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Avec Les Oubliés de la Belle Étoile, la réalisatrice Clémence Davigo met en avant les parts sombres de l’histoire des maisons de correction en France. Un documentaire choc qui fait écho à l'affaire Bétharram 

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Transcription
00:00Avec nous Clémence Davigo, vous êtes la réalisatrice des Oubliés de La Belle Etoile.
00:06Bonjour Clémence, c'est un documentaire choc sur les dérives d'un centre de redressement qui s'appelle La Belle Etoile,
00:11qui était tenu par l'abbé Garin à Mercurie-en-Savoie.
00:14C'est là où étaient envoyés des orphelins ou des enfants de la DAS.
00:18Et dans votre documentaire, on découvre Dédé, Michel et Daniel qui y étaient entre les années 50 et 70.
00:24Vous les avez réunis pour le documentaire.
00:26Et ils racontent les sévices qu'ils ont subis. De quels sévices parle-t-on Clémence ?
00:33Oui, alors j'ai essayé de recueillir avec le plus de douceur possible des sévices terribles.
00:39Il est question de sévices corporels, de sévices psychologiques qui pourraient s'apparenter à de la torture, de viol.
00:50Beaucoup de récits très difficiles dont ces hommes qui étaient enfants à l'époque n'ont pas parlé pendant près de 50 ans.
00:58Par peur, par déni, par honte ou parce qu'on ne les croyait pas.
01:04Merci Clémence. Et ils sont bouleversants ces trois hommes dans le documentaire. Je vous propose de regarder les images.
01:11Pourquoi cette brutalité ? Pourquoi on crevait la faim ? Pourquoi s'enverraient des coups à répétition ? Pourquoi ?
01:17Parce qu'on était quand même des démons.
01:19C'était des tortionnaires, c'était pas des chefs ni un curé.
01:23Moi ça me sert un peu le palpitant. On est plus de 50-60 à donner les mêmes témoignages. On les a pas inventés puisque tout concorde.
01:33Nous souhaitons qu'effectivement la vérité soit faite.
01:35J'aimerais bien quand même que ça soit reconnu. Reconnu qu'il y ait une suite et qu'on ait des réponses. Qu'on ait des réponses.
01:45Quand on voit vos témoignages, on se dit que ce que l'on entend là ressemble à ce que l'on entend depuis quelques jours maintenant sur tout ce qui s'est passé à Bétharame.
01:54Ça veut dire que des Bétharame, il y en avait peut-être de partout ?
02:00Oui, je pense qu'il y avait beaucoup de centres similaires.
02:03Alors là, c'est vrai que les récits qu'on entend, ils sont dignes du bagne de Belle-Île.
02:09On pensait que c'était fini ces choses-là.
02:13Et en fait, on se rend compte qu'il y a eu des traitements de la sorte qui ont duré jusque dans les années 70.
02:23Est-ce qu'à la Belle-Étoile, comme on le ressent également à Bétharame, il y avait une forme d'omerta, de silence qui s'était installé,
02:31qui empêchait ces enfants à l'époque de parler ?
02:35Ou s'ils parlaient, ils n'étaient pas cru.
02:40Alors oui, déjà, c'était essentiellement des enfants de la DAS, des enfants placés, des enfants qui venaient de familles carencées.
02:47Donc, ils n'avaient pas leurs parents pour les protéger.
02:49Ça, c'est peut-être une différence avec Bétharame.
02:51Ce n'était pas tout à fait le même public.
02:53Mais c'est vrai que ces enfants-là, ils avaient énormément de mal à parler, à dire les choses.
03:00Et puis, de toute façon, on ne les croyait pas.
03:02On ne les croyait pas à l'époque.
03:05Donc, ça a mis des années avant de ressurgir ces témoignages-là.
03:09Mais c'est vrai que votre film, Clémence, il a libéré la parole.
03:13Il a même provoqué une onde de choc.
03:15Il y a des anciens élèves qui sont venus pour témoigner.
03:17Il y en a qui disent aussi, je savais, mais je n'ai rien dit.
03:23Oui, on assiste à l'intérieur du film à une libération de la parole.
03:29J'ai rencontré, par exemple, Daniel.
03:31La première fois que je l'ai rencontré, il était mutique.
03:33Il ne parlait pas.
03:34Et c'est au fur et à mesure des tournages et de la rencontre et de la confiance qu'on a instauré ensemble,
03:39parce que j'ai mis cinq ans à faire ce film, que la parole s'est peu à peu libérée.
03:43Et elle s'est libérée parce que lui avait entendu un autre dire, j'ai vu faire.
03:48Et là, en projection, le film, parce que le film sort en salle,
03:53on rencontre d'autres anciens pensionnaires de la Belle Étoile qui viennent voir le film,
03:59qui se reconnectent aux autres et qui disent, moi aussi, j'ai vécu ça.
04:03C'est vrai.
04:06Ce qui est intéressant dans votre témoignage également, c'est que vos témoignages arrivent petit à petit
04:11et que peut-être la diffusion de votre film va susciter, évidemment, d'autres témoignages.
04:18C'est peut-être un tabou à la fois à travers Betara, mais grâce à votre film.
04:23C'est peut-être un tabou qui va être levé.
04:26Oui, je pense qu'en effet, il y avait une homme harta à l'époque.
04:32Le poids de l'église, vraiment des difficultés à dire.
04:37Beaucoup de personnes qui ont aussi profité certainement d'une situation.
04:42Des détournements d'argent qui devaient être utilisés pour les enfants,
04:47qui ont plutôt servi à la construction des centres.
04:49Enfin, un ensemble de choses comme ça.
04:52Petit à petit, c'est ça.
04:54Là, la parole se libère.
04:56C'est un peu une onde de choc.
04:59On a énormément de monde qui vient aux projections.
05:02Là, on le projette pour la première fois depuis une semaine dans les lieux où le film a été tourné.
05:09Les langues commencent à se délier.
05:11Il y a des témoignages d'anciens.
05:14Il y a des témoignages de familles qui viennent pour essayer de comprendre leur histoire.
05:19Et puis, il y a les citoyens, les gens du coin,
05:23qui viennent pour essayer de comprendre ce qui s'est passé.
05:26Certains en avaient entendu parler et disent que ce n'était pas possible,
05:29qu'il y avait des pressions, que c'était compliqué d'en parler.
05:32Ils ont essayé d'intervenir.
05:33Et d'autres disent qu'ils ne savaient pas.

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