Comment s’enraciner dans un nouveau pays ?
Le court métrage Des Racines explore la solitude et la mélancolie de l'exil, mais aussi la joie de démarrer une nouvelle vie, riche en découvertes et en rencontres.
Le film a été écrit et réalisé par les par les apprenants des Ateliers SocioLinguistiques de la Maison des Habitants Centre-ville de Grenoble avec l'association Images solidaires.
Le court métrage Des Racines explore la solitude et la mélancolie de l'exil, mais aussi la joie de démarrer une nouvelle vie, riche en découvertes et en rencontres.
Le film a été écrit et réalisé par les par les apprenants des Ateliers SocioLinguistiques de la Maison des Habitants Centre-ville de Grenoble avec l'association Images solidaires.
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00:00♪ Musique de générique de fin ♪
01:07Les gens qui viennent en France, ils n'ont plus de problème chez eux, ils acceptent,
01:22et il a dit que c'est bon, après 2 ans, 3 ans, il y aura un vie calme, au lieu d'être
01:28toujours en galère chez eux, c'est mieux de vivre ici, ou d'accepter 3 ou 4 ans pour
01:41l'attente des papiers, des choses comme ça.
01:43Si tu es à l'essoi, tu ne veux pas sortir de ton pays, imagine que tu laisses ta maman,
01:58ton père, tes enfants, que tu aies grandi ensemble, tes amis, c'est un peu difficile
02:07pour nous, même jusqu'à présent, c'est un peu choquant pour nous, pour sauver ma
02:13vie, je peux sortir.
02:15Mes familles voulaient me marier à un homme qui est presque l'oncle pour moi, en même
02:26temps il est plus âgé que moi, ça fait que j'étais petite, et en même temps moi aussi
02:29je ne l'aime pas du tout, ils voulaient me forcer aussi pour faire surposition, ils
02:34voulaient me faire ça aussi, j'ai refusé de le faire, mes familles m'ont achetée
02:38chez eux, après je suis partie refuser l'une de mes amies, je lui ai expliqué mes problèmes,
02:43après c'est eux qui m'ont aidée, ils m'ont donné l'argent, c'est là-bas que j'ai
02:47commencé à vendre les condiments, les légumes, les fruits, l'argent que j'ai accumulé,
02:52c'est ça que j'ai payé maintenant, pour prendre la route, pour faire l'aventure.
02:57Je suis né dans une famille nomade, comme les bergers qui gardent les animaux, ils dépendent
03:14toute leur vie sur les animaux.
03:18Le jour où la Chine a envahi le Tibet, ce jour-là on fait des grèves contre la Chine,
03:27et du coup ils ont fait ça, et on a dû quitter notre pays.
03:36Mon pays, à cause des guerres, ils sont tous brûlés dans ma ville, et je ne peux pas
03:46retourner là-bas, parce que c'est très difficile de faire un évangile en Lévis,
03:53Lévis c'est où se sont commencées les guerres, après j'ai travaillé en Europe,
03:59et je ne peux pas retourner dans mon pays, parce que c'est très dangereux pour moi.
04:08Moi c'est mon père qui m'a envoyé pour étudier en France, c'est pour faire un master,
04:14je l'ai fait une année, et après je n'ai pas continué parce que c'est lui qui prenait
04:20les charges, ils l'ont mis en prison à Djibouti, et dans ces cas-là je n'arrive pas à me
04:26financer moi-même.
04:28Quand le service de la carrière a arrêté avec mon père, c'est à ce moment-là que
04:32je fais la démontation.
04:35J'ai quitté ce ménage il y a 15 ans, et je suis peul, l'ethnie peul, l'ethnie peul
04:42Je suis toujours victime en Afrique, comme la Guinée, le Mali et beaucoup d'autres pays.
04:55Au début c'était ma mère qui est partie du Guatemala, elle est venue en Espagne,
04:58elle a été en Espagne pendant 7 ans, en attendant moi j'étais dans mon pays avec
05:03ma grand-mère, et ensuite je suis venue aussi en Espagne, donc voilà en Espagne ça s'est
05:10passé très bien, et après on est venu en France.
05:14C'était pour le compagnon de ma mère, on s'est mariés, c'était un Congolais,
05:19donc pour lui la facilité c'était de parler en français, donc voilà on a dû, moi je
05:25voulais pas trop la France, je voulais plutôt l'Angleterre, voilà.
05:30Quand j'étais en Utopie, je pense que pour les habitants c'est comme Utopie, mais quand
05:38j'arrive il est totalement différent, parce qu'en Utopie nous habitons ensemble,
05:43collectivité, mais c'est individualiste, ouais c'est un petit peu dur pour moi,
05:52parce que même je ne connais pas mon voisin.
05:55Quand on est dans notre pays, il y a un très bon projet qui arrive, dans mon cas c'est
06:11pour l'amour, mais à la fois c'est difficile, on laisse les familles, on laisse les amis,
06:24on laisse le travail, on laisse la vie, pour commencer un autre.
06:32Au début, la langue étrangère ça m'intéressait beaucoup, même si je n'ai pas pensé que
06:43c'était difficile à apprendre.
06:45Tout le monde a besoin de lutter, de combattre, quelque chose, et c'est comme ça.
06:52On migre avec nos raïsons, quand on sort de notre pays, on va avec notre raison, ouais.
07:01On a fait un plan, on veut déménager, et après quand on arrive à l'autre pays,
07:09on pense que tout va passer bien, rapidement, qu'on s'habitue rapidement, mais c'est pas
07:17comme ça, et en fait je pense que personne n'est préparé pour les différences.
07:24J'ai quitté chez moi, en Guinée-Conakry, j'ai arrivé à Mali, après Mali, Algérie,
07:52Libye, après Libye, Italie.
07:57Moi j'ai fait presque 5 voyages, dans 4 voyages, dans l'eau, on nous a fait retourner.
08:05Maintenant 5 fois là, c'est là-bas que j'ai passé, après j'ai fait en Espagne,
08:11on nous a enfermé comme gens de prison, je peux dire que c'est pas prison, mais c'est
08:16pour nous demander, ils nous ont pris notre empreinte pour confirmer que nous on est
08:22passés par Maroc, par Maroc en Espagne aussi, après on est venus ici en France.
08:28On ne sait pas là où on est allé, mais quand même il y a des voitures qui passent,
08:52et on a appelé 115 et ils vont nous dire, on arrive, on arrive.
08:56Les Croix-Rouges, ils vont te dire, ouais, j'arrive, j'arrive, attendez, attendez-moi,
09:01vous êtes où là ? On dit ouais, on est là à la gare, depuis 23h jusqu'à 3h du matin,
09:07et ils viennent pas.
09:12Je ne peux pas dormir ici, c'est pas facile pour moi pour dormir là, et j'étais très
09:19très très fatigué.
09:20Trois personnes, on est allé là-bas.
09:26Je pensais à mon pays, parce qu'à mon pays, je ne peux pas dormir comme ça dehors.
09:50Pour le commence, on imagine plein de choses à faire, mais quand on arrive, il y a un
10:00grand mur qui s'est construit avant nous.
10:03Les langues, la culture, les coutumes des pays ne se ressemblent pas à les nôtres.
10:12Les visages, et aussi les visages des gens, quand on essaie de dire quelque chose, et
10:20la réponse est « je ne comprends pas ».
10:29Avant, c'était très difficile, parce que même pour parler avec quelqu'un, c'est
10:35un peu difficile pour moi.
10:38Maintenant, là, on dort dehors toujours.
10:43On ne peut pas travailler, on n'a pas de logement, on ne fait rien, on ne bouge pas.
10:54Grâce à l'association qui aide pour la langue française, quand je rentre, je ne parle
10:59pas du tout, même aujourd'hui, c'est sympa, mais maintenant, j'arrive à parler un
11:05petit peu, et je remercie l'association.
11:12On entend beaucoup de choses sur la France, sur le droit, le droit pour les immigrés.
11:23Même si on n'a pas de papiers, on a beaucoup de droits.
11:29Est-ce que tu es un peu déçu par la France ?
11:32Oui, je suis un peu déçu, mais ça va, il y a toujours des mauvaises choses, il y a
11:40toujours des bonnes choses, il y a toujours des mauvaises choses, c'est la nature humaine.
11:50La France, c'est un grand pays, que tout le monde connaît.
11:59Je me sens en sécurité en France.
12:03Quand on essaie d'arriver à parler, quand on essaie de se relationner avec les gens,
12:18on essaie d'exprimer les choses qu'on veut, tous ces sentiments commencent à changer.
12:30On commence à trouver les gens, les gens pareils, les gens pareils à nous.
12:42C'était un petit peu difficile pour communiquer avec les gens, mais après, j'ai rencontré
12:51une fille utopienne, elle m'a montée dans la maison d'habitants, et je trouve que c'est
13:00très très belle pour moi, parce que je rencontre beaucoup de gens qui viennent de différents
13:06pays, de différentes cultures, j'aime ça, et j'ai commencé à apprendre la langue française.
13:15Maintenant, j'aime vivre ici, que d'avant.
13:28Si je suis avec le groupe, je suis heureux, je parle avec eux, je ne reste pas seul,
13:33je ne reste pas à penser.
13:35Là, je suis un peu heureux, mais si le moment passe, encore, il y a une chose à penser
13:44aussi, c'est comme ça nous on est, parce qu'on a quitté notre pays, et on est venu
13:52dans l'autre pays étranger que l'on ne connait pas.
13:56Là, peut-être, s'ils nous laissent rester, et on va planter notre plante ici.
14:06Mon rêve, c'est de vivre tranquille, comme les autres.
14:13Si tu es en santé, tu es en sécurité, il y a l'espoir.
14:27La plante de mes espoirs a besoin de grandir, et son espoir est de trouver un terre où
14:35elle ne coupe pas pour se florisser.
14:40On doit retrouver la terre pour nous planter, et on va repousser petit à petit, ce n'est
14:48pas forcément rapide.
14:50Il faut être courageux, fort, travailler.
14:54Ne fais pas chercher pour toi-même, il faut chercher ta vie toi-même, parce que tu es
15:00une femme.
15:01La manière dont un homme se lève et part chercher un travail, une femme aussi doit
15:07se battre comme ça.
15:09Depuis que je suis venue en France, Dieu merci, parce que depuis que je suis là, vraiment,
15:17ce que j'ai vécu ici, je ne veux pas dire que je suis là en train de faire n'importe
15:22quoi qui n'est pas bon, mais je suis libre de moi-même.
15:27Aller vers l'inconnu, commencer de zéro, une nouvelle culture, des milliers d'opportunités
15:37mais aussi d'incertitudes, à la recherche d'un avenir.
15:41Mais qu'est-ce que je fais ici ? Comment je suis arrivée là ? Pourtant on l'a
15:45mis ici, et c'est là où je dois avancer.
15:48Cette vie m'a donné beaucoup de bonnes choses, une nouvelle famille, de nouveaux
15:56amis, une nouvelle culture, de nouveaux challenges.
16:00C'est ici que j'ai vu la neige pour la première fois, c'est ici que j'ai participé
16:07à un tournoi national de jeux de carême pour la première fois, c'est ici que j'ai
16:13mis ma peinture dans une exposition pour la première fois.
16:18C'est ici que ma photo a été publiée dans un journal pour la première fois.
16:23C'est ici que j'ai fait de l'escalade pour la première fois.
16:27Enfin, ce pays est très propre, très beau, très calme.
16:32J'aime bien ce pays, mais rien ne peut remplacer son propre pays.
16:38Dans un coin de mon cœur, il manque quelque chose.
16:42J'espère qu'un jour mes racines adopteront cette nouvelle terre.
16:48Il n'y a pas de chemin, il n'y a pas de chemin pour le bonheur.
16:52Le bonheur, c'est le chemin.
17:47Bonjour à tous, aujourd'hui nous accueillons Laura et Marie, bienvenue.
17:56Merci.
17:57Nous allons parler de Des Racines, le film qui vient d'être diffusé à l'instant.
18:01C'est un court métrage qui a été réalisé par les apprenants des ateliers sociolinguistiques
18:08à la maison des habitants du centre-ville de Grenoble.
18:11Laura, c'est vous qui avez eu l'idée du film.
18:14Comment est-ce que cette idée est née ?
18:16Alors, vu que c'est dans le cadre de ces ateliers, forcément on est tous des étrangères.
18:21Donc les sujets qui nous lient, c'était un peu notre parcours migratoire,
18:27comment on est arrivés, comment on se sentait.
18:29Et comme c'était juste après le confinement, c'était en été 2020,
18:33et bien du coup pendant le confinement, je pense qu'il y a beaucoup de monde
18:37qui s'est mis à faire un peu le potager.
18:39Et donc moi j'ai remarqué quand on changeait une plante d'un pot à l'autre,
18:43à une nouvelle terre, d'abord elle était mou, elle était un peu triste.
18:48Mais au fur et à mesure des jours, ça devenait bien.
18:51Quand on change de pays, on vient dans une nouvelle terre, littéralement,
18:55et ça nous prend du temps.
18:58D'abord on pense que ça va être plus simple, mais ça prend du temps,
19:02on s'habitue à la nouvelle terre.
19:04Oui, c'est ce que vous dites dans le film.
19:06Vous avez dit que personne n'est préparé pour ces différences,
19:09et qu'en arrivant en France, on pense que tout va bien se passer.
19:13Qu'est-ce qui se passe finalement en arrivant en France, et à quoi on s'attend ?
19:17Pour moi le plus compliqué, ça a été la langue, trouver un travail,
19:21qui convient à mes études.
19:24Les gens ne te connaissent pas, tu n'as pas d'expérience, tu n'as pas un réseau pro,
19:28du coup c'est compliqué qu'une entreprise te fasse confiance pour la première fois.
19:32Le film a été tourné il y a 4 ans, aujourd'hui ça va mieux pour vous Laura ?
19:36Vous avez réussi à trouver un travail ?
19:38Oui, j'ai réussi à trouver un travail dans la promotion immobilière,
19:42dans le métier que j'ai fait au Mexique.
19:46Ça n'a pas été facile, ça m'a pris du temps.
19:49D'abord j'ai travaillé dans un autre métier,
19:53et c'est aussi compliqué de prendre conscience
19:58que tout doit peut-être passer par un autre truc,
20:02moins bien pégé, moins bien vu, mais tout passe par là,
20:05et quand tu es là, tu te dis, mais qu'est-ce que j'ai fait là ?
20:08Comment est-ce que j'ai arrivé là ? Pourquoi ? En quel moment ?
20:11Marie, vous, vous avez accompagné les apprenants pour la réalisation de ce film.
20:16Dans le générique, on a perçu les coulisses.
20:19Comment ça s'est passé finalement ?
20:21Comment est-ce que vous avez accompagné tout ce monde pour faire un film ?
20:25Je fais partie d'un collectif qui s'appelle le Collectif Azimuth,
20:29et ça fait longtemps maintenant qu'on fait des films,
20:33enfin de la création partagée des films collectifs avec différents groupes.
20:37Du coup, on a mis au point plusieurs techniques
20:41pour faire de la création collective, ce qui n'est pas forcément facile.
20:46Et du coup, d'abord il y a toute une formation aux outils
20:52et au langage cinématographique, avec les valeurs de plan,
20:56c'est souvent sous forme ludique, sous forme de jeu.
20:59On prend du temps pour que les personnes puissent s'exprimer sur leur parcours de vie,
21:06parce que souvent ce sont des films documentaires,
21:08où il y a besoin de beaucoup parler, de sélectionner,
21:14de savoir ce qu'on a vraiment envie de dire de soi,
21:16ce qu'on n'a pas envie de tout dire en général.
21:18Pourquoi finalement c'est important de connaître leurs raisons,
21:23les raisons de cette immigration ?
21:26Pourquoi est-ce que vous avez voulu raconter ça ?
21:28Je ne sais pas si ça sert à une sorte de conscientisation, je ne sais pas.
21:33Mais en tout cas, on a envie de partager qu'on est plus qu'une personne qui ne sait pas parler.
21:39On est beaucoup plus et on aimerait pouvoir les partager
21:45et arrêter d'être vous comme étrangers en fait.
21:48Vous avez créé un lien fort entre vous.
21:51Est-ce que vous avez encore des contacts ?
21:53Justement, que sont devenues ces personnes qu'on voit à l'écran ?
21:56Oui, bien sûr, on est toujours en contact.
21:59Comme je disais, on se retrouve souvent au Café International.
22:02Je ne sais pas si le mot s'est amélioré.
22:05Mais en tout cas, on a tous évolué positivement.
22:09Il y avait certains qui n'avaient pas de papiers, qui dormaient à la rue.
22:14Et aujourd'hui, il a des papiers, il a un travail, il a une fille.
22:20Je ne sais pas, pour moi, c'est vraiment super cool de pouvoir se revoir
22:25et savoir comment on a tous évolué.
22:28Merci beaucoup, merci de nous avoir partagé ce film.
22:32Merci pour cet échange, Laura, Marie.
22:35Merci à vous de nous avoir regardés.
22:37À très bientôt.