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En un an, la démocratie israélienne a vacillé. De la réforme judiciaire qui a profondément divisé le pays durant les 9 premiers mois de l'année, à la guerre contre le Hamas qui a suivi la tragédie du massacre du 7 octobre par l'organisation terroriste, le gouvernement de Benyamin Netanyahou, le plus à droite de l'histoire du pays, n'a eu de cesse de creuser les fractures internes de la société israélienne et a amené le pays à affronter la pire menace existentielle de son histoire depuis sa création en 1948. Deux hommes incarnent les initiatives radicales de ce gouvernement. Deux ministres de premier plan représentant l'extrême droite nationaliste et religieuse qui a fait alliance avec Netanyahou. Leurs noms : Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich. Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Quel est leur parcours ?
Enquête sur deux hommes qui ont pour stratégie de semer le chaos afin de faire avancer leur ultime projet : imposer une législation suprémaciste juive et refonder l'Israël biblique, de la mer au Jourdain et ainsi annexer définitivement la Cisjordanie, Gaza voire au delà.

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00:0028 janvier 2024 à Jérusalem, Israël est en guerre à Gaza depuis 4 mois, 5000 israéliens,
00:20essentiellement des colons de Cisjordanie, sont réunis pour une grande conférence.
00:23A la tribune, plusieurs membres du gouvernement. Les deux principales figures s'appellent
00:30Itamar Bengvir, ministre de la Sécurité Nationale, et Bezalel Smotrich, ministre des Finances.
00:40L'objet de la conférence, appeler à recoloniser Gaza, près de 20 ans après
00:47qu'Israël a évacué ce territoire.
01:17Il faut les encourager à partir. Il est temps de rentrer à la maison et d'accomplir
01:29ce que notre Torah dit, vous conquérerez ainsi le pays et vous vous y établirez.
01:35C'est à nous depuis toujours.
01:37Ces élus de l'extrême droite religieuse sont arrivés au pouvoir début 2023. Benyamin Netanyahou
01:55a fait alliance avec eux pour revenir à la tête de l'État. Alors que les missiles
02:04pleuvent dans le ciel du Moyen-Orient, ils dansent. Ils sont messianiques, racistes.
02:12Ces gens-là sont des criminels qui ont été surveillés par les forces sécuritaires à
02:17cause de leurs actions contre l'État. Ils veulent que l'État d'Israël annexe tous
02:23les territoires occupés. Et pour y parvenir, ils veulent expulser tous les Arabes.
02:29Le grand Israël, une annexion quoi qu'il en coûte. Bien qu'ils représentent à peine
02:35plus de 10% de l'électorat, leur influence est devenue majeure. Si Netanyahou les lâche,
02:41ils font tomber son gouvernement. Si Netanyahou les laisse faire, ils imposent leur agenda.
02:48Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Enquête sur ces ministres du chaos contre qui de nombreux
02:56Israéliens s'élèvent.
03:27Décembre 2022. La photo officielle du gouvernement sacre le retour de Benjamin
03:36Netanyahou au pouvoir après un an et demi dans l'opposition. Il s'appuie sur la coalition la
03:42plus à droite de l'histoire du pays, composée de son propre parti, le Likoud, et de plusieurs
03:47partis religieux et d'extrême droite. Deux visages incarnent ce virage radical.
03:55Bézalel Smotric, ministre des finances, patron du Parti sioniste religieux,
04:02et Itamar Bengvir, ministre de la Sécurité nationale, qui dirige le parti suprémaciste
04:08juif Force Juive. Dans la foulée, la coalition annonce une réforme judiciaire qui va mettre
04:16le feu aux poudres. Le ministre de la justice a tenu un discours stupéfiant qui a sonné comme
04:25un avertissement. Il a dit « nous allons changer le statut des conseillers juridiques du gouvernement,
04:30nous allons prendre le contrôle sur la Cour suprême, nous allons prendre le contrôle
04:34sur le procureur général ». Et il a terminé ce terrible discours par ces mots « ce n'est que
04:40le début ». Pendant des mois, des millions d'israéliens progressistes descendent dans
04:46les rues pour s'élever contre ce qu'ils qualifient de coup d'État. La Cour suprême est le principal
04:53contre-pouvoir au gouvernement et au Parlement. L'opposition accuse Benyamin Netanyahou d'avoir
04:59concédé à l'aile la plus radicale de sa coalition cette réforme qu'il a longtemps rejetée.
05:04Lui-même poursuivi pour corruption et abus de confiance depuis plusieurs années,
05:10il est soupçonné de tenter d'échapper de cette façon aux poursuites judiciaires qui le concernent.
05:23La figure de proue du mouvement de contestation s'appelle Chikma Bresler. Cette docteure en
05:29physique nucléaire, novice en politique, établit un lien direct entre la réforme
05:33judiciaire et la présence de l'extrême droite dans la coalition. « Chacun de nous a le pouvoir
05:42de freiner la dictature. Si nous sommes des centaines de milliers, nous garantirons qu'Israël
05:48restera une dé-mo-cra-tie ! » Il faut comprendre que cette réforme judiciaire s'appuie sur le
06:03mouvement raciste et fasciste de Benguir et Smotric, des gens qui se considèrent comme
06:08supérieurs parce qu'ils sont juifs, supérieurs aux autres juifs moins pratiquants et supérieurs
06:14aux non-juifs. C'est lié directement à leur volonté d'occuper l'ensemble de la terre d'Israël
06:20biblique et d'imposer une politique qui n'est pas démocratique à la population arabe et palestinienne.
06:26Cette crise révèle une fracture profonde de la société israélienne. A l'opposé,
06:34le camp de la droite radicale mobilise aussi ses troupes dans la rue,
06:38mais pour défendre la réforme à tout prix. Les drapeaux sont les mêmes,
06:51mais le message politique est très différent. « Bonsoir, peuple d'Israël ! » A la tribune,
06:58le nouveau ministre des Finances, Betsalel Smotric, harangue la foule.
07:03« Aux dernières élections, le camp national l'a emporté. Nous poursuivrons ces réformes car
07:11c'est l'essence de la démocratie. Le peuple mérite une réforme judiciaire. »
07:23Les partisans de Betsalel Smotric sont essentiellement des colons religieux.
07:29Ils reprochent à la Cour suprême d'être un obstacle majeur à leur projet d'annexion
07:35des territoires occupés. Betsalel Smotric ressemble à son électorat messianique. Comme
07:42eux, il pense que la loi des hommes doit se soumettre à la loi religieuse. Comme eux,
07:47il défend l'entreprise de colonisation. La journaliste Ruth Margalit a enquêté
07:55pendant de longs mois sur le parcours de ce fils d'un rabbin orthodoxe qui a grandi dans
08:00les territoires occupés. « Smotric a grandi dans ses écoles talmudiques liées au mouvement des
08:06colons. Il était un étudiant brillant. Il est devenu un leader là-bas. Dans le passé,
08:12il a pris des positions radicales. Il revendiquait par exemple le refus de sa femme de partager une
08:18chambre avec une femme arabe à la maternité. Des points de vue très radicaux. Il a un plan,
08:23qu'il appelle le plan décisif, comment vaincre les Palestiniens. »
08:27Ce plan, il l'a rendu public en 2017 à coup de clip promotionnel,
08:35peu après être devenu député pour la première fois.
08:53C'est ce qu'il s'est dit à l'époque de l'élection présidentielle de l'Union Européenne.
08:58« Je ne suis pas d'accord avec l'élection présidentielle de l'Union Européenne.
09:01Je ne suis pas d'accord avec l'élection présidentielle de l'Union Européenne.
09:04Je ne suis pas d'accord avec l'élection présidentielle de l'Union Européenne.
09:07Je ne suis pas d'accord avec l'élection présidentielle de l'Union Européenne.
09:10Je ne suis pas d'accord avec l'élection présidentielle de l'Union Européenne.
09:13Je ne suis pas d'accord avec l'élection présidentielle de l'Union Européenne.
09:16Je ne suis pas d'accord avec l'élection présidentielle de l'Union Européenne.
09:20« lots pour s'assurer que vous y retrouvez la paix entre nous.
09:23Vous pourrez continuer votre lutte sans seconde ambulance ».
09:26Je suis certain qu'il a parlé de l'illégalité.
09:27Puis on l'a vu commencer à évoquer des réformes judiciaires qu'il jugait indispensables en Israël.
09:32Ben avant que le gouvernement Netanyahou ne propose un projet de loi en ce sens.
09:38Il est l'un des initiateurs de ces idées.
09:44Petzalel Smotridz, héritier d'un mouvement rationaliste et religieux,
09:49qui émerge en 1967, à l'issue de la guerre des Six Jours.
09:58La victoire éclair contre les armées de cinq pays arabes
10:01permet à Israël de tripler sa superficie.
10:06L'armée israélienne ravit la péninsule du Sinaï et la bande de Gaza à l'Égypte,
10:11la Cisjordanie à la Jordanie,
10:13et le plateau du Golan à la Syrie.
10:17Que faire de ces territoires ?
10:19Monnaie d'échange contre la paix ou conquête définitive ?
10:23Alors que les dirigeants travaillistes débattent encore de la suite à donner,
10:27un groupe de croyants envisage un autre projet.
10:33Pour eux, la victoire tient du miracle annonciateur.
10:40Avant 1967, il y avait déjà une division entre les maximalistes territoriaux et les plus modérés.
10:46Mais ce n'était pas un enjeu, parce qu'Israël ne contrôlait alors ni la Cisjordanie ni la bande de Gaza.
10:53Après la guerre des Six Jours, c'est devenu un problème.
10:56Le mouvement fondateur a été initié par les adeptes du rabbin Tsvi Yehouda Kouk,
11:01qui ont vu dans les événements une prophétie,
11:04une chance de mettre en action leur idéologie en s'installant en terre promise.
11:10Pour le rabbin Kouk,
11:12les juifs doivent s'établir sur l'ensemble de la terre promise par Dieu aux peuples juifs dans l'Ancien Testament.
11:19Beni Katsover fut l'un des fondateurs de ce mouvement politico-religieux
11:23qui prendra le nom de Gush Emunim, le bloc de la foi.
11:28Une organisation qui lutte pour la création de colonies de peuplement.
11:33Lui-même cofonde l'une d'elles, Elon Moré,
11:36à huit kilomètres de Naplouse, l'une des plus grandes villes palestiniennes de Cisjordanie.
11:42Le gouvernement ne voulait pas laisser un seul juif s'implanter ici.
11:46Nous sommes venus nous établir sans permission.
11:48Nous sommes revenus à la charge huit fois en deux ans, en 1974 et 1975.
11:53Sept fois, nous avons été évacués par la force.
11:56Après ça, le premier ministre Yitzhak Rabin, lassé,
12:00s'est tourné vers son ministre Shimon Peres pour qu'il trouve un compromis.
12:04Il a autorisé notre implantation ici, à Elon Moré.
12:07Ce fut la première brèche en Samarie qui a ouvert la voie aux demi-millions de juifs
12:12qui habitent aujourd'hui dans 300 colonies.
12:16Au fil des années, la Cisjordanie est grignotée.
12:20Aux 300 colonies s'ajoutent les zones confisquées par l'armée,
12:23les expropriations de terres agricoles, les routes et infrastructures
12:28qui fragmentent et morcellent toujours davantage le territoire.
12:32Smotrych est très fidèle à cette idéologie.
12:36Il sait parfaitement comment parler aux différents publics qu'il essaie de servir.
13:01Smotrych a une vision maximaliste de la Terre Promise.
13:05Elle inclut les territoires palestiniens, mais aussi des territoires en Jordanie,
13:10en Syrie, au Liban, en Irak, en Égypte ou encore en Arabie Saoudite.
13:17Une vision certes radicale, mais admise dans le débat public en Israël.
13:24Itamar Ben-Gvirou, le président de la Cisjordanie,
13:27est issu d'un courant idéologique longtemps proscrit,
13:30loin du champ politique légitime.
13:33Le ministre de la Sécurité nationale a d'ailleurs été la cible préférée
13:37des milliers d'Israéliens progressistes qui manifestaient en 2023
13:41contre la réforme judiciaire.
13:44Il est raciste.
13:46Il est le symbole de comment ce gouvernement est devenu extrême.
13:50C'est un extrémiste.
13:51Il est très raciste.
13:52Il se dissimule désormais derrière un sourire,
13:54mais on sait d'où il vient.
13:57Si les Israéliens savent très bien d'où Itamar Ben-Gvir vient,
14:01c'est parce qu'il est une figure de l'extrême droite depuis 30 ans.
14:06En 1993, le premier ministre israélien Yitzhak Rabin
14:10et le dirigeant palestinien Yasser Arafat signent les accords d'Oslo.
14:16Le premier ministre israélien Issaac Rabin
14:18et le dirigeant palestinien Yasser Arafat signent les accords d'Oslo.
14:24Pendant des mois, dans les rues,
14:26un climat de haine règne à l'égard du premier ministre israélien.
14:31Rabin subit des menaces au quotidien de la droite radicale
14:34qui s'opposent à cet accord historique,
14:36prélude à un processus de création d'un État palestinien.
14:41C'est dans ce contexte qu'Itamar Ben-Gvir s'illustre pour la première fois en 1995.
14:47Il a alors 19 ans.
14:49Un de ses complices s'est attaqué à la voiture officielle du premier ministre
14:52en arrachant l'insigne Kadiak sur le capot.
14:56Il fanfaronne devant un journaliste.
14:59Quelques semaines plus tard, Issaac Rabin est assassiné,
15:02le 4 novembre 1995,
15:04par un militant de la droite radicale en pleine célébration publique.
15:28Le dirigeant de force juive vient des cercles kahanistes, très extrémistes.
15:34Et le mouvement de Kahan n'a en fait qu'un seul vrai agenda,
15:37qui est le racisme contre les Arabes.
15:41Si vous m'aviez demandé il y a encore 2 ou 3 ans qui était Ben-Gvir,
15:45je vous aurais dit, c'est l'un de ses fanatiques les plus violents,
15:48qui veulent expulser les Palestiniens et les tuer.
15:53Si Itamar Ben-Gvir a été condamné,
15:55c'est notamment pour avoir milité au sein d'un parti radical
15:58interdit par les autorités israéliennes, le Carr.
16:02Chaque année, ses anciens militants se réunissent
16:05pour honorer la mémoire et défendre l'héritage controversé
16:08du fondateur du mouvement, Meir Kahan,
16:11un rabbin d'origine américaine.
16:14Ancien porte-parole du mouvement,
16:16Itamar Ben-Gvir y a longtemps le tenu tribune,
16:18comme ici en 2019.
16:25Itamar Ben-Gvir !
16:32Aujourd'hui, dans la Ligue des Médias,
16:35il y a eu une erreur,
16:37ils ont voulu détruire le rabbin Kahan.
16:45Meir Kahan a fondé à la fin des années 60 à New York
16:49la Ligue de Défense Juive,
16:51une organisation qui prône l'usage de la violence
16:54pour lutter contre l'antisémitisme.
16:57Après avoir été arrêté par le FBI
16:59pour détention illégale d'armes, de munitions et d'explosifs,
17:03Meir Kahan s'exile en Israël en 1971.
17:07Il y fonde son parti politique, le Carr.
17:11En 1984, il est élu à la Knesset, le Parlement,
17:15où il porte sa principale revendication,
17:18l'expulsion de tous les citoyens arabes d'Israël.
17:25À chaque fois que Kahan montait pour parler à la tribune de la Knesset,
17:29le premier ministre Israël Shamir, figure de la droite,
17:33se levait et quittait la salle,
17:35et certains membres de son parti le suivaient.
17:37Il ne voulait pas être témoin de ce phénomène,
17:40un raciste s'exprimant au cœur du Parlement.
17:44Il trouve des partisans dans les zones périphériques,
17:47parmi les nouveaux immigrants,
17:49ou dans les banlieues et les villes en développement,
17:52où il est devenu de plus en plus puissant avec le temps.
17:57Ses idées rappellent les idées de la droite populiste radicale en Europe,
18:01comme l'exclusion des minorités,
18:03ou la déportation des immigrants qui ne sont pas juifs.
18:08En 1988, la Cour suprême israélienne fait interdire le parti Carr
18:13pour incitation au racisme.
18:16Deux ans plus tard, Meir Kahan est tué à New York
18:20par un Égyptien naturalisé américain.
18:24Ben Gvir n'a jamais rencontré Meir Kahan.
18:27C'est son plus grand regret. Il était trop jeune.
18:30Mais il a rejoint le mouvement juste après,
18:32et il est devenu très proche de ceux qui étaient alors considérés
18:35comme les hommes de main de Kahan.
18:41Je m'appelle Noam Federman,
18:43j'étais le porte-parole du parti Carr et de Meir Kahan.
18:46Itamar Ben Gvir était un jeune garçon
18:48quand je l'ai rencontré pour la première fois.
18:50Je l'ai persuadé de rejoindre le mouvement Carr.
18:53Et il est devenu porte-parole parce que nous, les patrons,
18:56on était tous en prison.
18:58Et puis, il a été en charge des jeunes du mouvement.
19:01Petit à petit, il a pris de plus en plus de poids.
19:05Ensemble, ils faisaient beaucoup de bruit,
19:07beaucoup de manifestations.
19:13Il réunissait les adolescents une fois par semaine,
19:16parfois plus, pour toutes sortes d'activités.
19:23Il leur disait de faire des graffitis et du vandalisme.
19:26Le mouvement kahaniste a toujours été une structure d'accueil
19:29pour les jeunes désœuvrés,
19:32les exclus du système scolaire, en rupture avec la société.
19:38Il voyait en lui une figure d'autorité.
19:41Je dois dire qu'il nie aujourd'hui avoir mené ce genre d'activités,
19:44mais il a été inculpé pour avoir fait ce genre de choses.
19:56Itamar Bengvir a encadré pendant une quinzaine d'années
19:59les jeunes kahanistes.
20:02L'un d'entre eux est sorti du silence.
20:05Je m'appelle Gilad Sadeh.
20:07J'ai été élevé dans l'idéologie kahaniste à Kiryat Arba.
20:11J'étais très proche de Bengvir.
20:14Je le considérais comme mon grand-frère.
20:18Fils adoptif d'un des bras droits de Meir Kahan,
20:21Gilad Sadeh a longtemps adhéré à ses idées radicales.
20:35Il a rompu avec cette idéologie et a trouvé refuge en Europe.
20:40Mais l'arrivée d'Itamar Bengvir au gouvernement
20:43l'a convaincu de prendre la parole
20:45pour alerter du danger qu'il représente selon lui.
20:49Quand j'étais gamin à l'école primaire,
20:52je distribuais clandestinement pour lui
20:54des prospectus d'incitation à la haine contre les Arabes,
20:57parce que la police n'allait pas contrôler un enfant.
21:00Bengvir a un caractère très intéressant.
21:03D'un côté, il est très gentil, très charmant,
21:06mais si vous avez des ennuis avec lui,
21:09il devient un tyran.
21:13Leur méthode pour promouvoir leur idéologie,
21:16c'est de faire le buzz.
21:18Et pour cela, ils ont besoin de pousser la provocation.
21:21Parfois, ils nous disaient « quelque chose s'est passé aujourd'hui,
21:24on a besoin d'action sur le terrain ».
21:26Par exemple, adolescent à 13, 14, 15 ans,
21:31j'allais la nuit vandaliser des voitures palestiniennes.
21:35On crevait les pneus, on cassait les vitres.
21:40Puis quelqu'un d'autre, par exemple Bengvir,
21:44communiquait dessus dans les médias.
21:47C'était pendant la seconde intifada.
21:50J'aurais facilement pu me faire tirer dessus et me faire tuer.
21:53J'étais un enfant, je n'avais aucune idée de ce que je faisais,
21:56c'était complètement fou.
22:00Un drame incarne cette fascination des kahanistes pour la violence.
22:05En février 1994,
22:07l'un des leurs, Barour Goldstein,
22:09un médecin qui s'opposait à la signature des accords d'Oslo,
22:12se rend dans la mosquée du tombeau des patriarchats hébrons.
22:17Il tue froidement 29 Palestiniens en prière,
22:20avant de se faire tuer.
22:25Pour la justice israélienne,
22:27Barour Goldstein est un terroriste.
22:30Pour les kahanistes, qui honorent sa tombe chaque année,
22:33c'est un héros.
22:36Barour Goldstein est devenu pour Ben Gvir
22:39une sorte de mentor, un héros.
22:41Il a accroché un portrait de Goldstein dans sa maison.
22:44Il se déguisait comme lui pour la fête de Pourim,
22:47il portait sa tenue.
22:53Ce n'est qu'en 2021 qu'il retire le tableau du mur de son salon,
22:57alors qu'il entame une stratégie de dédiabolisation
23:00pour entrer au Parlement.
23:05Il a beau avoir enlevé le portrait du mur de son salon
23:08et dit des choses comme « je ne suis plus sur cette ligne »,
23:11il est très clair qu'il est toujours attaché à ses valeurs.
23:15Si l'événement fondateur de l'engagement militant
23:18d'Itamar Ben Gvir est la signature des accords d'Oslo,
23:21un autre événement, une décennie plus tard,
23:24marque l'entrée en action de Betsalel Smotric.
23:27En 2005, le Premier ministre Ariel Sharon,
23:31un faucon du Likoud, le parti de droite de gouvernement,
23:34décide unilatéralement le retrait de la bande de Gaza
23:38occupée par Israël depuis 1967.
23:428 000 Israéliens habitent alors dans 21 colonies à Gaza.
23:48L'armée est réquisitionnée pour les déloger.
23:56Une décision qui va heurter les nationalistes religieux
23:59qui se sentent trahis par l'État d'Israël.
24:05Aïe Sharon !
24:13Betsalel Smotric, âgé alors de 24 ans,
24:16est interpellé avec quatre complices
24:18quelques jours avant les événements.
24:20Les services de renseignement intérieur, le Shin Bet,
24:23les soupçonnent de préparer une action violente.
24:27Je m'appelle Gvir Kariv.
24:29J'ai servi 23 ans au sein du Shin Bet.
24:31Ma mission était essentiellement de lutter
24:33contre les actions violentes des jeunes des colonies.
24:36En 2005, j'ai été l'un de ceux qui ont arrêté Betsalel Smotric.
24:39Nous avons trouvé des jerrycans d'essence et d'huile brûlée.
24:42Beaucoup d'huile, beaucoup d'essence.
24:44Et aussi ce qu'on appelle des ninjas, des showstrap.
24:47Ce sont des clous en fer à double pointe
24:49qui, une fois jetés sur la route, crèvent les pneus des voitures.
24:53Nous l'avons confié aux enquêteurs.
24:55Ils l'ont interrogé pendant trois semaines.
24:58Qu'est-ce qu'il a dit ?
25:02Voilà ce qu'il a dit. Il est resté comme ça.
25:06Silence totale.
25:08Les cinq suspects sont restés muets pendant trois semaines,
25:10puis ils sont entrés chez eux.
25:12Pour qu'ils soient mis en accusation,
25:14il aurait fallu s'appuyer sur nos sources de renseignement.
25:16Mais en faisant ça, on grillait nos sources.
25:18Et pour nous, c'était inenvisageable.
25:20Je sais qu'on a empêché quelque chose de très gros.
25:22J'aurais préféré que nous réussissions à dépasser
25:26J'aurais préféré que nous réussissions à démontrer avec des preuves matérielles
25:28ce que Bezalel Smotrich s'apprêtait à commettre.
25:31Aujourd'hui, il ne serait sans doute ni député, ni ministre.
25:42Le retrait de Gaza a profondément marqué
25:44cette génération de la droite radicale israélienne
25:47pour qui toute concession territoriale
25:49est vécue comme une trahison.
25:52Un événement fondateur
25:54que Bezalel Smotrich évoque régulièrement dans ses meetings.
25:58Quand j'étais adolescent,
26:00j'ai participé aux manifestations
26:02contre les accords d'Oslo.
26:04Et aussi quelques années plus tard
26:06contre la terrible expulsion de Gaza
26:08et du nord de la Samarie
26:10mise en place par le gouvernement
26:12qui a déraciné des vies entières.
26:14Nous sommes nombreux à avoir éprouvé une peine profonde
26:16avec ce sentiment que le gouvernement
26:18nous a totalement ignorés.
26:22Le désengagement marque aussi le début
26:24de la droitisation du Likoud,
26:26parti historique de la droite de gouvernement
26:28dont Benyamin Netanyahou va reprendre les rênes
26:31pour le mener au pouvoir en 2009.
26:36Ce qui s'est passé,
26:38c'est que les plus responsables,
26:40les plus honnêtes, les plus modérés,
26:42les plus attachés aux droits de l'homme
26:44et aux droits civiques
26:46ont tous quitté le Likoud.
26:48Et le Likoud est resté avec tous les fascistes réactionnaires.
26:53Dans la foulée du désengagement de Gaza,
26:56la droite radicale va fonder
26:58de nombreuses organisations non-gouvernementales
27:00qui défendent les intérêts des colons.
27:04Bezalel Smotrich, lui,
27:06s'attaque à la propriété foncière.
27:09Il fonde Regavim,
27:11une organisation pro-colons
27:13qui poursuit en justice des familles palestiniennes
27:15occupant des logements
27:17sans documents israéliens valides
27:19dans le but de les exproprier.
27:21Les méthodes employées
27:23sont parfois singulières.
27:25Michael Sfard
27:27a été victime de ces pratiques.
27:29Avocat de plusieurs organisations
27:31de défense des droits de l'homme,
27:33il subit entre 2011 et 2013
27:35une fuite de documents confidentiels
27:37qui se retrouvent publiés
27:39dans la presse de la droite radicale.
27:41Pendant trois ans,
27:43des détectives privées ont mené
27:45des enquêtes sur mon cabinet
27:47pour trouver des informations
27:49compromettantes ou gênantes.
27:51L'organisation qui a financé
27:53ces trois ans d'enquêtes privées,
27:55ce qui représente beaucoup d'argent,
27:57des centaines de milliers de shekels,
27:59c'est Regavim.
28:01C'était logique parce que s'il y a
28:03quelque chose que mon bureau fait
28:05et qui dérange la droite radicale,
28:07c'est notre action en faveur
28:09d'individus, de familles
28:11et de communautés palestiniennes.
28:13Itamar Bengvir, lui aussi,
28:15va utiliser le droit.
28:17Il devient avocat en 2012.
28:19Il a commencé à défendre
28:21les figures du kahanisme,
28:23les colons très extrémistes,
28:25les jeunes des collines,
28:27ces jeunes colons qui habitent
28:29dans tous ces avant-postes
28:31autour des colonies
28:33et qui commettent
28:35de nombreuses activités illégales.
28:37En 2015, il défend notamment
28:39un jeune colon radical
28:41qui a assassiné une famille palestinienne,
28:43dont un bébé,
28:45en jetant un cocktail Molotov
28:47Bengvir et Smotrich
28:49sont tous les deux
28:51des juristes.
28:53Ils ont compris
28:55comment détourner
28:57l'esprit de la loi,
28:59comment détourner
29:01le principe d'égalité
29:03de tous devant la loi
29:05pour valider
29:07des actions odieuses.
29:09Ils en font un usage
29:11tyrannique,
29:13une tyrannie d'abord
29:15dans les territoires occupés
29:17où la loi n'existe pas,
29:19mais aussi dans un second temps
29:21contre leurs opposants politiques.
29:25Au fil des ans,
29:27l'extrême droite distille dans l'espace public
29:29une parole raciste exacerbée
29:31contre les Arabes israéliens.
29:35Un discours qui finit par se propager
29:37à droite et au centre de l'échiquier politique.
29:39Je m'appelle Amal Orabi.
29:41Je suis palestinien,
29:43citoyen de l'État d'Israël.
29:45Je veux une vraie démocratie
29:47qui garantit
29:49l'égalité pour tous,
29:51la souveraineté pour tous.
29:53Et je ne peux pas me taire
29:55face à la discrimination
29:57systémique de l'État.
29:59L'extrême droite en Israël
30:01veut nous mener
30:03au point de non-retour
30:05où les Juifs et les Arabes
30:07s'entretuent dans les rues.
30:09Mais c'est une erreur
30:11de blâmer uniquement Benvir.
30:13Les médias israéliens
30:15sont les premiers responsables.
30:17Ils ont fait de Benvir
30:19une rockstar.
30:21Benvir a eu porte ouverte
30:23tous les jours
30:25sur tous les plateaux de télévision.
30:27Il s'est invité dans le salon
30:29de chaque foyer israélien.
30:31Et ils ont fait
30:33l'impensable.
30:35Le laisser normaliser
30:37le racisme.
30:39Normaliser la suprématie juive.
30:43Ce fut un long processus
30:45de plusieurs années.
30:47Ça a commencé
30:49avec la loi État-nation.
30:51Quand le gouvernement
30:53a promulgué une loi
30:55qui dit qu'Israël
30:57est l'État du peuple juif
30:59et seulement du peuple juif,
31:01sans définir les frontières du pays.
31:03La loi État-nation est votée
31:05en 2018.
31:07Elle proclame l'hébreu comme unique langue officielle
31:09reléguant l'arabe,
31:11langue maternelle de 20% des citoyens,
31:13à un statut spécial inférieur.
31:15Elle revendique
31:17Jérusalem unifiée
31:19comme capitale exclusive du pays,
31:21y compris Jérusalem-Est,
31:23conquise en 1967.
31:25Enfin, elle confère aux seuls juifs
31:27le droit à l'autodétermination.
31:33Cette réforme clivante
31:35sacralise l'idéologie
31:37de la droite nationaliste.
31:39Elle est accompagnée
31:41à la même époque
31:43de décisions dangereuses.
31:45En 2018,
31:47la loi État-nation
31:49déclare que le droit
31:51à l'autodétermination
31:53n'est pas un droit unique,
31:55mais un droit
31:57à l'autodétermination.
31:59La loi État-nation
32:01déclare que les droits
32:03à l'autodétermination
32:05sont intérieurs
32:07à la légitimité
32:09et sont le droit
32:11à l'audit.
32:13Le droit à l'autodétermination
32:15est un droit
32:17qui est un droit
32:19qui est un droit
32:21qui est un droit
32:23qui est un droit
32:25qui est un droit
32:27qui est un droit
32:29Pendant des années, en moyenne un milliard et demi de dollars,
32:33dont la moitié a été utilisé pour l'infrastructure militaire pour construire des tunnels.
32:39Selon lui, tous ceux qui voulaient éviter à tout prix la construction d'un Etat palestinien
32:45devaient soutenir sa position qui disait qu'il fallait payer le Hamas et le renforcer.
32:51Smotric est l'un des principaux idéologues de ce concept qui dit que deux Etats, c'est mal.
32:57En 2015, c'est lui qui a dit qu'il valait mieux le Hamas à Gaza plutôt que l'autorité palestinienne.
33:28On lui disait, comment c'est possible ? Ce sont nos ennemis.
33:34Avec l'autorité palestinienne, il y a des arrangements, il y a Oslo.
33:38Les services de sécurité travaillent ensemble.
33:40Sans cette collaboration sécuritaire, ça aurait été le chaos ici.
33:44À partir de ce moment-là, le système Netanyahou déraille.
33:48Le Premier ministre est poursuivi dans trois affaires de corruption et d'abus de confiance.
33:53Les manifestations appelant à son départ se multiplient.
33:57Plusieurs parties de la droite et du centre refusent de rejoindre ces coalitions.
34:02Entre 2018 et 2021, quatre campagnes électorales s'enchaînent,
34:06centrées autour d'une seule question, pour ou contre Bibi.
34:11Benyamin Netanyahou s'appuie sur des voix de la société civile et quelques médias partisans
34:16pour renforcer la polarisation autour des questions identitaires.
34:22Des voix comme celle de l'intellectuel Gadi Taoub,
34:25un historien proche de la droite nationaliste, très actif sur les réseaux sociaux.
34:32Si vous regardez ce qui se passe en Europe où s'affrontent les patriotes et les supporters de l'Union européenne,
34:39nous en avons notre propre version.
34:42Les nationalistes, patriotes, ce qui inclut tous les religieux,
34:47contre les progressistes extrémistes qui défendent la solution à un seul État,
34:53qui sont des agents de la globalisation.
34:56Vous voulez dire qu'ils ne sont pas patriotes ?
34:59Oui.
35:02Au printemps 2021, Benyamin Netanyahou perd les élections.
35:06L'opposition négocie une nouvelle coalition,
35:09qui inclut des partis de gauche, du centre et de droite,
35:12ainsi qu'un parti arabe, pour la première fois de l'histoire du pays.
35:17Un attelage hétéroclite qui ne tient qu'à un seul siège au Parlement.
35:28Alors que les partis négocient l'accord de coalition,
35:31en mai, des événements violents éclatent dans les villes mixtes d'Israël,
35:35où résident côte à côte juifs et arabes.
35:40En plein mois du Ramadan, les violences se propagent dans le pays.
35:46Comme ici, à Batiam,
35:48où un Palestinien se fait lyncher en direct à la télévision.
36:11Itamar Bengvir, qui s'apprête à entrer au Parlement pour la première fois,
36:15souffle sur les braises.
36:24Il choisit pour ses déplacements
36:26le quartier explosif de Cherjara, à Jérusalem-Est.
36:32Depuis des années, ce secteur est l'objet d'une bataille judiciaire
36:35de la part de colons pour expulser plusieurs familles palestiniennes.
36:46Les droits de l'homme, ce ne sont pas des gens
36:48qui sortent des arbres et des bâtiments
36:50et qui détruisent la vie des habitants ici.
36:52Ne croyez pas aux droits de l'homme.
36:57Et soudain, il y a Bengvir,
36:59ce politicien qui représente l'anti-establishment.
37:02Il se met à parler de loi et d'ordre dans une veine très populiste.
37:08Il affirme qu'il peut rétablir la sécurité en Israël
37:11en luttant contre les Palestiniens
37:13et contre les Arabes israéliens
37:15qui sont des citoyens de plein droit du pays.
37:18C'est comme ça qu'il a pu toucher le grand public.
37:23Les outrances d'Itamar Bengvir dans les rues en mai 2021.
37:27Aymen Odeh, un député arabe israélien, les condamne.
37:33Le chef de la police de l'époque,
37:35qui est toujours l'actuel chef de la police sous les ordres de Bengvir,
37:38a dit que celui qui a mis le feu dans le pays, c'est Bengvir.
37:42Et Bengvir, comme tout pyromane, a effectivement mis le feu au pays.
37:46Il a voulu en profiter.
37:48Mais je veux vous dire qui est le fautif principal.
37:51C'est Benyamin Netanyahou.
37:54C'est lui qui a introduit le discours violent dans la politique israélienne.
38:00Et ils sont tous les fils légitimes de cette approche de Benyamin Netanyahou.
38:07En à peine plus d'un an,
38:09Benyamin Netanyahou, devenu chef de l'opposition,
38:12parvient à faire tomber le gouvernement.
38:14Il lui reste à trouver des partenaires pour bâtir une nouvelle coalition.
38:20La folie du boycott absolu contre Netanyahou
38:23a laissé comme seule alternative au Likoud
38:26l'alliance avec les forces politiques les plus à droite.
38:31En fait, ce qui s'est passé, c'est que les ultra-orthodoxes et Bengvir
38:35ont compris qu'une telle coalition préserverait le caractère juif de l'État.
38:41Smotric et Bengvir savaient que Netanyahou était l'homme le plus puissant d'Israël,
38:45le seul capable de réunir une coalition aussi puissante.
38:49Ils ne lui font pas nécessairement confiance.
38:52D'ailleurs, dans un enregistrement qui a fuité,
38:54Smotric traite Netanyahou de menteur fils de menteur.
39:05Donc, ils ont ficelé un accord réécrit.
39:08Et il était clair que tous les deux deviendraient des ministres importants du gouvernement.
39:12Comme quelqu'un me l'a dit, c'est comme si Netanyahou allait chevaucher ses deux tigres.
39:19Charge aux plus médiatiques des deux leaders d'extrême droite,
39:22Itamar Bengvir,
39:24et le président de l'Assemblée nationale,
39:26et le président de l'Assemblée nationale,
39:28et le président de l'Assemblée nationale,
39:30et le président de l'Assemblée nationale,
39:32Charge aux plus médiatiques des deux leaders d'extrême droite,
39:34Itamar Bengvir,
39:36d'attirer les voix.
39:38Le 13 octobre 2022, par exemple,
39:40il surjoue la menace sécuritaire,
39:42arme à la main,
39:44à Cherjara, le quartier de Jérusalem Est,
39:46disputé entre colons et palestiniens.
40:03Caméras et téléphones en embuscade
40:05assurent la viralité de la séquence
40:07sur les réseaux sociaux.
40:12Le 1er novembre 2022,
40:17la coalition de Benyamin Netanyahou
40:19remporte 64 mandats sur 120.
40:22La liste unie de Betsalels Motric et Itamar Bengvir
40:25fait une percée historique avec 14 sièges.
40:29Tous deux savent que les portes des ministères
40:31leur sont désormais grandes ouvertes.
40:38Ce groupe a décidé d'éloigner Israël
40:40de sa vision démocratique et libérale
40:43pour aller vers une société religieuse,
40:46fermée, messianique,
40:49autocratique dans l'esprit d'Orban en Hongrie
40:52ou de Kaczynski qui dirigeait la Pologne.
40:58Pour son premier déplacement sur le terrain,
41:00le 3 janvier 2023,
41:02Bengvir, nouveau ministre de la Sécurité nationale
41:05en charge du maintien de l'ordre,
41:07choisit le lieu le plus sensible du pays.
41:10L'esplanade des mosquées à Jérusalem
41:12que les Juifs appellent le Mont du Temple.
41:14Depuis 1967,
41:16une règle dite du statu quo
41:18interdit aux Juifs d'y prier.
41:31Il reproduit ainsi la provocation
41:33d'Ariel Sharon en 2000
41:35qui avait engendré la seconde intifada.
41:37En quelques mois,
41:39il s'y rendra à trois reprises.
41:42C'est une action très provoquante.
41:44Netanyahou ne peut pas le virer
41:46parce que si Netanyahou se séparait de Bengvir,
41:48alors son parti, Force juive,
41:50se retirerait de la coalition
41:52et cette coalition n'aurait plus la majorité.
41:54Donc la capacité du Premier ministre
41:56de donner des ordres à Bengvir
41:58est très limitée.
42:04Dans ce contexte,
42:06les plus radicaux comprennent
42:08qu'ils ont le champ libre.
42:10Suite à l'assassinat
42:12de deux jeunes Israéliens en Cisjordanie,
42:14400 colons orchestrent
42:16une expédition punitive
42:18sur la ville palestinienne d'Ouara
42:20dans la nuit du 26 au 27 février.
42:22Ils mettent le feu
42:24à des dizaines d'habitations
42:26et s'attaquent physiquement
42:28à des habitants palestiniens.
42:30Bilan,
42:32un mort et des centaines de blessés.
42:34La question c'est
42:36pourquoi ça ne se calme pas ?
42:38Ça dure plusieurs jours
42:40parce que Betsalel Smotrich,
42:42Itamar Bengvir, Benyamin Netanyahou
42:44et tous les ministres n'osent pas
42:46qualifier cela de terrorisme.
42:48Betsalel Smotrich a même dit
42:50que le terrorisme juif n'existait pas.
42:52Or ça existe.
42:54Il a donné son soutien
42:56aux colons responsables du pogrom d'Ouara.
43:12Quelques jours plus tard à Paris,
43:14il va encore plus loin
43:16lors d'un événement privé.
43:18Ces propos provoquent l'indignation
43:20sur la scène internationale.
43:34On les regarde comme des politiciens
43:36qui s'adressent à une audience internationale.
43:38Mais non,
43:40ils construisent une base électorale
43:42et ils se fichent de ce que les gens
43:44pensent d'eux à Paris,
43:46à Londres ou à Washington.
43:48Dans le pays,
43:50la contestation gronde.
43:52Elle se focalise sur la réforme judiciaire
43:54qui vise à réduire le pouvoir
43:56de la Cour suprême.
43:58Les dirigeants des start-up,
44:00les universitaires,
44:02les fonctionnaires,
44:04les services sécuritaires,
44:06mois après mois grossissent
44:08les rangs des cortèges dans la rue.
44:10Des milliers de réservistes
44:12annoncent même refuser
44:14aux États-Unis
44:16on s'inquiète de la dérive du gouvernement.
44:44Au départ,
44:46Netanyahou explique aux Américains
44:48que tout est sous contrôle.
44:50Smotrych, Ben-Gvir, ce sont des jeunes.
44:52Alors que lui, c'est un homme d'État.
44:54Il sait comment faire.
44:56Soudain, les Américains
44:58découvrent que ça n'est pas le cas.
45:00Soit il ne le veut pas, soit il n'y arrive plus.
45:02Israël a-t-il
45:04les moyens de passer outre
45:06la défiance des États-Unis
45:08jusque la soutien indéfectible ?
45:10Quelques mois plus tard,
45:12une grande tragédie de l'histoire du pays
45:14va démontrer le contraire.
45:26Ce cri est celui de Maya Regev,
45:2821 ans.
45:34Le 7 octobre,
45:36avec 2000 personnes,
45:38elle participe au festival Nova
45:40à quelques kilomètres de la frontière
45:42avec Gaza.
45:44À l'aube,
45:46il se retrouve sous les balles
45:48de terroristes palestiniens.
45:503000 Gazaouis,
45:52sur instruction du Hamas,
45:54ont franchi le mur qui sépare
45:56l'enclave de Gaza d'Israël.
45:58Ils s'attaquent par surprise
46:00à toutes les localités avoisinantes,
46:02dont beaucoup de kiboutz.
46:10Près de 1200 personnes sont tuées,
46:12240 sont prises en otage,
46:14dont Maya.
46:18Pendant des heures,
46:20les Israéliens du sud du pays
46:22sont livrés à eux-mêmes.
46:26Des femmes ont été violées,
46:28des hommes tués,
46:30des bébés ont été tués devant leurs parents,
46:32des parents ont été tués devant leurs enfants
46:34et des gens ont été kidnappés.
46:36Il y a eu un échec incroyable
46:38du système du renseignement,
46:40du système qui devait agir sur le terrain,
46:42l'opération militaire.
46:46On a mis plus d'une journée
46:48pour tout mettre en place
46:50avant que l'armée
46:52commence à fonctionner.
46:56Le pays, sonné,
46:58espère enterrer pour un temps
47:00les divisions des derniers mois
47:02pour mener une guerre perçue
47:04de manière potentielle.
47:06Plusieurs partis d'opposition
47:08proposent de former un gouvernement
47:10d'union nationale
47:12à la condition du départ d'Itamar Benghvia
47:14et Becelel Smotric.
47:16Netanyahou refuse.
47:18Seul le parti du centriste
47:20Benny Gantz, ancien chef d'état-major
47:22de l'armée, rejoint la coalition.
47:24Il y restera huit mois
47:26avant de démissionner.
47:30Heureusement, Biden a compris
47:32tout de suite les enjeux.
47:34Il a annoncé directement qu'il allait nous envoyer
47:36des porte-avions.
47:38Il est venu aussi en Israël très vite, Biden.
47:40Un geste incroyable.
47:42L'une des choses les plus importantes que Biden
47:44ait faites quand il est arrivé ici,
47:46alors que Bibi Netanyahou était confus,
47:48c'est de dire « don't »,
47:50ne tentez rien,
47:52à l'Iran et au Libanais, au Hezbollah,
47:54faites attention, je suis ici.
47:56Vous ne vous confrontez pas seulement à Israël,
47:58mais aussi à l'Amérique.
48:00Au début commencent des tensions avec le Hezbollah.
48:02Il y a le risque
48:04d'une expansion de la guerre au nord,
48:06puis d'une guerre régionale.
48:12La réponse militaire de l'armée israélienne
48:14est massive et brutale.
48:18La population civile de Gaza
48:20est en première ligne.
48:22La guerre s'annonce longue
48:24et meurtrière.
48:26Des dizaines de milliers de morts,
48:28dont beaucoup de femmes et d'enfants.
48:30Des centaines de milliers de déplacés
48:32et des zones entières détruites.
48:38Tandis que les civils de Gaza
48:40affrontent une tragédie sans précédent,
48:42les Israéliens, eux,
48:44sont aux prises avec leur propre traumatisme.
48:56Cinq mois plus tard,
48:58l'unité nationale s'est fissurée
49:00en Israël.
49:02Chaque samedi soir,
49:04des dizaines de milliers d'Israéliens
49:06se réunissent devant le musée de Tel Aviv,
49:08rebaptisé place des otages.
49:12À ce moment-là,
49:14le Hamas détient toujours
49:16133 captifs à Gaza.
49:18Je m'appelle Gil Dickman,
49:20et je suis le cousin
49:22de Carmel Gat, otage à Gaza.
49:26Le 7 octobre, à 10h30 du matin,
49:28les terroristes sont entrés par effraction
49:30dans la maison de mon oncle et de ma tante
49:32au kiboutz béhéri.
49:34La première à les voir a été Kinéret,
49:36ma tante, qui a été tuée.
49:38Par la fenêtre,
49:40mon oncle a pu voir comment elle kidnappait
49:42sa fille, Carmel.
49:46C'est en fait la dernière chose
49:48que nous savons avec certitude.
49:50L'unité des premiers jours
49:52a laissé place à une grande colère
49:54pour les familles des otages.
50:00Les premiers jours,
50:02le Premier ministre parle,
50:04le ministre de la Défense parle,
50:06et il déclare qu'il y a 5 objectifs pour la guerre.
50:08Aucun d'eux n'est la libération des otages.
50:10Bezalel Smotrich,
50:12ministre des Finances, mais aussi ministre délégué
50:14à la Défense, parle le 7 octobre au soir
50:16dans un conseil d'urgence politico-sécuritaire.
50:18« Si vous voulez tirer, tirez.
50:20Nous devons entrer en force
50:22dans Gaza sans trop penser aux otages.
50:24La question des otages n'était pas prioritaire
50:26pour l'Etat d'Israël.
50:28Il se peut même qu'ils aient simplement envisagé
50:30d'y renoncer. »
50:32Le forum des familles d'otages
50:34investit rapidement
50:36tous les lieux de pouvoir,
50:38à commencer par le Parlement.
50:40Et c'est ici que Gilles Dickmann
50:42est confronté pour la première fois
50:44à Itamar Benvir.
50:46Le 23 janvier 2024,
50:48son parti réunit une commission
50:50pour discuter un projet de loi
50:52instaurant la peine de mort
50:54pour les terroristes palestiniens.
50:56« Quelques minutes avant
50:58que la discussion commence,
51:00j'ai croisé Benvir par hasard.
51:02J'ai tenu cette pancarte avec la photo de Carmel.
51:04Je lui ai dit, Itamar,
51:06ma cousine est otage en ce moment.
51:08La discussion que vous organisez va mettre sa vie en danger.
51:10S'il vous plaît, pas maintenant.
51:12Et il m'a caressé la joue comme ça
51:14et il m'a dit, je vais le faire quand même. »
51:16« Pas maintenant.
51:18Des discours sur la peine de mort.
51:20Pas maintenant.
51:22Pas quand la vie
51:24de nos amis,
51:26pas quand la vie de nos amis
51:28est sur la table, pas quand la guerre
51:30est sur leur bras.
51:32Je pense que la peine de mort est obligatoire
51:34pour qu'il n'y ait plus d'événements. »
51:36« Est-ce que c'est le moment ?
51:38Cet acte de loi, c'est un massacre.
51:40C'est un massacre sur l'âme,
51:42sur l'âme des terroristes.
51:44Sur l'âme des membres de notre famille
51:46et de ma grand-mère.
51:48Tant d'hommes ont déjà tué.
51:50Tant d'hommes. »
51:52« La peine de mort est obligatoire pour la réalité.
51:54C'est moral.
51:56C'est légitime.
51:58C'est...
52:00C'est vrai. »
52:02« Pas maintenant.
52:04Maintenant, c'est le moment
52:06de renvoyer les victimes de la guerre à la maison.
52:08Merci. »
52:10« Merci, Agil.
52:12Merci beaucoup. »
52:14Alors que la discussion se termine,
52:16Itamar Bengvir se lève,
52:18marche vers moi
52:20et me serre dans ses bras.
52:22Je lui ai tout de suite dit
52:24de ne pas me serrer dans ses bras.
52:26Et il m'a serré plus fort.
52:28Il m'a embrassé sur la tête.
52:30Il m'a dit « Je t'aime ».
52:32Les extrémistes
52:34exploitent cyniquement les familles d'otages
52:36pour que le chaos s'étende
52:38et dans le but d'en tirer
52:40des profits politiques.
52:42« Nous vivons à une époque
52:44où le populisme monte partout
52:46dans le monde.
52:48Un monde où il y a des gens
52:50comme Trump, Orban,
52:52Bolsonaro au Brésil,
52:54Modi en Inde.
52:56Chez nous, c'est Bengvir. »
53:00De son côté, Betsalel Smotric,
53:02en charge de l'administration civile
53:04dans les territoires occupés,
53:06décide lui aussi d'avancer ses pions.
53:10Alors que tous les regards sont tournés vers Gaza,
53:12il annonce début 2024
53:14la construction de 3500 nouveaux logements
53:16aussi jordanis,
53:18la saisie de 800 hectares
53:20de terre palestinienne par l'État
53:22et la reconnaissance
53:24de 68 nouvelles implantations illégales.
53:26Un record depuis 25 ans.
53:40« En d'autres termes,
53:42Smotric est prêt à ce que
53:44la société israélienne vive
53:46des affrontements en permanence.
53:48Il pense qu'avec les Arabes,
53:50il n'y a qu'une seule manière
53:52de faire mener
53:54une guerre constante. »
53:58Dans ce climat,
54:00sur le terrain aussi jordanis,
54:02les colons les plus radicaux
54:04se sentent libres d'agir
54:06en toute impunité.
54:08Comme ce 13 octobre à Atouani,
54:10au sud des Bruns.
54:14Le palestinien,
54:16victime du tir sans sommation,
54:18s'appelle Zakaria Aladra.
54:20Ce résident du village
54:22demandait aux deux colons radicaux en civil,
54:24armés et aux militaires
54:26qui les accompagnaient de partir.
54:28Il survivra à ses blessures.
54:30Depuis le début de la guerre
54:32jusqu'au 12 août 2024,
54:34l'ONU a recensé en 6 Jordanis
54:361250 attaques de colons
54:38et comptabilise par ailleurs
54:40la mort de 609 palestiniens
54:42dont 146 enfants.
54:46Les américains décident d'envoyer
54:48un message clair,
54:50suivi par la France,
54:52le Royaume-Uni et l'Union européenne.
54:54Ils imposent des sanctions
54:56contre des colons radicaux,
54:58parmi lesquels des proches d'Itamar Bengvir.
55:02« Les gens qui ont été sanctionnés
55:04sont des colons plus radicaux.
55:06Je pense que c'est un avertissement.
55:08Commencez à vous occuper de ce phénomène,
55:10sinon nous vous donnerons un carton rouge.
55:12Un carton rouge pourrait être par exemple
55:14une sanction contre Itamar Bengvir
55:16ou Betzalel Smotrich. »
55:18Le carton rouge prend la forme
55:20d'un changement de ton
55:22du plus grand soutien d'Israël,
55:24le président américain,
55:26le 8 mars 2024,
55:28lors du discours annuel de l'État de l'Union
55:30devant le Congrès américain.
55:34« Pour protéger les civils innocents
55:36à Gaza, plus de 30 000 Palestiniens
55:38ont été tués,
55:40la plupart desquels
55:42ne sont pas Hamas. »
55:44« Si on regarde vers le futur,
55:46la seule solution pour cette situation
55:48est la solution des deux États. »
55:52Joe Biden est alors encore engagé
55:54dans une campagne électorale face à Donald Trump,
55:56avant de céder sa place en juillet
55:58à Kamala Harris.
56:00Il négocie aussi depuis de longs mois
56:02un accord de normalisation
56:04avec l'Arabie saoudite.
56:06La réticence de Benjamin Netanyahou
56:08à négocier la fin de la guerre
56:10et à mettre fin aux violences débridées
56:12des partisans de Smotrich et Bengvir
56:14entrave ses projets.
56:16« En quelques semaines,
56:18nous perdons le soutien des opinions publiques
56:20en Occident. Quelques semaines plus tard,
56:22nous perdons le soutien des gouvernements libéraux.
56:24Et deux mois plus tard,
56:26nous perdons aussi les États-Unis.
56:28Nous savions que ça arriverait.
56:30Netanyahou l'a volontairement ignoré.
56:32Israël avait l'impératif
56:34de mener une opération à Gaza.
56:36Mais nous devons maintenir
56:38une position morale supérieure
56:40qui démontre au monde que nous sommes
56:42dans notre bon droit, même si nous devons
56:44agir avec dureté.
56:46C'est pourquoi aujourd'hui, nous faisons face
56:48à un choix binaire. Il faut choisir.
56:50Nous disons oui à Bengvir et Smotrich
56:52et non à Biden
56:54et contre un accord avec les Saoudiens.
56:56Ou nous disons l'inverse,
56:58un grand non à Bengvir et Smotrich.
57:00Dans ce choix,
57:02nous sommes obligés de choisir Biden.
57:04Nous aurions dû faire ce choix
57:06dès la première semaine.
57:10L'influence d'Itamar Bengvir
57:12et de Betzalel Smotrich sur la politique nationale
57:14et internationale d'Israël
57:16n'est pas un accident.
57:22Elle est le résultat
57:24d'une dérive radicale continue
57:26dont Benyamin Netanyahou fut l'initiateur.
57:28Pour eux,
57:30qu'importe l'avis de la Cour internationale
57:32de justice, déclarant
57:34illégal la présence d'Israël dans les
57:36territoires occupés ou le danger
57:38d'une extension du conflit
57:40à un affrontement direct avec l'Iran.
57:44Malgré la guerre, malgré la peur,
57:46les progressistes israéliens sont retournés
57:48dans la rue pour s'opposer
57:50au gouvernement et réclamer une stratégie
57:52d'après-guerre, la libération
57:54des otages et la démission
57:56du premier ministre.
57:58Pourtant, rares sont ceux à estimer
58:00que cette guerre va trop loin.
58:02Iront-ils jusqu'à appeler à la fin
58:04de l'occupation et à une paix juste
58:06avec les palestiniens ?
58:08Seule certitude pour les progressistes,
58:10les deux mauvais génies de la droite radicale
58:12israélienne et leurs partisans
58:14feront tout ce qui est en leur pouvoir
58:16pour s'y opposer.
58:54Abonnez-vous !

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