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Après sa mini-série « Oussekine » pour Disney+, sur les événements du 5 décembre 1986, Antoine Chevrollier s’intéresse encore dans « la Pampa » à comment le collectif peut amener à violenter un individu. Dans ce premier long-métrage réussi, présenté à la Semaine de la Critique au Festival de Cannes 2024, le cinéaste de 42 ans a planté son décor à Longué-Jumelles, son village d’enfance du Maine-et-Loire.

Il y raconte comment Willy et Jojo, deux amis d’enfance inséparables et passionnés de moto-cross, incarnés respectivement par Sayyid El Alami et Amaury Fouche, vont devoir faire face à la vision réactionnaire de leur entourage. Avec Artus, dans un second rôle convaincant et inattendu, ce drame social met en lumière avec justesse l’homophobie par le prisme de la ruralité.

A l’occasion de la sortie en salle de « la Pampa », ce mercredi 5 février 2025, entretien croisé entre l’acteur Artus et le réalisateur Antoine Chevrollier.

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Transcription
00:00Quand il m'a appelé, j'ai flippé, parce que justement, c'est une vraie mise en danger.
00:03Moi, la comédie, c'est mon ADN.
00:04Chaque fois que je reviens ici, j'ai l'impression d'être en 1950.
00:16Un sujet que j'ai envie de creuser et que j'ai commencé avec Oussekin
00:19et que je continue avec La Pampa, c'est comment le collectif violente l'individu.
00:22Comment une masse, un endroit, quel qu'il soit, abîme une sensibilité différente.
00:28Je viens d'un endroit où on a tourné, qui est donc Longueuil-Jumel,
00:31un petit village en Anjou, et où il y avait ce terrain de La Pampa
00:33qui existe vraiment, qui a existé et qui existe toujours,
00:36et qui est l'arène du film, c'est-à-dire le motocross.
00:38Pratiqué plutôt par une classe moyenne prolétaire,
00:41et ça me permet d'appuyer un endroit qui, pour moi, est très important,
00:45qui est celui de la masculinité toxique et celui de la testostérone et du virilisme.
00:52Tout à fait. C'est d'essayer de regarder tous ces personnages et leur trajectoire sans surplomb.
00:56De les regarder droit dans les yeux, de montrer évidemment leurs failles,
00:59de montrer à quel point on les aime, mais de montrer à quel point ils peuvent être également violents.
01:03Il y a une insularité culturelle, sociale, politique dans ce genre de territoire.
01:07Il y a un abandon. Et en fait, qu'est-ce qu'on fait quand on grandit dans ce genre d'endroit ?
01:11Et comment on s'en extrait si on doit s'en extraire ?
01:15J'ai grandi dans un village à côté de Montpellier.
01:17Là, l'arène, c'est la motocross, mais en vrai, ça pourrait être l'arène du foot,
01:20du rugby dans le sud-ouest, là où j'ai grandi.
01:22C'est ces villages où c'est un peu un western, dans le sens où
01:25c'est les lois qui ne sont pas les mêmes qu'ailleurs.
01:27Quand tu grandis dans un village, moi, la première fois que je suis arrivé à Paris,
01:29j'ai découvert les juifs, les homosexuels, les noirs, les mages.
01:32Sinon, en fait, dans ces villages-là, t'as encore des endroits où t'as la famille de rebeux,
01:36où t'as le gars qui est gay, peut-être, machin, enfin, tu vois.
01:39Le monde a un peu plus de mal à arriver là-bas.
01:44Moi, quand il m'a appelé, j'ai flippé parce que justement, c'est une vraie mise en danger.
01:47Moi, la comédie, c'est mon ADN. La comédie, aujourd'hui, je pense que je sais la faire.
01:51Et en vrai, ça y est, maintenant, je peux dire que je sais la faire.
01:53Mais on a envie, je pense, tous les acteurs ont envie d'être un peu sur les deux tableaux.
01:57Et là, quand Antoine, en plus, me propose, je sais que je suis entre de bonnes mains.
02:00Parce que moi, ce qui me fait peur dans le monde du cinéma, ce ne sont pas les rôles.
02:04J'ai envie de me frotter à tous les rôles.
02:06Ce qui me fait peur, c'est l'accompagnant.
02:08J'ai besoin, moi, d'être entouré, j'ai besoin d'être dans de bonnes conditions
02:10et d'être avec des gens que j'aime pour pouvoir donner le mieux de moi.
02:14Et je n'ai pas envie de souffrir, je n'ai pas envie d'aller sur ces tournages
02:17quand t'entends parler des gens qui te disent, c'est un enfer, mais le film, il est génial.
02:20Ouais, mais moi, je m'en branle.
02:21Je n'ai pas envie de faire ça, en fait.
02:22J'ai envie de faire des films géniaux avec des gens que j'aime
02:25et qui vont m'emmener dans des endroits où je ne suis pas allé.
02:28Et Antoine, vraiment, c'est grâce à lui que j'ai été dans le bureau des légendes.
02:31C'est lui qui m'a fait avoir le rôle.
02:32Quand j'ai débarqué, je n'étais pas à ma place et il m'a rendu tellement à l'aise
02:35que j'étais heureux d'être là.
02:37Et là, sur La Pampa, c'est encore autre chose.
02:39Il y a eu ce challenge de perte de poids qui m'a vraiment motivé sur le rôle.
02:43Et puis surtout, ce rôle qui est à l'opposé de moi
02:46et dans lequel vraiment, j'ai encore du mal à me trouver bien.
02:48Moi, ce n'est pas mon domaine, donc j'ai encore du mal à me dire
02:52ouais, non, je ne suis pas au niveau encore, mais tant mieux si ça fait l'illusion.
02:57Toutes les semaines, il y a une jeune fille ou un jeune homme
03:00qui se suicide pour harcèlement, pour homophobie.
03:03Et puis, l'homophobie rurale, elle a une certaine violence.
03:06Elle a quelque chose d'assez singulier qui, je crois,
03:08n'avait pas encore été montré, en tout cas en France.
03:10Ce qui est bien, c'est que là, le message, il va peut être passer.
03:13C'est peut être le seul point sur lequel je trouve qu'il a fait un bon choix.
03:16C'est que mine de rien, je suis populaire.
03:17Je viens du rugby, je viens du sud ouest,
03:19donc je pense que je dégage un truc de bonhomme ou de machin.
03:22C'est rigolo, c'est des copains, j'ai été connu par ce truc là.
03:24Et je trouve que je pense que les gens qui vont venir me voir
03:26et qui vont me voir dans un autre contexte et tout,
03:28je pense que ça peut faire passer le message, peut être encore d'une autre manière,
03:32encore à une autre population.
03:33Donc tant mieux, je suis ravi, évidemment, d'être dans ce film
03:37et d'y être de cette manière là,
03:38parce que ça va peut être faire prendre conscience à certaines personnes
03:41que ce n'est pas normal.

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