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00:00Merci beaucoup d'être avec nous pour la suite de Culture Média. Dans un instant, nous recevrons la comédienne Chantal Latsou mais on est toujours avec le docteur en neurosciences, Albert Moukeber,
00:10qui dans son nouveau livre, Neuromania, fait tomber de nombreuses idées reçues sur le cerveau.
00:15Et je vous propose justement, Albert, de répondre à quelques-unes de ces idées qu'on peut tous avoir en tête.
00:20On dit par exemple souvent qu'on utilise 10 à 20 % de notre cerveau. Est-ce que c'est vrai ça ?
00:26Pas du tout. On utilise tout notre cerveau. C'est juste qu'on ne l'utilise pas tout en même temps, parce que ce n'est pas très utile.
00:33Mais on utilise tout notre cerveau. Des zones cérébrales qui ne reçoivent pas d'influx nerveux vont être utilisées pour autre chose.
00:38Comme par exemple, imaginez ma main, il y a un réseau neuronal qui s'occupe de ma main, elle est amputée.
00:45Donc la région ne reçoit plus d'informations puisque ma main n'est plus là. Ça va être utilisé pour autre chose.
00:50C'est pour ça que des personnes amputées, parfois si elles se grattent le nez, elles sentent qu'elles sont en train de toucher de la main qui n'est plus là.
00:54Donc on utilise tout le temps tout notre cerveau. Mais peut-être que ça veut dire aussi qu'on utilise une partie des capacités qu'on a,
01:00et qu'on pourrait développer bien davantage notre cerveau. C'est ça aussi le 10 %.
01:04On appelle ça l'apprentissage.
01:06Est-ce que les gauchers ont des capacités différentes des droitiers ?
01:11Ça nous intéresse.
01:13Oui et non, dans le sens où on ne pense pas qu'il y a une sorte de changement fondamental.
01:17Par contre, le fait que la majorité des gens soient droitiers et être gauchers peut apporter un avantage dans certaines situations.
01:23Par exemple, imaginez que je suis un joueur de tennis.
01:25La majorité des autres joueurs sont droitiers, donc je suis habitué à ce que la balle vient d'un certain côté, etc.
01:31Quand je suis gaucher, ou quand je joue contre un gaucher, ça peut me perturber parce que c'est plus rare.
01:37C'est pour ça qu'il y a pas mal de grands joueurs de tennis gauchers.
01:40Est-ce qu'il y a un cerveau gauche plus logique et un cerveau droit plus intuitif ?
01:45Absolument pas. La majorité de nos fonctions sont dans les deux hémisphères.
01:50Ça n'a vraiment pas de sens.
01:52C'est une sorte de découpage récent, je pense qui suit un peu les matières scientifiques, les matières littéraires, etc.
01:58Mais si on remonte ne serait-ce qu'un, deux, trois siècles en arrière, la majorité par exemple des artistes étaient aussi scientifiques.
02:04On peut penser à De Vinci qui pouvait peindre la chapelle Sistine, puis aller à designer un hélicoptère,
02:09faire un peu de botanique au Clos Lucé à côté des châteaux de la Loire et écrire un poème le soir.
02:14Est-ce que c'est vrai que les cerveaux des filles et des garçons fonctionnent de manière différente ?
02:18Alors là aussi c'est un peu compliqué oui et non.
02:21Dans le sens où on ne considère pas que le cerveau est ce qu'on appelle un organe dimorphique,
02:24c'est-à-dire qui change selon le sexe comme les gonades ou les organes reproductifs.
02:29Mais il y a des différences qu'on peut voir, mais on ne sait pas juste combien est-ce qu'elles sont ancrées dans des raisons qui sont biologiques
02:37ou dans des raisons d'environnement parce qu'on ne traite pas de la même manière les garçons et les filles.
02:41Ça ne veut pas dire que les cerveaux sont exactement pareils.
02:43Il y a certaines structures qui sont un peu différentes, mais parfois l'écart intragroupe,
02:47c'est-à-dire l'écart entre cerveaux de différentes femmes peut être plus important que l'écart intergroupe entre le cerveau des hommes et des femmes.
02:53Ça dépend de ce qu'on regarde.
02:54Et alors quand on dit aussi qu'on a un cerveau reptilien par exemple,
02:58on parle aussi d'avoir la base des maths, ceux qui sont très forts.
03:02Tout ça c'est bidon ça aussi ?
03:03La base des maths ça vient d'une sorte de pseudosciences du 18e-19e siècle qu'on appelle la phrénologie
03:08où on essayait de comprendre la personnalité des gens à partir de la forme de leur crâne.
03:12Ça n'a jamais été vraiment pris au sérieux par les communautés scientifiques,
03:16même si c'était très populaire dans la population générale.
03:18Balzac en parle, Arthur Conan Doyle, la Reine d'Angleterre, etc.
03:21Mais ce n'est pas vrai du tout.
03:23On ne peut rien déduire à partir de la forme du crâne.
03:26Et pour le cerveau reptilien, là non plus.
03:30Là on sait ça vient d'où.
03:31C'est un scientifique qui s'appelle McLean qui l'a hypothétisé.
03:35Il s'est juste trompé comme ça peut arriver très souvent.
03:37Et vous nous dites aussi qu'il n'y a pas de zone de la peur par exemple dans le cerveau ?
03:41Là c'est plus de la sursimplification.
03:45Il y a des choses qui sont complètement fausses comme les 10%,
03:47comme le cerveau gauche, le cerveau droit, le cerveau reptilien.
03:49Il y a des choses qui sont plus nuancées,
03:52comme par exemple les zones.
03:53On n'a pas vraiment de zone responsable de fonction,
03:56mais on a des réseaux neuronaux qui sont plutôt explosés dans le cerveau,
03:59dans le sens où ils ne sont pas tous dans une même localisation géographique physiquement,
04:04mais qui sont impliqués dans certaines fonctions.
04:06Mais un même réseau de neurones peut sous-tendre plusieurs fonctions
04:09et une même fonction peut être sous-tendue par différents réseaux neuronaux.
04:12Mais donc les images d'IRM qu'on voit avec certaines parties du cerveau
04:17qui prennent une couleur spécifique quand on les stimule,
04:20tout ça ce sont des images truquées ?
04:22Non ce n'est pas des images truquées.
04:23Déjà les couleurs ce n'est pas l'intensité,
04:25c'est la probabilité que ces régions soient impliquées dans une certaine fonction,
04:28mais ça montre plutôt des parties qui sont impliquées dans une fonction.
04:32Mais on va rarement faire une étude,
04:35et on va dire à partir de cette étude et de ce scan en IRM fonctionnel,
04:38on a trouvé tout le réseau.
04:40C'est-à-dire qu'on va essayer de découper,
04:41on va dire qu'on a trouvé cette partie qui semble être impliquée dans cet âge,
04:45et celle-ci aussi dans une autre étude,
04:47et celle-ci dans une autre étude,
04:48et celle-ci dans une autre étude,
04:50et donc le réseau neuronal qui est probablement impliqué dans cette fonction
04:55semble être entre ces 4, 5, 6, 7, 8, 9...
04:58En fait il faut se méfier de ce que vous dites, la sur-simplification,
05:01c'est-à-dire qu'on prend un petit exemple, un petit truc et on l'extrapole.
05:06On le retrouve aussi avec la dopamine dont on parlait tout à l'heure,
05:08c'est-à-dire qu'on prend un petit truc et on en fait ce qu'on appelle l'erreur de la cause unique,
05:12que c'est ça qui fait si, alors que c'est beaucoup plus complexe que ça.
05:15Et alors on parle maintenant aussi du QI,
05:18parce qu'on a tous fait des petits tests de QI...
05:20Pour savoir si on était des génies !
05:21Plus ou moins...
05:22Est-ce qu'une personne qui a 150 à un test de QI
05:26est vraiment plus intelligente qu'une personne qui a 100 au même test ?
05:29Alors ça dépend de comment on définit l'intelligence,
05:32mais ce qui est sûr, c'est qu'une personne qui a 150 sur un test de QI
05:35a des choses qui sont meilleures dans les fonctions qu'on teste pour le QI.
05:39Le problème quand on parle du QI, c'est qu'on n'explique pas souvent
05:41qu'est-ce qu'il y a dans le test du QI.
05:43Mais dans le test du QI, on va évaluer des choses aussi diverses et variées
05:46que la mémoire à court terme,
05:48donc je vais vous dire des chiffres, il faut que vous répétiez derrière moi,
05:50et je vais voir combien de chiffres vous pouvez retenir,
05:52que des mini-cubes de puzzle de logique,
05:55je vais vous montrer un pattern, il faut le reproduire avec des petits cubes,
05:59que de la compréhension verbale,
06:01vous posez des questions sur la définition de certains mots,
06:04comment est-ce que vous définirez argile,
06:06et donc une personne qui a un meilleur score,
06:09a certaines compétences qui sont meilleures.
06:11Après pour aller dire que c'est l'intelligence,
06:13il faut déjà définir l'intelligence,
06:15mais nos études montrent que quelqu'un qui a 150 de QI
06:18a certaines prédispositions intellectuelles
06:20qui vont être supérieures à quelqu'un qui en a 100.
06:23Et alors est-ce qu'à l'avenir,
06:25demain on pourra avoir des puces dans le cerveau
06:28qui augmenteront les capacités de nos cerveaux
06:31comme nous le promet par exemple Elon Musk
06:33et sa société Neuralink,
06:35est-ce que c'est quelque chose qui vous semble possible ?
06:37Alors là aussi il faut séparer deux choses,
06:40c'est-à-dire des puces pour aider par exemple
06:42certaines personnes handicapées à pouvoir avoir
06:44ce qu'on appelle des interfaces homme-machine,
06:46pouvoir contrôler un ordinateur avec le cerveau, etc.
06:50Ça c'est entièrement possible,
06:52on sait relativement le faire,
06:54c'est juste le produire massivement
06:57qui est un peu plus compliqué.
06:59Par contre, prendre une personne saine,
07:01comme on dit,
07:02et mettre des puces pour augmenter les capacités cérébrales,
07:05pour le moment c'est de la science-fiction,
07:07il n'y a aucune raison de croire que ça pourrait arriver.
07:10En tout cas, au cours de ma vie,
07:12je ne pense pas que je verrai ça,
07:14sauf s'il y a vraiment une découverte majeure.
07:16Mais pour l'instant c'est impossible.
07:18Pour l'instant, on ne sait pas encore comment ça marche,
07:20donc pouvoir augmenter ma capacité de stockage de mémoire,
07:23rien que cette phrase, elle n'a aucun sens
07:25quand on comprend comment ça fonctionne la mémoire.
07:27Oui, parce qu'on n'est pas des unités centrales.
07:29Exactement, on n'est pas du tout comme un ordinateur,
07:31on n'a pas un disque dur où je peux mettre plus de mémoire vive,
07:34ou remplacer mon disque dur,
07:36ou télécharger mes souvenirs, ou les uploader dans un cloud.
07:38Tout ça c'est de la science-fiction.
07:40Par contre, aider des personnes à contrôler un fauteuil roulant,
07:43même si ce n'est pas très pratique pour le moment,
07:46ou à pouvoir naviguer son ordinateur,
07:48un peu comme on le fait aujourd'hui avec le eye tracker,
07:50avec les yeux, mais plus au niveau cérébral.
07:53On le fait déjà par exemple avec un implant auditif,
07:56où on implante et on plug un peu directement dans le cerveau.
08:00Ça oui, mais tout ce qui est un peu plus science-fiction,
08:04ne plus rien oublier, pouvoir décupler mon intelligence,
08:07des choses comme ça, ce n'est pas pour tout de suite.
08:09Attention aux fausses promesses.
08:11Merci beaucoup Albert Mukébert, docteur en neurosciences,
08:13psychologue, clinicien, et je renvoie vers votre livre
08:16Neuromania, le vrai du faux sur votre cerveau,
08:19c'est absolument passionnant.
08:21Merci d'être venu ce matin.

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