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00:00Et c'est probablement sa dernière interview à la radio en tant que maire de Lille.
00:04Nous sommes Thomas avec Martine Aubry qui s'apprête à passer la main après 24 ans à la tête de la mairie.
00:10Bonjour Martine Aubry, vous avez annoncé hier matin votre intention de démissionner,
00:23quitter ce fauteuil de maire que vous occupez depuis 2001,
00:25fauteuil qui était occupé avant vous par Pierre Moreau.
00:28Pourquoi mettre fin à ce quatrième mandat et pourquoi maintenant ?
00:32Eh bien, je me suis présentée, vous le savez, pour un quatrième mandat.
00:35J'avais beaucoup hésité, mais il semblait que les choses étaient un peu difficiles,
00:38donc il valait mieux rester.
00:40Mais j'ai pris les engagements vis-à-vis des Lillois.
00:42Avec l'équipe, pendant le mandat, on a préparé effectivement un projet.
00:47Et je m'étais toujours dit que c'était bien de partir un an avant la fin du mandat,
00:50pour que le nouveau maire puisse se faire connaître,
00:53prendre pleinement effectivement sa place.
00:56Mais je voulais trois choses.
00:58D'abord, avoir une belle équipe rassemblée, c'est le cas.
01:01Deuxièmement, avoir fait tous les engagements qu'on avait proposés.
01:07C'est quasiment la totalité fait ou engagé.
01:10Et troisièmement, qu'on arrive avec les principes aux élus, ce qui a été le cas,
01:13à choisir la suite, à se mettre d'accord.
01:16Parce qu'être rassemblés, c'est évidemment très important.
01:18Les conditions sont aujourd'hui réunies.
01:20C'est la raison pour laquelle passer la main à une nouvelle génération,
01:24chacun rappelle que j'ai 74 ans, effectivement,
01:27passer la main à une nouvelle génération, il y a une belle équipe derrière.
01:30Et un premier adjoint, Arnaud Deslandes, qui connaît parfaitement la ville,
01:33qui a une belle vision de la ville.
01:35Dont vous proposez qu'il soit élu lors du prochain conseil municipal ?
01:38Ce n'est pas l'extraordinaire, c'est la loi.
01:40Est-ce que votre choix est dicté d'une certaine manière par le calendrier électoral ?
01:43Est-ce que vous décidez de partir à un an des élections municipales,
01:45pour laisser du temps, ce que vous venez de dire, à la nouvelle équipe,
01:47de se mettre en place, de se faire connaître également ?
01:49Oui, vous avez raison, de se faire connaître.
01:51Arnaud, il est très connu dans les domaines où il a beaucoup travaillé,
01:55et où il a beaucoup fait.
01:56Je pense à la solidarité, je pense au sport, je pense à l'économie, au commerce.
02:02Voilà, il a besoin de se faire connaître par d'autres Lillois,
02:05même s'il passe beaucoup de temps sur le terrain.
02:07Mais il doit surtout montrer qu'il peut être un maire,
02:10avec l'autorité nécessaire, les idées, la créativité pour Lille.
02:14La nouvelle génération, elle doit apporter des nouvelles idées,
02:17et faire ce que nous n'avons pas terminé de faire.
02:20Vous évoquez, Arnaud Délande, votre actuel premier adjoint.
02:24Il y avait également sur l'estrade, à vos côtés, Audrey Lincolnel,
02:27qui est sénatrice, Charlotte Brun, qui est aussi votre adjointe.
02:29Cela fait des années qu'ils travaillent à vos côtés.
02:31Est-ce que vous leur avez laissé suffisamment de place, justement,
02:33ces dernières années, pour « exister », pour se faire connaître ?
02:37Sachez que depuis le début du mandat, il n'y a pas eu une conférence de presse,
02:40sauf lorsque les immeubles se sont effondrés,
02:43parce que j'étais là dès le matin, pendant 48 heures,
02:48toutes les conférences de presse ont été faites par eux,
02:52selon les domaines dont ils s'occupaient.
02:54Par Audrey Lincolnel, sur la transition écologique, par exemple,
02:57par Charlotte Brun sur l'éducation,
02:59et par Arnaud dans beaucoup de domaines,
03:01dont la solidarité, le commerce, etc.
03:05Au contraire, depuis le début du mandat,
03:07et d'ailleurs beaucoup de médias me l'ont reproché,
03:09je me suis mis en seconde ligne,
03:11pour qu'effectivement, on commence à bien comprendre
03:14qui ils étaient, leur personnalité, leur talent et leur créativité.
03:18Parce que vous êtes aussi décrite comme une mère qui s'occupe de tout,
03:21qui est très présente.
03:22Hier encore, lors de votre conférence de presse,
03:24les adjoints étaient certes là, mais c'est vous, essentiellement,
03:27qui avez pris la parole.
03:29Donc, ils sont assez connus, vous pensez,
03:31des Liloires, des Landes, le premier d'entre eux ?
03:33Bien sûr que non !
03:34Mais est-ce que c'est toujours comme ça ?
03:36Moi, le sujet qui m'importe le plus,
03:38hier, c'est moi qui partais.
03:40Donc, c'est tout à fait normal que ce soit moi qui parle.
03:43Je vous redis encore une fois,
03:44regardez toutes les dernières conférences de presse,
03:46depuis le début du mandat,
03:47et regardez qui les a faites.
03:49Et vous verrez que j'ai, au contraire, laissé toujours la place.
03:51Sachez aussi que, tous les lundis matins,
03:53les huit principaux adjoints,
03:55nous nous voyons pendant deux heures et demie,
03:57et nous traitons tous les sujets ensemble,
03:59qui posent problème, pour prendre des décisions collectives.
04:01On travaille très collectivement.
04:03C'est peut-être pour ça qu'on est arrivés à cette décision,
04:06ensemble, avec l'énorme qualité d'Audrey,
04:10de ce qu'elle a apporté,
04:11et ce qu'elle apporte actuellement au Sénat,
04:13et qu'elle apportera au Parti Socialiste.
04:15Et, évidemment, ce que j'ai dit sur Arnaud,
04:18que je crois, au bout d'un an,
04:20je pense que les Lillois le connaîtront mieux,
04:22et on aura envie, vraiment, de le conserver,
04:25et de continuer avec lui.
04:267h48, ici, nous sommes en direct avec Martine Nobry,
04:29qui s'apprête à passer la main à la tête de la mairie de Lille.
04:32À l'heure de votre conférence de presse, hier, Martine Nobry,
04:34vous avez longuement parlé, détaillé,
04:36ce que vous avez fait ces 24 dernières années.
04:38Cela vous importe, ce que les gens retiendront de vous ?
04:41Ce qui m'importe, c'est qu'effectivement,
04:43les gens puissent se dire qu'elle a fait le maximum
04:45pour que nous allions mieux, chacun,
04:47dans notre diversité, parce qu'on est une ville,
04:50et on a décidé, dès le départ, politiquement,
04:52de garder les quartiers populaires,
04:53de ne pas les renvoyer en banlieue.
04:55Dans nos différences culturelles, sociales, générationnelles,
04:58elle a fait le maximum pour qu'on vive mieux, chacun,
05:02qu'on donne la priorité aux enfants,
05:03qu'on ait des moments par le sport, la culture,
05:05pour se réunir, et pour que nous vivions bien tous ensemble.
05:09Voilà, c'est ça que j'ai envie qu'on retienne.
05:11Je crois que personne ne peut dire
05:13que la ville n'a pas profondément changé.
05:15On est rentré dans la transition écologique dès 2001,
05:18et aujourd'hui on accélère profondément.
05:20Parce qu'un bilan, finalement, quand un maire se représente,
05:22il est jugé sur son bilan.
05:23Là, vous ne serez pas jugé, en l'occurrence, sur son bilan.
05:25C'est pour ça que vous avez à cœur de le mettre en avant ?
05:28C'est le bilan d'une équipe aussi.
05:30Donc ce seront les prochains qui seront jugés là-dessus ?
05:32Vous savez, on dit toujours qu'on n'est pas jugé sur un bilan.
05:35Moi, j'en remarque quand même que quand le bilan n'est pas bon,
05:37en général, on n'est pas réélu.
05:38Mais il ne suffit pas d'un bilan.
05:40C'est la raison pour laquelle cette jeune génération,
05:42je viens de le dire,
05:44elle va continuer à défendre les mêmes valeurs
05:47qui sont pour nous la solidarité,
05:49la transition écologique,
05:51l'ouverture vers les autres, le vivre ensemble.
05:53Mais ils vont avoir, heureusement,
05:55des nouvelles idées pour pouvoir continuer
05:58à faire progresser l'île.
06:00Je voudrais quand même le dire,
06:01on a transformé l'île, mais on a gardé son identité.
06:03On l'a fait grandir, mais on a gardé notre vivre ensemble.
06:06Et ça, pour moi, c'est très important.
06:08Est-ce que, dans le même temps, la ville a changé,
06:10évolué dans les attentes de ses habitants ?
06:12Vous l'avez vu évoluer dans ces 24 dernières années,
06:14des choses qu'on vous demandait en 2001,
06:16qu'on ne vous demande plus aujourd'hui, et inversement ?
06:18Bien sûr. Et vous le savez bien, et je l'ai dit,
06:20tout n'est pas parfait, loin de là.
06:22Notamment sur la sécurité,
06:24qui est pourtant un combat pour lesquels je me suis battue,
06:28et notamment avec mes deux directeurs de cabinets successifs,
06:31que ce soit Audrey ou Arnaud.
06:34Vis-à-vis du ministère de l'Intérieur,
06:36nous avons en permanence fait pression
06:38pour avoir plus de policiers nationaux.
06:40Parce que nous savons où nous sommes placés,
06:42nous savons que la voie de la drogue venant des ports d'envers et autres,
06:45elle est là, et qu'elle crée aujourd'hui
06:47beaucoup de problèmes aux habitants.
06:50Peut-être un peu moins qu'ils sont dans les halls d'immeubles,
06:53ils sont un peu plus à livrer leur drogue,
06:55mais c'est quand même un vrai sujet.
06:57Et puis il y a ceux qui, pour payer leur drogue,
06:59vont voler des commerçants, par exemple.
07:02D'où ce que nous avons fait avec les caméras de surveillance,
07:05le centre de sécurité urbaine,
07:07et l'augmentation des policiers municipaux.
07:09Mais les policiers municipaux sont là pour la tranquillité,
07:12ils ne sont pas là pour des tâches régaliennes,
07:14qui sont de courir après les dealers,
07:17ou après des gens qui commettent des actes pénaux extrêmement lourds.
07:21Vous dites passer la main à une nouvelle génération,
07:24en quoi est-elle différente, cette génération,
07:26comparée à la vôtre, dans la manière d'être maire,
07:28la manière de faire de la politique, c'est différent aujourd'hui ?
07:31J'ose espérer, enfin non, j'ose pas espérer, j'en suis sûre,
07:34qu'on a les mêmes bases et les mêmes valeurs.
07:36Je l'ai dit en parlant d'Arnaud...
07:39On n'est pas maire aujourd'hui comme on était maire en 2001,
07:41quand vous êtes arrivé, si ?
07:42Oui, mais moi-même j'ai changé.
07:44En quoi ?
07:45Heureusement, parce que quand je suis arrivé,
07:47ce qu'il fallait c'était redresser les comptes de la ville,
07:50c'était partir de ce qu'avait fait Pierre Moroy,
07:52le TGV, ça nous a changé la vie,
07:54ce qu'il avait fait avec sa turbine tertiaire,
07:56il avait commencé à améliorer effectivement le centre-ville,
07:59il a bien fait de commencer par là,
08:01mais il y avait tous les quartiers populaires dont il fallait s'occuper.
08:03Aujourd'hui, tout cela est à peu près terminé pour certains quartiers,
08:08il a fallu passer dans la transition écologique,
08:11premier agenda 21 en 2001 quand même,
08:13donc aujourd'hui on est en plein dedans.
08:17Sur mon tempérament, vous dites vous occupez de tout,
08:20non, je pense, je suis, oui, exigeante sur tout,
08:24c'est-à-dire que je pense que quand on se fait élire,
08:27on doit aux gens une rigueur, morale d'abord,
08:31et puis une rigueur dans ce qu'on fait.
08:33Donc oui, je travaille beaucoup,
08:35mais ce que j'aime aussi, c'est qu'on pense la ville avec les autres,
08:39avec les élus, et on voit ensuite les résultats de ce qu'on fait,
08:41mais c'est surtout le lien avec les Lillois.
08:43Tous les jours, je m'occupe de 1, 2 ou 3 Lillois qui ont un problème,
08:46et c'est ce lien qui fait que c'est le plus beau métier du monde.
08:50J'espère qu'Arnaud va me remercier,
08:51parce que c'est le plus beau métier en politique que d'être maire d'une ville.
08:55Et malgré tout, vous quittez ce métier,
08:57sans pour autant mettre fin à votre carrière politique,
08:59vous l'avez dit également.
09:00Comment voyez-vous votre rôle futur au sein du Parti Socialiste ?
09:03C'est un souhait que vous avez émis hier.
09:05Vous avez participé aux discussions,
09:07et aux questions subsidiaires,
09:09vous parlez de temps en temps à François Hollande,
09:11parce qu'il incarne un peu comme vous les « grandes heures » du PS.
09:15Vous savez, François Hollande, moi je sais ce qu'il a fait de bien.
09:19Grâce à lui, les services publics, l'éducation, la sécurité,
09:23pour ne prendre que ces exemples-là,
09:25ont été largement améliorés dans notre pays.
09:28Pour ne prendre que ces exemples.
09:29La France était reconnue dans le monde quand François Hollande était président.
09:32J'étais en désaccord sur les dernières mesures qu'il a prises,
09:36et je l'ai dit, comme je le fais en général.
09:39Mais quand on voit la différence avec ce qui se passe aujourd'hui,
09:42où on a été mis dehors de l'Afrique,
09:44où la France, heureusement qu'Emmanuel Macron reprend,
09:47et je le soutiens, avec les Anglais, avec les Allemands,
09:51reprend le leader pour l'Europe,
09:55et pour l'Ukraine, et pour soutenir l'Ukraine,
09:57et il faut le soutenir là-dedans.
10:00Je parle peu avec François Hollande.
10:02Quand je le rencontre, c'est sympathique,
10:03il est toujours aussi sympathique et drôle,
10:05donc c'est toujours bien.
10:07Mais non, aujourd'hui, le patron du PS, Olivier Faure...
10:10Qui remet lui aussi son mandat en jeu, par ailleurs.
10:13Oui, voilà.
10:14Et c'est aussi les deux patrons des groupes socialistes de l'Assemblée du Sénat,
10:17avec qui je parle extrêmement souvent.
10:19Moi, vous savez, j'ai jamais réussi...
10:21J'ai toujours aimé travailler collectif,
10:23je l'ai dit pour la ville, mais c'est vrai aussi au parti.
10:25Quand j'ai pris le parti socialiste,
10:27on était le cadavre à la renverse.
10:29Après, on a tout gagné.
10:31Tout gagné, même la majorité au Sénat,
10:33même la majorité à nous tous seuls,
10:35à l'Assemblée nationale.
10:37Ah bah attendez, c'est pas moi qui étais présidente de la République.
10:40Mais franchement, pourquoi ?
10:42Eh bien parce qu'on a réussi à se rassembler,
10:44parce qu'on a réussi à travailler,
10:46en ouvrant les portes et les fenêtres vers les intellectuels,
10:48les experts, les syndicalistes, le milieu associatif,
10:50le milieu économique.
10:52Il faut se réouvrir et il faut présenter aux Français,
10:54enfin, un projet, je dis enfin,
10:56pour nous les autres,
10:58on est moins pire que beaucoup d'autres,
11:00un projet où les Français se disent
11:02« Ah, là, on s'occupe de nous,
11:04on s'occupe des gros problèmes du monde,
11:06c'est la défense aujourd'hui, c'est aussi le climat,
11:08et on nous donne enfin envie
11:10de retrouver la politique. »
11:12Donc, je vais y contribuer très modestement à ma place.
11:15Un projet pour 2027, en prévision de la prochaine élection présidentielle.
11:18D'ici la 2026, les élections municipales,
11:20nous aurons l'occasion d'en reparler peut-être avec vous.
11:22Martine Aubry, merci beaucoup.
11:24Ça va vous manquer, les interviews à la radio le matin ?
11:28Avec vous, oui.
11:30On retiendra ça. On va en faire un jingle.
11:32Merci beaucoup Martine Aubry, en tout cas, d'avoir accepté notre invitation.