Violée par son ex-entraîneur pendant dix ans, l’ancienne espoir du tennis féminin français Isabelle Demongeot publie « Service volé ». Et se livre pour ELLE.
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00:00Les viols ont duré neuf ans et c'est à Roland-Garros, pour la première fois,
00:04j'ai accepté de ne pas ouvrir cette porte et là j'ai décidé que c'était fini.
00:09J'ai découvert le tennis à Pralou dans les Alpes de Haute-Provence
00:12où je venais en vacances et je m'embêtais un peu,
00:14je tournais un peu en rond et j'ai vu un tournoi de tennis se faire
00:17et je me suis dit tiens, j'ai envie de faire du tennis
00:19et de là je suis partie m'inscrire ensuite au club de Saint-Tropez.
00:23Dès l'âge de 12 ans, j'ai été détectée plus ou moins par cet entraîneur,
00:28Régis Decamaret, c'était un centre d'entraînement avec plusieurs joueuses.
00:32J'ai eu une progression assez fulgurante puisqu'en pratiquement 4 ans, 4-5 ans,
00:36j'étais dans les meilleures joueuses françaises.
00:37Lui, en fait, il était le dieu, c'est celui qui contrôlait tout
00:42de notre vie tennisique et personnelle.
00:45L'emprise, il a fini par la mettre aussi du côté de mes parents, de ma famille
00:49puisque eux, on n'arrivait même plus à m'autoriser quelque chose,
00:53il fallait d'abord que je demande l'autorisation au coach.
00:56On n'avait pas trop le droit de jouer avec des garçons.
00:59Moi, je n'avais pas le droit de sortir avec mes copains, c'était interdit.
01:03Quand j'allais au cinéma, c'était avec lui et quand on partait en tournoi,
01:08malheureusement, on dormait dans la même chambre.
01:10Moi, ça s'est passé la première fois dans les années 80, dans une chambre d'hôtel
01:16et forcément, on ne sait même pas ce que c'est, en fait, quand on est si jeune.
01:20Ce sujet-là, il n'apparaissait pas du tout sur cette génération-là.
01:24Sur ce moment-là, moi, je me mettais complètement comme si j'étais ailleurs.
01:28Je regardais le plafond et je n'étais plus là, en fait.
01:31J'étais presque une proie sans vie.
01:34Je dois dire que j'avais l'impression que ça faisait partie de l'entraînement.
01:37Donc, moi, j'ai subi tout de suite les actes de violence dès le départ.
01:43Tout ce qu'on sait, c'est qu'à un moment donné, à la fin de l'entraînement,
01:47moi, je me disais, c'est ce soir encore ou ce n'est pas ce soir.
01:51Après, malheureusement, quand c'était le soir, c'était dans un KGB sur un caddie de balles
01:58ou parfois, c'était au retour de voyage sur les aires d'autoroute
02:01avec les camions qui étaient juste garés à côté de la voiture.
02:04Les viols ont duré neuf ans, de 80 à 89.
02:08Et c'est à Roland-Garros que, pour la première fois, j'ai accepté de ne pas ouvrir cette porte.
02:13Et là, j'ai décidé que c'était fini.
02:15Et c'est début juillet que j'ai dit à mes parents, écoutez, je vais quitter la structure
02:20parce qu'il m'a fait quelque chose de pas bien.
02:22Et puis, juste derrière, c'est en 92, où j'ai entendu que des bruits
02:29commençaient à tourner en rapport à lui dans une autre région que Saint-Tropez,
02:33où il s'était installé vers Bayonne et Biarritz.
02:36Je me suis dit, tiens, s'il y en a d'autres, s'il y a des bruits de ce genre,
02:41il faut que j'en parle à la Fédération française de tennis.
02:43Et j'ai pu annoncer ce qui s'était passé, ce que j'avais pu subir.
02:47Finalement, cette parole n'a pas été entendue et il n'y a pas eu d'action derrière.
02:51Donc, à Paris, j'ai continué à vivre avec.
02:54Et puis, c'est en 2005 que je rencontre un médecin qui me dit que j'ai certainement
02:59des séquelles suite à des viols que j'ai dû subir dans mon enfance.
03:03Oui, c'était mon entraîneur.
03:05Et là, il m'a dit, mais il est toujours en activité,
03:08il est toujours au contact de jeunes enfants.
03:09Et je lui dis, oui, oui, toujours.
03:12Et lui, il m'a réveillée.
03:13Du coup, je suis sortie, j'ai appelé un avocat.
03:16Et là, je me suis rendue compte que j'étais prescrite, malheureusement,
03:18et que je ne pouvais plus rien faire à deux mois près.
03:21J'ai fait une enquête, en fait, toute seule.
03:23J'ai essayé de joindre les filles de l'époque et j'ai essayé de retracer
03:27avec les articles de journaux que mes parents avaient gardés.
03:30J'ai récupéré à peu près quatre victimes, mais qui étaient elles aussi prescrites.
03:35Et puis, deux ans après, ils ont trouvé deux non-prescrites que je ne connaissais pas,
03:40puisque moi, j'avais quitté la structure, qui nous permettaient, en tout cas,
03:43de lancer une procédure et d'aller aux assises.
03:47Voilà, donc on s'est retrouvés quand même à 25 victimes.
03:50C'est énorme.
03:51La première procédure, il a pris huit ans.
03:55Et sur le deuxième procès à Draguignan, il a pris dix ans.
03:58On a vécu quelque chose de très, très fort qu'on ne pourra jamais nous enlever.
04:05Et c'est beau d'avoir fini par le mettre en prison.
04:09En 2020, la ministre de l'époque, qui était Roxana,
04:12a réussi à faire un contrôle d'honorabilité dans tous les clubs
04:16et a eu aussi la longévité de la prescription qui est passée de 20 à 30 ans.
04:20A été demandé aussi que des cellules intégrités soient montées dans chacune des fédérations.
04:26Et c'est là où on m'a proposé, en tout cas, d'apporter mon soutien
04:30et d'envisager, en tout cas, une évolution avec la FED,
04:34de pouvoir rencontrer des victimes, de pouvoir prévenir,
04:38de pouvoir expliquer ce que c'était l'emprise.
04:41J'espère que dans nos recherches, on va pouvoir aider les présidents de clubs,
04:45les enseignants à avoir des outils nécessaires pour que ça ne se reproduise plus.