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00:00Le jour de son investiture comme Président du Conseil Constitutionnel, Robert Ballinter affirmant au Président Mitterrand dans une formule restée célèbre et empruntée au doyen Vedel qu'il avait désormais envers lui un devoir d'ingratitude.
00:15Cette maxime s'adresse bien sûr à l'ensemble des membres du Conseil, envers l'ensemble des autorités qui les ont nommés.
00:24Cette maxime, je la fais mienne, en observant que s'engager à servir la République ne crée aucune obligation de reconnaissance.
00:35L'indépendance et l'impartialité ne se démontrent pas a priori, mais je veux croire que tous ceux qui ont eu à me connaître au cours de mon parcours politique de près de 25 ans savent que je suis un républicain avant tout.
00:51Je veux croire qu'on me reconnaît d'avoir présidé l'Assemblée nationale avec honnêteté, dans le souci constant de respecter l'ensemble des groupes et tous les élus du peuple français.
01:02Immodestement, je garde le souvenir ému de la reconnaissance dans la presse de mon impartialité par les présidents des groupes politiques d'opposition à l'Assemblée nationale.
01:11Au-delà, j'ai toujours été et je reste un homme libre. L'indépendance d'esprit est ma nature et ma culture. Quiconque me connaît le sait.
01:22J'ai finalement accepté la proposition du président de la République, volontaire pour servir la République, la France, ses libertés essentielles, son état de droit.
01:33Cela suppose évidemment de se dépouiller de ses habits militants. J'y suis prêt. C'est à vous, conjointement avec la Commission des lois de l'Assemblée nationale, qu'il revient d'approuver ou non cette proposition.
01:46Pour la deuxième fois seulement, le Parlement doit se prononcer sur la nomination d'un membre que le président de la République envisage de désigner président du Conseil constitutionnel.
01:57C'est là l'une des avancées démocratiques permises par la révision constitutionnelle de 2008. L'autre réforme de 2008, plus fondamentale encore, est l'introduction de la question prioritaire de constitutionnalité.
02:11Elle marque une des évolutions historiques du Conseil constitutionnel, à l'instar de la décision dite « liberté d'association » de 1971 et de la possibilité donnée en 1974 à 60 députés ou sénateurs de déférer une loi.
02:28La QPC a bouleversé l'activité du Conseil constitutionnel en devenant la voie majoritaire de contrôle de conformité des lois à notre Constitution.
02:40A ce jour, ce sont 1 128 décisions QPC, comme on dit, qui ont été rendues, sur un total d'un peu moins de 2000 décisions relatives au contrôle de constitutionnalité, et ceci depuis 1958.
02:55Environ un tiers de ces décisions donnent lieu à une non-conformité partielle ou totale. C'est dire l'importance qu'a pris la place du contrôle a posteriori en 15 ans.
03:06On ne peut, me semble-t-il, que s'en féliciter, que ce soit pour le respect de notre Constitution, pour le renforcement de l'état de droit ou pour les droits des justiciables.
03:16Ainsi, l'institution de la rue Montpensier est devenue une pièce essentielle de notre architecture démocratique.
03:23Si vous le décidez, la rejoindre serait donc un honneur insigne en même temps qu'une charge dont j'ai conscience de la grandeur au sens moral du terme.
03:34Permettez-moi, pour terminer, d'insister sur ce qu'est le Conseil constitutionnel et surtout sur ce qu'il n'est pas.
03:41De gardien du domaine réglementaire, le Conseil est devenu garant des droits et libertés fondamentaux.
03:47A la suite, je l'ai dit, de la décision fondatrice Liberté d'Association qui a fait émerger le bloc de constitutionnalité et les droits qu'il recouvre.
03:57Dans rôle essentiellement institutionnel, il est progressivement devenu juridictionnel.
04:04En outre, il est le juge électoral des élections présidentielles et parlementaires, sans oublier son rôle consultatif en certaines matières ou son contrôle du référendum d'initiatives partagées.
04:17Le plus souvent, son office le conduit à concilier avec sagesse des principes constitutionnels contradictoires, à les mettre en balance, et ce n'est jamais chose aisée.
04:27Cela requiert de la mesure, du dialogue collégial et du travail approfondi.
04:33Certains regrettent parfois que tel ou tel droit ne soit pas davantage protégé au détriment de tel autre.
04:39Ces débats juridiques à portée politique sont tous légitimes, parce que la manière dont le Conseil constitutionnel opère cette conciliation est discutable par construction.
04:51Mais d'autres déplorent parfois la présence de telle ou telle norme dans le bloc de constitutionnalité.
04:58Or, il y a une chose qu'on ne saurait obéir, c'est le constituant et lui seul, c'est-à-dire vous, avec vos collègues parlementaires, qui déterminent les règles et principes consacrés dans la loi des lois.
05:10En faisant le choix précurseur, en 2005, d'adosser à la Constitution la charte de l'environnement, le constituant fait le choix de consacrer des droits en la matière.
05:21Le cas échéant qui appelle des mesures législatives, il en va de même pour la QPC.
05:26Aussi vrai qu'il est loisible aux législateurs de légiférer à nouveau à la suite d'une décision de non-conformité, le Conseil, ainsi qu'il le rappelle systématiquement,
05:38ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement.
05:45La vocation du Conseil constitutionnel est fondamentalement, et à mes yeux, de faire respecter la Constitution.
05:52Il doit toutefois le faire dans la stricte limite des compétences qui lui sont attribuées, conformément à ce que le peuple français a décidé,
05:59par voie référendaire ou à travers vous, ses représentants réunis en congrès.
06:04Il doit donc se garder de statuer au-delà, sauf attendre vers ce que nous ne voulons pas, c'est-à-dire un gouvernement des juges.
06:12Ni constituant, ni législateur, il n'est pas davantage une sorte de troisième chambre où devrait se poursuivre le débat politique.
06:20Au contraire, son rôle est en mon sens d'apaiser, non d'apaiser en cherchant je ne sais quel juste milieu ou des positions de compromis,
06:30non apaiser en observant avec constance et si possible avec une forme de prévisibilité les règles constitutionnelles.
06:38À cet égard, je salue les progrès qui ont été faits en matière de motivation et d'explication de ces décisions.
06:45Il est loin le temps où elle se résumait à quelques paragraphes, parfois si bilins.
06:50Je crois néanmoins possible d'aller un pas plus loin encore que l'on songe par exemple à sa jurisprudence relative aux cavaliers législatifs.
07:00C'est souhaitable parce qu'il est toujours utile de faire partager l'esprit à la lettre de notre Constitution qui demeure,
07:07pour citer le doyen Louis Favoreux, l'idée de réalisation de l'état de droit.
07:12C'est nécessaire parce que la compréhensibilité de sa jurisprudence est la première condition de son acceptation.
07:19Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je mesure pleinement l'ampleur de la mission.
07:24Je sais ce qu'elle suppose, d'oubli des engagements passés, d'abnégation, d'impartialité, en un mot, de sagesse.
07:33Je m'engage, si vous le décidez, à défendre notre Constitution et à servir la République avec rigueur, intégrité et indépendance.
07:43Je suis naturellement, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs les Sénateurs, à votre disposition puisque la décision vous appartient.

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