• avant-hier
"Sur une journée, je fais 100 euros juste avec les pieds."

Le business de photos ou vidéos de pieds sur Internet, c'est réel mais ça consiste en quoi ? C'est la question que s'est posée notre journaliste Mina Soundiram. Pour y répondre elle a rencontré Victoria, 24 ans.
Transcription
00:00Et souvent, les photos de pieds, je les prends à cette hauteur-là,
00:02de manière à ce qu'on voit un peu de la plante du pied.
00:05Et c'est vraiment un apprentissage.
00:08Après, c'est pareil, au niveau des pieds,
00:09on va me demander de prendre comme ça la plante du pied,
00:12même de zoomer des fois sur la plante, même sur la corne.
00:15– Vraiment ? – Ouais, sur la corne aussi, des fois.
00:16Salut, Brut, je m'appelle Victoria, j'ai 24 ans,
00:19et je vends mes photos de mes pieds via les plateformes et réseaux sociaux.
00:23Ça, par exemple, c'est un contenu vidéo
00:25où on me demande de mettre des chaussures nu-pieds,
00:28de les enlever, de terrasser le pied.
00:30Et cette vidéo, je vais la vendre 20 euros.
00:32– Pourquoi t'as choisi cette partie du corps en particulier, les pieds ?
00:35– Parce que les pieds, en fait, c'est un truc à la base dont j'avais plutôt honte.
00:41Et puis un jour, j'ai rencontré un fétichiste
00:43qui m'a dit que j'avais des pieds magnifiques, des pieds divins.
00:47Et il m'a vraiment dit que j'avais des pieds magnifiques,
00:49et que j'avais des pieds divins.
00:52Et il m'a vraiment fait complexer sur cette partie-là.
00:55Et je permets aussi à une certaine partie de la population de,
00:59on va dire, de ressentir du plaisir, quoi.
01:04C'est un côté érotique, en fait.
01:05– Est-ce que t'as conscience d'être, en quelque sorte,
01:08un objet de désir pour ces personnes ?
01:11– Oui, j'en ai conscience, parce que je reçois énormément de messages tous les jours.
01:14Et moi, la seule partie que j'apprécie pas trop, c'est un...
01:17Des fois, j'ai l'impression d'être plus une frustration qu'autre chose.
01:20Je considère plus ça, maintenant, comme un métier, parce que ça prend du temps.
01:25Mais c'est un hobby, dans le sens où j'aime ce que je fais.
01:27Exo-TikTok, Instagram, même Mime.
01:31Je me régale de créer du contenu.
01:33– Et justement, combien tu gagnes ?
01:42– Alors, combien je gagne ?
01:44Alors, ça varie, bien sûr, ça varie de jour en jour.
01:48Autant, des fois, je peux avoir quatre demandes,
01:51autant, des fois, je peux en avoir dix.
01:52Sur une journée, à dix personnes qui me demandent,
01:55je fais 100 euros, voilà, juste avec les pieds.
01:57– Tu vis que de ça, ou t'as un autre travail à côté ?
01:59– Alors non, maintenant, c'est devenu mon revenu principal.
02:03Je vis vraiment que de ça, maintenant.
02:05On me disait que ça allait pas bien, que je tournais mal,
02:07enfin, plein de petites choses comme ça, alors que pour moi, c'est des pieds, quoi.
02:11C'est pas, je veux dire...
02:13Je trouve que c'est nul de s'empêcher de faire des trucs
02:16par rapport au jugement des gens, en fait.
02:17– Est-ce que tu t'es posée des limites ?
02:19– Je me suis posée la limite de ne pas faire ce dont je ne suis pas capable d'assumer,
02:23c'est-à-dire la pornographie.
02:25Tout ça, je m'en sens pas capable, donc je me dis,
02:28il vaut mieux que je reste sur le boudoir et que je reste sur la vente de pieds,
02:32que j'aille plus loin et que je regrette par la suite
02:35parce que je vais être confrontée à plein de choses
02:38dont je voulais pas, à la base.
02:39Je suis vraiment confrontée à beaucoup de choses, même à la vente de chaussettes.
02:43– Sales ? – Sales, oui.
02:44C'est-à-dire que les gens me demandent de porter des chaussettes
02:47une paire de chaussettes deux jours et je leur envoie par Colissimo.
02:52On m'a même demandé de coucher contre de l'argent, contre des grosses sommes.
02:58Dans tous les cas, je l'aurais pas fait, mais je me suis dit,
03:01c'est dingue qu'on puisse proposer autant d'argent.
03:05Enfin, moi, ça me paraissait dingue.
03:07– Alors Victoria n'est pas la seule.
03:08Sur le réseau, j'ai vu beaucoup de personnes et notamment des femmes
03:11qui vendaient des photos d'une partie, voire de tout leur corps.
03:14Et je me suis demandé quelles pouvaient être les dérives de ces pratiques.
03:17Et finalement, est-ce que vendre des photos de ses pieds est si anodin que ça ?
03:21Alors, j'ai contacté Rachel Flor-Pardot.
03:23Elle est avocate et co-fondatrice de l'association Stop Ficha.
03:26Elle lutte contre les violences en ligne.
03:28Y a-t-il une dangerosité à vendre des photos de ses pieds sur Internet ?
03:32– En théorie, non, y a rien de dangereux, y a rien d'illégal,
03:34surtout si vous êtes consentant à les vendre.
03:36Maintenant, ce dont il faut avoir conscience,
03:38c'est qu'en fait, aujourd'hui, on a beaucoup de difficultés
03:41à protéger les contenus qu'on diffuse en ligne.
03:43C'est-à-dire qu'une fois qu'ils sont diffusés,
03:44vous n'êtes pas à l'abri derrière qu'ils soient détournés.
03:47Et ça, c'est un échec collectif.
03:48C'est-à-dire qu'aujourd'hui, si vous demandez demain
03:50la suppression d'un contenu sur Internet,
03:52eh bien, c'est très, très difficile à obtenir.
03:54On voit tous les jours sur Telegram des contenus qui sont diffusés
03:58sans le consentement de la personne qui les avait initialement partagés.
04:01– Est-ce que c'est légal de poster des photos et de faire payer pour les voir ?
04:05– Oui, c'est tout à fait légal.
04:06– Et est-ce qu'il y a un encadrement par la loi pour ces pratiques ?
04:09– Non, enfin, pas à ma connaissance.
04:11Avec le collectif Stopficial,
04:13nous arrivons en effet d'accompagner des personnes
04:15qui ont vu leurs images qu'elles avaient diffusées elles-mêmes
04:18de façon consentie, qu'elles avaient vendues, ensuite détournées.
04:22Et ça, c'est évidemment une sorte de mépris pour leur activité,
04:25pour leur travail, parce que derrière, elles sont détournées
04:27sans qu'il y ait de rémunération financière de leur activité.
04:31Et elles le sont détournées souvent sur Telegram,
04:33où il y a des comptes entiers qui regorgent de contenus subtilisés
04:38et qui font d'ailleurs payer l'accès à ces contenus.
04:41Ce dont il faut avoir conscience, c'est qu'en fait, sur Internet,
04:43il arrive qu'il y ait des cyber-violences qui soient commises.
04:47Ça peut parfois être la diffusion de non-consentis
04:49de contenus à caractère sexuel.
04:51Ça peut parfois être aussi une forme de harcèlement,
04:53de cyber-harcèlement, de menaces, d'injures.
04:56Et ça, ça peut avoir des conséquences assez néfastes
04:58sur la santé physique et mentale des victimes.
05:01Moi, ce que je veux quand même dire,
05:02c'est que ce ne sont jamais les personnes qui diffusent
05:04les contenus qui sont responsables,
05:06ce sont les personnes qui commettent les violences
05:08qui sont responsables et auteurs d'infractions pénales.

Recommandations