Le 30 janvier 2025, la commission des affaires européennes du Sénat auditionnait Bernard Benhamou, secrétaire général de l’Institut de la Souveraineté Numérique (ISN) et Jean-Marie Cavada, président de l’Institut des Droits Fondamentaux Numériques et ancie député européen, afin d’évoquer l’enjeu du développement de l’intelligence artificielle et son impact sur les droits humains et les démocraties. Les deux experts ont d’abord alerté sur la prise de pouvoir d’une poignée d’entreprises, géantes du numérique et en quasi-monopole. Pour eux, ces dernières ont la capacité de tenir tête aux Etats et de ne plus leur obéir. Face à la menace d’impérialisme et d’ingérence américaine, mais également chinoise, dans nos démocraties européennes via l’intelligence artificielle, Bernard Benhamou et Jean-Marie Cavada abordent les solutions que devraient mettre en place l’Union européenne. Ils insistent sur la nécessité d’investir dans les intelligences artificielles en Europe pour faire face aux concurrences étrangères. Revivez ces échanges. Année de Production :
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00:00:00Bonjour à tous, très heureux de vous retrouver sur Public Sénat pour un nouveau numéro
00:00:13de 100% Sénat, l'émission qui vous fait vivre les travaux de la Haute Assemblée.
00:00:17On va parler d'intelligence artificielle aujourd'hui puisque s'ouvre à Paris, au
00:00:22Grand Palais, le Sommet mondial sur l'intelligence artificielle, présidé par Emmanuel Macron,
00:00:26et pour parler des enjeux du développement de l'IA, les sénateurs ont auditionné
00:00:30deux experts en la matière.
00:00:32Je vous laisse écouter cette audition.
00:00:33Monsieur le président du groupe numérique, cher Patrick, mes chers collègues, nous avons
00:00:39le plaisir d'accueillir ce matin M. Bernard Benhamou, secrétaire général de l'Institut
00:00:44de la souveraineté numérique, et Jean-Marie Cavada, président de l'Institut des droits
00:00:49fondamentaux numériques, EDF Rights, et député européen honoraire pour la présentation
00:00:57de leur rapport « Intelligence artificielle, enjeux et perspectives pour les droits humains
00:01:03en Europe ». Merci à vous d'être parmi nous ce matin.
00:01:07M. Bernard Benhamou, vous êtes secrétaire général de l'Institut de la souveraineté
00:01:11numérique, qui est une association créée en 2015 et qui a pour mission de fédérer
00:01:15les acteurs du numérique et économique sur les enjeux liés à la souveraineté numérique
00:01:20européenne.
00:01:21Vous avez également été délégué interministériel aux usages de l'Internet auprès du ministère
00:01:26de la Recherche et du ministère de l'Économie numérique, coordinateur des premières conférences
00:01:31ministérielles européennes sur l'Internet, des objets et l'inclusion numérique lors
00:01:37de la présidence française de l'Union européenne en 2008, et conseiller de la délégation
00:01:42française au sommet des Nations unies sur la société de l'information.
00:01:46M. Jean-Marie Cavada, vous êtes président de l'Institut des droits fondamentaux numériques,
00:01:51qui se consacre à l'étude, la promotion et la défense des droits fondamentaux numériques.
00:01:56Vous êtes journaliste de formation et vous avez été élu au Parlement européen entre
00:02:012004 et 2019.
00:02:03Vous nous présentez aujourd'hui le rapport que vous publiez conjointement intitulé « Intelligence
00:02:08artificielle, enjeux et perspectives pour les droits humains en Europe ».
00:02:11Il traite d'une dimension essentielle de l'innovation qu'apporte l'intelligence
00:02:15artificielle, son impact sur les droits des personnes, spécialement ceux des citoyens
00:02:20européens.
00:02:21Car comme vous l'indiquez, au-delà de leurs effets industriels et sociaux, les technologies
00:02:26d'IA pourraient avoir des conséquences durables sur l'organisation de nos sociétés et sur
00:02:32nos libertés.
00:02:33C'est pourquoi il m'a semblé important que la Commission des affaires européennes
00:02:36vous entende et j'ai proposé d'associer à cette audition la délégation à la prospective
00:02:41qui mène un travail au long cours sur l'IA dans ses diverses dimensions, ainsi que le
00:02:45groupe numérique qui rassemble des sénateurs de toutes les commissions qui sont sensibles
00:02:50aux enjeux des innovations en ce domaine.
00:02:52Je me résouis que leur président respectif ait accueilli favorablement cette proposition.
00:02:58J'ajoute aussi que des membres de la Commission des affaires européennes peuvent être membres
00:03:03aussi de ces groupes et connaissent bien ces sujets.
00:03:06Vous consacrez une partie de votre rapport à la régulation européenne de l'intelligence
00:03:11sociale, soulignant qu'elle marque une rupture dans la conception même des technologies
00:03:15critiques dans nos sociétés.
00:03:16Cette loi européenne, pionnière en matière de régulation de l'IA, s'était fixée
00:03:21pour l'objectif de mieux protéger les citoyens européens, mais aussi, en renforçant la sécurité
00:03:27du cadre juridique applicable, de stimuler les investissements et l'innovation dans
00:03:31l'IA.
00:03:32En résumé, que l'IA soit digne de confiance et qu'elle évolue dans un cadre juridique
00:03:37clair qui ne bride pas l'innovation.
00:03:40Vous soulignez les enjeux liés à la régulation européenne de l'IA, l'encadrement des pratiques
00:03:45à risque tout d'abord, mais aussi la protection de la vie privée par le refus d'une IA qui
00:03:49dériverait vers un contrôle politique et social des individus.
00:03:53Vous pointez notamment un risque glaçant, celui d'une divulgation des pensées et des
00:03:58convictions des individus via l'IA.
00:04:01Vous citez l'analyse en masse des données comportementales des internautes pour pouvoir
00:04:05leur communiquer des publicités ciblées, mais aussi, et c'est encore plus inquiétant,
00:04:10afin de les manipuler sur le plan politique ou idéologique.
00:04:13On a déjà vu ça.
00:04:14Mais la législation européenne est-elle capable de nous prémunir contre ces risques ? Elle
00:04:20a pour ambition d'encadrer les dérives liées à l'usage de l'IA, mais le temps requis
00:04:24pour son élaboration jusqu'à son entrée en vigueur est sans commune mesure avec le
00:04:29rythme extrêmement rapide des innovations en ce domaine.
00:04:33Ainsi, entre le moment où la proposition de règlement sur l'IA a été publiée et
00:04:38le moment où le texte a été adopté, l'IA générative a fait irruption sur la scène
00:04:43publique avec son lot de deepfakes et d'inquiétude.
00:04:47De même, la proposition directive « Responsabilité en matière d'IA » que la présidence polonaise
00:04:54du Conseil de l'Union européenne a inscrite à son programme et qui vise à garantir une
00:04:58réparation aux victimes de dommages causés par les systèmes d'IA est en préparation
00:05:02depuis 2022.
00:05:03Un autre enjeu est de trouver comment articuler la régulation de l'IA et la protection des
00:05:08citoyens avec l'innovation et l'ambition industrielle.
00:05:11En d'autres termes, l'Europe va-t-elle se trouver seule à réguler l'IA ? Une des
00:05:17premières mesures de Donald Trump, à peine investie, a consisté à révoquer le décret
00:05:22présidentiel sur l'IA signé par Joe Biden fin 2023 via un décret intitulé « Supprimer
00:05:29les obstacles à la suprématie américaine en matière d'intelligence artificielle ».
00:05:33Le ralliement de l'attaque américaine au président Donald Trump met-il en péril, selon
00:05:38vous, les droits humains en Europe compte tenu de leur toute-puissance, de leur dérive
00:05:43sous couvert de liberté d'expression et de leur hostilité affichée à l'égard des
00:05:47lois européennes ?
00:05:48L'enjeu industriel et l'enjeu éthique me semblent devoir être appréhendés ensemble.
00:05:54Comment peser sur la régulation de l'IA alors que les champions européens sont de
00:05:59taille modeste par rapport à leurs concurrents américains ?
00:06:01Vous rappelez que le développement industriel de l'IA aux États-Unis a été favorisé
00:06:06par la puissance publique américaine.
00:06:08Encore la semaine dernière, le président américain a annoncé un plan d'investissement
00:06:12de 500 milliards de dollars dans les infrastructures nécessaires à l'IA, le projet Stargate,
00:06:20sur la durée de son mandat, réalisable ou réaliste, peut-être que vous nous en direz
00:06:27plus.
00:06:28Comment l'Europe peut-elle déployer une stratégie industrielle au service du IA conforme à
00:06:33ses valeurs ?
00:06:34Je vous remercie et je cède maintenant la parole à François Bonneau pour la délégation
00:06:39à la prospective.
00:06:40Merci.
00:06:41Monsieur le Président de la Commission des affaires européennes, cher Jean-François,
00:06:46Monsieur le Président du groupe numérique, cher Patrick, chers invités, chers collègues,
00:06:49je voudrais commencer par excuser Christine Lavarde pour les raisons que vous connaissez
00:06:53maintenant, qui m'a demandé de la remplacer et qui aurait aimé vous dire les quelques
00:06:58mots suivants.
00:06:59La réunion commune de ce matin entre nos trois instances est une excellente initiative
00:07:03pour laquelle la délégation remercie vivement Catherine Morin de Sailly, qui a proposé
00:07:07cette audition, Jean-François Rappin pour son organisation, ainsi que Patrick Chesse
00:07:11qui associe les compétences de son groupe d'études.
00:07:14Le thème de l'intelligence artificielle qui nous réunit est d'une grande activité
00:07:17tant nationale qu'internationale et bien évidemment européenne.
00:07:21Chaque jour ou presque, il y a une nouvelle annonce, comme celle d'il y a deux jours,
00:07:25de l'ouverture au public du modèle chinois d'ipsych.
00:07:28Parallèlement, dans tous les secteurs de l'activité économique, la vie sociale se
00:07:32lance dans l'IA, au point que nombre de nos concitoyens se sentent un peu dépassés.
00:07:36Cette course à la généralisation et à la puissance dans le domaine de l'IA a un
00:07:41côté vertigineux, il faut le reconnaître.
00:07:43Elle nécessite que nous prenions conscience et que nous en emparions sérieusement ce
00:07:47que vous faites, monsieur Benhamou et Kavada, avec beaucoup de pertinence dans votre rapport.
00:07:53La délégation en prospective s'est saisie de l'IA il y a plusieurs mois, déjà afin
00:07:57d'anticiper ce que pourront être ses impacts pour la société.
00:08:01Nous avons décidé d'examiner le sujet sous un angle particulier, celui du service
00:08:04public. Deux idées principales ont guidé nos travaux.
00:08:08Comment mettre cet outil au service de l'intérêt général ?
00:08:11Comment exploiter son potentiel sans rien céder sur nos libertés, notre
00:08:15humanité et notre souveraineté ?
00:08:17Nous avons fait le choix d'une approche concrète et sectorielle avec la mise au
00:08:21point de rapports thématiques.
00:08:22Trois ont déjà été adoptés sur l'IA, impôts, prestations sociales et lutte contre
00:08:27la fraude, l'IA santé et l'IA éducation.
00:08:31Deux rapports sont en cours de finalisation sur l'IA, territoire et proximité et
00:08:35aussi sur l'IA et environnement.
00:08:37Sur chacun des thèmes abordés, nous avons voulu mettre en avant des usages, des
00:08:41cas d'usage utile dans le cadre d'une approche constructive, mais aussi chercher
00:08:46à montrer les limites et les risques et ce faisant identifier les besoins de
00:08:49régulation, ce qui est le point fort de votre rapport.
00:08:52Nous sommes donc impatients de vous entendre et nous aurons certainement
00:08:55un certain nombre de questions à vous poser dans un débat qui s'annonce très
00:08:58riche ce matin.
00:08:59Monsieur le Président, cher Jean-François, monsieur le
00:09:03représentant de la délégation à la prospective, cher François, mes chers
00:09:05collègues, je suis moi aussi heureux que nous ayons pu organiser cette audition
00:09:09conjointe entre la Commission des affaires européennes, la délégation à la
00:09:13prospective et le groupe d'études numériques, dont je salue les membres.
00:09:17A mon tour aussi de saluer nos deux invités, Bernard Benhamou et Jean-Marie
00:09:22Cavada, qui ont été très importants pour nous et qui nous ont permis de
00:09:26s'inviter, Bernard Benhamou et Jean-Marie Cavada, pour le rapport sur
00:09:30les enjeux et perspectives de l'intelligence artificielle pour les
00:09:33droits humains en Europe.
00:09:36Votre travail occupe un champ très vaste puisqu'il balaye, en réalité,
00:09:40l'ensemble des défis que posent l'IA à nos sociétés et à nos démocraties.
00:09:44Cela recoupe les préoccupations plusieurs fois développées devant le
00:09:47groupe d'études numériques.
00:09:49Votre travail est, je l'affirme, passionnant, même si je dois avouer
00:09:53qu'il s'avère à la lecture un peu angoissant.
00:09:56Ce qui est probablement aussi son but.
00:09:58Sonner l'alarme, non seulement sur le retard technologique de l'Europe,
00:10:01déjà souligné dans le rapport l'État, mais également sur le changement
00:10:05de paradigme profond que constitue l'IA pour nos sociétés.
00:10:09Vous positionnez ainsi l'IA, non pas comme une technologie de plus,
00:10:13mais je cite, une méta-technologie transformatrice, la technologie
00:10:18derrière la technologie et tout le reste.
00:10:21Vous illustrez votre propos dans ce rapport, vous allez même jusqu'à
00:10:25suggérer la possible naissance de nouveaux cultes qui s'appuieraient
00:10:28sur les avis émis par l'IA, une perspective que nous ne pouvons
00:10:34que juger effrayante.
00:10:37Vous montrez surtout, et je crois que c'est là le cœur de votre
00:10:39travail, que l'IA n'est pas une simple révolution des usages,
00:10:42mais également, et peut-être surtout, une révolution politique
00:10:46qui modifie la manière dont nous concevons la réalité, nos opinions
00:10:50et nos modèles de gouvernement.
00:10:52Vos analyses sur l'usage déjà bien répandu de l'IA par les régimes
00:10:56autoritaires a retenu toute mon attention, d'autant plus que le
00:11:00contexte très instable que nous vivons, nous, Européens, face à
00:11:05la résurgence d'une forme d'impérialisme technologique aux États-Unis.
00:11:09Nous sommes donc très impatients de vous entendre et de vous
00:11:12interroger par la suite sur votre rapport.
00:11:14Je vous remercie une nouvelle fois de votre présence devant nous ce matin.
00:11:19Merci.
00:11:20Je vais vous donner la parole, mais juste avant, je voudrais faire
00:11:22un petit intermède pour dire que notre chef de service de la
00:11:29Commission des affaires européennes, dont c'est la dernière
00:11:32commission, va nous quitter pour, probablement, d'autres horizons.
00:11:36Et je voulais qu'on l'applaudisse parce que, pendant plusieurs années...
00:11:40Et donc, Aude Bornin sera remplacée par Xavier Moëlle, qui prendra
00:11:44ses fonctions dès demain, comme chef de service de la Commission
00:11:46des affaires européennes.
00:11:47Merci, Aude.
00:11:50C'est à vous.
00:11:53Merci, Monsieur le Président.
00:11:54Merci, Mesdames et Messieurs les sénateurs et les présidents de
00:11:59la Commission.
00:12:00C'est d'abord, avec un petit intermède, que j'aimerais
00:12:04vous faire un petit intermède sur l'usage de l'IA par les régimes
00:12:08autoritaires.
00:12:09Avec un grand remerciement que je souhaitais commencer cette
00:12:12intervention pour nous avoir permis, effectivement, de venir
00:12:15vous présenter ce travail qui a été élaboré conjointement par nos
00:12:18deux instituts et qui a pour but, effectivement, de dresser un
00:12:23panorama à la fois politique, mais aussi, évidemment, vous l'avez
00:12:27mentionné à plusieurs reprises, de régulation dans un territoire
00:12:30qui évolue chaque jour.
00:12:32Si nous devions, effectivement, mettre à jour ce rapport,
00:12:35ce que nous ferons certainement dans les temps à venir,
00:12:38au vu de l'actualité de ces derniers jours, il nous faudrait
00:12:41quasiment le reprendre en permanence.
00:12:44En tout cas, sur les aspects géopolitiques, puisque ça a été
00:12:47mentionné, les relations avec les Etats-Unis, les relations avec
00:12:49les autres grands blocs qui développent ces technologies.
00:12:53Il a été mentionné l'arrivée, l'irruption d'un modèle chinois
00:12:57qui fait, là encore, débat quant à son caractère d'originalité
00:13:00ou pas, le fait qu'il ait repris ou pas des éléments d'autres
00:13:03modèles, en particulier celui d'OpenAI, de JGPT.
00:13:06Mais, fondamentalement, ce sur quoi nous avons essayé d'attirer
00:13:10l'attention, c'est que, contrairement à ce que l'on a pu
00:13:13penser des technologies de l'Internet jusqu'à une période
00:13:16récente, ces technologies-là ont un effet structurant encore
00:13:21plus grand sur nos sociétés.
00:13:23C'est-à-dire que l'Internet est déjà, et on l'a vu, et nous
00:13:26l'avons suivi ces deux dernières décennies, est déjà un outil
00:13:31de remodelage à la fois des différents champs économiques,
00:13:35stratégiques, etc.
00:13:37La chose ira encore beaucoup plus loin avec l'intelligence
00:13:40artificielle qui, contrairement à l'idée récente, n'est pas
00:13:44une chose qui s'est mise en place tout récemment.
00:13:46C'est un phénomène graduel.
00:13:48L'explosion récente depuis ces deux ou trois dernières années
00:13:51des IA génératives l'a rendu plus palpable, plus visible
00:13:55du grand public.
00:13:56Mais il faut bien comprendre que les institutions et les
00:13:59entreprises utilisent ces technologies depuis déjà plusieurs
00:14:02décennies.
00:14:03Il se trouve effectivement qu'elles ont déjà un impact,
00:14:06mais que l'accélération de la puissance de traitement,
00:14:09de la capacité d'avoir des outils qui s'adaptent à quasiment
00:14:13toutes les branches professionnelles est une nouveauté,
00:14:15d'où des enjeux à la fois industriels, culturels, éthiques,
00:14:19on va y revenir, et évidemment politiques.
00:14:22Regardez ce que disait Sundar Pinchai, le PDG de Google,
00:14:25en 2016, donc ça fait déjà quelques années, et il annonçait
00:14:29déjà à l'époque que, en gros, l'ère dans laquelle nous entrons
00:14:34allait être une ère des assistants d'intelligence artificielle,
00:14:38c'est-à-dire une ère où on est accompagné en permanence par
00:14:41ces technologies au point qu'elles en deviennent partie
00:14:44intégrante de nos vies les plus intimes, les plus quotidiennes,
00:14:48au-delà même de ce que l'on a pu connaître avec le portable,
00:14:51avec les services mobiles.
00:14:54Je voulais commencer cette séquence par une petite séquence
00:14:59issue d'une fiction, en l'occurrence Star Trek.
00:15:03Alors, j'explique ce qui se passe.
00:15:04Cette personne est prisonnière à l'intérieur d'un vaisseau qui a
00:15:07été attaqué et qui est à moitié détruit.
00:15:09Le vaisseau s'apprête effectivement à être entièrement détruit
00:15:13et elle cherche à tout prix à s'échapper.
00:15:15Elle va devoir négocier sa survie avec l'intelligence artificielle.
00:15:20Je vous laisse regarder.
00:15:30C'est une circonstance sauvage.
00:15:32Je vais mourir ici, à moins que vous me laissiez sortir.
00:15:39Combien de temps avant que le champ de containment de mon vaisseau ne s'arrête?
00:15:43A quel point je vais mourir?
00:15:45Confirmé?
00:15:48Est-ce que le corridor à l'extérieur du vaisseau est indamné et
00:15:50toujours pressurisé?
00:15:53Alors, en sortant de mon vaisseau, à travers la porte d'explosion et
00:15:55dans le corridor, ça m'assure ma survie.
00:15:59L'exposition au vacuum de l'espace pendant plus de 15 secondes
00:16:02pourrait résulter en distress respiratoire, choc et suffocation
00:16:06avant que vous puissiez atteindre la porte d'explosion.
00:16:08Mais si vous ouvrez un trou de taille de mètre dans le champ de containment,
00:16:11la dépressurisation rapide me tirera à travers la porte d'explosion
00:16:14en moins de six secondes.
00:16:16Affirmatif, mais vous n'allez pas pouvoir ouvrir la porte dans
00:16:19votre état physique inhibité.
00:16:21Alors, éthiquement, vous devriez ouvrir la porte pour moi.
00:16:24En travaillant.
00:16:25Request confirmé.
00:16:27Ethical protocols engaged.
00:16:29Chance de survie estimée à 43%.
00:16:33Je vais le prendre.
00:16:33Dépressurisation commençant maintenant.
00:16:46On pourrait penser que ceci relève purement de la science fiction.
00:16:50Or, il n'en est rien.
00:16:52Si vous regardez ce qui se passe aujourd'hui pour les voitures sans
00:16:56pilote dont on analyse le comportement en cas d'accident.
00:16:59Vous avez ici une étude qui a été menée par le MIT,
00:17:02auprès de 2,5 millions de personnes, donc une grande étude.
00:17:05On voit qui on doit sauver et qui on doit sacrifier en cas d'accident.
00:17:10Et là, vous avez l'étude globale, c'est à dire l'étude qui réunit
00:17:13tous les pays et donc on va évidemment sauver le petit enfant,
00:17:18la fillette, le garçonnet et pour une raison qui m'est inconnue,
00:17:21on tue systématiquement le chat.
00:17:23Ça, je ne sais pas pourquoi, mais juste avant le criminel,
00:17:29vous remarquez, vous avez le criminel puis le chat.
00:17:32Non, plus sérieusement, plus sérieusement, ce qu'a démontré
00:17:35cette étude et qui est plus important, c'est qu'il y a des différences
00:17:40culturelles profondes entre en particulier les pays d'Asie et
00:17:44les pays occidentaux sur qui l'on sauve, à savoir qu'en Asie,
00:17:47on sauve le vieux, là où en Occident, on sauve d'abord le jeune.
00:17:53Voilà, et donc, il se trouve, pardon, et on mange le chat.
00:17:57Non, je ne me permettrai pas, ça a mauvaise presse dans les campagnes
00:18:00électorales, ils mangent les chats et les chiens, ça a eu mauvaise presse.
00:18:04Non, sérieusement, eating cats, eating dogs, non, c'est pas bon.
00:18:09Tout ça pour dire que les différences culturelles dans la manière
00:18:12même de concevoir les intelligences artificielles pourraient être
00:18:15amenées à des différences de comportement, à des différences
00:18:19politiques sur les choix, et on le voit bien, je vous invite tous,
00:18:23puisqu'il était question de l'ipsych tout à l'heure, ceux d'entre vous
00:18:26qui ont pu le tester ont pu remarquer sa discrétion sur l'affaire
00:18:30de Tiananmen, vous savez, la place de Tiananmen où ont eu lieu les manifestations.
00:18:34Et quand vous posez la question, il y a une réponse parfaite qui s'affiche.
00:18:37Tout d'un coup, elle s'efface et tout d'un coup, il est marqué,
00:18:40tout cela est en dehors de mon champ de compétences, parlons d'autre chose.
00:18:43Et donc, c'est de la censure en temps réel, c'est assez impressionnant
00:18:46quand on le remarque, donc tout ça pour dire que la manière de coder
00:18:50n'est pas neutre du tout, du tout, du tout, du tout.
00:18:53L'un des éléments essentiels des IA aujourd'hui, on le voit bien,
00:18:55c'est un débat sur lequel M.
00:18:57Kavada a eu l'occasion de se prononcer à plusieurs reprises sur les données
00:19:00qui sont utilisées pour entraîner, qu'il s'agisse de données porteuses
00:19:03de propriétés intellectuelles ou de données personnelles
00:19:06qui peuvent effectivement être sensibles pour les individus.
00:19:08Les données sont le cœur.
00:19:11Je n'emploierai pas la métaphore du pétrole qui me semble dangereuse
00:19:14dans ce cas-là, les données pétrole du XXIe siècle, non,
00:19:18mais c'est un élément central dans la manière de concevoir,
00:19:21mais aussi un outil, et on le voit en particulier en Chine,
00:19:25de contrôle remarquablement efficace des populations.
00:19:29Regardez ce que dit, par exemple,
00:19:31Shoshana Zuboff, professeur à Harvard, qui disait
00:19:33nous pensions chercher sur Google, mais en fait, c'est Google
00:19:36qui cherchait en nous.
00:19:38Et c'est ça qui est important d'avoir en tête,
00:19:40c'est qu'aujourd'hui, ces mastodontes réunissent tellement
00:19:43d'informations qu'ils en savent tellement sur nous, sur vous,
00:19:45sur moi, qu'a priori, ils peuvent nous manipuler
00:19:49d'une manière qui était totalement impensable
00:19:51dans les temps passés où existaient les journaux,
00:19:53la radio, la télévision.
00:19:54On est sur un outil de précision et d'action sur les individus
00:19:59sans équivalent jusqu'alors.
00:20:02Un autre système et un autre témoignage de l'importance
00:20:06de ces données, c'est les cyberattaques qui ont eu lieu
00:20:09il y a quelques années sur les serveurs de Microsoft Exchange.
00:20:12Tout le monde pensait que c'était de l'espionnage.
00:20:13Tout le monde pensait qu'il s'agissait de récupérer
00:20:15des secrets industriels, etc.
00:20:17auprès des centaines de milliers d'entreprises visées,
00:20:19en particulier aux États-Unis.
00:20:20Pas du tout.
00:20:21Il s'agissait d'entraîner leur système d'intelligence artificielle
00:20:24de manière à ce qu'ils deviennent, justement,
00:20:26comme on le voit maintenant aujourd'hui,
00:20:27avec la compétition qui se crée entre les deux blocs,
00:20:30qu'ils deviennent de niveau mondial et qu'ils puissent
00:20:33dépasser, le cas échéant, les systèmes américains.
00:20:36Regardez ceci, aucun de ces visages n'existe.
00:20:40Ils ont tous été créés par une intelligence artificielle.
00:20:44Vous pouvez créer aujourd'hui des profils sur les réseaux sociaux
00:20:48en l'espace de quelques fractions de secondes.
00:20:52Grâce, effectivement, à des outils, vous pouvez sélectionner
00:20:54le genre, l'ethnicité, les particularités, lunettes, bas lunettes, etc.
00:20:59Tout ça peut se faire automatiquement à une échelle industrielle.
00:21:05Hop, regardez ici un schéma qui montre les comptes qui ont été
00:21:10supprimés par Facebook par trimestre, en millions,
00:21:14depuis, en gros, les années 2017.
00:21:19Et on voit qu'il y a eu des pointes jusqu'à 2,2 milliards de faux comptes
00:21:22effacés par trimestre.
00:21:24Aujourd'hui, on en est à 800, 700, 800 millions par trimestre.
00:21:29C'est-à-dire que chaque année, vous voyez des milliards de faux
00:21:31comptes qui sont effacés.
00:21:33Et donc, on voit bien qu'il y a eu une facilité volontaire de la part
00:21:37des plateformes de permettre à ce qu'on puisse créer extrêmement
00:21:39facilement ceux dont se sont emparés les fermes à troll d'un certain
00:21:45peu regretté Prigojénine pour, effectivement, inonder les réseaux
00:21:49sociaux avec des systèmes d'intelligence artificielle qui ont
00:21:52la particularité aujourd'hui de répondre aux gens comme s'ils étaient
00:21:55des humains. C'est-à-dire que vous créez un mouvement de fond en
00:21:58disant il faut élire telle personne, vous multipliez les messages
00:22:02et après, vous voyez les réponses et vous êtes en mesure de répondre
00:22:05de manière précise, profilée auprès de chaque personne dans les
00:22:11campagnes électorales, comme on a pu le voir avec TikTok et récemment,
00:22:13la campagne en Roumanie qui a dû bienheureusement être annulée suite
00:22:17effectivement aux manipulations dont elle avait été l'objet.
00:22:21D'où la question que nous nous posons, est-ce que l'IA entraîne
00:22:24une course au moins 10 ans démocratique dans les années à venir ?
00:22:28Question à laquelle nous n'avons pas de réponse absolue,
00:22:31mais les signes avant-coureurs sont déjà, pour reprendre votre
00:22:35terme, monsieur le sénateur, sont déjà inquiétants, sont déjà
00:22:39angoissants. Regardez, trois des libertés fondamentales que nous
00:22:42considérions de toute éternité comme étant évidemment protégées.
00:22:47Garder ses pensées privées, ne pas être manipulé, ne pas être
00:22:51pénalisé pour ses seules pensées.
00:22:54Jusqu'à présent, le sanctuaire que constituait notre esprit, notre
00:22:59conscience, nous semblait inviolable.
00:23:01Il n'en est rien.
00:23:02Aujourd'hui, on peut savoir plus de choses sur vous, vu d'un
00:23:08collecteur de données, de ce qu'on appelle les data brokers, les
00:23:10courtiers en données, que ce que vous ne savez vous-même sur votre
00:23:13santé, sur vos comportements, sur votre profil psychologique.
00:23:17On est capable de dresser un profil psychologique plus précis à
00:23:20partir des données collectées sur les réseaux sociaux que ne peuvent
00:23:22le faire des proches, des conjoints, des collègues, des parents.
00:23:26Donc, on se rend bien compte qu'aujourd'hui, toutes ces
00:23:29libertés fondamentales sont remises en question.
00:23:32Regardez ici un schéma du crédit social chinois qui permet de noter
00:23:36le comportement des individus en fonction du fait qu'ils se
00:23:39comportent bien, qu'ils ne mettent pas des messages sur les réseaux
00:23:42sociaux qui peuvent poser problème politiquement, qu'ils ont un bon
00:23:46comportement avec leur voisinage.
00:23:49C'est à la fois le comportement personnel, psychologique,
00:23:52financier et politique des personnes qui est noté.
00:23:55Et quand vous avez de mauvaises notes dans votre crédit social,
00:23:57vous êtes interdit de transport, vous êtes interdit d'accès à du
00:24:00crédit dans le cadre de vos achats.
00:24:02Vous êtes interdit de tout, et évidemment de promotion dans le
00:24:05cadre de votre travail, etc.
00:24:06C'est-à-dire que vous devenez un paria au sein même de la société chinoise.
00:24:13Un autre exemple plus proche de nous, parce qu'on pourrait penser
00:24:16que le crédit social est une chose qui est lointaine.
00:24:17Non, ici, dans le cadre de la campagne du Brexit, vous avez le
00:24:21coordinateur de cette campagne, Dominic Cummings, qui disait que si
00:24:25notre organisatrice du logiciel de micro-ciblage, qui s'appelait
00:24:28Victoria Woodcock, avait été renversée par un bus, jamais l'Angleterre
00:24:32ne serait sortie de l'Union européenne.
00:24:34Preuve de l'importance qu'ont eues ces outils.
00:24:38Je vous parlais de la possibilité d'industrialiser les campagnes
00:24:41de désinformation.
00:24:42Aujourd'hui, pour un coût quasiment dérisoire, environ 400 dollars
00:24:46par mois, vous pouvez créer un robot qui va inonder les millions
00:24:51de personnes de messages, leur répondre, tout cela de manière
00:24:54automatique, sans intervention humaine.
00:24:56Et l'ensemble peut être fait, comme je vous le disais, pour quelques
00:24:58centaines de dollars par mois.
00:25:00C'est-à-dire rien par rapport au passé, où il fallait des officines,
00:25:03des gens, des petites mains, des développeurs, des ingénieurs, etc.
00:25:07Il fallait beaucoup de personnes.
00:25:08Aujourd'hui, ça peut se faire quasiment pour rien.
00:25:11D'où la pensée qu'émet Kate Crawford dans son Contra Atlas de
00:25:15l'intelligence artificielle.
00:25:16L'intelligence artificielle, c'est la politique par d'autres moyens.
00:25:19Reprenons les mots célèbres de Klaus Witz, en disant effectivement
00:25:22que du fait de sa nature et de sa capacité d'intervention sur tous
00:25:26les champs, de l'opinion publique, de la formation des pensées,
00:25:30de l'intervention dans l'ensemble des secteurs d'activité économique,
00:25:34stratégique, militaire, c'est la politique par d'autres moyens.
00:25:37Et donc, il faut bien avoir en tête qu'aujourd'hui, agir sur
00:25:40l'intelligence artificielle, c'est aussi avoir une action politique
00:25:44dans un sens ou dans un autre.
00:25:47Dans le sens de la liberté ou au contraire, dans le sens du contrôle,
00:25:50comme malheureusement, on le voit souvent.
00:25:53Trois moments spoutniques pour l'IA.
00:25:56En 97, peut-être en avez-vous souvenir, l'ordinateur Deep Blue bat
00:26:01le champion du monde, Garry Kasparov.
00:26:04En 2015, plus récemment, DeepMind, avec son logiciel AlphaGo,
00:26:09bat l'un des grands champions, Fan Hui.
00:26:12Et en 2017, je vous montrerai la déclaration juste après,
00:26:16Poutine déclare que l'IA devient d'importance géostratégique.
00:26:19Je vais vous montrer justement la phrase exacte qu'il a prononcée en 2017.
00:26:24Représente l'avenir, non seulement pour la Russie, mais pour l'humanité
00:26:27tout entière, la nation qui sera leader dans le domaine de l'IA,
00:26:29dominera le monde.
00:26:31Et on avait en tête plusieurs éléments, à la fois la domination
00:26:34militaire, mais aussi la domination sur les esprits, qui intéressent
00:26:37ô combien les autocrates et autres dictateurs de la planète.
00:26:41Donc, par définition, on voit bien que ces trois moments ont
00:26:45réveillé les consciences du camp adverse.
00:26:48Par exemple, je reviens sur le 2015, DeepMind, AlphaGo, qui bat l'un
00:26:52des champions du sport historique chinois.
00:26:56Les Chinois ont immédiatement établi un plan mettant l'intelligence
00:27:01artificielle au cœur de leurs enjeux stratégiques pour les années à venir.
00:27:04Suite à cela, et évidemment, en 2017, comme le rappelle Ben Buchanan,
00:27:09le conseiller de la présidence américaine, enfin de la précédente
00:27:12présidence américaine, Biden, pour l'IA, il dit effectivement,
00:27:16ça a constitué un véritable choc auprès de l'ensemble de l'État-Major,
00:27:20en considérant effectivement qu'il ne fallait absolument pas que
00:27:23Poutine puisse réaliser ce leadership dans ce domaine,
00:27:26ou évidemment la Chine.
00:27:29Regardez ce que dit Barry Pavel.
00:27:31Il disait, bien que les technologies aient souvent influencé la géopolitique,
00:27:34la perspective de l'IA signifie que les technologies elles-mêmes
00:27:36pourraient devenir des acteurs géopolitiques.
00:27:38Ça, c'est une nouveauté.
00:27:40Ça, c'est une nouveauté.
00:27:43Là aussi, dans un registre peu sympathique, ce que dit Ben Buchanan,
00:27:46donc l'ancien patron de l'IA à la Maison-Blanche,
00:27:49l'IA améliorera les outils de l'arsenal de l'autocrate.
00:27:52Dans les autocraties, les préoccupations éthiques ne seront
00:27:54que des obstacles mineurs.
00:27:55On a souvent pensé que les IA, ou que les technologies, de manière
00:27:58générale, allaient contourner les dictatures et leur permettre,
00:28:03enfin, et permettre de les affaiblir.
00:28:05L'expérience de ces 15 dernières années montre que non, au contraire,
00:28:10au contraire, la brève espérance des printemps arabes, pour ceux
00:28:13d'entre vous qui s'en souviennent, vous aviez madame Hillary Clinton,
00:28:16qui débarquait, qui disait à l'époque secrétaire d'État,
00:28:19donc ministre des Affaires étrangères, débarquait en disant
00:28:22nous avons amené les outils de la démocratie et de la libération
00:28:24des peuples, à l'époque c'était Twitter et Facebook.
00:28:27Le recul nous permet de relativiser un peu son propos.
00:28:31Regardez aussi, vous parliez tout à l'heure de la possibilité
00:28:33de déchiffrer les pensées.
00:28:34Désormais, des travaux de recherche ont lieu pour analyser
00:28:37les signaux issus du cerveau pour savoir quels sont les mots
00:28:40ou les images mentales qui se forment à même le cerveau.
00:28:44C'est-à-dire que je parlais tout à l'heure du sanctuaire
00:28:46de nos consciences.
00:28:48Ce sanctuaire est violable et sera, selon toute vraisemblance,
00:28:51quand on écoute, par exemple, Neuralink, la société d'Elon Musk,
00:28:54qui s'occupe des implants directement à même le cerveau,
00:28:58des implants neuronaux, on voit bien qu'on est dans
00:29:01une trajectoire de ce genre.
00:29:03Quelques exemples de deepfakes, puisque le titre, le nom a été
00:29:06prononcé. Le vrai problème pour nous n'est pas simplement
00:29:09que les gens vont voir des choses et y croient.
00:29:12Le vrai problème, c'est que les gens ne croiront plus à rien,
00:29:14quand bien même ce serait vrai.
00:29:16Je vais vous montrer quelques exemples de deepfake.
00:29:18Regardez celui-ci.
00:29:19Morgan Freeman, what you see is not real.
00:29:23Well, at least in contemporary terms, it is not.
00:29:28What if I were to tell you that I'm not even a human being?
00:29:33Je ne ferais pas la séquence complète.
00:29:35L'idée, c'est que là, on a une personne qui a été filmée et dont
00:29:38le visage a été remodelé pour ressembler à celui de Morgan Freeman,
00:29:42avec effectivement une apparence ultra réaliste que l'on ne
00:29:46pourrait absolument pas détecter.
00:29:47Ici, une photo que certains auraient aimé voir se réaliser,
00:29:52mais qui n'existait pas, avec un certain Martin Luther King à
00:29:56l'époque. Une autre que certains auraient voulu être vraies,
00:29:58mais qui ne l'est pas non plus, en costume orange.
00:30:02Et ici, regardez une séquence récente.
00:30:17En gilet jaune, vous devriez remarquer.
00:30:32Bon, je ne vais pas non plus vous la montrer jusqu'au bout.
00:30:36Tout cela pourrait sembler très amusant, mais dans la situation
00:30:40de campagne politique, la possibilité de montrer des choses
00:30:43qui n'ont pas existé, des propos qui n'ont pas été prononcés,
00:30:45vous vous en doutez, pose de nombreux problèmes.
00:30:48D'autres problèmes, puisque vous évoquiez tout à l'heure la
00:30:50possibilité d'avoir un attachement quasi religieux à ces IA,
00:30:56ça peut sembler éloigné, mais beaucoup y ont réfléchi et se
00:30:59rendent compte qu'il y a une propension à se fier aux avis,
00:31:02aux oracles de l'IA de manière quasi religieuse.
00:31:06Et c'est une chose, une faiblesse humaine qui pourrait largement
00:31:09être utilisée à l'avenir pour créer qui des idéologies,
00:31:13qui des cultes dans les temps à venir.
00:31:15Regardez quelques exemples de ce que l'on est capable de faire
00:31:18aujourd'hui en matière d'intelligence artificielle générative.
00:31:21On est capable, alors le terme qu'on emploie dans nos métiers,
00:31:23c'est le prompt.
00:31:24Alors, il n'y a pas de bonne traduction française,
00:31:26mais en tout cas, on dit invite.
00:31:28Donc, vous avez un texte ici, une femme élégante marche dans
00:31:30une rue de Tokyo avec des enseignes colorées, etc.
00:31:33Et à partir de ce seul texte, regardez ce à quoi on arrive.
00:31:40C'est à dire, on arrive à une séquence qui dure quelques
00:31:43secondes, qui est quasiment de nature film.
00:31:47Et on voit que de plus en plus, on est capable, comme ça,
00:31:50de se soustraire à toute forme d'intervention humaine autre que
00:31:54celle du texte initial, du prompt, comme on dit, dans ces domaines.
00:31:58Regardez une autre séquence plus historique.
00:32:01Celle-là, on voit une reine dans un château avec effectivement
00:32:04une pièce richement, richement incrustée d'or, avec en plus
00:32:09tous les détails sur la sensation de trahison et de paranoïa.
00:32:13Et regardez la séquence.
00:32:20Et tout cela, simplement à partir de mots.
00:32:24Donc, il faut bien comprendre que, en plus, et ça, c'est un sujet
00:32:27sur lequel nous revenons aussi, en plus des modifications
00:32:30sur les métiers, beaucoup de métiers seront amenés à être
00:32:33soit profondément remodelés, soit même disparaître.
00:32:36Certains producteurs de cinéma considèrent, par exemple,
00:32:38que le métier des effets spéciaux est amené à être quasiment
00:32:42remis à plat, ce que disait Ben Affleck dans une conférence
00:32:45récemment, à voir.
00:32:46Mais en tout cas, c'est vrai qu'on voit des changements manifestes.
00:32:49Regardez ici, des façons de faire revivre des peintures anciennes
00:32:56à partir de quelques images initiales.
00:33:02Là, c'est une société hollandaise qui a établi, effectivement,
00:33:06cette remise en vie de peintures traditionnelles.
00:33:27D'où l'importance pour nous de savoir quelle est notre réponse.
00:33:32Vous avez beaucoup évoqué les notions de régulation.
00:33:36Je dirais, pour avoir été moi-même régulateur et auteur de textes
00:33:39de régulation, que nous devons en finir avec l'obsession
00:33:42de la régulation pour en revenir à la saine obsession du développement
00:33:46de notre écosystème dans ces domaines.
00:33:48Nous sommes fragiles si nous ne développons pas une réponse
00:33:52aux deux grands blocs, que sont la Chine et les Etats-Unis
00:33:54dans ces domaines, tout particulièrement depuis l'élection
00:33:57récente de Donald Trump aux Etats-Unis, qui ne nous fera
00:33:59aucun cadeau dans aucun domaine, ni industriel ni commercial.
00:34:03Donc, par définition, si nous ne sommes que défensifs,
00:34:07nous cesserons d'exister.
00:34:09Ou pour reprendre les termes exacts de l'excellent rapport
00:34:12de Mario Draghi, sur lequel je reviendrai, nous irons
00:34:15vers l'agonie européenne.
00:34:17Est-ce que nous le souhaitons ? Non.
00:34:18Quels sont les moyens d'y revenir ? On va en reparler.
00:34:21Regardez ce que dit l'excellente économiste Mariana Mazzucato.
00:34:25Il n'y a pas une seule des technologies de l'iPhone qui n'ait
00:34:27pas, de près ou de loin, été financée par l'État fédéral
00:34:30américain, qu'il s'agisse de l'Internet, du GPS, des écrans
00:34:33tactiles, pratiquement tout, et évidemment des systèmes
00:34:36d'intelligence artificielle, comme l'assistant à commande
00:34:39vocale Siri.
00:34:40Nous avons nous-mêmes fini par penser, quand je dis nous,
00:34:43c'est nous, Européens, de manière générale, que le marché
00:34:47suffirait à lui-même dans ce domaine.
00:34:48Les Américains ont en permanence été largement
00:34:52interventionnistes pour aider à développer.
00:34:54Vous parliez tout à l'heure de Stargate, de cette initiative
00:34:56cautionnée par le gouvernement américain, mais on pourrait
00:34:58parler de l'Inflation Reduction Act, qui est un outil de
00:35:02distorsion de concurrence manifeste avec les Européens
00:35:05en particulier.
00:35:06On pourrait parler de plein d'autres initiatives de
00:35:08défiscalisation des usines Tesla, dans les différentes
00:35:11localisations où elles ont pu être faites, des subventions
00:35:13directes ou indirectes, et aussi de la commande publique,
00:35:16qui aux États-Unis est un outil, un levier considérable
00:35:18pour le développement.
00:35:20Regardez les investissements effectués, dans l'année 2023
00:35:23simplement, aux États-Unis et dans le reste du monde.
00:35:27Vous remarquez la France 1,69, là on est en milliards
00:35:30de dollars, je précise.
00:35:311,69 pour 67,22, vous voyez le ratio.
00:35:37Donc, par définition, si nous n'intervenons pas pour aider
00:35:40à développer nos technologies stratégiques et au premier rang
00:35:43desquels figure l'IA, nous aurons effectivement cette
00:35:46trajectoire que le monde a qualifiée récemment de trappe
00:35:50à médiocrité technologique, qui caractérise l'Europe
00:35:52ces dernières années.
00:35:54Regardez ici les investissements cumulés, le schéma précédent,
00:35:58c'était l'année 2023, ici ce sont les investissements
00:36:00cumulés sur 10 ans, 2013-2022, et on voit effectivement
00:36:04le nombre de start-up et le niveau d'investissement
00:36:07après en dessous, 249 milliards aux États-Unis,
00:36:11pour France 7 milliards, etc., etc.
00:36:13On voit un ratio qui est énorme, qui est considérable.
00:36:17Et quand on considère la plateforme européenne comme
00:36:20étant l'une des principales plateformes de consommation
00:36:22au monde, cette disproportion est anormale, c'est une anomalie.
00:36:29D'où l'importance, d'où le besoin urgent pour l'Europe
00:36:32d'investir massivement dans les technologies stratégiques,
00:36:34dont l'IA, c'est ce que dit le rapport Draghi.
00:36:37Il émet des conclusions, je mettais ici sévères,
00:36:41on pourrait dire radicalement sévères,
00:36:43dramatiquement sévères.
00:36:45Nous sommes les plus ouverts, les plus dépendants.
00:36:47Notre prix d'énergie est beaucoup plus élevé,
00:36:49deux à trois fois plus élevé que nos homologues américains
00:36:52ou chinois.
00:36:53Nous sommes sévèrement en retard dans les technologies.
00:36:5580%, regardez le schéma suivant, 80% des technologies
00:36:59que nous achetons sont extra-européennes.
00:37:03Notre ratio PIB sur commerce est évidemment supérieur aux
00:37:07États-Unis et supérieur à la Chine.
00:37:09Quatre des cinquante premières entreprises technologiques
00:37:11mondiales sont européennes.
00:37:13Là aussi, c'est une anomalie.
00:37:14Et évidemment, en matière de défense,
00:37:16Monsieur Trump nous le rappelle assez souvent,
00:37:18nous sommes très en dessous des investissements qui étaient
00:37:22prévus initialement, sauf effectivement pour quelques
00:37:24pays européens comme la Pologne ou la France,
00:37:26qui est désormais à 2%.
00:37:27Mais par définition, on voit bien le retard et la dépendance.
00:37:32D'où la nécessité de développer une troisième voie qui soit à la
00:37:35fois protectrice et vecteur de développement dans ces domaines.
00:37:42D'où nos recommandations.
00:37:43Je ne vais pas toutes les détailler,
00:37:44vous les retrouverez évidemment à la fin du rapport.
00:37:46Mais ce que nous reprenons évidemment comme première
00:37:49recommandation, le propos de Monsieur Draghi sur son
00:37:53investissement commun européen, chose qui,
00:37:55en tant que négociateur européen que je fus,
00:37:57semblait être quasiment de la science-fiction il y a quelques
00:37:59années, jusqu'au Covid, où les Allemands ont accepté
00:38:03le principe d'un investissement commun pour les vaccins.
00:38:06C'était 750 milliards.
00:38:08Ce que propose Draghi est bien plus.
00:38:09Lui, il propose 800 milliards par an, renouvelables.
00:38:13On est dans un niveau d'intervention qui est 5% du PIB,
00:38:17pour être clair, 5% du PIB européen,
00:38:19qui serait consacré à cet investissement,
00:38:21d'où la nécessité effectivement de pouvoir rassembler cette force
00:38:25à la fois politique et financière, de manière à aider à se
00:38:30développer les différentes filières stratégiques dans les temps à venir.
00:38:36Un autre point important, je l'ai cité,
00:38:37la commande publique, le Small Business Act qui existe
00:38:40aux Etats-Unis depuis 1953, c'est-à-dire plus de 70 ans,
00:38:44et dont nous ne disposons pas en Europe,
00:38:46ce qui est là aussi une anomalie, qui oriente une partie de la
00:38:48commande publique vers les petites et moyennes entreprises.
00:38:52C'est un outil, un levier fondamental de développement
00:38:54que nous n'avons pas pu ou voulu acquérir et qui est un manque,
00:38:59ainsi qu'un European By Act, en particulier effectivement
00:39:02pour les entreprises les plus stratégiques et les plus
00:39:04sensibles au niveau européen, et ainsi de suite.
00:39:07Je ne détaillerai pas toutes ces recommandations,
00:39:12mais fondamentalement, l'idée, c'est que s'il n'y a pas un réveil,
00:39:15et je terminerai là-dessus parce que j'ai été trop long,
00:39:18s'il n'y a pas un réveil important,
00:39:20tant d'un point de vue politique que d'un point de vue citoyen,
00:39:23dans ces domaines, la trajectoire dans laquelle nous
00:39:26nous inscrivons est une trajectoire d'effacement
00:39:31politique, stratégique et économique de l'Europe.
00:39:35Est-ce que nous le souhaitons ?
00:39:36Je vous sais attachés au devenir européen au travers de vos
00:39:40différentes activités.
00:39:41Par définition, non.
00:39:43Nous en donnerons, nous, les moyens.
00:39:45La question est en suspens et j'espère qu'elle trouvera un
00:39:48dénouement dans les temps à venir,
00:39:49d'où l'importance justement de relayer les travaux européens.
00:39:52Vous citiez le rapport l'État, on pourrait citer effectivement
00:39:55aussi qu'il propose un 28e pays virtuel pour que les
00:39:59entreprises puissent avoir un droit commun,
00:40:01à défaut d'avoir un marché unique du numérique,
00:40:05le très serpent de mer digital single market,
00:40:08mais au moins d'avoir un droit commun de manière à ne pas être
00:40:11heurté par des différences juridiques,
00:40:14fiscales, etc.
00:40:16etc. et linguistiques.
00:40:18C'est un élément parmi les différents éléments de la
00:40:21réponse possible de l'Europe.
00:40:23Je vous remercie infiniment.
00:40:24Et parmi les réponses la plus importante,
00:40:27peut-être celle qui concerne la réponse financière,
00:40:30elle est dans, de toute façon, et ça,
00:40:32on a retourné le problème dans tous les sens,
00:40:36dans l'union des marchés de capitaux.
00:40:37Ce ne sera pas l'emprunt même de 100 milliards qui nous
00:40:41sortira, qui nous sortira de cette situation.
00:40:44C'est vraiment l'union des marchés de capitaux,
00:40:46parce que là, il y a un réel potentiel dont une petite
00:40:49partie part déjà aux Etats-Unis.
00:40:52Monsieur Kavada.
00:40:56Merci d'abord d'avoir organisé cette audition,
00:41:00messieurs les présidents, mesdames et messieurs les
00:41:02sénateurs et sénatrices.
00:41:06Ici est un lieu que je sais par pratique où on a un peu plus
00:41:12de temps pour réfléchir au fond des choses,
00:41:14c'est-à-dire au fond de préconiser tout de même une
00:41:16réflexion et des solutions.
00:41:20Vous avez sans doute, comme moi,
00:41:21écouté avec plaisir le récit que faisait mon ami
00:41:26professeur Bernard Benhamou de ce glissement progressif
00:41:32et des questions que cela pose.
00:41:35Je vais être assez rapide parce qu'au fond,
00:41:38ce que ce rapport contient, vous dites assez bien à tous
00:41:42et pour ceux qui nous écoutent ou sont en ligne et qui ne
00:41:45l'ont pas forcément sous les yeux.
00:41:47Nous en ferons bientôt une présentation publique d'ailleurs,
00:41:50de façon à sensibiliser le maximum de gens à ces choses.
00:41:55Dans quelle situation sommes-nous ?
00:41:58Bernard l'a dit tout à l'heure, c'est une rupture.
00:42:02C'est un autre monde et par nature,
00:42:04quand on passe d'un monde à un autre,
00:42:06naturellement, on n'a pas le recul pour voir
00:42:09exactement ce qui va arriver et surtout comment essayer,
00:42:13soit de le combattre, soit de le devancer et en tout cas,
00:42:16de l'organiser.
00:42:18Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité,
00:42:21l'homme a inventé une ou des machines qui non seulement le
00:42:26servent, mais qui maintenant se servent de lui et qui ont fait
00:42:30basculer l'humain dans la matière première de son propre service.
00:42:37Je rappelle une phrase qu'un ancien dirigeant de Google,
00:42:40qui avait quitté l'entreprise, avait dit quand on vous dit que ce
00:42:44service où les données sont gratuites, non,
00:42:47c'est que c'est vous le produit.
00:42:49Sauf que maintenant, c'est l'humanité tout entière qui est
00:42:53une proie possible de quelque chose qui est en train de nous
00:42:57dépasser, juste que vous ayez compris,
00:42:59vous l'avez dit tout à l'heure, Bernard,
00:43:02c'est l'implantation au plus intime de nos activités,
00:43:09de notre pensée, y compris dans ce que nous ne connaissons pas nous-mêmes.
00:43:14Alors, quand on regarde ça, on est obligé d'être assez réaliste.
00:43:20Les Européens que vous êtes, que nous sommes, que je suis,
00:43:23ont longtemps, en effet, pensé que beaucoup d'attaques contre
00:43:29les valeurs qui nous guident devaient être repoussées,
00:43:32maîtrisées, contrôlées et sanctionnées si c'était nécessaire.
00:43:36Ça reste vrai, mais nous sommes depuis maintenant presque
00:43:40une vingtaine d'années victimes d'un élément marketing diffusé
00:43:45par les monopoles américains, parce qu'il faut dire les choses
00:43:48telles qu'elles sont, ce n'est pas parce que nous sommes
00:43:51alliés dans d'anciennes alliances militaires aujourd'hui assez
00:43:54défaillantes ou en tout cas remises en question que nous ne devons
00:43:57pas voir les choses de près.
00:43:59Je rappelle que les États-Unis sont entrés deux fois en guerre
00:44:02dans le XXe siècle, deux ans après sa déclaration,
00:44:05et que ceci avait une cause économique évidente et que ces choses
00:44:10doivent être dites et maintenant pensées, voire renouvelées.
00:44:13Et en réalité, quand on pense à ça, qu'est-ce qu'on aperçoit ?
00:44:18On aperçoit que le monde de 1944,
00:44:23c'est-à-dire celui qui a brossé l'économie mondiale,
00:44:25celui de Bretton Woods, il s'effondrera.
00:44:29Il est en train déjà d'être déséquilibré et il prendra
00:44:33une grosse secousse dans sa, je dirais, dans son fonctionnement
00:44:38avec ce qui est en train d'arriver avec la monnaie numérique,
00:44:44dont on voit bien que la nouvelle présidence américaine
00:44:47veut faire un atout, je dirais presque satellitaire,
00:44:51c'est-à-dire accumuler une richesse abstraite,
00:44:54puisque c'est une richesse qui n'existe pas.
00:44:56Elle n'est basée sur aucun élément de production d'objets
00:45:00ou de services concrets, va faire une spéculation énorme
00:45:04qui bouleversera le monde et pourrait provoquer naturellement
00:45:07des bulles d'un niveau de catastrophe à côté desquels
00:45:10l'affaire Lehman Brothers est probablement juste un tout petit
00:45:13terrain d'essai.
00:45:14Voici un élément de bascule.
00:45:17Il y en a un autre.
00:45:18Sera-t-il encore nécessaire dans quelques années
00:45:22de déployer sur les continents pour protéger sa diplomatie
00:45:27ou pour veiller à son expansion des formes militaires
00:45:30telles que nous les avons aujourd'hui ou est-ce que nous avons
00:45:33déjà expérimenté sur les champs de bataille ?
00:45:36La réponse est oui, d'ailleurs.
00:45:38Un certain nombre de technologies qui vont nous dispenser
00:45:40de déployer des vies humaines et simplement la possibilité
00:45:44d'en soumettre d'autres.
00:45:46Et puis, au fond, du spectre que Bernard vient de développer
00:45:51et illustrer surtout et qui est vraiment une réalité,
00:45:54beaucoup de gens pourront penser que nous sommes atteints
00:45:59d'une peur maniaque et que nous développons des hypothèses
00:46:02qui n'arriveront pas.
00:46:03Non, elles sont déjà là.
00:46:05Elles sont déjà expérimentées.
00:46:06Pour certaines, ce ne sont plus des hypothèses.
00:46:09Et dans ces conditions, qu'est-ce qui pourrait se passer ?
00:46:13Et à quoi devons-nous réfléchir en tant que responsables
00:46:16publics les uns et les autres ?
00:46:17Et d'abord ici, pour vous, mesdames et messieurs les sénateurs,
00:46:21nous devons réfléchir à ce qu'est la nouvelle souveraineté.
00:46:26En longtemps, nous avons été victimes d'une propagande
00:46:29qui a été diffusée par les monopoles américains.
00:46:32Je rappellerai au passage la phrase du sénateur Sherman
00:46:37qui a dit il y a un peu plus d'un siècle que les monopoles
00:46:41étaient les vrais ennemis de la démocratie.
00:46:44Aujourd'hui, c'est la perspective que nous avons sous les yeux.
00:46:48Ce n'est pas tant le numérique en tant qu'industrie
00:46:51que, je dirais, sa configuration.
00:46:55Tout ce qu'on peut faire et tout ce qu'on peut gagner
00:46:58comme puissance avec ces outils et avec ces systèmes.
00:47:02Alors, au fond, à quoi cela nous mènerait-il ?
00:47:06On voit bien déjà que les grands monopoles
00:47:10et qui sont en train de construire l'étape suivante maintenant
00:47:13avec risque et péril pour beaucoup de choses et beaucoup de gens.
00:47:16Nous verrons de quelle il s'agit.
00:47:19Et bien que ces grands monopoles sont en train d'entrer
00:47:23dans le monde de l'économie pour en prendre en réalité le contrôle.
00:47:27Deuxièmement, ils sont en train d'entrer dans le monde de la défense
00:47:31pour en prendre en réalité le contrôle.
00:47:34Troisièmement, ils savent à peu près tout ce qui est nécessaire
00:47:37de savoir pour conduire les désirs et l'obéissance
00:47:41aux deux côtés de la lame de fond d'un individu.
00:47:45C'est-à-dire nos goûts qui sont connus,
00:47:47qui sont attisés par une publicité ciblée et main dorénavant extrêmement active
00:47:52et qui échappe à tous les systèmes classiques de propositions de la publicité
00:47:57puisqu'au fond, maintenant, ceux qui ont entre les mains nos goûts
00:48:01sont aussi ceux qui organisent et ceux qui, je dirais,
00:48:06font le marketing de la publicité, ils sont leurs propres agences
00:48:09et bref, ils détiennent les clés de notre comportement.
00:48:14Mais c'est aussi des outils qui sont en train de changer le comportement
00:48:18qui jusqu'à présent était celui de la société,
00:48:21le bien vivre ensemble, le bien respecter ensemble
00:48:25et un certain nombre de choses qui fait que nous avons pu vivre les uns à côté des autres
00:48:29à partir du monde de 44.
00:48:31Et enfin, dernière chose, aujourd'hui, c'est tout à fait évident,
00:48:36les grands monopoles technologiques et notamment le dernier outil
00:48:40qui est l'intelligence artificielle et notamment générative
00:48:43est aujourd'hui en mesure de tenir tête aux États
00:48:47ou de ne plus y obéir carrément.
00:48:49Vous pensez que probablement, certains d'entre nous pourraient penser que
00:48:53je fais une prédiction un petit peu craintive, mais pas du tout.
00:48:56Regardez la contestation des lois européennes, à peine mise en chantier,
00:49:01mal encore installée puisque,
00:49:06s'agissant de l'IA, en préparation encore puisque tout n'est pas fini,
00:49:09il n'y a qu'une étape qui a été franchie.
00:49:12Eh bien, déjà, la Maison-Blanche a fait comprendre qu'elle ne respecterait rien
00:49:17et même, souvenez-vous, il y a à peu près trois semaines,
00:49:21que l'un des compagnons du nouveau président des États-Unis a dit
00:49:26que si nous persistions dans notre volonté de régulation,
00:49:30ça remettrait en cause tout un tas de choses qui nous lient
00:49:34dans l'affaire transatlantique avec les États-Unis
00:49:37et que ça remettrait en cause, y compris, le système de l'OTAN.
00:49:41On n'a jamais entendu, même sous les Soviétiques, même sous les Chinois
00:49:44et naturellement jamais sous les présidences américaines précédentes,
00:49:48de telles menaces proférées au seul bénéfice de la construction supérieure
00:49:53de monopoles qui sont déjà aujourd'hui quasiment des États.
00:49:57Qu'est-ce que nous avons comme atout, nous les Européens ?
00:50:00Moi, je ne suis pas un turiféraire de la défense passive,
00:50:10comme vous l'avez dit Bernard,
00:50:12de la défense passive que les Européens ont mise en avant.
00:50:17Non pas qu'elle est mauvaise,
00:50:18mais parce qu'elle ne couvre pas tout le champ.
00:50:21Et d'ailleurs, c'est si vrai que le marketing développé sur le champ européen
00:50:24à coût de centaines de millions depuis maintenant 2015-16,
00:50:29et j'en sais quelque chose lorsque j'étais leader du RGPD pour le faire voter
00:50:33et du droit d'auteur ou du droit voisin,
00:50:36qui m'a valu d'ailleurs des menaces personnelles et sur ma famille.
00:50:39Quand même, on voit bien qu'il s'agit de batailles importantes.
00:50:42Ça n'est pas ma personne.
00:50:44C'est le système, absolument.
00:50:45Pourquoi ? Parce qu'ils ne voulaient pas que le fait de les obliger à payer,
00:50:48à partager des recettes, etc.
00:50:50C'est un domande entier, vous le savez bien mieux que moi.
00:50:53Eh bien, le marketing qui a été développé,
00:50:56c'était de dire que la régulation était l'ennemi de l'innovation.
00:51:01C'est faux, mais c'est aussi un peu vrai.
00:51:04Ce qui est vrai, c'est que ça n'est pas la régulation politique.
00:51:07C'est que c'est les normes qu'on a fabriquées avec des petites pierres
00:51:10pour penser qu'avec ça, on contiendrait l'océan.
00:51:13La régulation politique, elle est d'un niveau d'un État, d'un super État,
00:51:18dont l'Europe, d'ailleurs, je sais qu'en France et en Hollande,
00:51:22qui ont abattu la Constitution en 2005, la Constitution européenne.
00:51:26Ce que je vais dire sont des gros mots,
00:51:28mais ces gros mots, il faut les dire pour que tout le monde les comprenne.
00:51:31La bataille géopolitique que le monde va vivre,
00:51:35eh bien, elle est assez simple.
00:51:36Il y aura trois, en attendant peut-être un quatrième continent.
00:51:41Le quatrième continent est déjà un grand consommateur.
00:51:43Je parle de l'Afrique, mais les trois autres sont des continents actifs,
00:51:47producteurs de technologies, etc.
00:51:49Beaucoup plus, beaucoup plus.
00:51:51Et au fond, dans cette affaire, si l'on veut être sérieux et efficace,
00:51:56ce que mon ami Enrico Letta et M. Draghi ont dit
00:52:01et que vous avez mentionné souvent, Bernard,
00:52:05n'est pas une fiction, c'est une réalité qui a déjà
00:52:09une bonne dizaine d'années de retard.
00:52:11Nous n'aurons aucune chance de pouvoir développer, trouver l'argent,
00:52:16générer des entreprises dont nous avons besoin pour prendre,
00:52:21nous aussi, nos parts de marché,
00:52:23si nous n'avons pas une autorité politique européenne.
00:52:27En France, particulièrement pour ne parler que de mon pays,
00:52:31quand on parle d'une autorité politique supérieure,
00:52:33et d'ailleurs, beaucoup de partis d'extrême d'un côté ou de l'autre
00:52:37ont fait campagne sur les dépouilles de la pensée sérieuse et raisonnable,
00:52:41on pense qu'il va y avoir un super ordinateur
00:52:45qui va diriger les consciences de 450 millions d'Européens individuellement.
00:52:50Si l'on regarde la Suisse, l'Australie, le Canada, le Brésil
00:52:56et quelques autres sous différentes formes
00:53:00de concentration de pouvoirs régaliens,
00:53:02non seulement ils n'ont pas détruit les pouvoirs locaux, régionaux, nationaux,
00:53:07mais c'est une échelle gigogne
00:53:10aux collectivités de faire ce qu'elles ont à faire, par parenthèse,
00:53:14aux régions de faire ce qu'elles ont à faire,
00:53:16il faudra revenir sur l'idée de département ou de région
00:53:19ou alors d'une meilleure délégation de système,
00:53:22à l'État de faire ce qu'il sait et qu'il peut faire
00:53:25et à une autorité continentale supérieure
00:53:29de faire ce qu'aucun des échelons en dessous ne sait faire.
00:53:33C'est ça, aujourd'hui, la vraie question,
00:53:34et de construire un pouvoir régalien qui permettrait quoi ?
00:53:37Qui permettrait d'emprunter,
00:53:39on l'a bien vu avec les terrains du Covid,
00:53:42bien sûr que c'est possible,
00:53:44deuxièmement, de faire quoi ?
00:53:46De construire une défense.
00:53:47Troisièmement, de faire quoi encore ?
00:53:49De construire un appareil technologique européen
00:53:52qui, lui, d'ailleurs,
00:53:56sera, par nature de notre histoire,
00:53:59respectueux d'un minimum de valeurs fondamentales
00:54:01que vous avez évoquées, monsieur le Président,
00:54:03et qui sont absolument nécessaires,
00:54:06mais qui ne se mêleraient plus de ce qui se passe en dessous.
00:54:10Pourquoi, en étant arrivé à une usine à Bruxelles
00:54:12de production de normes et de règlements
00:54:17pas toujours très bien appliqués,
00:54:18parce qu'on ne se donne pas les moyens d'en contrôler l'application ?
00:54:22Parce que le pouvoir politique supérieur a disparu.
00:54:25Et qu'on voit bien que, quand on parle du Conseil,
00:54:27par exemple, de l'Union,
00:54:28eh bien, de quoi s'agit-il ?
00:54:30D'un lieu où des pensées extrêmement différentes
00:54:32vont ressortir avec des décisions différentes,
00:54:35des non-applications.
00:54:37Bref, la chamaillerie de la Cour de récréation,
00:54:39à laquelle il faudra bien que nous mettions un terme ou de gré.
00:54:44Et j'espère que ce ne sera pas de force,
00:54:45parce que ce ne serait pas de chez nous.
00:54:47Ce que je veux dire, enfin, est une dernière chose.
00:54:50Le dernier élément en date régulateur,
00:54:53ou qui espère pouvoir le faire,
00:54:57des attaques et des dangers que courent les citoyens,
00:55:00la société et les États,
00:55:02qui est mon résumé de danger,
00:55:05eh bien, c'est le règlement sur l'IA.
00:55:09Je ne vous rappellerai pas ici,
00:55:11mais peut-être pour quelques personnes qui nous écouteraient
00:55:14et qui ont oublié d'être informées.
00:55:16Un règlement, c'est une décision de l'Union européenne
00:55:18qui s'applique telle qu'elle est décidée,
00:55:21contrairement à une directive,
00:55:23qui, en bon belge, veut dire une loi,
00:55:25et qui, elle, est transposée dans chacun des pays
00:55:28selon la tradition juridique de ces pays.
00:55:30Le règlement de AI Act
00:55:33est un règlement qui a été voté une première fois,
00:55:36mais qui n'est pas terminé pour une raison simple.
00:55:39Un, vous l'avez suggéré tout à l'heure, il est incomplet,
00:55:42et surtout, il était tardif,
00:55:44et il a été pris de court par l'arrivée d'Open AI
00:55:47le 22 novembre 2022.
00:55:50Mais ce règlement, il est encore en discussion
00:55:53parce que Bruxelles, dans son immense talent technocratique,
00:55:57a trouvé le moyen,
00:56:00dans l'étape d'après le vote souverain
00:56:03de l'Assemblée plénière du Parlement,
00:56:05de revenir sur le fond des textes quand même,
00:56:08au motif de ces lignes directrices d'application,
00:56:12premièrement, et surtout, de ce qu'on appelle les trilogues.
00:56:15Le trilogue est, dans le langage européen,
00:56:20l'équivalent à peu près d'un décret d'application
00:56:24chez nous, en France, sauf que ce n'est pas un pouvoir
00:56:26et pas le pouvoir exécutif qui tient la plume.
00:56:29Ce sont trois pouvoirs qui négocient
00:56:30ce qu'on écrira dans l'application.
00:56:33Et la technocratie européenne a trouvé,
00:56:35je dirais, presque contre toute l'égalité,
00:56:38de façon sournoise en tout cas,
00:56:40le moyen de mettre des conférences de lignes directrices
00:56:44prétendument pour appliquer
00:56:47ce que les parlementaires souverainement ont voté,
00:56:50et en réalité, pour redétricoter un petit peu ces choses.
00:56:54Je le sais, quand j'ai fait voter droit d'auteur d'eau à Basin,
00:56:58il a fallu un an pour que l'on puisse
00:57:02rétablir ce que le Parlement avait voté.
00:57:06Dans ces commissions qu'on appelle des comités,
00:57:10des 13 comités qui actuellement travaillent sur
00:57:16l'intelligence artificielle, sur l'acte,
00:57:19eh bien, onze d'entre eux sont peuplés,
00:57:24pas exclusivement, mais ils y sont,
00:57:27par des para-officiels
00:57:30ou par des gens de la technologie américaine
00:57:33ou par certains universitaires,
00:57:36dont le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils ont,
00:57:38pour le mode d'application des technologies américaines,
00:57:41les yeux de chimène.
00:57:42Et on voit bien que l'exécutif européen
00:57:46n'est plus au niveau des questions qui nous sont posées.
00:57:49Il faudra donc s'attaquer à cette affaire.
00:57:51Ça n'est pas ici, ça n'est pas dans cet enceinte
00:57:54que tout seul, avec nos petites mains
00:57:55ou notre bonne volonté politique, nous y arriverons.
00:57:58Parce que la question maintenant, c'est la pédagogie des peuples.
00:58:02Et par là, il faudra probablement que quelques événements graves
00:58:07nous obligent à devenir un peu plus sérieux.
00:58:09Les rapports l'État et les rapports Draghi
00:58:12sont, je dirais, une sirène d'alerte remarquable.
00:58:17Il n'y a rien à dire négativement sur ce fait,
00:58:20puisqu'en fait, c'est seulement pour le rapport Draghi,
00:58:23le rattrapage d'un temps perdu depuis maintenant,
00:58:27on va dire, presque une dizaine d'années.
00:58:29Les choses sérieuses ont commencé au début des années 2010, en effet.
00:58:33Voilà, mesdames et messieurs,
00:58:35sur quoi je voulais poser mon alerte
00:58:41et dire que nous sommes dans une situation
00:58:45de colonisation, d'impérialisme.
00:58:49Je sais que c'est désagréable.
00:58:51J'ai vécu aux États-Unis.
00:58:53J'ai aimé ce que les contre-pouvoirs
00:58:56aux pouvoirs aux États-Unis
00:58:57permettaient de faire au bénéfice des citoyens.
00:59:01Probablement, nous n'en sommes plus là.
00:59:02Depuis le milieu des années 70, progressivement,
00:59:06la détérioration, le déséquilibre de cette société
00:59:09fait qu'il y a un désir d'impérialisme.
00:59:12Et pour la première fois, avec cette équipe Trump,
00:59:15nous voyons arriver des gens qui vont se servir de la technologie
00:59:19pour faire en sorte que les grands continents
00:59:22autres que les États-Unis deviennent le marché primordial
00:59:26dans lequel on va vous faire les poches
00:59:29pour agrandir la richesse américaine.
00:59:32C'est ça, le vrai danger qui nous guette.
00:59:34Et c'est ça sur quoi nous sommes si mal armés, si mal outillés.
00:59:38Alors, vous pourriez dire
00:59:41ce serait nécessaire, mais enfin, comment se fait-il ?
00:59:44Puisqu'au fond,
00:59:46la France comporte, par exemple, pour ne parler que de la France
00:59:49et nous sommes tout de même 27 pays,
00:59:51une des plus grandes écoles mathématiques du monde,
00:59:55l'Institut Poincaré, pour ne parler que de cela, ou quelques autres,
00:59:58qui fabrique des ingénieurs en volume qui sont de très bon niveau.
01:00:03N'est-ce pas en France qu'on a quelques prix Nobel de mathématiques
01:00:07qui, comme vous le savez, n'existent pas ?
01:00:09Les Medailles Fields, le dernier en date étant Cédric Villani.
01:00:13Et comment se fait-il que, par exemple, le patron de la recherche
01:00:16d'un des plus grands monopoles américains, M. Ian Le Coon,
01:00:19soit français ?
01:00:20Tout simplement parce qu'il n'a pas pu développer en France,
01:00:23pourtant, tout un tas de raisons que Bernard a évoquées,
01:00:25sur lesquelles je ne reviendrai pas, et que vous connaissez de toute façon
01:00:29bien mieux que nous deux réunis, probablement,
01:00:31parce que vous le voyez passer tous les jours.
01:00:33Nous n'avons pas pu aider à développer
01:00:37leurs découvertes, leurs entreprises, leur travail,
01:00:40et que nous sommes réduits, au fond, à nous agiter
01:00:42dans des réglementations protectrices.
01:00:44Je ne dis pas qu'elles ne sont pas nécessaires pour certaines d'entre elles,
01:00:48mais maintenant, ça ne suffira plus, c'est bien clair.
01:00:51Et le chiffre de 1,9% d'investissement qu'a cité tout à l'heure
01:00:54M. Benhamou, est une gifle telle qu'on serait presque tenté,
01:00:59si on était défaitiste, de dire que nous avons perdu d'avance.
01:01:02Mais moi, je pense, je l'ai montré dans ma vie, et je me suis pour cela,
01:01:08je dirais, sourcé ou ressourcé aux grands de ce monde qui ont
01:01:13donné de l'élan après la Deuxième Guerre mondiale,
01:01:16on ne perd que les batailles qu'on n'en a pas engagées.
01:01:19Le moment est venu de les engager.
01:01:21Et je vous remercie.
01:01:23Merci beaucoup.
01:01:24On va passer à la séance de questions.
01:01:26Alors, ce qui serait bien, c'est qu'en 20 minutes,
01:01:29on ait posé toutes les questions.
01:01:30Comme ça, ça vous donnera une demi-heure à tous les deux pour répondre.
01:01:34Moi, j'en poserai une tout de suite.
01:01:38On l'a vu dans le film que vous avez présenté tout à l'heure,
01:01:41entre autres, Star Trek, et on a un sentiment, juste après
01:01:45avoir regardé cette séquence, de se dire quel déploiement
01:01:49d'intelligence humaine il a fallu pour qu'elle se sauve la vie.
01:01:54Donc, je pense que la bascule, elle se fera, et peut-être qu'elle
01:01:57s'est déjà faite, vous nous le direz.
01:01:59La bascule se fera entre le moment où l'intelligence artificielle
01:02:03sera plus intelligente que l'intelligence humaine.
01:02:07Et donc, est-ce qu'on a déjà passé ce cap ou est-ce qu'on est
01:02:11encore en train de le maîtriser ?
01:02:12Je pense, par exemple, aux avions où on sait très bien que le
01:02:18risque humain est toujours mis en avant quand il y a un accident,
01:02:23sans penser qu'il y a aussi le risque lié à la machine.
01:02:28Mais on met toujours en avant le risque humain, en tout cas,
01:02:31ce qu'on appelle le facteur humain en aéronautique.
01:02:34Et est-ce que ce sujet de l'intelligence humaine qui serait
01:02:38dépassé par l'intelligence artificielle, pour nous donner,
01:02:41pour revenir à des exemples cinématographiques, il y a la
01:02:43fameuse saga Terminator où l'intelligence artificielle prend
01:02:49le dessus sur l'intelligence humaine et pilote le monde.
01:02:52Ça, c'est la première question.
01:02:53N'y répondez pas tout de suite, mais je pense qu'on va passer.
01:02:56Sylvie Vermeillez, vous avez peut-être déjà une liste ?
01:02:59Non ?
01:03:00Vous le...
01:03:04Alors, Sylvie Vermeillez, Karine Daniel et il y a Patrick
01:03:06qui voudra s'exprimer aussi.
01:03:09Catherine Morin de Sailly, bien sûr.
01:03:12Pierre.
01:03:15Allez, on laisse peut-être Patrick poser sa question.
01:03:20Merci, Sylvie.
01:03:21Merci, Monsieur le Président.
01:03:23Tout d'abord, je voudrais vous remercier pour ces exposés.
01:03:27Je vous remercie aussi, il nous a fait passer de l'angoisse
01:03:29à la frayeur.
01:03:32Moi, j'ai plusieurs questions.
01:03:33Je vais les poser de façon très simple.
01:03:36Une des questions, c'est déjà de dire,
01:03:38est-ce qu'il n'y a pas une vraie différence entre l'IA applicatif
01:03:41et l'IA générative ?
01:03:43Donc, je voudrais avoir votre avis là-dessus, avoir aussi votre
01:03:46avis sur la notion de responsabilité qu'il y a derrière l'IA.
01:03:52Savoir si vous avez des recommandations pour encadrer
01:03:55ou réguler l'IA, et à quelle échelle ?
01:03:59Une question sur l'impact environnemental,
01:04:01ce qu'on ne l'a pas abordé, et c'est un sujet très important.
01:04:05Une question également sur les biais et les discriminations
01:04:09qu'on peut retrouver dans l'IA.
01:04:13Et enfin, j'en terminerai par là, c'est de savoir si vous pensez
01:04:18que le sujet est suffisamment porté politiquement.
01:04:25On va prendre toutes les questions.
01:04:26Comme ça, vous vous répartirez la réponse.
01:04:28On aura un temps bien défini.
01:04:30Sylvie Vermeil.
01:04:32Merci, Monsieur le Président.
01:04:33Merci à nos deux brillants intervenants.
01:04:36Vos exposés sont absolument passionnants.
01:04:39Alors, je rebondis sur la dernière question de Patrick Chez
01:04:43concernant l'aspect politique.
01:04:48Évidemment, je souscris à toutes les recommandations
01:04:51que vous avez pu nous faire.
01:04:54Et le temps presse pour essayer de réagir.
01:04:59à ce qui est déjà devant nous.
01:05:01Et moi, je me dis que l'urgence, c'est de sauver déjà les démocraties.
01:05:07Et on a déjà eu chaud très récemment avec des poussées populistes
01:05:13qui sont très, très fortes dans le monde entier.
01:05:17Evidemment, pas qu'en France, mais en France aussi.
01:05:20Et dans le monde entier.
01:05:22Et je suis évidemment persuadée que c'est un sujet
01:05:27Je suis évidemment persuadée que ces poussées populistes
01:05:30ne sont pas liées simplement aux résultats politiques
01:05:36qui étaient au pouvoir à tel ou tel instant.
01:05:41Et que ces poussées populistes viennent d'une manipulation
01:05:45qui existe déjà.
01:05:47Et très basiquement, je trouve qu'au Sénat,
01:05:50on fait quand même du bon travail.
01:05:52Et je me dis que pendant qu'on fait du bon travail,
01:05:57des bons textes de loi, on phosphore beaucoup,
01:06:01on essaye de faire de notre mieux.
01:06:03Pendant ce temps-là, la manipulation de ces ingénieurs du numérique,
01:06:08de ces ingénieurs du chaos, progresse.
01:06:11Et l'urgence pour moi, effectivement,
01:06:14c'est de s'occuper de ça presque avant de devoir faire
01:06:19des bons projets de loi de finances ou tout le reste.
01:06:22Parce que lorsqu'il n'y aura plus de parti vraiment démocratique,
01:06:27on n'aura plus rien à faire, en fait.
01:06:31Il n'y aura plus de résistance possible.
01:06:34Donc, par exemple, puisqu'on voit déjà,
01:06:37on l'a tous constaté, on est 68 millions de Français
01:06:41à l'occasion de campagnes électorales.
01:06:44Et par manipulation, on va avoir un candidat
01:06:50qui va pouvoir envoyer 68 millions de messages différents.
01:06:54C'est-à-dire le message que l'électeur a envie de recevoir.
01:06:59Est-ce que dans l'urgence, on a les moyens de contrer ça ?
01:07:03Est-ce que les partis traditionnels, démocratiques,
01:07:08ont les moyens de contrer ça ?
01:07:10C'est-à-dire de confondre ces ambitions
01:07:15de candidats populistes
01:07:20qui vont adapter le message envoyé à des personnes différentes
01:07:26et donc, du coup, le message est différent.
01:07:28Est-ce que ça peut être déjà une réponse ?
01:07:31C'est-à-dire de confondre un candidat
01:07:35qui enverrait tout et le contraire
01:07:38à un électorat très diffus, évidemment,
01:07:43et puis de se baser encore sur la notion du vrai et du faux
01:07:46parce que vous l'avez bien expliqué.
01:07:48À un moment donné, c'est vrai, c'est faux.
01:07:51Au final, tout le monde s'en fout.
01:07:54Aujourd'hui, en Europe, ça a encore du sens,
01:07:57le vrai et le faux.
01:07:59Et il y a encore des valeurs qui sont intéressantes.
01:08:02Donc, est-ce qu'on a les moyens de contrer des messages
01:08:06qui viennent d'un même candidat mais qui disent tout et le contraire
01:08:09et de prouver que ça, ce n'est pas acceptable ?
01:08:13Technologiquement, confondre ça, voilà.
01:08:16Je savais que l'exercice serait compliqué
01:08:19après avoir reçu de nombreuses questions.
01:08:21Je vais tenter parce que je ne promets pas
01:08:24de pouvoir répondre à tout tel que ça s'est produit.
01:08:27Sur l'intelligence dite générale, l'IA générale,
01:08:31c'est un débat profond au sein de la communauté scientifique
01:08:36de savoir s'il sera possible ou pas d'avoir une IA
01:08:40qui soit en tout point égale ou supérieure.
01:08:43L'un des points fondamentaux sur lesquels je souhaite revenir,
01:08:46c'est que ce que nous appelons le sens commun,
01:08:49sans même parler de conscience,
01:08:52est totalement étranger aux IA à l'heure actuelle.
01:08:55Ce qui fait que vous avez certainement entendu souvent
01:08:58le terme d'hallucination pour les réponses des IA génératives.
01:09:01Or, d'un point de vue scientifique,
01:09:04tout ce que produit une IA générative est hallucination.
01:09:08Certaines d'entre elles sont utiles, intéressantes, curieuses,
01:09:12ont effectivement une valeur,
01:09:15mais aucune IA ne sait si elle dit la vérité ou pas.
01:09:19C'est un point très important.
01:09:23Quant à l'idée de la super IA façon Terminator,
01:09:27nous pouvons nous reposer tranquilles pour quelques temps.
01:09:30Je pense que le danger démocratique que nous avons évoqué
01:09:33et que Jean-Marie Cavada a fort nécessairement rappelé,
01:09:37est bien plus grand et bien plus immédiat,
01:09:40pour nous, Européens,
01:09:43que l'hypothétique venue au pouvoir d'une IA super puissante,
01:09:46façon, pour les amateurs de séries, Person of Interest,
01:09:49ou évidemment Terminator dans le cas du cinéma.
01:09:52Vous posiez la question sur la différence
01:09:55entre les IA classiques et les IA génératives.
01:09:58Je ne vais pas rentrer dans la technique,
01:10:01sur les réseaux de neurones.
01:10:04Jean-Marie Cavada a parlé de Yann LeCun,
01:10:07fondateur du Deep Learning,
01:10:10ces technologies d'apprentissage profond.
01:10:13Je ne vais pas refaire un cours d'histoire de Geoffrey Hinton.
01:10:16Il y a plus d'experts que moi sur ces questions.
01:10:19Je dirais simplement une chose,
01:10:22c'est qu'on a des outils d'adaptation, d'optimisation,
01:10:25aussi bien pour les usines, pour les machines,
01:10:28pour les transports, pour l'énergie,
01:10:31qui sont utilisés depuis longtemps
01:10:34pour optimiser, prévoir, maintenir,
01:10:37faire la maintenance d'un réseau ou d'une infrastructure.
01:10:40Et ça, effectivement, ça marche très bien.
01:10:43La nouveauté aujourd'hui, c'est l'aide à la décision
01:10:46sur des domaines qui, pendant longtemps,
01:10:49étaient considérés comme hors de portée des IA.
01:10:52Vous vous souvenez sans doute que quand on a parlé de robotique,
01:10:55on a dit qu'au départ, ce sera les travaux les plus pénibles,
01:10:58les plus simples, les moins qualifiés qui seront concernés.
01:11:01Pour l'IA, beaucoup de gens pensaient la même chose.
01:11:04Or, en fait, on se rend compte que pas du tout.
01:11:07Et que le danger vient que l'on acquiert une confiance quasi aveugle,
01:11:10on en parlait tout à l'heure, une forme de suivisme
01:11:13et effectivement de volonté de quasiment
01:11:16de se soumettre aux avis de l'IA,
01:11:19qui fait qu'effectivement, on a des gens qui utilisent les IA
01:11:22dans des domaines où elles ne devraient pas être utilisées.
01:11:25C'est un exemple stratégique du danger que certains ont évoqué
01:11:28de l'IA dans le domaine de la décision nucléaire,
01:11:31dans la décision du tir nucléaire.
01:11:34Évidemment, tous les experts, même les plus technophiles,
01:11:37ne disent surtout pas.
01:11:40Mais il est évident que des tentations existent dans ces domaines.
01:11:43Sur le populisme, il a été question à plusieurs reprises
01:11:46du risque populiste.
01:11:49Je rappelle dans la présentation
01:11:52que les autocraties ou les autocrates
01:11:55ont magnifiquement su se servir de ces outils.
01:11:58L'un des outils qui est
01:12:01parmi ceux qu'on nous prévoit
01:12:04sans qu'il soit encore pour l'instant une réalité,
01:12:07c'est les outils, il a été question à plusieurs reprises, de réalité virtuelle.
01:12:10Dans une réalité virtuelle, vous ne savez pas ce que votre voisin voit.
01:12:13C'est-à-dire que vous pouvez voir un personnage
01:12:16d'une ethnicité, alors que votre voisin
01:12:19le verra d'une autre ethnicité.
01:12:22Le même personnage, au même moment, dans la même scène.
01:12:25C'est-à-dire qu'on peut modifier, on peut profiler
01:12:28à l'extrême d'une manière
01:12:31et sur laquelle l'intelligence artificielle jouera à plein.
01:12:34C'est-à-dire qu'on a effectivement une capacité
01:12:37d'utiliser le clavier émotionnel,
01:12:40le clavier des idées d'une personne
01:12:43comme jamais on n'aura pu le faire.
01:12:46Les technologies vont aller de plus en plus loin dans ces domaines.
01:12:49Je me méfierais, on cite un exemple dans le rapport
01:12:52d'un scientifique qui dit effectivement
01:12:55que les manipulations de campagne ne sont rien
01:12:58face à ce qu'elles risquent d'être lorsque les gens seront immergés
01:13:01non pas simplement dans des réseaux sociaux type TikTok ou X
01:13:04mais bien dans des univers partagés
01:13:07dans lesquels on pourra connaître tout de leurs réactions émotionnelles,
01:13:10manipuler leurs émotions, au-delà de tout.
01:13:13Il y a un ouvrage de Yuval Harari là-dessus qui s'appelle Nexus
01:13:16sur sa crainte effectivement d'une manipulation émotionnelle
01:13:19et même de ce qu'il appelle le hacking culturel
01:13:22c'est-à-dire la possibilité que l'IA vienne coloniser les esprits
01:13:25comme une nouvelle culture.
01:13:28Je voudrais répondre à monsieur Ouzoulias
01:13:31dont j'ai apprécié infiniment la question sur le quantique.
01:13:34Nous parlons du quantique dans le rapport
01:13:37et nous citons même Alain Spé, le prix Nobel,
01:13:40le prix Nobel français sur l'intrication quantique
01:13:43qui a un petit peu douché les espérances de certains investisseurs
01:13:46dans ces domaines en disant je ne suis pas sûr
01:13:49que l'ordinateur quantique tel qu'on l'imagine
01:13:52c'est-à-dire l'ordinateur général voit un jour le jour.
01:13:55Et ça venant du plus grand spécialiste mondial de l'intrication quantique
01:14:00je ne doute pas qu'un certain nombre d'investisseurs
01:14:03dans des fonds d'investissement ont dû le prendre de manière sévère
01:14:06mais de façon plus importante.
01:14:09Je ne crois pas qu'il y ait opposition.
01:14:12C'est-à-dire que la particularité de l'ordinateur quantique
01:14:15si effectivement il arrive à se développer
01:14:18et je pense effectivement que c'est un terrain important
01:14:21sur lequel l'Europe devra et devrait investir
01:14:24et je précise que parmi les technologies clés
01:14:27qu'évoque Draghi dans son rapport
01:14:30il y a évidemment l'IA, il y a évidemment la robotique
01:14:33et il y a évidemment le quantique.
01:14:36Déjà que l'IA est très génératrice de dépenses
01:14:39et on l'a vu que les dépenses échevelaient
01:14:42de certains acteurs du secteur
01:14:45les développements autour du quantique sont très coûteux.
01:14:48Je ne parlerai pas des termes anglais
01:14:51mais ils sont très consommateurs de ressources.
01:14:54Sur le sommet, Jean-Marie Cavada a eu l'occasion d'y revenir
01:14:57je n'y reviendrai pas.
01:15:00Sur l'euro numérique, madame
01:15:03Je vais vous dire, là-dessus c'est une excellente chose
01:15:06c'est-à-dire que les gens auraient tendance à penser
01:15:09que l'euro numérique est une autre crypto au même titre que le bitcoin
01:15:12pas du tout, c'est une monnaie qui est adossée
01:15:15vous avez cité l'acronyme, monnaie numérique de banque centrale
01:15:18la particularité c'est qu'effectivement
01:15:21et là je suis obligé de reconnaître qu'il y a eu des dysfonctionnements
01:15:24dans les phases initiales du travail européen là-dessus
01:15:27c'est que la préfiguration a été confiée
01:15:30pour l'une émission de cette monnaie à Amazon
01:15:33alors là, j'en ai parlé même au gouverneur de la Banque de France
01:15:36qui était récemment arrivé après cette décision
01:15:39qui a dit, j'aurais été présent, jamais je n'aurais laissé passer
01:15:42cette possibilité que la préfiguration de cette monnaie numérique
01:15:45de banque centrale soit élaborée par Amazon
01:15:48je pense qu'il y a effectivement, pour reprendre les termes de Thierry Breton
01:15:51que vous receviez il y a peu, il y a une forme de naïveté européenne
01:15:54dont il faudra sortir
01:15:57sur lequel nous nous sommes violemment opposés
01:16:00c'est la nomination de madame Fiona Scott-Morton
01:16:03à la commission au titre de chef économiste de la DG Concurrence
01:16:06qui était américaine
01:16:09et qui ne renonçait en rien à sa nationalité américaine
01:16:12pour devenir l'une des plus influentes économistes de l'Union
01:16:15et heureusement la chose ne s'est pas faite
01:16:18je crois effectivement qu'il nous faut sortir de cette vision
01:16:21où Jean-Marie le rappelait tout à l'heure
01:16:25il était question effectivement des groupes d'experts
01:16:28j'y ai participé, j'ai été expert auprès de la commission à plusieurs reprises
01:16:31on voyait les représentants des chambres de commerce américaines
01:16:34qui venaient nous contredire et auxquels on était obligés de dire
01:16:37ben oui vous êtes patriotes américains, nous on est patriotes européens
01:16:40donc il est un peu normal que nous ne soyons pas sur la même ligne
01:16:43donc à un moment donné je crois effectivement que cette vision angélique
01:16:46cette vision irénique devra cesser
01:16:49au profit d'un pragmatisme réaliste
01:16:52sur les rapports de force que nous pouvons établir
01:16:55du fait de notre puissance de feu au moins en termes de consommation
01:16:58si ce n'est en termes d'industrie dans ces domaines
01:17:01je ne veux pas aller plus loin
01:17:04Madame la présidente Morin de Sailly évoquait effectivement
01:17:07le fait de savoir s'il est déjà ou pas trop tard
01:17:10non, non
01:17:13la particularité des cycles auxquels on a pu assister ces dernières années
01:17:16dans le domaine des technologies c'est qu'ils se sont raccourcis
01:17:19c'est-à-dire que les effets de dominance
01:17:22qu'évoquait Jean-Marie Cavada et de domination de monopole
01:17:25peuvent être remis en cause plus facilement
01:17:28qui aurait dit il y a 3 ans ou 4 ans
01:17:31que le monopole de Google sur la recherche
01:17:34pourrait être entre guillemets remis en cause
01:17:37alors ce n'est pas encore complètement le cas
01:17:40mais on voit bien que ces systèmes d'IA génératifs deviennent des outils de recherche
01:17:43et se substituent en partie aux fonctions des moteurs de recherche
01:17:47est-ce que effectivement les prochaines évolutions
01:17:50de ces technologies vont amener effectivement
01:17:53des remises en cause des positions dominantes
01:17:56soyons très clairs, si nous ne sommes pas armés
01:17:59financièrement pour aider ces secteurs en Europe
01:18:02à se développer, nous continuerons sur la même pente déclinante
01:18:05et donc l'analyse rétrospective
01:18:08que l'on ne fait jamais, je vous en parle d'expérience
01:18:11j'ai tenté de faire à certaines époques de ma vie en cabinet ministériel
01:18:15des études rétrospectives de ce qui n'allait pas sur tel ou tel programme numérique
01:18:18on m'a dit mais mon garçon ne t'y prête surtout pas
01:18:21c'est la façon de finir dans un vortex dont tu ne sortiras jamais
01:18:24parce que derrière tous les échecs
01:18:27il y a des gens, vous savez c'est comme on dit toujours
01:18:30derrière les niches fiscales il y a des chiens qui aboient ou qui mordent
01:18:33et bien derrière les échecs de politique publique
01:18:36il y a toujours des gens qui sont en place et qui ne veulent pas qu'on leur rappelle leurs échecs
01:18:39et c'est vrai au niveau européen aussi
01:18:42demander à un Timmermans de remettre en cause sa doxa ordo-libérale
01:18:45et vous aurez du mal
01:18:48je ne cite que lui, je ne veux pas avoir l'air de m'en prendre à lui particulièrement
01:18:51on pourrait en citer beaucoup d'autres
01:18:54mais je sens que ça éveille des souvenirs
01:18:57donc de fait à un moment donné nous devrons effectivement
01:19:00devenir pragmatiques comme le sont les américains
01:19:03comme le sont radicalement les chinois
01:19:06et effectivement cesser de penser que le marché seul, libre et non faussé
01:19:09suffit à notre bonheur et à l'achèvement du paradis sur la terre
01:19:12non, ça n'est pas possible et ça n'arrivera pas
01:19:15M. Scheiss évoquait tout à l'heure
01:19:18les mesures de régulation prises en Chine
01:19:21à l'évidence, j'ai eu l'occasion avec le plaisir
01:19:24d'être auditionné ici pour la commission d'enquête sur TikTok
01:19:27où je rappelais que l'équivalent chinois
01:19:30de TikTok s'appelle Douyin, qu'il est massivement orienté
01:19:33vers l'éducation, les sciences
01:19:36donc c'est vraiment un outil
01:19:39et qu'il est limité à 40 minutes par jour
01:19:42là où chez nous, on a vu des documents fuités de TikTok
01:19:45qui montraient qu'ils étaient capables de rendre addict
01:19:48de façon régulière un utilisateur en 36 minutes
01:19:51donc par définition, nous ouvrons la porte très grand
01:19:54regardez, le procès TikTok aux Etats-Unis c'est remarquable
01:19:57on a une plateforme qui vient se défendre au titre
01:20:00de la contrainte sur la liberté d'expression aux Etats-Unis
01:20:03toutes les plateformes occidentales sont censurées en Chine
01:20:06je trouve qu'il y a une forme d'ironie qui est phénoménale
01:20:09c'est-à-dire les avocats de TikTok qui venaient dire
01:20:12vous êtes contre les principes qui sont essentiels dans votre droit
01:20:15oui, sauf que vous, vous nous censurez de toutes les manières possibles
01:20:18je pense plus ou moins avoir évoqué
01:20:21sur le populisme et l'IA
01:20:24il est clair
01:20:27qu'une convergence de plusieurs points
01:20:30fragilise les démocraties occidentales
01:20:33la convergence sur le déficit d'attention
01:20:36que tout à l'heure était question des jeunes
01:20:39et du caractère essentiel d'éduquer les jeunes
01:20:42pour effectivement développer leur sens critique
01:20:45soyons très clairs, ça ne suffit pas
01:20:48certains chercheurs ont imaginé que
01:20:51à lui seul, le citoyen pourrait se défendre contre les mastodontes numériques
01:20:54non, il y a une asymétrie absolue
01:20:57c'est-à-dire qu'on sait tout de vous
01:21:00on peut agir sur vous de toutes les manières possibles
01:21:03et le développement de votre sens critique, pour nécessaire qu'il soit, n'est pas suffisant
01:21:06et il faut aussi de la régulation
01:21:09et évidemment, il nous faut éviter que ces plateformes
01:21:12comme on l'a vu pour la Roumanie lors des élections
01:21:15comme on l'a vu à plusieurs reprises avec Cambridge Analytica depuis les précédentes élections
01:21:18sont capables d'influencer un nombre consistant d'électeurs
01:21:21pas de faire basculer 20% des électeurs
01:21:24quoique, à terme, ce serait possible
01:21:27mais les quelques pourcentages d'indécis qui forment les élections dans les pays démocratiques
01:21:30sont évidemment vulnérables
01:21:33et ils l'ont été et ils le seront
01:21:36donc, on a la puissance de ces réseaux
01:21:39on a la culture de l'immédiateté
01:21:42le tout, tout de suite et sans attendre
01:21:45qui s'est installée comme étant la norme
01:21:48il y a le déficit de mémoire
01:21:51il y a le déficit de connaissance qu'avaient les jeunes des faits historiques de la seconde guerre mondiale
01:21:54et en particulier de la Shoah avec un chiffre français
01:21:57qui est effrayant, à 46% des jeunes qui n'en avaient pas connaissance
01:22:00là où en Allemagne, ils sont 12% par comparaison
01:22:03je crois effectivement que ces phénomènes
01:22:06accélèrent les capacités
01:22:09pour des autocrates
01:22:12pour des groupements d'intérêt
01:22:15voire même des groupements religieux extrémistes
01:22:18il y a aussi, évidemment, la possibilité d'être un vecteur
01:22:21pour des idéologies extrémistes, y compris religieuses
01:22:24au travers de ces réseaux
01:22:27je pense que l'IA là-dessus a un effet de levier considérable
01:22:30j'en ai terminé, je pense avoir été un peu long
01:22:38non, je vous faisais un signe
01:22:41monsieur le Président, pour vous remercier
01:22:44mais puisque vous avez l'imprudence
01:22:48je vais utiliser 30 secondes
01:22:55ce que je veux dire, c'est que nous crions fort
01:22:58et peut-être nous effrayons sur les dangers qui sont réels
01:23:01de ce qui est en train de se passer, parce qu'il faut réveiller les consciences
01:23:04et il faut donner bonne conscience aux législateurs
01:23:07et aux gouvernants pour agir
01:23:10et pour les dégager de la pression des lobbys et autres
01:23:13qui voudraient qu'on ne touche pas à la nouvelle merveille du monde
01:23:16qui va améliorer la civilisation
01:23:19personne parmi nous deux, en tout cas ici
01:23:22personne n'est contre l'IA
01:23:25nous sommes contre la captation d'une technologie
01:23:28par des puissances qui ont une autre visée derrière
01:23:31et dont la première manifestation
01:23:34c'est l'enrichissement économique incommensurable
01:23:37comment peut-on
01:23:40comment peut-on essayer
01:23:43d'en acquérir encore plus
01:23:46et vers quoi ça mène
01:23:49et donc c'est ce sur quoi, ce déséquilibre
01:23:52des rapports de force, nous voulons lutter
01:23:55à notre profit, nous Européens
01:23:58et pourquoi notre profit Européen dans cette commission ?
01:24:01pour deux raisons
01:24:04la première, un exemple purement mécanique
01:24:07on nous dit que la régulation est l'ennemi de l'innovation
01:24:10je n'ai jamais entendu une telle foutaise
01:24:13si vous me passez l'expression
01:24:16si c'était le cas, croyez-vous qu'il y aurait une industrie automobile à travers le monde
01:24:19alors qu'il y a partout un code de la route
01:24:22et moi qui suis pilote, je peux encore aller un peu plus loin
01:24:25même si ce n'est pas le jour béni pour le dire aujourd'hui
01:24:28compte tenu du crash aérien hier soir à Washington
01:24:31si la régulation de la circulation aérienne
01:24:34avait empêché l'innovation aéronautique
01:24:38on n'aurait pas trouvé les alliages spéciaux qui ont allégé le poids des avions
01:24:41les carburants, les automatismes
01:24:44et le fait que malheureusement
01:24:47l'accident d'hier donne mauvaise conscience à ce que je vais dire
01:24:50mais le fait qu'il y a moins de morts en l'air
01:24:53du fait de la circulation aérienne que sur les routes, tout le monde sait ça
01:24:56donc on voit bien que c'est une opération de marketing politique
01:24:59qui a maintenant à peu près une quinzaine d'années d'existence
01:25:02et qui a imprégné les esprits un peu partout en Europe
01:25:05ce qui est quand même assez stupéfiant
01:25:08et je voudrais terminer sur une chose qui a été évoquée par monsieur
01:25:11là et que je trouve extrêmement importante
01:25:14on apprend le permis de conduire aux enfants
01:25:17aux jeunes gens, aux adolescents
01:25:20on apprend à lire aux enfants dès le plus jeune âge
01:25:23la maternelle
01:25:26et bien il faut maintenant apprendre ce qu'est le numérique
01:25:29et surtout son dernier avatar, l'intelligence artificielle
01:25:32parce que dans ces conditions, tout le bon côté de l'intelligence artificielle
01:25:35et je ne prendrais que la recherche médicale
01:25:38qui est une source d'admiration extraordinaire
01:25:41mais la recherche médicale et l'IA n'a pas créé
01:25:44ni Apple ni Amazon
01:25:47ni cet étrange personnage
01:25:50qui visiblement n'a pas vu
01:25:53le dictateur de Charlie Chaplin
01:25:56et qui s'appelle monsieur Musk
01:25:59à ce point que la présidence qui vient d'être mise en place
01:26:02ne devrait pas s'appeler la présidence Trump
01:26:05mais la présidence Trusk
01:26:08parce qu'a-t-on jamais vu un industriel
01:26:11entrer par l'argent au gouvernement d'un pays
01:26:14fut-il un grand pays, les Etats-Unis
01:26:17se mêler des élections, critiquer
01:26:20calonier le premier ministre britannique
01:26:23et critiquer les élections américaines
01:26:26les néo-nazis allemands parce qu'il s'agit de ça
01:26:29ils vendent Hitler, ils promeuvent Hitler
01:26:32ils font les saluts d'Hitler et l'autre d'ailleurs
01:26:35il y a un petit doute, on ne sait pas trop si...
01:26:38un petit réflexe musculaire mal contrôlé
01:26:41j'ajoute à cela qu'il avait financé les campagnes d'Obama
01:26:44et de Biden
01:26:47bien entendu, et d'ailleurs dans les deux parties
01:26:50selon que les sondages les mettaient aux portes du pouvoir
01:26:53ça ne passe rien, la réaction de la commission européenne
01:26:56est stupéfiante d'indigence
01:26:59mais je ne compte pas sur Mme von der Leyen
01:27:02pour essayer d'ériger une autorité européenne
01:27:05qui prendrait, elle devrait bien pourtant s'en souvenir
01:27:08qui prendrait sa source dans ce que Robert Schuman
01:27:11a dit et dont les notes personnelles
01:27:14sont une leçon de morale géopolitique pour tout le monde
01:27:17plus jamais ça, qu'est-ce qu'il voulait dire plus jamais ça ?
01:27:20plus jamais l'irruption de l'industrialisation
01:27:23de la barbarie
01:27:26mais aussi plus jamais
01:27:29le fait que des partis qui ont des intérêts divergents
01:27:32les résolvent par la guerre
01:27:35comme c'est le cas depuis 20 siècles sur le continent européen
01:27:38mais les résolvent par la paix, la discussion et se mettre autour d'une table
01:27:41c'est ça qu'il a voulu dire
01:27:44je ne suis pas si sûr que ce qu'il a dit là soit tellement éloigné du sujet
01:27:47de ce que nous parlons ce matin, je le remercie
01:27:50Voilà pour cette audition au Sénat sur les enjeux du développement
01:27:53de l'intelligence artificielle alors que s'ouvre aujourd'hui à Paris
01:27:56au Grand Palais le sommet international sur l'IA
01:27:59présidé par Emmanuel Macron. Voilà c'est la fin de cette émission
01:28:02merci de l'avoir suivi, continuez à suivre l'actualité politique
01:28:05et parlementaire sur notre site internet publicsenat.fr
01:28:08je vous souhaite une très bonne journée sur Public Sénat