Elle se bat pour qu'on oublie son jeune âge; Car être jeune en politique, ce n'est pas toujours drôle. Louise Morel peut en témoigner. Elle siège depuis 2022 au sein du groupe Modem à l'Assemblée.
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
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00:00Elle se bat pour qu'on oublie son âge,
00:02car être jeune en politique, ce n'est pas toujours drôle,
00:05mon invité peut en témoigner.
00:07Elle siège depuis 2022 au sein du groupe Démocrate,
00:10à l'Assemblée.
00:23Bonjour, Louise Morel.
00:24Bonjour.
00:26L'Alsace et la Moselle partagent une mémoire très douloureuse,
00:29celle des Malgré-nous, ce sont ces 130 000 Français
00:32qui ont été incorporés de force dans l'armée allemande
00:35pendant la Seconde Guerre mondiale.
00:37Pour vous, la France n'a pas fait le nécessaire
00:39pour reconnaître la souffrance infligée à ces hommes
00:42et à leurs familles, et vous en avez parlé
00:45lors d'une question au gouvernement.
00:47Le sort qui leur a été réservé par notre République
00:50n'est pas digne. On a voulu oublier,
00:52oublier qu'ils étaient des victimes de l'histoire nationale,
00:55oublier qu'ils n'avaient pas le choix,
00:57oublier leur héroïsme, eux qui ont été nombreux
01:00à recevoir la médaille de la Résistance intérieure,
01:03oublier les drames que cela a entraîné dans chaque famille,
01:06et je pense avec émotion aux veuves et aux orphelins,
01:09le gouvernement accepte-t-il enfin
01:11d'enseigner cette histoire de manière permanente
01:13dans les manuels scolaires de notre pays ?
01:16J'évoquais votre jeunesse au tout début de l'émission.
01:19Ca peut surprendre de voir une jeune députée
01:21s'emparer d'un sujet lié à notre histoire
01:23pour en faire un combat politique.
01:25Vous avez raison, ça peut surprendre,
01:27mais en fait, cette histoire de l'incorporation de force
01:30touche au coeur de chaque famille d'Alsace et de Moselle.
01:33Y compris la vôtre.
01:35Y compris la mienne, mais c'est l'intégralité
01:37des familles en Alsace et en Moselle,
01:39qui, au cours de la Seconde Guerre mondiale,
01:42a dû être confrontées à ce phénomène.
01:44Pendant très longtemps, si on se replace dans l'époque,
01:47il faut comprendre ce que c'est.
01:49On est français dans l'entre-deux-guerres,
01:51on est annexés au Reich allemand, et là, on nous dit
01:54qu'il faut prendre l'uniforme de l'Allemagne nazie
01:57et vous battre.
01:58Si vous ne le faites pas, il y aura des représailles
02:01contre votre famille.
02:02Après la Seconde Guerre mondiale, on est redevenus français,
02:05on a oublié l'amitié franco-allemande,
02:08la construction de l'Union européenne,
02:10et on a mis ce sujet de côté.
02:12J'ai souhaité l'aborder au moment de cette question
02:15au gouvernement.
02:16Si je devais aller plus loin, la veille d'être élue
02:19parlementaire, j'ai retrouvé un souvenir
02:21d'un membre de ma famille qui a dû vivre ça.
02:24Si je devais être élue députée, je porterais cette question
02:27et on essaiera de réparer cette histoire.
02:29Il y a beaucoup de travail.
02:31Il y a eu une avancée.
02:32Le 23 novembre dernier, Emmanuel Macron s'est rendu
02:35au mémorial des Malgré-nous, situé sur votre circonscription,
02:39et là, il s'est engagé à ce que l'histoire des Malgré-nous
02:42soit désormais enseignée dans les écoles.
02:45C'est une victoire personnelle pour vous,
02:47quelque chose que vous inscrivez à votre bilan de député ?
02:51Je crois qu'il faut être très humble sur ce type de sujets.
02:54D'abord, l'hommage est pour les combattants
02:57qui ont accepté de parler et de transmettre cette mémoire.
03:00C'est aussi le fruit de décennies d'actions politiques et publiques
03:04qui ont permis d'aboutir à ces avancées.
03:06J'avais posé cette question quelques semaines avant
03:09la visite du président pour essayer d'influencer
03:12le discours, les prises de parole, les annonces.
03:15Il y a eu deux choses importantes ce jour-là.
03:17D'abord à Strasbourg, où le président de la République
03:20a dit pour la première fois que l'incorporation de force
03:23est un crime de guerre, devant la représentante du Bundestag.
03:27C'était un symbole très fort dans l'Ola du Palais universitaire.
03:30Ensuite, il s'est rendu sur la circonscription où je suis élue.
03:34On voit les images au mémorial d'Alsace-Moselle
03:37où il est revenu là-dessus en demandant
03:39à ce que cette histoire soit enfin enseignée.
03:4180 ans après la fin de la guerre, on a demandé
03:44qu'elle ne soit pas enseignée volontairement.
03:47Chaque année, des parlementaires ont demandé ça
03:49et c'est ce qui a enseigné aux enfants de ce pays.
03:52On a évoqué l'histoire de votre famille.
03:54Ce qui caractérise votre famille, c'est l'engagement dans la vie publique.
03:58Ca fait quatre générations d'affilée,
04:00il y a des élus dans votre famille.
04:02Chez vous, ça se transmet beaucoup de mères en filles.
04:06Chez moi, oui, il y a beaucoup de femmes qui se sont engagées
04:09et donc ça m'a toujours beaucoup inspirée.
04:11On vous voit avec vos parents.
04:13Oui, mon père et ma mère.
04:15Ma mère est élue depuis un certain nombre d'années.
04:18A une époque, mère d'une petite commune de Montagne, en Alsace,
04:21à une époque où ça se faisait...
04:23Enfin, où c'était bien moins présent.
04:25C'était une des premières femmes maires du département du Barin
04:29et elle l'est restée pendant de nombreuses années.
04:31Pour autant, il y a 34 000 mères en France
04:34et tous les enfants de mères ne deviennent pas députés,
04:37donc c'est aussi à un moment une volonté de s'engager,
04:40de porter certains combats plus que d'autres
04:42qui font qu'on se présente à une élection législative
04:45et ensuite, peut-être qu'on réussit à l'emporter.
04:48J'ai toujours connu votre mère-mère, M-A-I-R-E,
04:50parce qu'elle a été la plus jeune mère de France,
04:53je crois, lors de son premier mandat.
04:55Souvent, les enfants qui ont eu des parents engagés en politique,
04:59ils n'en gardent pas un très bon souvenir
05:01parce que la politique, ça demande beaucoup de temps,
05:04c'est 7 jours sur 7,
05:05et ça se fait au détriment de la vie de famille.
05:07C'est quelque chose dont vous avez pu souffrir
05:10quand vous étiez enfant ?
05:11Oui, un petit peu et même un petit peu beaucoup.
05:14J'ai été énormément élevée par ma grand-mère.
05:16J'ai 80 ans d'écart, et on parle, d'ailleurs,
05:19du lien avec la mémoire et l'histoire,
05:21mais c'est elle qui me l'a transmis.
05:23Quand vous avez 80 ans d'écart avec votre grand-mère,
05:26elle avait vécu les deux guerres.
05:28Du fait de l'engagement de votre mère ?
05:30Du fait de l'engagement de ma mère.
05:32Vous l'en avez pas voulu ?
05:34Si, à l'adolescence, j'en ai beaucoup voulu
05:36pendant un temps, en disant que j'aimerais qu'elle soit
05:39plus présente, mais aujourd'hui, je comprends les combats
05:42qui sont les siens, et pendant un temps,
05:45on vous pose la question en disant
05:47si vous rêvez d'être députée.
05:48Moi, la réponse est non.
05:50Quand j'étais adolescente, je voyais le temps que ça prenait.
05:53Elle a même failli oublier un de vos anniversaires.
05:56Oui, vous êtes bien enseignée, un jour,
05:58et ça me permet de le dire, parce qu'aujourd'hui,
06:01je siège au sein de cette association.
06:03C'est une anecdote dans notre famille.
06:05Ma mère est une élue de la Montagne,
06:07qui a un congrès annuel.
06:09Un jour, mon anniversaire tombait au même moment,
06:12et elle avait oublié de me ramener un cadeau,
06:14un livre de Lucky Luke, acheté sur une aire d'autoroute
06:17ou de parking, mais pour la petite fille de 8 ou 10 ans,
06:20ce n'était pas le cadeau le plus sympathique.
06:23Au-delà de ça, on a plein d'autres beaux souvenirs.
06:25Je comprends ces combats.
06:27Vous faites attention à préserver du temps
06:29pour votre vie privée, votre vie de famille ?
06:32Oui, je fais très attention à ça,
06:34et peut-être, justement, ça m'a, comment dire,
06:37sensibilisée à ce que peut ressentir l'entourage
06:40quand on a une vie d'élue,
06:41et donc, moi, j'y fais très attention.
06:44Vous êtes engagée au MoDem à 21 ans,
06:46en 2017, au moment de la campagne d'Emmanuel Macron.
06:49Vous avez été la suppléante du candidat du MoDem
06:52au législatif dans votre circonscription.
06:54Vous avez ensuite été élue au législatif suivant.
06:57Vous aviez 26 ans, ça a fait de vous la plus jeune députée d'Alsace.
07:01Vous expliquez que vous vous batiez
07:03pour qu'on oublie que vous étiez jeune.
07:05Pourquoi ? C'est compliqué d'être jeune en politique ?
07:08Je trouve que c'est beaucoup plus compliqué
07:10d'être jeune en politique que d'être jeune en femme.
07:13D'ailleurs, je voudrais vraiment dire quelque chose.
07:16Pour moi, l'âge, c'est pas le critère
07:18qui fait de vous une bonne ou une mauvaise députée.
07:21On peut être un jeune député à 50 ou 60 ans.
07:24C'est le nombre d'années du mandat qui donne la légitimité.
07:27Pourtant, quand j'ai été élue, c'est toujours le critère d'âge
07:30qui primait. L'âge ne fait pas de moi
07:32si je vais être engagée sur tel ou tel programme.
07:35Vous le prenez comme un jugement négatif,
07:38avec des préjugés sur vos compétences ?
07:41Souvent, ça arrive avec ce sujet-là.
07:43Au début du mandat, on a eu ces débats sur la réforme des retraites.
07:46C'était toujours, comment peut-on avoir un avis
07:49à moins de 30 ans sur la réforme des retraites ?
07:51Je disais, c'est pas l'âge qui fait.
07:53On se projette dans un modèle de société
07:55où il y a une solidarité.
07:57Je trouve qu'au contraire, la raison pour laquelle
07:59je me suis engagée en étant jeune, c'est le fait de dire
08:02que j'ai envie de contribuer à la société de demain.
08:05Certains s'engagent après une vie professionnelle
08:08ou d'autres formes d'engagement.
08:10J'ai acquis de l'expérience, je sais ce qu'il faut faire
08:13pour le pays et j'y vais.
08:14D'autres, comme moi, disent qu'ils sont concernés
08:17par ce qui se passe dans le pays,
08:19qu'ils veulent être à la table des négociations.
08:21Je m'engage pour créer la France dans laquelle j'ai envie de vivre.
08:25On vous a pris pour une collaboratrice ?
08:27Souvent.
08:29J'étais l'opropre sur les services de l'Assemblée,
08:31qui sont très compétents, mais je me souviendrai toujours.
08:35Un jour, je suis entrée en commission des affaires économiques
08:38et la dame me dit que je ne pouvais pas m'asseoir ici.
08:42J'ai dit que j'avais rendez-vous dans cette salle,
08:46et elle me dit que c'était réservé aux députés.
08:49Je lui ai dit que j'allais m'asseoir ici,
08:51et après, elle était très embêtée.
08:54Mais c'est vrai que parfois, c'est un peu gênant
08:57de devoir toujours se justifier.
08:59Oui, on peut être en France une jeune femme parlementaire
09:02de moins de 30 ans.
09:03Vous n'aimez pas qu'on vous ramène à votre âge.
09:06En écrivant un livre intitulé
09:08Devenir députée à 26 ans.
09:10Vous livrez vos réflexions sur la politique,
09:12sur le fonctionnement de nos institutions,
09:15et vous racontez à quel point vous avez été un peu perdue
09:18au tout début de votre mandat.
09:20C'est quoi, les problèmes auxquels vous avez été confrontés ?
09:23Ce que j'avais trouvé le plus surprenant,
09:25c'est très différent entre le mandat 2022 et 2024.
09:28En 2022, on a été élus,
09:30et moins de dix jours plus tard, on votait les premières lois.
09:33C'était d'une rapidité.
09:35Quelques semaines avant, vous êtes dans une vie professionnelle,
09:39j'étais cadre d'entreprise sur un tas d'autres sujets,
09:42vous faites campagne, vous êtes élue,
09:44et dix jours après, vous êtes dans l'hémicycle,
09:46sans formation.
09:48Il y a une présomption de compétences.
09:50Ce qui n'a pas du tout été le cas cet été, en 2024.
09:53On a eu le temps de s'installer.
09:55Vous proposez une formation pour les nouveaux députés,
09:58et pour leurs suppléants aussi.
10:00Pour leurs suppléants aussi, mais c'est plus en échangeant
10:03d'un certain nombre de collègues.
10:05Quand ils sont amenés à prendre des responsabilités
10:08en l'espace de quelques jours,
10:09quelques semaines...
10:10Quand le député est nommé ministre,
10:12c'est le suppléant qui s'y situe.
10:14Il y a un petit délai.
10:16Il y a un petit délai, mais je trouve qu'on gagnerait
10:18collectivement à avoir un petit temps de formation
10:21pour que tout le monde arrive à l'Assemblée.
10:24Vous cherchez les moyens de répondre à l'abstention
10:27qui est de plus en plus forte en France.
10:29Ca doit peut-être passer par l'instauration du vote obligatoire
10:32avec la contrepartie de la reconnaissance du vote blanc.
10:35Vous pensez vraiment qu'obliger les gens à voter,
10:38ça va les forcer à s'intéresser à la politique ?
10:41Vous savez, c'est un... Comment dire ?
10:44C'est une réflexion par défaut.
10:45Si on avait... Les dernières élections
10:47ont montré des très forts taux de participation,
10:50mais avant, c'était pas forcément le cas,
10:52notamment pour les plus jeunes.
10:54S'il y avait une forte participation,
10:56la question ne se poserait pas.
10:58Aujourd'hui, je regrette parfois l'attitude
11:00de citoyens un peu consommateurs des programmes,
11:03un peu en retrait, et si rien ne nous va,
11:05tant pis, je vote pas, ça me concerne pas.
11:08Mais en fait, pour moi, la politique, la France,
11:10c'est notre bien le plus précieux,
11:12c'est ce qui fait qu'on vit en commun,
11:14et c'est notre maison commune.
11:16On ne peut pas s'en désintéresser.
11:18On ne peut pas obliger à voter non plus,
11:20d'où la reconnaissance du vote blanc.
11:22Une des leçons que vous tirez dans votre livre,
11:25c'est qu'une Assemblée sans majorité absolue, ça marche.
11:29Est-ce que vous avez changé d'avis depuis ?
11:31Je crois qu'on n'a pas encore assez de recul sur cette nouvelle
11:34mandature, on a eu que les textes budgétaires.
11:37Le message qui est tel mien, c'est de dire qu'on a trouvé
11:40une nouvelle méthode. Les autres pays européens
11:43sont aussi dans des assemblées plus fracturées,
11:45c'est peut-être une nouvelle manière de faire de la politique.
11:49Je suis députée de la route des Vins d'Alsace,
11:51chacun mettra un peu d'eau dans son vin pour avancer.
11:54On avait amorcé cette méthode entre 2022 et 2024,
11:57que voilà, qu'elle permettait un certain nombre de compromis
12:01et d'avancer.
12:02On termine l'émission par notre petit quiz traditionnel
12:05avec des débuts de phrases que vous allez devoir compléter.
12:08Le secret d'un porte-à-porte réussi, c'est ?
12:11Je pense que c'est d'avoir un sourire au départ
12:13et de se présenter tout simplement.
12:15C'est comme ça que vous avez réussi à ouvrir les portes
12:18dans votre circonscription ? Vous avez fait 400 portes
12:21par jour pendant 40 jours.
12:23Avec l'équipe, pas toute seule, mais avec l'équipe au complet,
12:26c'est 400 portes par jour.
12:28Dans l'hémicycle, comme dans une fanfare, il faut ?
12:31Comme dans une fanfare, ça ramène au bruit.
12:33Je pense pas qu'il faut du bruit.
12:35Comme dans une fanfare, il faudrait aussi...
12:37J'ai joué de la clarinette.
12:39Il faut savoir jouer piano aussi pour pouvoir s'écouter.
12:42Enfin, comme les petits vieux, j'aime bien...
12:45J'aime bien...
12:46Vous êtes jeune,
12:47mais vous avez peut-être un côté un peu vieux.
12:50Je sais pas, j'aime bien les petits plaisirs de la vie,
12:53prendre le temps de faire les choses,
12:55voir la famille se réunir autour d'un bon repas, peut-être.
12:58Merci beaucoup, Louise Morel, d'être venue dans La Politique et moi.
13:02Merci beaucoup.