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00:00Française, Français, mes chers compatriotes, je m'adresse à vous ce soir en raison de
00:15la situation internationale et de ses conséquences pour notre pays et pour l'Europe, et cela
00:21après plusieurs semaines d'actions diplomatiques.
00:24Vous êtes en effet, je le sais, légitimement inquiets devant les événements historiques
00:28en cours qui bouleversent l'ordre mondial.
00:32La guerre en Ukraine, qui a entraîné près d'un million de morts et de blessés, continue
00:37avec la même intensité.
00:39Les Etats-Unis d'Amérique, notre allié, ont changé leur position sur cette guerre,
00:45soutiennent moins l'Ukraine et laissent planer le doute sur la suite.
00:48Dans le même temps, les mêmes Etats-Unis d'Amérique entendent imposer des tarifs
00:53douaniers aux produits venant d'Europe.
00:56Enfin, le monde continue d'être sans cesse plus brutal et la menace terroriste ne faiblit
01:02pas.
01:03Au total, notre prospérité et notre sécurité sont devenues plus incertaines et, il faut
01:10bien le dire, nous rentrons dans une nouvelle ère.
01:13La guerre en Ukraine dure maintenant depuis plus de trois ans.
01:18Nous avons, dès le premier jour, décidé de soutenir l'Ukraine et de sanctionner la
01:23Russie.
01:24Et nous avons bien fait, car c'est non seulement le peuple ukrainien qui lutte avec
01:27courage pour sa liberté, mais c'est aussi notre sécurité qui est menacée.
01:32En effet, si un pays peut envahir impunément son voisin en Europe, alors personne ne peut
01:38plus être sûr de rien et c'est la loi du plus fort qui s'applique.
01:41Et la paix ne peut plus être garantie sur notre continent même.
01:45L'histoire nous l'a enseigné.
01:48Au-delà de l'Ukraine, la menace russe est là et touche les pays d'Europe, nous touche.
01:55La Russie a déjà fait du conflit ukrainien un conflit mondial, elle a mobilisé sur notre
01:59continent des soldats nord-coréens, des équipements iraniens, tout en aidant ces pays à s'armer
02:06davantage.
02:07La Russie du président Poutine viole nos frontières pour assassiner des opposants,
02:12manipule les élections en Roumanie et en Moldavie, elle organise des attaques numériques
02:16contre nos hôpitaux pour en bloquer le fonctionnement.
02:19La Russie tente de manipuler nos opinions avec des mensonges diffusés sur les réseaux
02:25sociaux et au fond elle teste nos limites, elle le fait dans les airs, en mer, dans l'espace
02:30et derrière nos écrans.
02:31Cette agressivité ne semble pas connaître de frontières et la Russie dans le même
02:37temps continue de se réarmer, dépensant plus de 40% de son budget à cette fin.
02:44D'ici 2030, elle prévoit d'encore accroître son armée et d'avoir 300 000 soldats supplémentaires,
02:523 000 chars, 300 avions de chasse de plus.
02:54Qui peut donc croire, dans ce contexte, que la Russie d'aujourd'hui s'arrêtera à
03:01l'Ukraine ? La Russie est devenue, au moment où je vous parle et pour les années à venir,
03:07une menace pour la France et pour l'Europe.
03:09Je le regrette très profondément et je suis convaincu qu'à long terme, la paix se fera
03:15sur notre continent avec une Russie redevenue apaisée et pacifique.
03:19Mais la situation que je vous décris est celle-là et nous devons faire avec.
03:24Face à ce monde de danger, rester spectateur serait une folie.
03:29Il s'agit, sans plus tarder, de prendre des décisions pour l'Ukraine, pour la sécurité
03:35des Français et pour la sécurité des Européens.
03:38Pour l'Ukraine, d'abord, toutes les initiatives qui aident à la paix vont dans le bon sens
03:43et je veux ce soir les saluer.
03:44Nous devons continuer d'aider les Ukrainiens à résister, jusqu'à ce qu'ils puissent
03:50négocier avec la Russie une paix solide pour eux-mêmes et pour nous tous.
03:54C'est pour cela que le chemin qui mène à la paix ne peut pas passer par l'abandon
03:59de l'Ukraine.
04:00Bien au contraire.
04:01La paix ne peut pas être conclue à n'importe quel prix et sous le dictat russe.
04:07La paix ne peut pas être la capitulation de l'Ukraine, elle ne peut pas être son
04:10effondrement.
04:11Elle ne peut pas davantage se traduire par un cessez-le-feu qui serait trop fragile.
04:16Et pourquoi ? Parce que là aussi, nous avons l'expérience du passé.
04:19Nous ne pouvons pas oublier que la Russie a commencé d'envahir l'Ukraine dès 2014
04:25et que nous avons alors négocié un cessez-le-feu à Minsk et la même Russie n'a pas respecté
04:31ce cessez-le-feu.
04:32Et nous n'avons pas été capables de maintenir les équilibres faute de garanties solides.
04:37Aujourd'hui, on ne peut plus croire la Russie sur parole.
04:40L'Ukraine a droit à la paix et à la sécurité pour elle-même et c'est notre intérêt,
04:47c'est l'intérêt de la sécurité du continent européen.
04:49C'est en ce sens que nous travaillons avec nos amis britanniques, allemands et plusieurs
04:54autres pays européens.
04:55C'est pourquoi vous m'avez vu ces dernières semaines rassembler plusieurs d'entre eux
04:59à Paris, aller les retrouver il y a quelques jours à Londres pour consolider les engagements
05:04qui sont nécessaires à l'Ukraine.
05:06Une fois la paix signée, pour que l'Ukraine ne soit pas à nouveau envahie par la Russie,
05:12il nous faut le préparer.
05:14Cela passera à coup sûr par un soutien à l'armée ukrainienne dans la durée.
05:17Cela passera aussi peut-être par le déploiement de forces européennes.
05:21Celles-ci n'iraient pas se battre aujourd'hui, elles n'iraient pas se battre sur la ligne
05:25de front.
05:26Mais elles seraient là, au contraire, une fois la paix signée, pour en garantir le
05:31plein respect.
05:32Dès la semaine prochaine, nous réunirons à Paris les chefs d'état-major des pays
05:37qui souhaitent prendre leurs responsabilités à cet égard.
05:40C'est ainsi un plan pour une paix solide, durable, vérifiable, que nous avons préparé
05:48avec les Ukrainiens et plusieurs autres partenaires européens et que j'ai été défendre aux
05:54États-Unis il y a 15 jours et à travers l'Europe.
05:57Et je veux croire que les États-Unis resteront à nos côtés.
06:00Mais il nous faut être prêts si tel n'était pas le cas.
06:05Que la paix en Ukraine soit acquise rapidement ou non, les États européens doivent, compte
06:13tenu de la menace russe que je viens de vous décrire, être capables de mieux se défendre
06:18et de dissuader toute nouvelle agression.
06:20Oui, quoi qu'il advienne, il nous faut nous équiper davantage, hausser notre position
06:27de défense, et cela pour la paix même, pour dissuader.
06:31À ce titre, nous restons attachés à l'OTAN et à notre partenariat avec les États-Unis
06:37d'Amérique.
06:38Mais il nous faut faire plus, renforcer notre indépendance en matière de défense et de
06:42sécurité.
06:43L'avenir de l'Europe n'a pas à être tranché à Washington ou à Moscou.
06:48Et oui, la menace revient à l'Est et l'innocence, en quelque sorte, des 30 dernières années
06:54depuis la chute du mur de Berlin est désormais révolue.
06:57À Bruxelles demain, lors du Conseil extraordinaire qui réunira les 27 chefs d'État et de gouvernement
07:04avec la Commission et le Président du Conseil, nous franchirons des pas décisifs.
07:10Plusieurs décisions seront prises que la France proposait depuis plusieurs années.
07:15Les États membres pourront accroître leurs dépenses militaires sans que cela soit pris
07:20en compte dans leur déficit.
07:21Des financements communs massifs seront décidés pour acheter et produire sur le sol européen
07:28des munitions, des chars, des armes, des équipements parmi les plus innovants.
07:33J'ai demandé au gouvernement d'être mobilisé pour que d'une part cela renforce nos armées
07:38le plus rapidement possible et d'autre part que cela accélère la réindustrialisation
07:43dans toutes nos régions.
07:45Et je réunirai avec les ministres compétents les industriels du secteur dans les prochains jours.
07:50L'Europe de la défense que nous défendons depuis huit ans devient donc une réalité.
07:57Cela veut dire des pays européens davantage prêts à se défendre et à se protéger,
08:02qui produisent ensemble les équipements dont ils ont besoin sur leur sol, qui sont prêts
08:07à davantage coopérer, à réduire leur dépendance à l'égard du reste du monde.
08:12Et c'est une bonne chose.
08:14L'Allemagne, la Pologne, le Danemark, les États-Baltes et nombre de nos partenaires
08:20ont annoncé des efforts inédits en matière de dépenses militaires.
08:24Alors dans ce temps de l'action qui s'ouvre enfin, la France a un statut particulier.
08:30Nous avons l'armée la plus efficace d'Europe et grâce au choix fait par nos aînés après
08:36la Deuxième Guerre mondiale, nous sommes dotés de capacités de dissuasion nucléaire.
08:41Ceci nous protège beaucoup plus que nombre de nos voisins.
08:44Et de plus, nous n'avons pas attendu l'invasion de l'Ukraine pour faire le constat d'un
08:50monde inquiétant.
08:51Et à travers les deux lois de programmation militaire que j'ai décidées et que les
08:56parlements successifs ont votées, nous aurons doublé le budget de nos armées en presque
09:01dix ans.
09:02Mais compte tenu de l'évolution des menaces, de cette accélération que je viens de décrire,
09:09nous aurons à faire de nouveaux choix budgétaires et des investissements supplémentaires qui
09:14sont désormais devenus indispensables.
09:16J'ai demandé au gouvernement d'y travailler le plus vite possible.
09:20Ce seront de nouveaux investissements qui exigent de mobiliser des financements privés,
09:26mais aussi des financements publics, sans que les impôts ne soient augmentés.
09:30Pour cela, il faudra des réformes, des choix, du courage.
09:36Notre dissuasion nucléaire nous protège.
09:38Elle est complète, souveraine, française de bout en bout.
09:43Elle a, depuis 1964, de manière explicite, toujours joué un rôle dans la préservation
09:50de la paix et de la sécurité en Europe.
09:52Mais répondant à l'appel historique du futur chancelier allemand, j'ai décidé
09:58d'ouvrir le débat stratégique sur la protection par notre dissuasion de nos alliés du continent
10:04européen.
10:05Quoi qu'il arrive, la décision a toujours été et restera entre les mains du président
10:11de la République, chef des armées.
10:13Maîtriser notre destin, devenir plus indépendant, nous devons y œuvrer au plan militaire, mais
10:21aussi au plan économique.
10:24Oui, l'indépendance économique, technologique, industrielle et financière sont des nécessités.
10:28Nous devons aussi nous préparer à ce que les États-Unis décident de tarifs douaniers
10:35sur les marchandises européennes, comme ils viennent de le confirmer à l'encontre du
10:39Canada et du Mexique.
10:40Cette décision incompréhensible, tant pour l'économie américaine que pour la nôtre,
10:46aura des conséquences sur certaines de nos filières.
10:48Elle accroît la difficulté du moment, mais elle ne restera pas sans réponse de notre
10:54part.
10:56Alors, tout en préparant la riposte avec nos collègues européens, nous continuerons,
11:01comme je l'ai fait voilà 15 jours, à tout tenter pour convaincre que cette décision
11:06nous ferait du mal à tous.
11:08Et j'espère, oui, convaincre et en dissuader le président des États-Unis d'Amérique.
11:15Au total, le moment exige des décisions sans précédent, depuis bien des décennies.
11:23Sur notre agriculture, notre recherche, notre industrie, sur toutes nos politiques publiques,
11:28nous ne pouvons pas avoir les mêmes débats que Naguère.
11:31C'est pourquoi j'ai demandé au Premier ministre et à son gouvernement, et j'invite
11:36toutes les forces politiques, économiques et syndicales du pays à leur côté, à faire
11:42des propositions à l'aune de ce nouveau contexte.
11:44Les solutions de demain ne pourront être les habitudes d'hier.
11:51Mes chers compatriotes, face à ces défis et ces changements irréversibles, il ne faut
11:58céder à aucun excès, ni l'excès des vates en guerre, ni l'excès des défaitistes.
12:04La France ne suivra qu'un cap, celui de la volonté pour la paix et la liberté, fidèle
12:13en cela à son histoire et à ses principes.
12:17Oui, c'est ce en quoi nous croyons, pour notre sécurité, mais c'est ce en quoi nous
12:22croyons aussi, pour défendre la démocratie, une certaine idée de la vérité, une certaine
12:31idée d'une recherche libre, du respect dans nos sociétés, une certaine idée de la liberté
12:38d'expression qui n'est pas le retour des discours de haine, au fond une certaine idée
12:41de l'humanisme.
12:42C'est cela ce que nous portons et qui se joue.
12:45Notre Europe possède la force économique, la puissance et les talents pour être à
12:51la hauteur de cette époque.
12:52Et que nous nous comparions aux Etats-Unis d'Amérique et a fortiori à la Russie, nous
12:56en avons les moyens.
12:57Nous devons donc agir en étant unis en Européens et déterminés à nous protéger.
13:04C'est pourquoi la patrie a besoin de vous, de votre engagement.
13:08Les décisions politiques, les équipements militaires et les budgets sont une chose,
13:14mais ils ne remplaceront jamais la force d'âme d'une nation.
13:17Notre génération ne touchera plus les dividendes de la paix.
13:22Il ne tient qu'à nous, que nos enfants récoltent demain les dividendes de nos engagements.
13:30Alors nous ferons face, ensemble.
13:34Vive la République, vive la France.