revoir son interview dans ce replay. Bon visionnage !
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00:00Bonjour à toutes et tous, bienvenue dans ce direct du Nouvelle Ops.
00:06On est ensemble pour une trentaine de minutes pour une séance de questions-réponses en live sur
00:11Instagram, YouTube et TikTok depuis la rédaction du Nouvelle Ops. Aujourd'hui, on s'intéresse au
00:18Festival de la BD d'Angoulême et au Top 100 que le Nouvelle Ops s'apprête à publier. C'est un top
00:24inédit. Il a été réalisé grâce au classement de 191 auteurs de BD et personnalités de la culture,
00:30qui nous ont confié leurs albums préférés. A partir de ça, on a fait un grand top 100 que
00:35vous allez bientôt pouvoir découvrir. Si vous avez des pronostics sur ce top, vous pouvez déjà
00:39les mettre en commentaire de ce chat. Je suis accompagnée aujourd'hui d'Amandine Schmitt,
00:45journaliste de notre rubrique Culture. Renaud Février, il est ici, data journaliste et aussi
00:51fan de BD à ses heures. Et de Lisa Mandel, qui est dessinatrice du Nouvelle Ops, que vous pouvez
00:58découvrir toutes les semaines à la fin du magazine, dans une page spéciale. Vous pouvez
01:05maintenant leur poser des questions. Si vous avez des interrogations sur le Festival de la BD,
01:09sur le monde de la BD ou sur ce top ou sur leur métier, c'est le moment. Ce rendez-vous en direct,
01:16je vous le rappelle, vous l'avez peut-être déjà vu passer, il y en a eu une fois par mois environ.
01:19On discute de gros événements d'actualité avec nos journalistes. Ils essaient de comprendre,
01:24d'échanger avec vous, les abonnés, les internautes, comment est-ce que la rédaction
01:28travaille sur ces événements, sur ces sujets de société. Donc le sujet du jour, je vous le disais,
01:33le Festival d'Angoulême. Comme vous le savez peut-être, la 52e édition du Festival international
01:40de la BD, c'est son nom en entier, va débuter jeudi. Et comme tous les ans, le Nouvelle Ops
01:45couvre le sujet avec beaucoup d'attention. Si vous êtes vous-même fan de BD, n'hésitez pas à partager
01:51vos coups de cœur dans le chat. On va vous parler de cette couverture du Festival. On va discuter de
01:56notre Stop 100 des BD. On a donc le plaisir de recevoir Lisa Mandel. Je vous le disais, c'est le
02:01moment de poser vos questions sur TikTok, Instagram et YouTube pour la prochaine demi-heure.
02:07Lisa, je me tourne vers toi. Bonjour. Tu es la dessinatrice du Nouvelle Ops, c'est-à-dire que
02:13toutes les semaines, tu publies ce que je montrais, une planche qui mêle actu et humour.
02:21À la fin du magazine, le Festival d'Angoulême, tu connais. Tu as déjà des albums qui ont fait
02:27partie de la sélection. Tu as toi-même été juré en 2014. Est-ce que tu peux expliquer un petit peu
02:32ce que ça représente ce festival dans le monde de la BD ? D'ailleurs, est-ce que quand on est
02:36nommé, est-ce qu'on est juré, il y a un même effet que par exemple un nommé au concours ?
02:41Je ne sais pas pourquoi, je comparais plutôt ça au Festival de Cannes. C'est un peu le Festival de
02:45Cannes de la BD parce qu'on est tous réunis ensemble pendant un gros week-end, parce qu'avoir
02:52le grand prix au Festival d'Angoulême, c'est quand même quelque chose d'énorme pour la carrière
02:56de quelqu'un. Et parce que les prix, les faufs sont extrêmement valorisés. Et même si on dit
03:04toujours, je m'en fiche de l'avoir ou pas, le jour où on l'a, c'est un bouleversement et ça fait
03:08toujours énormément plaisir. C'est vraiment être reconnu par la profession. C'est un événement
03:13extrêmement important pour un ou une autrice. Je te pique le micro pour parler avec Amandine.
03:21Amandine, on se le disait, tu es journaliste culture, notamment dans notre rubrique spéciale
03:27du Nouvelle Obs qui s'appelle BibliObs. Le Nouvelle Obs suit tous les ans le festival. Pourquoi cet
03:35attachement de la BD pour le magazine ? Parce que déjà, ça a beaucoup de sens que le Nouvelle Obs
03:40couvre la bande de ciné, puisqu'il y a une histoire commune. C'est quand même le journal qui a accueilli
03:44Claire Breutécher pendant une décennie. Et puis, cette page humoristique, elle a été poursuivie
03:52puisque Riyad Satouf a par exemple créé les cahiers d'Esther pour le Nouvelle Obs et a publié
03:56pendant très longtemps à la fin de notre journal. Et puis Lisa Mandel, que tu viens de présenter,
04:01poursuit cette oeuvre-là et donc on peut la lire toutes les semaines à la fin du Nouvelle Obs.
04:06Et par ailleurs, la bande de ciné, c'est une discipline artistique comme toutes les autres,
04:10comme le cinéma, comme le théâtre ou d'autres. Donc il n'y a aucune raison qu'on ne la couvre pas.
04:15Elle a son lot de variations artistiques, de polémiques, de sujets sociétaux. Donc il n'y a
04:22pas de raison qu'on ne s'en empare. Justement, vous êtes plusieurs au journal à suivre la BD,
04:26à sortir souvent des critiques. Mais comment est-ce qu'on traite aussi la BD au-delà peut-être
04:32des albums ? Tu parlais justement de ces sujets sociétaux qu'il y a derrière tout ça.
04:36Oui, c'est pareil. C'est comme toute discipline artistique. Elle peut être couverte sur plusieurs
04:40versants. Alors effectivement, c'est déjà bien de suivre un petit peu l'actualité des sorties et
04:44d'aller chroniquer les albums qui sortent, les prescrire aussi, les conseiller ce qui nous
04:49semble intéressant ou sortant de l'ordinaire ou juste très plaisant à lire. Il y a déjà un
04:55foisonnement de BD chaque année, donc c'est cool d'aller les commenter. Et par ailleurs,
05:02ça n'empêche pas que la bande dessinée, c'est fait par des auteurs, ce qui implique effectivement
05:06des problématiques comme par exemple la précarité qui est un vrai problème de fond dans la bande
05:10dessinée. Et on peut le traiter par plein d'aspects. Moi, je me rappelle avoir fait par
05:13exemple un sujet sur les coloristes, la situation des coloristes qui ont une rémunération un peu
05:19opaque. J'avais aussi traité par exemple de l'autrice de BD, Chloé Vary, qui était en Bisby
05:24avec la ville de Champigny-sur-Marne pour une fresque effacée. Donc, on peut traiter par plein
05:28de biais l'artistique comme la polémique, le sociétal comme l'artistique. D'ailleurs, en
05:35parlant de polémique, Elisa, tu as posté hier sur Instagram une image. Tu participais à une
05:43manifestation en ligne. Est-ce que tu peux nous expliquer ce mouvement qui marque, qui va sans
05:48doute marquer le festival de cette année ? Il y a eu une grogne générale autour de Franck
05:56Bondou qui dirige le festival et notamment avec la 9e art. Alors moi, j'ai suivi un mouvement,
06:02je ne suis pas à l'origine du mouvement. Et en fait, c'est une grogne qui a été déclenchée par
06:07un article écrit par Lucie Servin pour l'Humanité qui dénonce des pratiques, une économie opaque,
06:14du népotisme. Mais surtout, ce qui a fait aussi scandale, c'est une plainte pour viol en fait,
06:19qui a eu lieu en 2024 et qui a été complètement étouffée. La personne, la victime a été renvoyée,
06:24en fait, a été virée, était une salariée qui a été virée du salon. Donc, ça a fait aussi un
06:29énorme scandale. Et voilà ça, plus la ville qui n'est pas forcément... Il y a beaucoup,
06:36beaucoup de personnes qui sont aujourd'hui assez remontées contre Franck Bondou. Et du coup,
06:42c'était l'année où on a un peu manifesté ça, où on aimerait que le Festival d'Angoulême,
06:46évidemment, on l'adore et on a envie de le continuer, mais dans d'autres conditions et
06:49que ça ne devienne pas une entreprise de marketing et que ce ne soit pas noyé dans
06:54le capitalisme, mais que ça reste parce que c'est censé être la BD, c'est-à-dire un art
06:58populaire qui est accessible à tout le monde. Voilà. C'est un festival, du coup, ça va peut-être
07:02marquer cette édition du Festival. Festival d'Angoulême qui est toujours un très gros,
07:08je te prends le micro, un gros événement. Comment est-ce qu'on fait pour suivre ? Je sais
07:12qu'on est plusieurs, vous êtes plusieurs au journal à suivre le Festival. C'est quoi le
07:17dispositif pour un gros événement littéraire comme celui-là ? Alors, c'est en deux temps,
07:22on va dire, puisqu'on a envie d'être présent dans le magazine au moment où le Festival d'Angoulême
07:25débute. Donc, il faut travailler en amont pour qu'on puisse avoir un article dans le journal
07:29au moment de l'ouverture, qui sera cette année le 30 janvier. Donc là, moi, par exemple, j'ai fait
07:34un reportage sur le renouveau de la BD de science-fiction. On pourra lire ça. On a aussi
07:40cette grosse opération classement dont on parlera peut-être plus tard. Et le deuxième volet, c'est
07:44la couverture sur place. Donc moi, je me rends au Festival d'Angoulême à peu près tous les ans. Et
07:49puis là, c'est l'occasion de rencontrer des auteurs, de visiter des expos. Et ça peut être
07:53des comptes rendus d'expo, des interviews, des sujets plus transversaux. Et il y a aussi le
07:59palmarès à commenter le samedi soir. Et ce palmarès, justement, on va le commenter. Mais
08:04comment est-ce qu'on fait pour commenter ? Est-ce qu'on lit au Nouvel Obs ? Est-ce qu'on lit tous
08:07les albums qui sont dans la sélection ? Je pose la question, mais je l'essaie un petit peu, parce que je suis un petit peu concernée par ça aussi.
08:14Il y a 43 albums en sélection, je crois ? 83. 83 albums en sélection, donc ça ferait beaucoup à lire d'un coup.
08:20Donc déjà, quand la sélection tombe, on espère qu'on en a lu beaucoup avant, dans l'année, qu'on les a repérés
08:26et qu'on va avoir un peu de bol et on va pouvoir ressortir notre critique au moment opportun. Mais
08:32sinon, nous, au Nouvel Obs, on essaie de les couvrir toutes et on a un dispositif très technique où on
08:38se divise les lectures entre plusieurs journalistes qui sont intéressés par la bande dessinée. Donc on a un
08:42beau tableau Excel pour chacun, pour les BD qu'il a envie de lire. Et quand on tombe ce palmarès le
08:47samedi soir, on est sur le pont pour pouvoir les commenter dès qu'on sait.
08:52Est-ce que tu peux nous dire combien de BD est-ce que tu as lus cette année pour le festival ?
08:56Pour le festival ? Je ne sais pas, je ne sais pas. Peut-être la moitié de la sélection, je pense. Quelque chose comme ça.
09:00Renaud, tu sais combien de BD tu as lus ?
09:0225 à peu près.
09:0325 à peu près, bon quand même. Lisa, je me retourne vers toi. On revient sur ton métier de dessinatrice et notamment pour le
09:11Nouvel Obs. Tu as commencé à publier des planches dans le Nouvel Obs depuis septembre 2023, ça fait maintenant un an et
09:20demi. Pourquoi est-ce que tu as accepté de publier dans nos pages ? Qu'est-ce que ça représentait pour toi de succéder à des
09:27dessinateurs comme Claire-Mètre Eché ou Bré Téché, pardon, ou Riyad Satouf ?
09:31Déjà, c'était impossible de refuser parce que succéder à des auteurs aussi prestigieux et talentueux, c'était pour moi incroyable.
09:44Du coup, j'ai dit oui tout de suite et j'ai essayé de trouver après une manière d'aborder l'actu. Du coup, j'ai essayé de coller à l'actu avec mon ton.
09:56Parce que je me suis dit que si on m'avait demandé de travailler pour l'Obs, c'était parce que mon ton, à l'époque c'était l'Obs, maintenant c'est le
10:01Nouvel Obs. À l'époque, c'était à cause de mon ton. Donc, j'ai essayé de garder mon ton tout en collant plus à l'actu. Pour moi, je trouve que c'est une chance
10:09énorme et c'est peut-être une des plus belles opportunités que j'ai eues dans ma carrière. Je suis vraiment sincère en disant ça.
10:15D'ailleurs, dites-nous dans les commentaires si vous avez l'habitude dans les magazines de lire ces dernières, ces fins de magazine avec les planches.
10:22Notamment, Riyad Satouf, on me disait qu'il avait commencé les cahiers d'Esther pour le Nouvel Obs. Dites-nous comment est-ce que vous avez découvert ça ?
10:31Toi, on se le disait, tu reprends un dessin d'actu chaque semaine. Comment est-ce que tu choisis ton sujet ? Est-ce que tu rends compte des difficultés pour le faire ?
10:38Oui, à chaque fois. En fait, je lis. J'essaie de lire plusieurs journaux rapidement. Je vois les sujets qui sont intéressants, les sujets qui me touchent.
10:47Et puis après, j'essaie d'en faire un truc marrant tout en essayant d'exprimer mon point de vue, puis un point de vue plus global.
10:55En général, ça suit l'ordre du jour. Quand c'est la pollution, c'est la pollution. Malheureusement, quand je suis arrivée, il y a eu les attentats du 7 octobre en Israël.
11:05Et puis ça a teinté l'actualité d'un sujet quand même très polémique. Moi, je suis arrivée à ce moment-là. Et donc, je me suis retrouvée dans le dur tout de suite
11:15à devoir trouver comment traiter le sujet, qui est un sujet quasiment impossible à traiter, en fait, sans créer de polémiques et de drames.
11:23D'ailleurs, vous le voyez s'afficher à l'écran. C'est une des cases de la planche que tu avais publiée concernant Gaza.
11:30Tu avais dessiné des enfants qui réclamaient un cessez-le-feu. Est-ce que ça a été difficile pour toi ? Parce que c'est une prise d'opposition.
11:37Il y a un peu d'affect dedans. Comment est-ce que tu as fait ça ?
11:41En fait, ce qui était difficile, c'est de trouver un angle. Parce que le pire, c'était de s'autocensurer, de ne pas en parler du tout.
11:47Moi, je voulais trouver un moyen d'en parler en heurtant le moins possible les gens. Donc, il fallait être consensuel et en même temps exprimer le sujet.
11:56Oui, j'ai utilisé les enfants qui demandent un cessez-le-feu. Parce que, de manière évidente, le cessez-le-feu était évidemment obligatoire.
12:04Il y avait à l'époque, et encore maintenant, mais surtout à l'époque, il y avait des massacres. Il y a des dizaines de milliers de civils qui se sont quand même fait assassiner.
12:13Et à ce moment-là, oui, j'ai décidé de traiter le sujet. Mais on y a beaucoup réfléchi aussi avec les personnes de l'Obs, pour pouvoir le traiter d'une manière qui soit la moins violente possible.
12:23Et en même temps, qui arrivent à exprimer les choses. Et pourtant, quand on regarde ce que je raconte dans cette page, ce n'est pas extraordinaire non plus, ce n'est pas choquant.
12:29Et ça a quand même créé des tout petits problèmes. Il y a des gens qui m'ont écrit, mais franchement, toujours dans le respect quand même,
12:35mais qui étaient un peu choqués en disant « oui, mais vous parlez de ça, puis vous ne parlez pas des victimes israéliennes ».
12:39Et là, on revient dans le sujet de dire « mais on ne peut pas parler de tout ». Et puis là, c'était ça, pour moi, c'est ce qu'on voyait aux infos.
12:45C'était ce qui était d'actu à ce moment-là. Et c'est ce dont on voulait parler.
12:49Mais oui, effectivement, des fois, on transpire pour des sujets qui sont finalement traités de manière, moi, je trouve, vraiment, hyper modérée, de manière hyper modérée.
12:59Il y a d'autres sujets où je me permets plus de choses et plus d'excès, parce que les retombées ne sont pas du tout les mêmes.
13:04Un autre sujet assez lourd que tu as dû traiter dans nos pages et récemment, c'était les attentats de Charlie Hebdo. On a commémoré les dix ans.
13:14Je vous montre ici, donc ton dessin a fait la une. Est-ce que tu peux nous expliquer, parce que quand on est dessinateur et dessinatrice de presse, tu le dis,
13:20parfois, on doit parler de sujets qui sont lourds. Et aussi, c'est un peu le propre de beaucoup de tes planches, faire rire.
13:27Comment est-ce que tu réussis à faire rire quand tu parles de sujets qui sont graves ? Est-ce que c'est une obligation pour toi ?
13:33C'est un peu l'idée de la page, c'est d'être comique. Et puis le rire, ça fait passer beaucoup d'infos aussi, ça permet de relativiser.
13:42C'est le côté bouffon du dessinateur de presse où on amuse, on essaie d'amuser les gens avec des choses qui ne sont pas du tout drôles.
13:48Et moi, les limites que je me pose, c'est de ne pas être dans le mépris, de ne pas être dans la condescendance et de parler surtout de mon point de vue et de parler de là d'où je viens, moi.
13:57C'est-à-dire que quand je me moque de quelque chose, je me moque aussi de moi. Il y a beaucoup d'autodérision. Et après, l'humour, comment on fait de l'humour ?
14:04La recette secrète, elle est un peu compliquée à expliquer, mais c'est de trouver toujours ce qu'il y a de risible dans les choses les plus graves.
14:10Et toujours le décalage. Je pense que le dessinateur de presse, il a au fond de lui cette espèce de phrase « tout n'est que vanité ».
14:18Il faut faire remonter ce côté un peu désabusé, c'est terrible à dire, mais à la fois un côté désabusé, un côté de se distancier du sujet et en même temps de garder la foi.
14:29Et ça demande plein d'émotions contradictoires, le métier de dessinateur de presse. Et c'est un métier qui est assez fatigant et épuisant.
14:37On a reçu une question sur YouTube à laquelle tu vas pouvoir répondre. On nous demande « Que pensez-vous d'avoir depuis plusieurs années des présidents de jury qui ne sont ni auteurs de BD, ni spécialistes du médium ? »
14:47Est-ce que toi, en tant que dessinatrice, ça te gêne ?
14:51Par rapport au Festival d'Angoulême ?
14:53Par rapport au Festival.
14:54C'était une question, c'est marrant, on en discutait justement avec des personnes.
14:58Moi je me dis, si on faisait justement le Festival de Cannes et on a invité un jury composé de personnes qui n'ont rien à voir avec le cinéma,
15:04ou un auteur de BD président du Festival de Cannes, est-ce que ça surprendrait les gens ?
15:08Je pense que oui.
15:10Donc moi je trouve ça sympa.
15:13Il y a des gens hyper sympas qui sont passés par ces jurys, qui ne faisaient pas du tout partie de la BD.
15:17Je trouve ça étrange aussi, parce qu'en général, par exemple, quand on noctrue un prix littéraire, j'imagine que les gens qui sont dans le jury,
15:23ils lisent ou ils font partie du milieu de la littérature.
15:27On n'invite pas forcément un comique.
15:31C'est une question à se poser, c'est sympa, ça donne encore le côté un peu infantilisant de la BD.
15:35La BD, tout le monde peut donner son avis dessus, ce n'est pas vraiment de l'art, du coup c'est un peu infantin, tout le monde peut donner...
15:41Mais après, encore une fois, ce n'est pas un jugement personnel, il y a eu des super juries qui n'étaient pas des gens de BD.
15:47Mais c'est vrai que si on le déplace sur d'autres médias, ça paraît bizarre.
15:52Merci Barière pour cette question.
15:54Je vous rappelle que si vous voulez poser des questions à Lisa, à nos journalistes spécialistes BD,
15:59c'est maintenant, vous pouvez le faire dans les chats de Youtube, Instagram et TikTok.
16:04On va pouvoir y répondre.
16:05Une question aussi, pour revenir à ces planches que tu dessines pour le Nouvel Orbe,
16:10est-ce qu'il y en a une qui t'a marquée par cet honneur, par son sujet, par le travail qu'elle t'a demandé ?
16:15Celle qu'on a montrée, en fait, elle a été hyper difficile à faire et elle m'a beaucoup stressée.
16:22Donc c'est bien qu'elle soit celle-là qui a été choisie.
16:25Tu peux nous expliquer ce qu'elle représentait, cette planche ?
16:28Cette planche représentait, au moment où les attaques sur Gaza étaient à leur paroxysme
16:34et où on découvrait des dizaines de milliers de morts, des centaines de morts par jour,
16:40notamment quand même une majorité de civils dans les décombres et que la ville se faisait pilonner,
16:44c'était la nécessité d'un cessez-le-feu.
16:48Et à ce moment-là, je trouve que la parole autour de ce sujet n'est jamais libre,
16:53parce que c'est biaisé.
16:54Quoi qu'on dise, par exemple, quand j'ai fait cette page,
16:55je me suis fait engueuler par des personnes plus militantes que moi,
16:59qui expriment plus de militants que moi,
17:02parce qu'encore une fois, je n'ai pas fait cette page pour moi, je l'ai faite pour le Nouvel Obs,
17:05qui est un magazine qui joue sur la tempérance et la modération.
17:08Ce n'est pas un magazine extrême.
17:10Donc moi aussi, je m'adapte au médium dans lequel je travaille.
17:13Et donc, il fallait réussir à exprimer ça sans blesser les uns, sans blesser les autres,
17:19tout en essayant de dire quelque chose.
17:20Et c'était hyper compliqué.
17:21Et je trouve que le résultat est très, moi je dirais, un peu tiède.
17:25Mais en même temps, je suis contente qu'il ait pu être publié quand même.
17:29Mais ça a été un gros stress.
17:30De toute façon, ce sujet est une source de stress à titre personnel.
17:35Je reviens sur ce top 100 dont on vous parlait au début.
17:39Le Nouvel Obs va publier un top 100 des BD du XXIe siècle,
17:45qui a été fait à partir de 191 contributions d'auteurs et d'autrices de BD
17:51et de personnalités du monde de la culture.
17:53Tu y as pris part à la confection de ce top.
17:57Est-ce que tu peux nous spoiler certains albums de ta liste ?
18:00Oui, alors moi, j'ai mis dans celui qui est un peu de la triche, mais pas vraiment.
18:03C'est une série qui est à cheval entre les années 90 et les années 2000,
18:06qui est l'Ascension du homme à l'âge de David Bay, que moi, j'ai adoré.
18:11J'ai mis du temps à le lire parce que le dessin était...
18:14À l'époque, je me rappelle que le dessin, je le trouvais très beau, mais je le trouvais difficile.
18:17Et quand je suis rentrée dedans, en fait, j'ai trouvé ça extraordinaire.
18:21Et puis, le photographe de Gilbert, qui est pareil,
18:24qui est resté sur ma table de cheveux pendant des semaines,
18:26parce que le dessin, je le trouvais beau pareil, mais il était un peu difficile d'accès.
18:29Et je le trouvais ici.
18:31Et en fait, en lisant la BD, franchement, j'ai crié au génie.
18:38Le dessin est extraordinaire, la narration, elle est fantastique.
18:41L'histoire est vraiment bouleversante.
18:44On s'y croirait, en fait.
18:46En plus, il a osé le mélange photo-dessin.
18:49Et bon, après, c'est la BD du rêve.
18:50Moi, j'ai toujours aimé la BD documentaire.
18:52Et je trouve que cette BD, c'est vraiment un chef d'œuvre.
18:56On a Louis sur TikTok qui nous pose lui-même, il lui dit une question indiscrète.
19:01Est-ce que le Nouvel Obs vous rémunère correctement ?
19:03Est-ce qu'on peut vivre de son art quand on est dessinateur de magazine ?
19:07C'est vrai qu'on parlait de précarité dans le milieu.
19:09Comment ça se passe ?
19:10Alors, ça dépend des magazines.
19:12Franchement, le Nouvel Obs me paye correctement.
19:15Évidemment, on voudrait toujours être plus payés que ce qu'on est.
19:20Mais franchement, le Nouvel Obs, très franchement, il paye très correctement.
19:25Et puis moi, je ne fais pas que ça.
19:26Je ne travaille pas que pour le Nouvel Obs.
19:28J'ai aussi d'autres sources de revenus.
19:31Mais non, c'est dur.
19:32La profession se précarise aussi parce que les magazines se vendent de moins en moins.
19:36Le papier, c'est quand même en crise aussi.
19:37Et la presse depuis des années maintenant.
19:39Et le modèle économique du numérique n'est pas toujours tout à fait encore stabilisé.
19:44Donc oui, c'est dur.
19:45Mais il y a des magazines qui arrivent encore à rémunérer correctement leurs auteurices.
19:51Il me semble que tu dois bientôt nous quitter.
19:53Je te termine en te posant une dernière question pour ce live spécial Angoulême.
20:00Est-ce que tu pourrais confier ton coup de cœur BD de l'année, peut-être, pour les spectateurs ?
20:05Alors oui, alors moi, mon coup de cœur BD de l'année, c'est La Chiale de Claire Brault,
20:10que j'ai trouvé génial et que j'ai d'ailleurs là, que j'avais ramené pour...
20:15Peut-être je peux...
20:16Vas-y.
20:17Je vais faire un petit mouvement.
20:19Que j'ai ramené parce que j'adore cette autrice.
20:23De toute façon, elle a un dessin et un univers hyper fantasque et inhabituel.
20:30Et c'est vrai que, comme on a discuté tout à l'heure, avec l'âge, on devient un peu plus difficile à surprendre, on va dire.
20:35Et ça, c'est une autrice qui est tout le temps surprenante.
20:37Alors après, elle est très foisonnante.
20:39Elle part un peu dans tous les sens.
20:40Mais justement, c'est ce qui fait la richesse de son univers.
20:42Et puis, elle a une sensibilité vraiment...
20:46Elle a un trait que moi, j'adore.
20:48Une sensibilité...
20:50Je peux vous montrer.
20:53Je prends un peu les pages au hasard.
20:57Donc voilà, elle a un trait hyper libre.
20:59Elle a un style inimitable.
21:02Et moi, c'est une autrice, je pense, qui n'est pas assez reconnue du grand public.
21:06Elle est assez connue dans le milieu des auteurs de BD.
21:09Mais c'est vraiment une autrice, je trouve, complètement atypique et d'une originalité assez folle.
21:14Donc ça a été mon petit coup de cœur de ces derniers temps.
21:16Voilà.
21:17La chiale de Claire Brault.
21:20Merci beaucoup, Lisa.
21:22Merci de nous avoir confié ton coup de cœur.
21:24Merci d'avoir été là.
21:25Lisa Mandel, je rappelle, dessinatrice du Nouvelle Epoque.
21:28Vous pouvez retrouver toutes les semaines, à la fin, du magazine.
21:33Merci et puis à bientôt.
21:34Et bien, à bientôt.
21:35Je vais être dans ça et en échange, je te prends le micro.
21:38Et du coup, si vous avez, vous aussi, peut-être une BD préférée...