• avant-hier
🇨🇮 À 75 ans, Simone Ehivet Gbagbo, ancienne Première dame et présidente du Mouvement des Générations Capables, se lance dans la course à la présidentielle ivoirienne de 2025. Brut l’a rencontrée pour une interview exclusive dans le cadre de "Je suis candidat", notre série sur les candidats à la présidence ivoirienne. #CIV2025 #Jesuiscandidat

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Les générations d'aujourd'hui-là, leur responsabilité, c'est d'arracher l'Afrique à tous ceux qui sont venus à l'époque, qui ont fait une même mise sur l'Afrique aujourd'hui, et qui continuent de vouloir travailler dans cette pensée de l'Afrique maîtrisée par l'impérialisme occidental.
00:25Leur responsabilité aujourd'hui, c'est de réussir à récupérer l'Afrique.
00:31Ça permettra de terminer le combat d'Oufo-Bouani, et ça permettra de terminer le combat de nous autres, qui nous sommes battus pour la démocratie.
00:41Mais c'est leur responsabilité aujourd'hui.
00:44Bonjour, Brut. Je suis Simone Ayivé-Ouabou, présidente du Mouvement des Générations Capables, MGC.
00:55Doit-on d'ailleurs encore dire Bagbo maintenant que vous êtes divorcée?
01:00Bon, je suis divorcée, c'est vrai, mais je garde Bagbo parce que depuis 50 ans, c'est le nom que j'ai porté, et donc, ne me dérange pas.
01:11Les électeurs m'identifient déjà avec ce nom-là. Toutes les personnes qui me connaissent en Côte d'Ivoire comme à l'étranger m'identifient sous ce nom-là.
01:19Donc, c'est comment de le garder.
01:22Vous êtes candidate à l'élection présidentielle. Qu'est-ce qui vous anime encore à 75 ans?
01:26Vous savez, depuis ma toute jeunesse, j'avais un idéal, une vision que je voulais voir réalisée dans la Côte d'Ivoire.
01:36J'ai investi plusieurs années de ma vie à la réalisation de cette vision-là, et ce n'est pas encore achevé.
01:43Cette vision-là, c'est de bâtir avec les Ivoiriens une Côte d'Ivoire prospère, une Côte d'Ivoire peuplée d'hommes et de femmes
01:54qui sont remplies d'esprit de transformation pour que l'économie, la politique, la sécurité de l'Afrique nous reviennent
02:05et que nous en soyons les responsables, les décisionnaires. Bien, tout cela, ce n'est pas encore achevé.
02:12Vous serez une résidente panafricaniste?
02:14Panafricaniste, oui, parce que les défis de l'Afrique ne se résoudront pas s'il n'y a pas une vraie intégration de cette Afrique-là.
02:27À ce titre-là, oui, je suis panafricaniste. Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de possibilités qui existent à l'intérieur des nations,
02:36à l'intérieur de la Côte d'Ivoire, par exemple, et il faut pouvoir également mettre en exergue et valoriser toutes ces capacités-là.
02:44Les premières générations, la génération du fouet, se sont battues pour l'indépendance de la Côte d'Ivoire, de l'Afrique.
02:52Mais cette indépendance, elle a été acquise, mais elle n'est pas totale. Il y a encore du travail à faire pour que nous ayons vraiment l'indépendance.
03:00Si, en octobre, vous étiez élue présidente, quelles seraient vos premières mesures, quels seraient vos premiers choix forts?
03:04Ouh là! Ça va, on a eu un gros problème ici. Une grande division, malheureusement, qui a désuni tout ce peuple-là.
03:14Et de mon point de vue, les premières activités, c'est de réussir à reconcilier ce peuple-là pour le mettre au travail pour la nation.
03:23Il faut parler avec le peuple. D'une part, il faut également prendre en compte tout ce qu'il y a eu comme préjudice dans cette nation
03:31et essayer d'indemniser ceux qui doivent être indemnisés, de restaurer ceux qui doivent être restaurés, de ramener aux uns aux autres ce qui est de leur bien
03:41et qui leur a été enlevé d'une manière ou d'une autre. Et puis, de réinstaller la démocratie et la justice dans ce pays.
03:50Vous avez le sentiment qu'il n'y a plus de démocratie, plus de justice?
03:54Il n'y a pas de démocratie dans ce pays. Il n'y a pas de justice non plus pour le moment dans ce pays. Il y a un gros travail, c'est un gros chantier à en devenir.
04:05Quel bilan vous faites des années Ouattara?
04:08Les années Ouattara ont vu des choses qui sont bonnes et même insistent sur toutes les infrastructures routières qu'ils ont créées.
04:18Je pense que si on a des routes en Côte d'Ivoire, c'est une bonne chose. Mais la politique et l'économie ivoirienne ne peuvent pas se résumer à la réalisation des routes.
04:29Il y a des choses qui sont moins bonnes. Petit à petit, on a vu les Ivoiriens eux-mêmes être vidés de leurs capacités, de leurs possibilités de prise en main de leur nation.
04:41Et ça, c'est un gros chantier sur lequel il faut travailler.
04:45Je vous ai entendu plusieurs fois dire lorsque nous étions au pouvoir dans les années 2000, vous n'étiez pas présidente, mais première dame. Est-ce que vous avez malgré tout la nostalgie du pouvoir?
04:55Ça sert à quoi d'avoir la nostalgie du pouvoir? Le pouvoir est un instrument. C'est un instrument de travail pour réaliser la vision que l'on a.
05:07Et donc la question ne se pose pas en termes de nostalgie du pouvoir. Le problème se pose en termes de possibilités, de capacités pour réaliser cette vision-là.
05:17On a le sentiment que pour remporter l'élection, il faut s'unir, que vous êtes prête à vous rallier à M. Thiam, je pense à M. Afi. Est-ce que c'est une éventualité pour vous ou alors vous voulez aller jusqu'au bout?
05:27Pour l'instant, je vais jusqu'au bout. Pour l'instant, c'est à ce niveau que nous en sommes. Mais nous n'avons pas encore discuté même entre les responsables des différents partis de la politique que nous allons suivre.
05:39Pour l'instant, nous sommes tous ensemble pour combattre, pour obtenir de bonnes réformes pour avoir des élections propres.
05:50On a encore du chemin devant pour discuter, de savoir est-ce qu'on met quelqu'un devant ou est-ce qu'on attend le deuxième tour pour se mettre ensemble, etc. Ce sont des questions qui n'ont pas encore été abordées.
06:01Et vous, quel est l'état de vos relations avec M. Blégoudé, avec M. Bagbo? On sait que les deux hommes ne se parlent plus beaucoup. Et vous, est-ce que vous parlez avec ces deux hommes?
06:10Je parle avec Blégoudé. Je ne parle pas avec M. Bagbo. Mais bon, ça, c'est l'histoire qu'il a bâtie comme ça. Ce n'est pas une question d'animosité ou quoi que ce soit.
06:22On peut aller au-delà du passé, au-delà des clivages selon vous?
06:25Oui, on peut, on doit.
06:28Récemment, M. Thiam a renoncé à sa nationalité française. Est-ce qu'il l'a fait au bon moment? Est-ce que c'est trop tard selon vous? Qu'est-ce que vous en pensez?
06:37Bon, il l'a fait. C'est déjà quelque chose de positif. Parce que notre code dit que pour pouvoir être candidat, il faut être ivoirien. Je pense qu'il l'a fait. C'est cela que moi, j'apprécie.
06:52On ne sait pas encore si M. Ouattara sera candidat, mais si jamais il est candidat, ce sera un quatrième mandat. Est-ce que selon vous, c'est trop? Est-ce que selon vous, c'est anticonstitutionnel? Est-ce que vous êtes contre ce quatrième mandat potentiel?
07:03Je l'avais déjà dit moi à l'époque, le troisième mandat déjà est anticonstitutionnel, à plus forte raison que le quatrième. Mais bon, on est dans l'adversité. Moi, je ne veux pas qu'on se mette à pleurer sur ça. On voudrait éviter ça.
07:16Vous avez 75 ans. La moyenne de la population, la moyenne d'âge est de 18 à 20 ans. Est-ce que selon vous, on peut gouverner un pays aussi jeune en ayant 75 ans?
07:27Je pense que oui. Je pense que oui. Je pense que tout dépend du programme qu'on propose aux jeunes. Tout dépend de la place que l'on fait aux jeunes. Tout dépend de la considération qu'on a pour les jeunes. Mais je pense qu'on peut le faire.
07:42C'est sur la jeunesse qu'il faut miser aujourd'hui en Côte d'Ivoire?
07:45Il ne faut pas miser sur toutes les générations. Il ne faut pas miser que sur la jeunesse. La jeunesse, elle est en devenir et il faut donc lui donner une grande place pour qu'elle acquière sa propre capacité d'adulte, d'animateur, de responsable. Il faut le faire.
08:01Moi, je suis d'une société traditionnelle où, par vagues successives, on donne le pouvoir aux plus jeunes avec une responsabilité pour les aînés qui est un peu comme les aînés sont là pour coacher les plus jeunes.
08:21Mais les jeunes, pour accéder à cette responsabilité-là, ont une période de formation. Et quand la période de formation est achevée, c'est à ce moment-là que les jeunes prennent le pouvoir. Et quand ils prennent le pouvoir, c'est avec des responsabilités précises jusqu'à ce qu'ils arrivent au pouvoir d'État. Voilà.
08:43Est-ce que vous avez le sentiment, pour revenir un petit peu à 2010, est-ce que vous avez le sentiment d'avoir été volé à l'époque?
08:50Ah bien, en 2010, on avait gagné les élections. Aujourd'hui, tout le monde dit qu'en 2010, on avait remporté les élections. En 2010, s'il y a eu vol, c'est un vol organisé par la communauté européenne et par l'Occident, voilà, qui ne voulait pas de Babou Laurent comme président.
09:13Est-ce que, justement, c'est une sorte de revanche aujourd'hui pour vous?
09:17À quoi ça sert d'aller dans la revanche? Je le dis tout le temps. Lorsque vous accédez au pouvoir d'État, le pouvoir d'État doit être considéré comme un instrument de travail et non pas une finalité à atteindre.
09:32C'est un instrument, tout comme l'argent est un instrument, l'autorité est un instrument, le pouvoir judiciaire est un instrument pour faire avancer la nation, pour faire avancer le développement, la prospérité de la nation. Moi, c'est en ces termes que je pose le problème. La revanche, c'est un sentiment négatif qui est inutile.
09:57Vous parlez de l'Occident. Est-ce que votre rapport à l'Occident aussi sera différent si vous êtes présidente? Est-ce que vous avez envie de couper un peu plus les liens avec certains pays, dont la France?
10:07Mon problème, c'est pas de couper les liens. Mon problème, c'est d'aider la France à transformer sa vision et son rapport à l'Afrique. Et je pense que c'est ça, le vrai problème de la France. Comment transformer au niveau de la France même sa vision et son rapport à l'Afrique? Ça, si ça se fait, aucun problème.
10:27Il vous dérange aujourd'hui ce rapport? Il n'est pas beau. Ça, c'est certain qu'il n'est pas beau. C'était un rapport colonialiste, impérialiste et il n'a pas su faire la mue à ce niveau-là.
10:40Donc, vous avez envie, si vous êtes élue, d'aller chercher d'autres partenaires. On pense à la Russie, par exemple, qui est le partenaire de nouveaux pays en Afrique.
10:48Pourquoi est-ce que la Russie est devenue une partenaire de nouveaux pays en Afrique? Parce que les Occidentaux, les Européens n'ont pas su faire la mue.
10:57Quand c'est comme ça qu'ils se positionnent vis-à-vis de vous comme des adversaires, vous êtes obligés de vous organiser un contre-pouvoir. Et c'est à ce niveau-là que vous êtes obligés d'aller chercher ailleurs.
11:10Cherchez la Russie, cherchez la Chine, cherchez le Japon, etc., etc., pour pouvoir vous mettre en force pour réaliser vous-même votre destin, le destin de votre nation, le destin de votre continent.
11:27La question n'est pas de dire, moi, aujourd'hui, je deviens pro-russe. C'est pas ça la préoccupation, ni des Sénégalais, ni de ceux de l'AIS. Ils ne deviennent pas pro-russes. Ils deviennent Africains désireux de mener à bien le destin de l'Afrique.
11:47Et ça passe par la reprise en main, n'est-ce pas, de toutes les initiatives au niveau de l'Afrique. Initiatives économiques, initiatives monétaires, initiatives sécuritaires, initiatives de développement industriel, etc., etc. Il faut que tout ça soit maintenant maîtrisé par les Africains eux-mêmes. Et tous ceux qui peuvent aider à réaliser cela, bon, on va être obligés d'aller les chercher.
12:16Donc, vous ne fermez pas la porte?
12:46Les liens diplomatiques avec, justement, les pays de l'AES sont distendus. Est-ce que vous, vous avez envie de vous rapprocher de ces pays? Est-ce que pour vous, c'est des partenaires qui sont importants?
13:16Le Niger, c'est la frontière au nord. Est-ce qu'on peut se passer de tous ces pays-là, dont en plus les populations sont extrêmement nombreuses dans notre nation ivoirienne? Ce n'est pas possible.
13:31Qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, on est obligé de trouver un modus vivendi avec ces pays, de collaborer avec ces pays, de travailler avec ces pays, de construire une bonne région avec ces pays.

Recommandations