Amélie Lévêque et Guillaume (nom d'emprunt) font partie des victimes du prédateur sexuel Joël Le Scouarnec. Pendant 30 ans, et malgré de nombreuses alertes, ce chirurgien est accusé d'avoir violé et agressé sexuellement près de 300 patients. Il s'agissait principalement de mineurs et la grande majorité étaient endormis au moment des faits. Alors que son procès s'ouvre lundi 24 février, il encourt 20 ans de réclusion criminelle.
Retrouvez toute l’actualité, les reportages, les enquêtes, les opinions et les débats du « Nouvel Obs » sur notre site : https://www.nouvelobs.com
Retrouvez toute l’actualité, les reportages, les enquêtes, les opinions et les débats du « Nouvel Obs » sur notre site : https://www.nouvelobs.com
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Pour refermer vraiment le chapitre Le Square Neck, il faut que je sois reconnue comme victime.
00:05Il y a beaucoup de colère aussi envers ce chirurgien.
00:22À la fin de l'été, vers le mois de septembre, j'ai lu un article sur un journal de chez moi,
00:28un journal local, où ils expliquaient un début d'affaire Le Square Neck,
00:33comme quoi il y avait eu des agressions et des viols sur des patients à la clinique La Fontaine et à l'hôpital de Loche.
00:41J'ai eu l'annonce par la gendarmerie en Bretagne.
00:49Et en fait, à la lecture du journal, je me suis dit « c'est moi, il m'est arrivé ça, je pense que c'est moi ».
00:58Je suis tout seul avec le gendarme, je n'arrive pas à comprendre.
01:04C'est tellement surréaliste que ça n'existe pas, enfin que ça ne devait pas exister.
01:12À partir de là, ça a été très compliqué pour moi.
01:17Il y a eu le côté « j'ai une réponse à ce qui m'est arrivé, j'ai une réponse à pourquoi je fonctionne comme ça dans ma vie ».
01:25Donc ça a été révélateur de plein de choses sur toute mon enfance et mon adolescence.
01:33Je vais voir un psychologue pour essayer de retrouver un peu les souvenirs.
01:37Tout de suite, c'est l'incompréhension de nouveau.
01:40Pourquoi mon cerveau ne m'a pas donné accès à ces souvenirs ?
01:46Pourquoi je n'ai rien pu faire ?
01:49Il y a eu la dépression qui a commencé, qui a débuté, et ça a été très dur.
01:57Il y a eu des conduites à risque, il y a eu des suicidaires, dont des projets.
02:02J'avais tellement de séquelles de cette opération qui était là,
02:06mais que personne n'expliquait, que personne n'arrivait à expliquer.
02:09Ma famille, mon médecin, moi-même, c'était totalement irrationnel,
02:12cette peur des hôpitaux, cette peur des soins, cette peur des médecins.
02:15Vers 96, je crois, je devais me faire enlever les dents de sagesse.
02:19Et donc là, il y a eu un événement avec un anesthésiste qui essayait de m'endormir.
02:26Et ce médecin n'a pas pu m'endormir.
02:30J'étais en crise, j'étais paralysée, j'étais complètement partie.
02:35Et pour lui, ma vie était en danger.
02:38S'il continuait à me forcer, s'il m'endormait,
02:42il a dit à ma mère, votre fille va se laisser mourir, donc je ne prends pas le risque.
02:47Mais en revanche, il avait fait une lettre en disant qu'il fallait que j'aille voir quelqu'un,
02:51parce qu'il s'était forcément passé quelque chose dans ma vie.
02:56Moi, pour mon travail de deuil, on va dire,
02:59pour refermer vraiment le chapitre Le Square Neck,
03:03il faut que je sois reconnue comme victime.
03:06Parce que sinon, ça va être très difficile pour moi de me reconstruire.
03:09Je suis impatient que ça commence, parce qu'il est temps que la page se tourne.
03:14J'attends la vérité, j'attends qu'on nous explique pourquoi il nous a fait autant de mal,
03:21pourquoi il n'y a pas eu de garde-fous dans tout ça,
03:26et pourquoi les premières personnes qui étaient au courant n'ont rien fait,
03:30ou au moins les sanctions disciplinaires n'ont pas été au-delà de ce qu'elles auraient dû être.
03:38Pourquoi me cacher ? Pourquoi avoir honte ?
03:41Ce n'est pas à moi d'avoir honte, et cette affaire est tellement énorme
03:45que je pense qu'à nous tous, on doit faire changer de camp la honte.
03:51J'espère que les choses vont bouger, il reste encore beaucoup de travail à faire.
03:57On n'est quand même pas dans le meilleur des pays
04:02pour changer les choses sur la pédocriminalité,
04:07car on a un lourd passif.
04:11Mais néanmoins, si on peut au moins éviter quelques actes similaires,
04:16ce sera déjà un bon combat de gagné.
04:19Ce ne sera pas la bataille, mais un combat de fait.