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Le goulag est un fait majeur de l'histoire de l'Union soviétique et du 20e siècle.
L'histoire du Goulag est longue, complexe, « hors-norme » par de nombreux aspects et largement méconnue. Elle commence avec la révolution de 1917 et s'arrête officiellement après la mort de Staline. L'archipel du Goulag ainsi que l'a dénommé l'écrivain Alexandre Soljenitsyne s'étendait sur des milliers de kilomètres de la Mer Blanche à la Mer noire, de Moscou à Vladivostok, du cercle arctique, à l'Asie centrale.
Comment pendant des décennies, le Goulag a pu être, pour l'Union soviétique un outil radical de purge sociale et politique ; une vitrine idéalisée et mensongère de la rééducation des détenus ; une machine économique productiviste impitoyable pour exploiter le bois, le charbon, extraire l'or, un moyen expéditif pour coloniser des zones désertiques immenses aux conditions climatiques extrêmes ; un organe de répression, de terreur et d'asservissement criminel.

Comment l'Union Soviétique a-t-elle créé à travers le Goulag, un empire à l'intérieur d'un Empire Comment le Goulag fut-il, à l'image de l'Union Soviétique, gigantesque, puissant, productif mais aussi inefficace, désorganisé, arbitraire et meurtrier ?
Comment, enfin, l'URSS a-t-elle su, durant de longues décennies, travestir ou dissimuler la réalité du Goulag auprès d'un Occident incrédule fasciné par le mythe révolutionnaire ?

Pour la première fois une série documentaire constituée d'archives exceptionnelles et de témoignages inédits nous plonge au coeur d'une tragédie, d'une idéologie et d'un système qui aura marqué à tout jamais l'histoire du 20e siècle.

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Transcription
00:00Je ne peux pas m'empêcher de me joindre auprès de lui.
00:07Lui, c'est ce Greisenstein qui vit en même temps.
00:12Si je veux l'épouse, je dois respecter sa décision.
00:16Je ne peux pas m'empêcher de m'empêcher de voir la vie d'un homme d'une autre.
00:23Je ne peux pas m'empêcher de quelque chose.
00:28En 1918, les camps soviétiques deviennent, au début des années 30, un système concentrationnaire centralisé et organisé.
00:40Le goulag, véritable industrie pénitentiaire, est un rouage essentiel de l'économie soviétique.
00:48La grande terreur se traduit à la veille de la guerre par un influx sans précédent de détenus dans les camps.
00:58Le goulag formait un pays à l'intérieur du pays, un continent perdu, une civilisation séparée, difficile à pénétrer, aujourd'hui encore méconnue et incompris.
01:29Le goulag
01:51A Moscou, ce 9 mai 1945 est inoubliable.
01:55Deux à trois millions de personnes envahissent la place rouge, les quais de la Moscova.
02:01C'est un spectacle inouï, jamais vu encore dans la capitale de l'URSS.
02:08On danse, on chante dans les rues, on embrasse chaque soldat, chaque officier.
02:12En ce jour mémorable, l'écrivain Ilya Erenburg note dans son journal « Le passé ne peut se répéter, ne peut revenir. Le peuple a trop souffert. Quelque chose doit se passer. »
02:31Les soviétiques aspirent à vivre mieux, à voir enfin leur sacrifice récompensé.
02:54L'URSS est au fait de sa puissance. L'armée rouge occupe la moitié de l'Europe.
03:01Le goulag est une des grandes forces au sein de l'armée.
03:06L'armée rouge a été l'un des plus nombreux à défendre la guerre.
03:10Elle a été la première d'envoyer des soldats aux Etats-Unis.
03:14Elle est la seule en Europe à avoir été en question.
03:18La guerre a été une des priorités de l'Union Européenne.
03:22Elle a été une des premières à être en pointe de sa reprise.
03:25Les détenus du goulag nourrissent, eux aussi, de grandes espérances.
03:30Lasse, la paix revenue n'entraîne pas de pause dans la répression.
03:36Au contraire, jamais la population des camps n'a été aussi nombreuse que dans les années d'après-guerre.
03:44Un nouveau flux de prisonniers irrigue le goulag.
03:56Les Alliés se sont engagés à livrer à l'URSS tous les ressortissants soviétiques,
04:02civils et militaires, présents sur leur territoire ou le territoire d'occupation qu'ils contrôlent.
04:08En neuf mois, de mai 1945 à février 1946,
04:144 200 000 soviétiques, dont 1 600 000 ex-prisonniers de guerre et 2 600 000 civils
04:21ayant été emmenés de force en Allemagne, sont rapatriés.
04:27Ils passent par des camps de filtration et de contrôle,
04:32où ils sont soumis à un interrogatoire poussé de la part d'agents du NKVD.
04:38360 000 rapatriés sont, à l'issue de leur filtration, condamnés à une peine de camp ou de relégation.
04:52Victimes d'une véritable phobie de la contamination étrangère,
04:56les soviétiques déplacés ou prisonniers qui ont été à l'ouest pendant la guerre
05:01forment donc le premier contingent des entrants au goulag.
05:14Un second groupe est constitué d'habitants des régions occidentales de l'URSS,
05:19Pays Baltes, Biélorussie, Ukraine occidentale et Moldavie,
05:24soumises, à partir de l'été 1944, à une brutale soviétisation.
05:33Des centaines de milliers de personnes sont envoyées au goulag.
05:37Le goulag est un lieu de réfuge pour les enfants méritants de la nomenclatura.
05:47À Moscou, on construit une nouvelle université
05:50où se pressent les enfants méritants de la nomenclatura.
05:55Pourtant, de nombreux étudiants forment la troisième catégorie de nouveaux entrants au goulag dans les années d'après-guerre.
06:03Soupçonnés d'être de dangereux contre-révolutionnaires,
06:07des milliers d'intellectuels sont arrêtés par la police politique
06:11et condamnés jusqu'à 25 ans de travaux forcés.
06:16Souvent, une simple anecdote sur Staline, racontée dans un cercle d'amis
06:21et rapportée par l'un des innombrables mouchards de la police politique,
06:25peut valoir à son auteur une lourde peine de camp.
06:33Une voiture s'approche de moi alors que j'étais en train de sortir de cours.
06:40Fidel Gholst ? Oui, c'est bien moi. Suivez-nous.
06:48Yuri Fidel Gholst est arrêté en 1948 alors qu'il était étudiant au Beaux-Arts
06:54sous le prétexte d'avoir organisé un groupe de jeunes anti-soviétiques.
07:00Et sans réfléchir trop longtemps,
07:06ils m'ont installé dans un véhicule militaire
07:12et m'ont conduit à la prison, au Butyrka.
07:21Les deux gardes qui me conduisaient discutaient entre eux.
07:25L'un disait à l'autre, qui est-ce qu'on conduit ?
07:31Un espion sûrement, ou un anti-soviétique.
07:35Tu penses qu'il fera long feu ?
07:38Non, avec eux on ne prend pas de gants, on les bute.
07:45Le 2 février, tôt le matin,
07:52un homme un peu minable, en civil, est venu frapper à notre porte.
07:59David Budioni, membre d'un groupe clandestin communiste anti-stalinien,
08:04est arrêté à 20 ans et condamné à 5 ans de camp.
08:09Il s'est approché de moi, s'est penché et m'a chuchoté à l'oreille,
08:13« David Alexandrovitch, préparez vos affaires, nous devons y aller ».
08:18Je n'avais pas compris sur le moment.
08:21Maman, elle, avait saisi la situation.
08:24« Où ça ? Où l'emmenez-vous ? »
08:26Il avait dit, « Ne vous inquiétez pas Nadezhda Mikhailovna,
08:30dans 20-30 minutes il sera de retour, qu'ils prennent seulement son passeport. »
08:37Un autre jour, le Major Maximoff est venu me voir.
08:41Il m'a dit, « Ecoute, tu n'es qu'un pouls sur le corps de notre nation, un parasite.
08:48Nous t'isolons de la colère du peuple.
08:52Si je te relâchais maintenant, les gens te mettraient en pièce comme l'ennemi du peuple que tu es.
08:58Il ne resterait pour rien de toi.
09:01Tu peux nous dire merci de te protéger.
09:05Nous te protégeons de la colère du peuple. »
09:11Les premières semaines, ça a été des interrogatoires sans arrêt la nuit.
09:16Précisément la nuit.
09:18Eux, ils n'avaient qu'une idée en tête.
09:21Nous coller le bon article du code pénal.
09:24Le nôtre, les 58 alignés à 10 ou 11, c'était « propagande antisoviétique ».
09:30Toute forme de critique était prise pour de la propagande.
09:34Dire qu'on était trop pauvres,
09:36qu'au kolkhoz les paysans ne recevaient rien pour leur travail,
09:40que la presse n'était pas objective.
09:43Tout ça, c'était de la propagande antisoviétique.
09:53Alexandre Solzhenitsyn est officier artilleur dans l'armée rouge,
09:57communiste fervent.
09:59Dans une lettre à un ami, il met en doute le génie militaire de Staline.
10:04Il lui reproche, entre autres, d'avoir décapité l'armée rouge
10:08lors des grandes purges d'avant-guerre.
10:14Solzhenitsyn est arrêté en 1945
10:17et condamné en application du fameux article 58 à 8 ans de camp.
10:35Mais la grande majorité des entrants au goulag dans les années d'après-guerre
10:40est le citoyen ordinaire arrêté sous des prétextes mineurs par le NKVD,
10:44rebaptisé MVD en 1946.
10:51Les plus petits chapardages à l'usine, dans les camps du kolkhoz,
10:55dans les magasins, même commis pour la première fois,
10:58dans un contexte de disette, voire de famine,
11:01même par des mineurs, sont impitoyablement punis
11:05par une loi du 4 juin 1947.
11:11À partir de cette date, les condamnations à de longues peines infligées
11:15pour des délits de vol explosent.
11:19En 6 ans, plus d'un million et demi de soviétiques sont condamnés
11:23et envoyés au goulag.
11:26Parmi ces personnes enfermées pour des larcins,
11:29figurent de très nombreuses femmes, veuves de guerre,
11:32mères de familles avec des enfants en bas âge.
11:46Dans les camps, les femmes représentent un quart des détenus.
11:56Les femmes zèques ne bénéficient d'aucun traitement de faveur.
12:00Mêmes interrogatoires,
12:02mêmes trajets exténuants,
12:04mêmes travaux éreintants.
12:08Sur les grands chantiers du goulag,
12:10les femmes assurent les mêmes tâches pénibles que les hommes.
12:18J'ai été envoyée pour travailler sous la terre.
12:21C'était un travail nouveau pour moi.
12:23Je devais charger les wagonnets.
12:25Il n'y avait pas de chevaux dans les mines,
12:27enfin, dans les années dont je parle.
12:29C'est plus tard que les chevaux ont fait leur apparition.
12:32Et donc, c'était les bagnardes qui, à la place des chevaux,
12:35poussaient les wagonnets.
12:37Je faisais partie de ces bagnardes.
12:44Notre tâche était de creuser
12:46et de transporter la terre dans des brouettes.
12:49On transportait la terre jusqu'à une sorte de digue
12:52qu'ils construisaient.
12:56Ensuite, sur le chemin du retour,
12:58il y avait des planches.
13:00Et nous devions pousser nos brouettes sur ce chemin.
13:07Nous travaillions à l'abattage des arbres.
13:10La norme de travail était très élevée.
13:13Tous les jours, il fallait abattre six grands pins.
13:20Il fallait les faire tomber.
13:24Puis débiter le tronc en trois morceaux
13:27de six mètres de long.
13:29Le faire six fois.
13:31C'était ça, la norme.
13:36En avril, on nous a finalement envoyés abattre des arbres.
13:41La neige nous arrivait à la taille.
13:45Et durant cinq kilomètres environ,
13:47on a été conduits dans le noir vers notre lieu de travail.
13:54Nous construisions une ligne de chemin de fer
13:57qui était de plus en plus loin du camp.
13:59Et donc, nous marchions de plus en plus loin chaque jour
14:02jusqu'à notre lieu de travail.
14:06Nous marchions dix kilomètres à l'allée.
14:08Nous travaillions dix heures en extérieur
14:12à la construction de la ligne de chemin de fer.
14:15Et au retour, nous marchions encore dix kilomètres.
14:21Nous tombions morts de fatigue sur nos chalices
14:24sans même nous déshabiller.
14:30On avait l'impression qu'on s'était à peine endormis,
14:33qu'il fallait déjà se lever et partir au travail.
14:35Encore et encore.
14:39Nous travaillions au creusement de fondations.
14:42Nous devions, à l'aide d'un pic,
14:44casser la couche gelée,
14:46mettre la terre dans une caisse en bois,
14:48la porter sur 300 mètres,
14:50la disposer et damer le sol.
14:54Si la terre était gelée, on devait la rapporter.
14:57Comme disait notre chef,
14:59je n'ai que faire de votre travail ce qui m'intéresse,
15:02c'est vos souffrances.
15:05Les femmes détenues sont considérées,
15:07dès leur arrivée au camp,
15:09comme des objets sexuels.
15:17Efrosinya Kersnovskaya,
15:19qui a accompli un long parcours carcéral,
15:22a dessiné après sa libération
15:24une chronique illustrée de son périple.
15:29Dans cette BD au goulag,
15:31elle montre les sévices subis par les femmes.
15:34Celles-ci doivent déjouer
15:36les agressions des gardes, des truands.
15:39Les humiliations et les violences sont continuelles.
15:42Les viols collectifs, monnaie courante.
15:45Être belle au goulag est une malédiction.
15:53La question des relations entre les hommes et les femmes
15:56était épineuse.
15:58Les jeunes filles se trouvaient
16:00aussitôt dans des situations
16:02où on leur faisait des demandes
16:04très particulières.
16:06L'encadrement les leur imposait.
16:08Et si elles refusaient,
16:10elles étaient bonnes pour la mine.
16:14Un gardien de camp,
16:16Danzig Baldayev,
16:18membre pendant quatre décennies
16:20de l'administration pénitentiaire,
16:22a restitué par des détenus
16:24des hommes et des femmes
16:26à restitué par des dessins dérangeants
16:29des scènes de la violence quotidienne
16:31que les femmes endurent.
16:36Dans un univers où les barrières morales
16:38se sont effondrées,
16:40cédées à la violence, à la prostitution,
16:42à des unions forcées devient pour bien
16:44des femmes détenues au goulag
16:46une condition de survie dans une existence
16:48qui a perdu tout sens.
16:56Les relations sexuelles entre détenus,
16:58hommes et femmes sont interdites
17:00et punies de jours de cachot.
17:02Mais dans ce monde sans espoir,
17:04les aigles bravent l'interdiction
17:06dans un sursaut d'énergie vitale,
17:08dans un défi à la mort qui rôde.
17:12Les étreintes ont lieu n'importe où,
17:14dans la neige, par moins quarante,
17:16dans les barraquements,
17:18devant tout le monde.
17:23Le camp use les organismes
17:25et la résistance des corps.
17:27Les femmes au goulag
17:29perdent leur santé,
17:31leur jeunesse.
17:37Ce groupe de femmes
17:39qui portaient ces vêtements horribles,
17:41pas à leur taille,
17:43semblait dépourvu de toute humanité.
17:49On aurait pu penser
17:51à avoir des ours devant les yeux,
17:53tout, mais pas des êtres humains.
17:59Je criais,
18:01« Le miroir, le miroir ! »
18:03Nous avons toutes couru.
18:05Nous avions passé quatre années
18:07sans voir nos visages.
18:09Nous courions, dévêtues,
18:11toutes nues, vers ce miroir.
18:13Nous étions nombreuses,
18:15je n'arrivais pas à me trouver.
18:17J'avais le souvenir de moi en jeune fille.
18:19Et soudain,
18:21j'ai vu le regard de ma maman
18:23et une chevelure grise.
18:29J'ai compris que c'était moi.
18:39En 1952,
18:41on compte plus de 500 000 femmes
18:43détenues dans les camps
18:45et quelques 35 000 enfants
18:47gardés dans les maisons du nouveau-né.
18:53Ce sont les enfants,
18:55selon la terminologie stalinienne,
18:57des traîtres à la patrie,
18:59exécutés pendant la Grande Terreur,
19:01ou des enfants de détenus
19:03nés en camp.
19:09Les naissances au camp,
19:11c'était un grand malheur.
19:13C'était une véritable catastrophe.
19:17On levait les enfants aux mères
19:19à partir de 2 ans.
19:23Mais souvent,
19:25on retirait les enfants
19:27dès leur naissance.
19:29Et alors la mère,
19:31tant qu'elle était au camp,
19:33ne savait pas où était son enfant.
19:35Il ne disait pas
19:37s'il était encore en vie ou pas.
19:41Je suis née dans le camp,
19:43je suis une enfant du camp.
19:47Ma mère a été condamnée
19:49au titre de l'article 58
19:51en 1938,
19:5310 ans de peine.
19:57Je suis née en 1941.
19:59Plus tard, je lui demandais sans cesse
20:01pourquoi tu m'as gardée,
20:03tu devais avoir tes raisons.
20:07Elle me disait que ce n'était pas de ma faute,
20:09que j'étais une enfant de l'amour.
20:11On nous avait envoyé
20:13un vieux détenu,
20:15un vieux menuisier
20:17pour réparer la palissade.
20:19Le voici qui travaille.
20:21L'enfant le regarde longtemps
20:23et lui dit
20:25« Grand-père, fabrique-moi
20:27une voiture en bois ».
20:31Le vieux se retourne
20:33et lui crie « Laisse-moi,
20:35je suis trop occupée ».
20:37Alors ce petit garçon lui répond
20:39« Grand-père,
20:41je suis un zèque ».
20:43Et le vieil homme
20:45a fondu en larmes.
20:51Les maisons de l'enfant au Goulag
20:53sont de véritables mouroirs.
20:57En 1947,
20:59plus de 6 000 enfants de moins de 3 ans
21:01sur 15 000 y sont décédés.
21:09Entre les enfants en bas âge,
21:11des dizaines de milliers de jeunes
21:13de moins de 16 ans sont détenus au Goulag
21:15à la fin des années 40.
21:17En avril 1945,
21:19le film « Ninochka »,
21:21tourné juste avant la guerre
21:23par Ernst Lubitsch,
21:25sort en France.
21:27Cette lueur est
21:29un des plus beaux films
21:31de l'époque.
21:33C'est l'un des meilleurs
21:35films de l'époque.
21:37C'est le premier film
21:39de l'époque.
21:41C'est l'un des meilleurs
21:43films de l'époque.
21:45Cette lucide et féroce
21:47comédie antistalinienne
21:49écrite par Billy Wilder
21:51dénonce pour la première fois au cinéma
21:53la répression en URSS.
22:15En 1947,
22:17la publication en français
22:19de « J'ai choisi la liberté »,
22:21livre de Viktor Kravchenko,
22:23un transfuge soviétique
22:25qui a fui aux Etats-Unis,
22:27donne lieu à une polémique
22:29retentissante.
22:31Kravchenko y dénonce
22:33la collectivisation forcée
22:35et le système des camps.
22:37Le livre rencontre
22:39un immense nombre
22:41d'influences.
22:43Le livre rencontre
22:45un immense succès international.
22:47Traduit en 22 langues,
22:49il se vend en France
22:51à des centaines de milliers
22:53d'exemplaires.
22:59L'hebdomadaire communiste
23:01« Les lettres françaises »
23:03accuse Kravchenko d'être un agent
23:05des services secrets américains.
23:07Kravchenko porte plainte
23:09contre « Les lettres françaises »
23:11pour leur diffamation.
23:41Le procès débute le 24 janvier 1949
23:43devant le tribunal correctionnel
23:45de la Seine
23:47et dure deux mois.
23:49Pour la première fois,
23:51le goulag
23:53descend dans le prétoire.
23:55Une centaine de témoins
23:57se relaient à la barre.
23:59Le gouvernement soviétique
24:01a envoyé, afin qu'il y ait
24:03une réconciliation,
24:05une réconciliation
24:07entre le gouvernement
24:09soviétique et Kravchenko
24:11ainsi que son ex-épouse.
24:13De nombreuses personnalités
24:15politiques et intellectuelles
24:17de gauche
24:19défilent à la barre.
24:21Frédéric Joliot-Curie,
24:23communiste,
24:25prix Nobel de physique,
24:27Elsa Triolet, écrivaine d'origine russe
24:29et femme d'Aragon,
24:31défendent l'honneur de l'URSS.
24:35Kravchenko contre-attaque
24:37avec vigueur,
24:39réfute, argumente.
24:43Les avocats de Kravchenko
24:45font venir à la barre
24:47Margaret Buber-Neumann,
24:49la veuve du leader communiste allemand
24:51Heinz Neumann, fusillée en 1937
24:53par le NKVD.
24:55Elle-même a été déportée
24:57dans un camp du goulag,
24:59puis livrée par le NKVD à la Gestapo
25:01après la signature du pacte
25:03germano-soviétique
25:05et envoyée dans le camp de concentration
25:07de Ravensbruck.
25:11Son témoignage irréfutable
25:13pèse lourd à l'audience.
25:19Le procès est remporté par Kravchenko.
25:23Les lettres françaises sont condamnées
25:25pour diffamation.
25:27Le tribunal a constaté,
25:29dans l'attendue du jugement,
25:31que les camps soviétiques existent
25:33et que le système
25:35concentrationnaire soviétique
25:37est une pièce essentielle de l'économie de l'URSS.
25:49Mais l'opinion publique française
25:51a-t-elle été convaincue ?
25:53Rien n'est moins sûr.
25:55En pleine guerre froide,
25:57à l'heure où plus d'un quart des électeurs français
25:59votent pour les communistes
26:01et les plus sympathisants se pressent
26:03à la fête de l'humanité.
26:13Le prestige de l'URSS,
26:15de l'armée rouge et de Staline
26:17qui ont débarrassé le monde de l'hydre d'Asie
26:19empêche toujours l'opinion occidentale
26:21de prendre la mesure de l'étendue du goulag.
26:25Néanmoins,
26:27grâce à ce procès très suivi,
26:29l'épée voile du mensonge
26:31commence à se lever.
26:41Au moment où en Occident,
26:43les communistes et leurs alliés nient l'existence
26:45des camps soviétiques,
26:47le goulag est à son apogée.
26:49Jamais il n'y avait eu autant
26:51de détenus dans les camps de travail.
26:532 750 000
26:55auxquels il faut ajouter
26:57environ 800 000 déportés
26:59dans les villages spéciaux de peuplement,
27:01dont le sort est à peine plus enviable
27:03qu'au goulag.
27:09Les plus grosses concentrations de camps
27:11se situent, comme dans les années 1930,
27:13dans l'immense région de la Colima,
27:15où plus de 200 000 détenus
27:17peinent dans les mines d'or,
27:19mais aussi des tins, de cobalt,
27:21de tungstène et d'uranium,
27:23quatre minerais indispensables
27:25pour le développement d'une industrie d'armement
27:27en pleine expansion.
27:31La région de Norilsk,
27:33au-delà du cercle polaire,
27:35au nord de la Sibérie,
27:37regroupe près de 80 000 détenus
27:39affectés principalement
27:41à l'exploitation du nickel,
27:43minerai hautement stratégique.
27:49Parmi les autres régions
27:51de forte concentration de camps
27:53se trouve toujours la région de Vorkuta-Pechora,
27:55qui compte environ 200 000 détenus
27:57travaillant essentiellement
27:59dans les mines de charbon
28:01et les chantiers de construction de voies ferrées.
28:07Le Kazakhstan concentre plus de 100 000 détenus
28:09dans les camps du Karlag,
28:11situés non loin de Karaganda.
28:15Une centaine de milliers de détenus
28:17travaillent dans le bassin houillé du Kuzbass,
28:19en Sibérie centrale.
28:23Et un nombre équivalent
28:25dans la région de Krasnoyarsk.
28:29Une centaine de milliers de détenus
28:31travaillent dans les camps de Loserlag
28:33et de Lamourlag.
28:47Parmi les nouveaux chantiers emblématiques
28:49lancés après-guerre
28:51par les prisonniers du Gulag
28:53figure le projet insensé
28:55décidé par Staline
28:57d'une voie ferrée censée relier
28:59bien au-delà du cercle polaire
29:01l'Oral au fleuve Yenisei.
29:13Lancé en 1947,
29:15ce projet mobilise six ans durant
29:17près de 100 000 détenus.
29:21La voie ferrée doit traverser
29:23sur des milliers de kilomètres
29:25des étendues marécageuses
29:27et vides d'habitants,
29:29où la température s'abaisse
29:31à moins 50 degrés en hiver.
29:37Chaque printemps,
29:39le dégel et les inondations
29:41provoquées par les crues
29:43des grands fleuves sibériens
29:45détruisent les remblées.
29:51En 1953, l'ensemble du projet
29:53est abandonné.
29:55Cette ébauche de ligne ferroviaire
29:57entre dans l'histoire
29:59sous le nom de voie morte.
30:07La voie morte est le symbole
30:09le plus frappant de la faillite totale
30:11du modèle de développement
30:13fondé sur le travail forcé.
30:21Les camps du Goulag sont construits
30:23par les Ecs eux-mêmes,
30:25comme les nouvelles routes qui y mènent
30:27et certaines villes qui les entourent.
30:31Le temps de la construction,
30:33les Ecs dorment dans des tentes,
30:35voire dans des tanières de loups,
30:37des grands trous dans la neige.
30:45Dans les camps,
30:47les baraques sont spartiates,
30:49et souvent surpeuplées.
30:51Les Ecs dorment les uns à côté des autres
30:53en une longue rangée.
30:55Les chalits sont
30:57sur deux ou trois niveaux.
30:59Souvent,
31:01les Ecs dorment à même la planche,
31:03sans la moindre paillasse.
31:07Alexei Priyadilov
31:09a été condamné
31:11à sept ans de camp
31:13pour l'édition d'un journal clandestin.
31:15Il y avait
31:17trois grands hangars,
31:19et dans chacun,
31:21500 personnes environ.
31:23Trois niveaux de chalits,
31:25sans matelas.
31:27Nous dormions serrés
31:29les uns contre les autres
31:31sur ces chalits.
31:33L'odeur pestilentielle
31:35dans les dortoirs renfermés
31:37rend l'air irrespirable.
31:39Le froid transperce
31:41les os jour et nuit,
31:43et les membres
31:45classent la peau.
31:49Abandonnés et affamés,
31:51nous étions allongés
31:53sur ces chalits froids
31:55qui étaient recouverts de givre.
31:57Un jour, mes cheveux
31:59sont restés collés au mur
32:01par le gel.
32:03Et lorsque j'ai voulu me lever,
32:05c'était absolument impossible,
32:09parce que d'étouffes entières
32:11sont restées collées au mur.
32:17Les baraques sont alignées
32:19dans la zone.
32:21La zone est l'espace délimité
32:23par les poteaux en bois,
32:25les barbelés et les miradors.
32:27Cinq mètres au-delà,
32:29c'est la zone interdite,
32:31à ne pas franchir sous peine
32:33d'exécution immédiate.
32:35Les rues du camp
32:37sont faites de planches surélevées
32:39pour éviter de marcher dans la boue
32:41au printemps et à l'automne.
32:43Au centre du camp,
32:45près du portail,
32:47se trouve généralement
32:49une grande place d'appel
32:51à découvert,
32:53où l'on compte les prisonniers
32:55deux fois par jour.
32:59Épuisement,
33:01froid, faim, violence,
33:03vols, raquettes, délations,
33:05déshumanisations, humiliations.
33:09Les conditions de vie quotidiennes
33:11du zèque au goulag
33:13forment une litanie de plaies
33:15et de souffrances.
33:19La nourriture,
33:21l'obsession de tous les zèques,
33:23le ravitaillement soumis
33:25à tous les aléas possibles
33:27arrivent de manière irrégulière.
33:29Quand enfin le camp est ravitaillé,
33:31les vivres sont souvent pillés.
33:33Chefs, gardes,
33:35truands et planqués
33:37se servent d'abord.
33:39Le vol et la corruption sont généralisés.
33:45Que reste-t-il pour les zèques ?
33:47Une soupe infâme,
33:49la balanda,
33:51ou flottent quelques déchets.
33:59On nous servait une lavasse sale et puante
34:01dans laquelle flottaient
34:03des arêtes de harengs.
34:07De toute évidence,
34:09quelqu'un avait déjà mangé la chair du hareng.
34:11Et nous, il nous restait les arêtes.
34:13Parfois, des troyons de choux
34:15nageaient dans ce liquide.
34:17On nous donnait une portion de pain,
34:19une ration de pain de 800 grammes,
34:21mais dans ce pain, il y avait de la paille,
34:23des épluchures de pommes de terre
34:25et je ne sais quoi encore.
34:29C'est ce qu'il nous restait.
34:35Vladimir Kantovski
34:37est condamné à 10 ans de camp
34:39pour avoir pris la défense
34:41d'un de ses professeurs arrêtés.
34:45Ce que le camp m'a appris en premier,
34:47et c'est un enseignement essentiel,
34:49c'est que tous les moyens sont bons
34:51pour obtenir à manger.
34:53N'hésite pas à dire adieu
34:55à toutes tes frusques rapportées de Moscou
34:57et à ton requignon de pain.
35:01Nous vivions une existence
35:03comme, je ne sais pas,
35:05des bêtes sauvages,
35:07des insectes.
35:09Toutes nos pensées,
35:11tous nos rêves se dirigeaient
35:13vers l'horizon le plus proche.
35:15On pensait à manger,
35:17à recevoir une portion
35:19avec un supplément
35:21ou avec plus de croûte.
35:23Nous regardions avec nos yeux
35:25et on se mettait aussitôt
35:27à estimer quelle part allait nous revenir
35:29selon le côté par lequel
35:31il commençait sa distribution.
35:37Dans le camp,
35:39où règne la violence extrême,
35:41toutes les règles morales sont balayées,
35:43retournées face à la loi du plus fort.
35:47Le mal absolu brime.
35:51Le gardien te donne des coups
35:53et toi, ça ne te fait même pas mal.
35:55Comme s'il tapait sur une table.
35:59Vous comprenez ? Nous ne ressentions plus rien.
36:05Au goulag, la sauvagerie garante de la survie
36:07exclut la solidarité.
36:13La force physique devient la force morale,
36:15écrit Varlam Shalamov,
36:17déporté à la Colima pendant 14 ans,
36:19qui énonce les trois commandements vitaux du Zec.
36:23Tu ne te fieras à personne.
36:25Tu ne craindras personne.
36:27Tu ne demanderas rien à personne.
36:33Il y en a une qui ne peut pas descendre de son chalit
36:35et l'autre qui ne peut pas s'y laisser.
36:37Comment elles auraient pu s'entraider ?
36:43Julius Margolin,
36:45écrivain polonais qui a fait 5 ans de goulag,
36:47constate.
36:49Dans le camp,
36:51on n'avait ni le désir,
36:53ni la possibilité de sauver
36:55ceux qui sombraient.
36:57Chacun était trop occupé
36:59de soi-même.
37:01La philanthropie au camp,
37:03c'est comme de l'eau de colonne
37:05versée dans un abattoir.
37:13La civilisation s'arrête aux portes du camp.
37:15L'oubli de l'autre
37:17est le prix de la survie.
37:21Seule organisation structurée, tolérée,
37:23spécifique au camp soviétique,
37:25le monde des truands,
37:27ses violences, ses rites, son langage,
37:29ses tatouages vécus comme signe de reconnaissance.
37:39Les truands, ils vivaient bien dans le camp.
37:43Ils mangeaient à leur faim,
37:45pas loin, il y avait le camp des femmes.
37:47Donc des femmes, certaines femmes,
37:49en envoyaient parfois sur leur chali.
37:59Nous étions assises sur l'herbe
38:01avec nos affaires.
38:03Soudain s'approche
38:05une meute.
38:07Ce n'était pas des êtres humains,
38:09mais des créatures qui ne parlaient pas le russe.
38:11Seul un argot ordurier
38:13sortait de leur bouche.
38:15C'était des truands
38:17qui s'avançaient vers nous.
38:19Et les voilà, qui de la façon la plus cynique
38:21nous volent toutes nos affaires.
38:25Nous, nous sommes pétrifiés.
38:27Nous ne comprenons pas
38:29qui sont ces gens.
38:31Ils nous ont tout pris.
38:39Au début des années 1950,
38:41le goulag n'est plus rentable économiquement.
38:45Les inspections menées en 1951-52
38:47dans les principaux ensembles pénitentiaires
38:49traduisent le désarroi
38:51de l'administration face à la chute rapide
38:53de la rentabilité du goulag.
38:57Nombre de grands chantiers
38:59ont pris un retard considérable.
39:11Les chantiers de la république
39:13ont été détruits.
39:15Les animaux ont été emportés
39:17en France.
39:27Les chantiers de la République
39:29ont été surjetti à la chute rapide
39:31de la république.
39:33Les chantsiers de la République
39:35ont été emportés
39:37en France.
39:41Dans les camps et les villages spéciaux de peuplement, en revanche, c'est la joie.
39:49Notre réaction, parmi la majorité des anciens zèques ou des déportés, des cris de houra.
39:58Mais il y avait aussi des officiers et des types comme ça, eux, ils faisaient cette tronche.
40:10C'était leur réaction. Nous, on a réagi différemment. Il est crevé. Et nous, on a arrosé ça.
40:22Nous nous sommes tous levés, puis nous avons crié et nous nous sommes mis à applaudir. Voilà comment ça s'est passé.
40:32Israël Mazouz a été condamné à 7 ans de camp pour avoir fait tomber par mégarde un buste de Staline.
40:42Les surveillants n'ont pas mis les pieds dans la zone du camp pendant deux ou trois jours.
40:48Quelle bagaille c'était. La moustache était enfin morte. Tout le monde disait avant, merde, putain, les géorgiens vivent centenaires.
40:57Lorsqu'on discutait entre nous de la question, on disait, non, aucune chance que ça arrive.
41:07Staline avait délibérément agi comme s'il était immortel et que la question de sa succession ne se poserait jamais.
41:15Que feriez-vous sans moi, vous qui êtes plus impuissants que des chatons aveugles tout juste venus au monde ?
41:21J'ai-t-il l'habitude de dire, les derniers temps, à ses plus proches compagnons, Beria, Khrouchov, Malenkov, Boulganine, Kaganovitch, ceux-là même qui portent son cercueil ?
41:33Sous-titrage MFP.
42:03Il y a quelques semaines après la mort du dictateur,
42:06un immense changement s'amorce,
42:08que l'écrivain soviétique Ilya Erenburg,
42:11dans un texte célèbre,
42:13compara à un dégel.
42:21Le 27 mars 1951,
42:23le président de l'Union Européenne,
42:25le président de l'Union Européenne,
42:27le président de l'Union Européenne,
42:29le président de l'Union Européenne,
42:32Le 27 mars 1953,
42:34à peine trois semaines après la mort de Staline,
42:37une large amnistie est décrétée
42:39à l'initiative du tout-puissant chef de la sécurité d'Etat,
42:42l'Avrenti Beria,
42:44désireux de dégraisser le goulag
42:46pour le rendre plus rentable.
42:53Après la mort de Staline,
42:55on sentait qu'on allait vers la libération.
42:58Tout est allé vite, très vite.
43:00Un photographe est arrivé,
43:02il nous a pris en photo pour les laisser passer,
43:05permettant de sortir sans escorte du camp.
43:08On est sortis du camp,
43:12et puis on s'est trouvés des filles
43:14avec lesquelles on pouvait passer du bon temps.
43:21Sont libérés tous les condamnés
43:23à une peine inférieure à cinq ans.
43:25Les femmes enceintes,
43:27ou ayant un enfant de moins de dix ans,
43:29les détenus mineurs et les détenus âgés
43:31de plus de cinquante ans,
43:33ainsi que les invalides et inaptes au travail.
43:37En revanche,
43:39les politiques condamnées pour crimes contre-révolutionnaires,
43:41ainsi que les criminels récidivistes
43:43sont exclus de l'amnistie.
43:47Au total,
43:49un million deux cent mille détenus,
43:51soit un peu moins de la moitié des détenus du goulag,
43:53sont libérés au cours de l'été 1953.
43:59Parmi eux,
44:01Varlam Shalamov,
44:03qui a passé dix-sept ans au goulag,
44:05peut enfin quitter la Colima
44:07et écrire ses souvenirs de Zeck.
44:13Les récits de la Colima
44:15paraîtront trente ans plus tard.
44:25Beria est arrêté en juillet 1953.
44:27Le maître de la police politique
44:29et du goulag depuis 1938,
44:31Amdani de Staline,
44:33est accusé de trahison
44:35et d'espionnage.
44:37Il est exécuté dans des circonstances troubles.
44:41Les prisonniers politiques
44:43trouvent dans la liquidation de Beria
44:45l'occasion d'exiger la révision
44:47de leur condamnation,
44:49voire leur libération immédiate.
44:57Exclus de l'amnistie,
44:59de nombreux prisonniers politiques
45:01se mettent en grève du travail forcé.
45:05Au cours de l'été 1953,
45:07les plus importants des camps spéciaux,
45:09notamment à Norilsk,
45:11à Vorkuta,
45:13près de Karaganda,
45:15au Kazakhstan,
45:17se mettent en grève.
45:19Les révoltes sont remarquablement organisées.
45:23À l'intérieur du camp,
45:25il y avait des armes.
45:27Elles avaient été créées
45:29pour contrôler la situation
45:31à l'intérieur du camp.
45:33Et nous avons décidé
45:35de fabriquer nos propres armes.
45:37Quel genre d'armes ?
45:39Des petits couteaux et des poignards.
45:45Liev Netto est arrêté en 1948
45:47sous l'accusation d'espionnage.
45:51Il est détenu à Norilsk
45:53et se bat la révolte.
45:57Les autorités négocient avec les grévistes
45:59et cèdent sur nombre de leurs revendications.
46:05L'une des premières revendications
46:07était la suppression des matricules.
46:09Et ils nous ont dit
46:11vous pouvez dès maintenant enlever les matricules.
46:13Et il y a eu un soulèvement d'enthousiasme.
46:17Les matricules étaient cousues sur les vêtements
46:19et aussitôt ils les ont enlevées
46:21sur terre en criant oura !
46:27Nous n'allions pas travailler.
46:29Ce n'était plus une grève,
46:31c'était maintenant
46:33une insurrection.
46:37Nous avions déclaré l'insurrection.
46:41Et quand ils venaient pour discuter avec nous,
46:43nous répondions par des cris.
46:454000 femmes criaient
46:47la liberté ou la mort, la liberté ou la mort.
46:51Ils criaient aussi,
46:53mais nous criaions encore plus fort.
46:55Vous savez, quand 4000 femmes
46:57se mettent à crier, ça en fait du bruit.
47:03Pour rétablir l'ordre,
47:05les gardes armés ouvrent le feu.
47:09À Norilsk, à Vorkuta, au Karlag,
47:11des centaines de détenus sont tués,
47:13des centaines d'autres blessés par balle.
47:15Quand on est arrivé dans ce camp,
47:17il était vide, mort.
47:21On nous a mis dans un barraquement
47:23et il était lardé d'impact de balle.
47:25Ce barraquement était en bois
47:27et partout du sang,
47:29du sang et des restes
47:31de cervelles humaines.
47:33On n'y comprenait rien.
47:35On nous a dit de nettoyer
47:37tout ça rapidement.
47:39En février 1956,
47:41se tient le 20e Congrès
47:43du Parti communiste.
47:47Nikita Khrouchov
47:49prononce à huit clous son fameux
47:51« Rapport secret »
47:53où il dénonce les crimes de Staline.
47:57Khrouchov,
47:59n'en est pas le seul.
48:01Il y a aussi
48:03un autre candidat
48:05à l'Assemblée nationale.
48:07Khrouchov,
48:09membre du premier cercle
48:11dirigeant depuis la fin des années 30,
48:13s'exonère de toute responsabilité
48:15dans le crime de masse
48:17dont il ne révèle qu'une partie.
48:21Mais même partiel et partiel,
48:23le document, une fois connu,
48:25déclenche un véritable séisme
48:27dans le monde communiste.
48:29La déstalinisation
48:31commence.
48:33La liquidation du goulag
48:35est un délire.
48:39Près d'un demi-million
48:41de détenus condamnés au titre
48:43de l'article 58 du Code pénal
48:45quittent les camps.
48:47Mais seuls
48:49une infime minorité bénéficient
48:51d'une réhabilitation.
48:53À Vorkuta comme ailleurs,
48:55les détenus sont libérés.
48:57Parmi eux,
48:59les Polonais attendent l'autorisation
49:01de retourner dans leur pays.
49:05Stanislav Kiyalka,
49:07combattant de l'armée polonaise
49:09clandestine pendant la guerre,
49:11a été arrêté par les Allemands.
49:13Évadé, il est capturé
49:15par les Russes en 1945
49:17et déporté à Vorkuta.
49:19En détention,
49:21il réussit à fabriquer un appareil photo
49:23et prend des clichés clandestins
49:25du camp.
49:27En 1956,
49:29il fête sa libération
49:31en patinant devant le camp.
49:35L'esclavage
49:37de Stanley A.
49:39et de Haley
49:49prépare l'égalité
49:51en tant qu'Homme d'armes.
49:56À la suite de négociations
49:58au plus haut niveau
50:00entre le gouvernement
50:02de guerre allemand sont libérés et regagnent leur pays plus de dix ans après la guerre.
50:12En même temps, plus d'un million de citoyens soviétiques d'origine allemande déportés au
50:17cours de la guerre peuvent quitter les villages d'exil. Cette mesure est étendue au cours de
50:22l'année 1956 à d'autres « peuples punis » comme les Tchétchènes, collectivement déportés durant la guerre.
50:33À Moscou, le dégel s'accentue. Khrouchov accélère la dégoulagisation.
50:45Il ne reste plus dans les camps, en 1957, qu'une quinzaine de milliers de prisonniers politiques,
50:50trente fois moins qu'en 1953.
50:54En 1958, le fameux article 58 du code pénal définissant le crime contre-révolutionnaire,
51:00fondement des répressions de masse, est abrogé. Le nombre des condamnations politiques prononcées
51:07désormais jute brutalement et ne dépasse pas quelques centaines par an.
51:13Tout un symbole. En 1962, Nikita Khrouchov reçoit Aleksandr Solzhenitsyn au Kremlin.
51:21Le premier soviétique a autorisé la sortie en URSS d'Une journée d'Ivan Denisovitch,
51:27le roman de l'ancien Zek, qui évoque le sort des millions de soviétiques passés par les camps du Goulag.
51:34La publication du livre de Solzhenitsyn marque, à bien des égards, l'apogée du dégel kroutchevien.
51:43Peu après, Khrouchov est renversé et remplacé par Brezhnev.
51:48Une nouvelle glaciation commence.
51:53En 1964, le président de l'Union Européenne, Boris Yeltsin,
51:58était renversé par Brezhnev.
52:05Sous Brezhnev, la question du Goulag redevient tabou dans l'espace public.
52:10Ce n'est que dans la sphère privée que la mémoire des camps et des répressions subsiste,
52:17même si l'on ose guère en parler, y compris dans les familles.
52:22Nous pensions qu'en sortant des camps, en tout cas moi je me disais qu'après avoir
52:32retrouvé ma liberté, je raconterais tout ce qui s'était passé, tous nos supplices,
52:37tous nos tourments, que je me la montrerais sur mon sort, mais en sortant du camp nous
52:42sommes entrés dans un monde où en réalité il n'était pas possible de parler.
52:45Je tenais bon, je ne disais rien mais ça me taraudait. Finalement un jour j'ai retrouvé
53:01un document, il était écrit que le frère de mon grand-père Ivan Terentievich avait
53:06été découlacisé à telle date. Je n'ai pas voulu en savoir plus, je n'avais pas le
53:13cœur à ça. Je ne voulais pas rouvrir à vif ma blessure. Toutes ces choses, ça passerait.
53:19En décembre 1973, la version russe de l'archipel du Goulag paraît à Paris. Le manuscrit clandestinement
53:32sorti du RSS décrit le système concentrationnaire soviétique que Solzhenitsyn a vécu de l'intérieur.
53:38Appuyé sur de nombreux témoignages et documents indiscutables,
53:43cet essai d'investigation historique démontre l'ampleur phénoménale du Goulag.
53:56Le livre connaît un grand retentissement et rend Solzhenitsyn célèbre dans le monde entier.
54:01Il est arrêté à Moscou, le 12 février 1974, avant d'être expulsé et déchu de la citoyenneté soviétique.
54:20Solzhenitsyn arrive en Europe occidentale où la publication de l'archipel du Goulag
54:25provoque un véritable tsunami politique et idéologique. Après des dizaines d'ouvrages
54:32qui depuis un demi-siècle ont dénoncé la répression au pays du socialisme réel sans
54:37être vraiment lus ni crus, l'oeuvre d'Alexandre Solzhenitsyn parvient à briser le mur du mensonge et de l'indifférence.
54:56Après la chute du communisme, le nouvel état russe ne cherche pas à préserver les lieux
55:03d'exécution et de détention de millions de citoyens soviétiques durant la période stalinienne.
55:14Seule l'association non gouvernementale mémoriale créée par le dissident Andrei Sakharov durant
55:20la perestroïka s'efforce de sauvegarder la mémoire des dizaines de millions de personnes
55:25déplacées, déportées, détenues, des millions de morts.
55:33De cette tragédie ne subsistent aux confins des tendues infinies que les stigmates, traces de
55:39barraques détruites, fantômes de miradors effondrés, cadavres de barbelés entortillés.
55:47La mémoire du Goulag émerge lentement sous le manteau de l'oubli.
55:55Le Goulag est un des plus beaux lieux d'exécution de l'histoire de l'Histoire russe.
56:00Il est un lieu de réflexion et d'exécution de l'histoire de l'Histoire russe.
56:05Le Goulag est un lieu de réflexion et d'exécution de l'histoire de l'Histoire russe.
56:35Le Goulag est un lieu de réflexion et d'exécution de l'histoire de l'Histoire russe.

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