Le président du Rassemblement national Jordan Bardella s'oppose à une "Europe de la défense" qui reposerait sur "la spoliation des moyens de la France". Concernant l'Ukraine, il estime que "2025 doit être l'année de la paix". Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-lundi-10-mars-2025-8316530
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00:00France Inter, Léa Salamé, Nicolas Demorand, le 7-10.
00:07Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin le Président du Rassemblement National,
00:12également député européen.
00:14Vos questions au 01 45 24 7000 et sur l'application Radio France.
00:21Jordan Bardella, bonjour.
00:22Bonjour.
00:23Bienvenue sur Inter, votre dernière venue à ce micro remonte au 4 décembre dernier
00:29et depuis, en trois mois, le monde a connu une bascule avec l'arrivée de Donald Trump
00:36à la Maison-Blanche, fin de l'aide américaine à l'Ukraine, remise en cause de l'alliance
00:42transatlantique au spectaculaire des droits de douane et perspectives de guerre mondiale.
00:49La nouvelle administration Trump n'en finit pas de bousculer jour après jour l'ordre
00:54international.
00:56Alors dites-nous, comment vous avez accueilli au RN cette accélération de l'histoire ?
01:02Quels mots mettez-vous ce matin sur le moment historique que nous sommes en train de traverser ?
01:08Les Français qui nous écoutent ce matin et peut-être plus depuis, c'est vrai ces
01:13dernières semaines, mais surtout depuis une dizaine de jours, ont le sentiment d'un
01:17monde sans dessus-dessous, avec à l'ouest une puissance, la première puissance mondiale
01:23qui fait le choix de se recentrer sur la défense de ses intérêts, et à l'est un Etat allié
01:30l'Ukraine, qui subit depuis maintenant trois ans une guerre qui a fait plus d'un million
01:35de victimes, morts et blessés, et qui doit maintenant trouver une issue.
01:39On a le sentiment que la France, et c'est le sentiment que j'ai eu en écoutant le président
01:43de la République l'autre soir à la télévision, qu'il est rattrapé par un monde dont il
01:47a toujours nié l'existence.
01:49Ce monde, c'est celui du retour des peuples, du retour des nations, et on comprend aujourd'hui
01:55que le fait d'avoir confié pendant plusieurs décennies notre sécurité aux Américains,
02:01nos industries à la Chine et notre politique énergétique à la Russie, nous a placé
02:05dans une situation de dépendance, et on a le sentiment que nous vivons la fin d'une
02:10naïveté.
02:11Et puis nous vivons surtout une réalité géopolitique que nous avons prédit depuis
02:16vingt ans.
02:17Ça fait vingt ans qu'on dit que l'avenir ne peut être qu'un avenir des États-nations,
02:22et notamment en Europe, parce que nous avons parfois des intérêts divergents, et que
02:25si on délègue notre sécurité et notre souveraineté à des puissances étrangères, alors nous
02:29ne sommes plus un pays libre.
02:30On va parler de l'Europe, puisque vous pensez que l'avenir est dans la nation, d'autres
02:35pensent que l'avenir est dans l'Europe, pour nous défendre.
02:37Mais dans son adresse aux Français, Emmanuel Macron a déclaré que la Russie n'a jamais
02:40été aussi menaçante pour la France et pour l'Europe.
02:42Il a dit que Vladimir Poutine violait nos frontières pour assassiner des opposants,
02:46manipulait les élections en Roumanie, en Moldavie, organisait des attaques numériques
02:50contre nos hôpitaux.
02:51Réaction de Sébastien Chenu chez vous, au Rassemblement National, après l'allocution
02:56d'Emmanuel Macron ? Il en fait trop le Président, il joue avec les peurs des Français.
03:00C'est ça qu'il a fait ? C'est ça que vous avez entendu dans son allocution d'Emmanuel
03:04Macron ? Il jouait avec la peur des Français ?
03:05Je pense que vous avez un peu rétréci la pensée de Sébastien Chenu qui indiquait
03:11que la Russie est évidemment, et je le pense, une menace aujourd'hui multidimensionnelle
03:18pour la France et pour les intérêts européens.
03:21On l'a vu tout au long de la campagne électorale, on l'a vu à Mayotte où la Russie a pris
03:27faite écose pour les Comores qui revendiquent la souveraineté d'une partie du territoire
03:30français.
03:31On le voit en mer noire où des bâtiments de l'armée française sont régulièrement
03:36mis en joue.
03:37On l'a vu au travers d'un certain nombre de choses que vous avez rappelées.
03:38Et pourquoi il dit qu'Emmanuel Macron joue avec les peurs ? Et on l'entend, vous
03:42l'avez cité Sébastien Chenu, mais depuis quelques jours, on l'entend dans votre partie
03:46par la bouche d'autres qui disent « ah là là, attention, il en fait trop, il joue
03:49avec les peurs, ça va, c'est pas si grave que ça ».
03:51La question fondamentale qu'on doit se poser, c'est est-ce que la Russie menace
03:55les intérêts français au point de se retrouver dans une situation de face à face et de guerre
04:00avec une puissance qui est une puissance nucléaire ? Et depuis le début de ce conflit,
04:05nous réclamons que la France prenne l'initiative d'une conférence internationale pour la
04:08paix parce que je suis un soutien de l'Ukraine et je défends la souveraineté territoriale
04:12de l'Ukraine.
04:13Mais je crois que l'avenir de la France et de l'Europe ne peut passer dans une
04:18guerre larvée avec une puissance qui est une puissance nucléaire, qui est sur le
04:23plan géographique le plus grand pays du monde et qui se retrouve dans une alliance renforcée
04:28depuis trois ans avec le pays le plus peuplé du monde, notamment la Chine.
04:32Et je crois précisément que la France doit retrouver son rôle de puissance libre, indépendante,
04:38équilibrée, non-alignée, empêcher l'escalade et permettre en même temps au président
04:43ukrainien et à l'Ukraine de retrouver non seulement les voies de la paix, mais d'obtenir
04:47des garanties de sécurité.
04:48Et c'est peut-être là où l'approche européenne est différente de l'approche
04:50américaine.
04:51C'est-à-dire qu'on doit parler tout de suite avec Vladimir Poutine ?
04:54L'approche américaine… Répondez-moi sur ça.
04:57D'abord, je pense qu'il faut réunir les Occidentaux autour de la table.
05:00Parce qu'on ne peut pas arriver devant une puissance qui conteste des intérêts français
05:04et des intérêts occidentaux si les Occidentaux eux-mêmes ne sont pas unis.
05:07Et c'est ce qui m'a fait beaucoup de peine dans l'échange extrêmement houleux entre
05:11Volodymyr Zelensky et Donald Trump il y a quelques jours dans le bureau Oval.
05:15C'est qu'on a le sentiment d'une partition et d'une division du camp occidental.
05:19Donc, moi je pense que la France doit prendre l'initiative d'un sommet qui réunisse
05:22l'ensemble des puissances occidentales, l'Ukraine, les Etats-Unis, mais aussi les
05:26nations européennes et notamment les grandes nations européennes comme la France.
05:29Et je crois que dans ce mouvement à la fois de négociation de la paix et en même temps
05:34de retour à une forme d'indépendance et d'autonomie stratégique, la France doit
05:38être une puissance d'entraînement majeure aujourd'hui en Europe.
05:41Parce que nous avons un siège au Conseil de sécurité de l'ONU, parce que nous avons
05:44l'arme nucléaire et que nous sommes le seul pays aujourd'hui de l'Union Européenne
05:47existe évidemment la Grande-Bretagne à avoir une armée et une base industrielle de défense
05:51qui doit justement nous permettre d'aller vers l'autonomie stratégique et de retrouver
05:56une forme de souveraineté.
05:57Je pense qu'on doit se donner deux priorités, la paix et l'indépendance.
06:01Parce que tant que notre avenir s'écrira à Washington, à Berlin ou à Bruxelles,
06:05la France ne sera pas un pays libre.
06:06Depuis l'altercation que vous mentionniez à l'instant entre Trump et Zelensky dans
06:12le bureau Oval, suivi de l'annonce de la suspension de l'aide à l'Ukraine, trois
06:18Français sur quatre estiment que les États-Unis ne sont plus aujourd'hui un allié de la
06:25France.
06:26Vous, vous dites qu'ils sont toujours nos alliés ?
06:28Je pense que les Américains non seulement doivent demeurer des alliés de la France,
06:32mais il faut sortir de la naïveté.
06:34En matière de géopolitique, nous n'avons pas d'amis, nous n'avons que des intérêts.
06:38Et c'est avec cette philosophie que les États-Unis abordent avec l'arrivée de Donald Trump
06:44qui met en œuvre ses promesses et les promesses sur lesquelles il a été élu.
06:47Le monde tel que nous le vivons aujourd'hui, les Américains défendent leurs intérêts,
06:52les Russes défendent leurs intérêts, la Chine défend ses intérêts, les puissances
06:56émergentes défendent leurs intérêts.
06:57La question c'est est-ce que la France et l'Europe vont continuer dans le monde que
07:01nous vivons à défendre les intérêts des autres ou est-ce que nous allons penser à
07:04notre propre sécurité ?
07:05Et moi je plaide précisément pour que la France retrouve sa capacité, ses moyens et
07:11sa souveraineté en matière de défense.
07:12Ça veut dire pas un budget de défense inférieur à 3% du PIB, ça veut dire la préférence
07:17européenne dans les marchés publics.
07:19J'entends beaucoup parler d'Europe de la défense mais l'Europe de la défense aujourd'hui
07:22elle ne nous profite pas.
07:23Et si retrouver notre sécurité ça consiste à donner l'argent des Européens pour se
07:27réarmer avec du matériel américain, c'est pas ça la liberté.
07:30Jordan Bardella vous avez salué au moment de l'élection de Trump le retour de Trump
07:34aux affaires et je vous cite ce vent de liberté qui souffle sur toutes les démocraties occidentales
07:38et que vous voulez incarner en France.
07:40Ce vent de liberté de Trump c'est un modèle.
07:43C'est vrai que vous avez eu des mots à son élection assez positifs, assez enthousiastes
07:48sur Donald Trump.
07:49Moi j'aime les dirigeants politiques qui défendent l'intérêt de leur pays.
07:53C'est un modèle donc ?
07:54Non, j'ai pas besoin de prendre des modèles dans d'autres pays mais je peux apprécier
08:00le patriotisme d'un dirigeant politique sans pour autant considérer qu'il défend mes
08:04propres intérêts.
08:05Vous m'aviez posé la question il y a quelques semaines.
08:07L'élection de Trump c'est bon pour l'Amérique mais c'est mauvais pour l'Europe, c'est
08:12mauvais pour la France et c'est mauvais par définition pour les autres pays.
08:15On vit aussi la fin du nerf où on a considéré que les américains allaient ad vitam aeternam
08:20assurer la sécurité des nations européennes.
08:23Donc Donald Trump il fait ce pourquoi.
08:25Il a été élu.
08:26Il a été élu sur une promesse qui est celle du désengagement militaire et financier
08:29de l'Ukraine.
08:30Maintenant là où je précise qu'il y a une différence d'approche dans les négociations
08:34de la paix entre la vision européenne et la vision américaine, c'est que les américains
08:38considèrent que les 20% de territoires qui ont été amputés à l'Ukraine, précisément
08:42par la Russie depuis trois ans, doivent demeurer comme un statu quo.
08:47La Russie ne peut pas obtenir par la paix ce qu'elle n'a pas obtenu par la guerre.
08:50Donc il faut continuer à défendre ces 20% de territoires ?
08:53Je pense qu'on ne peut pas, avant même d'avoir débuté les négociations, considérer que
08:58les 20% de territoires qui ont été gagnés par la fédération de Russie resteront à
09:01la fédération de Russie.
09:02Alors comment on fait ?
09:03D'abord, les questions maintenant vont être très précises.
09:06Est-ce qu'il faut envoyer tout de suite plus d'armes pour pallier l'Amérique a arrêté
09:10les armes, l'envoi d'armes ?
09:12Tous les envois d'armes sont bloqués aux frontières.
09:13Est-ce qu'aujourd'hui la France doit envoyer davantage d'armes aux Ukrainiens là tout
09:18de suite ?
09:19Madame, nous n'en avons pas les moyens.
09:20Dans un monde idéal, la France par sa puissance industrielle serait capable d'exporter des
09:26armes.
09:27Nous faisons partie des premiers exportateurs dans le monde en matière d'armement.
09:30Mais aujourd'hui, il faut être très clair et très pragmatique, ne pas mentir, si les
09:33Américains retirent leur soutien logistique, matériel et financier, l'Ukraine ne peut
09:37pas continuer à se battre.
09:38Là, vous seriez au pouvoir aujourd'hui en France, vous arrêtez l'envoi d'armes.
09:42Non, moi je prendrais l'initiative d'un sommet, c'est la proposition de Madame Mélanie que
09:47je trouve extrêmement pertinente dans la période, de mettre tous les Occidentaux autour de la
09:51table et de négocier les conditions de la paix.
09:53Je suis résolument opposé à ce qu'on envoie des troupes françaises et notamment des troupes
09:58européennes sous pavillon national en Ukraine.
10:00En revanche…
10:01Mais là, les Ukrainiens nous demandent des armes tout de suite, très vite, vous vous
10:04dites non.
10:05Mais quelles armes ?
10:06Sébastien, le Cornu propose de livrer au plus vite des chars et des blindés qui font
10:09partie de nos équipements les plus anciens sur ce point-là, est-ce que vous lui donnez
10:15raison ?
10:16Non mais attendez, on aura la même discussion, envoyons ce qu'on peut encore envoyer, si
10:22on n'est pas en train de dépecer la France.
10:25Parce qu'aujourd'hui, la réalité c'est que nous n'avons plus de stock stratégique
10:28en France.
10:29Moi je me rappelle d'un rapport parlementaire du Sénat il y a quelques mois qui disait
10:32qu'en cas de conflit de haute intensité, la France ne tiendrait pas trois semaines.
10:36Donc on arrête d'envoyer des armes aux Ukrainiens, c'est clair.
10:40Mais il faut arrêter la guerre ! Et moi je prends au mot les propos du président ukrainien
10:44à la sortie du Conseil européen qui dit que la priorité n'est pas de continuer
10:49le combat, il dit que la priorité c'est de cesser le feu en mer et sur terre.
10:53Donc 2025 doit être l'année de la paix, cette guerre a fait beaucoup trop de morts
10:57et donc je pense que la première initiative des Occidentaux devrait être de se mettre
11:01autour de la table pour déterminer de potentielles conditions de paix qui seraient des conditions
11:07avec lesquelles nous irions voir la fédération de Russie.
11:09Premièrement.
11:10Deuxièmement, je pense qu'il doit y avoir une zone tampon, ça doit faire partie des
11:12garanties de sécurité qui soient sous l'égide des Nations Unies et notamment des casques
11:16bleus.
11:17Parce que le rôle des casques bleus et le rôle des Nations Unies c'est précisément
11:20dans ce cadre-là d'assurer le maintien et la paix dans une zone tampon qui délimiterait
11:26l'Ukraine et la Russie.
11:27La Commission Européenne a présenté la semaine dernière un plan à 800 milliards
11:30pour accélérer le réarmement du continent qui a été accepté par les 27, vous seriez
11:34au pouvoir là tout de suite, vous l'auriez voté ou pas ce plan d'Ursula von der Leyen ?
11:39Alors d'abord il faut rentrer dans le détail, parce que sur les 800 milliards qui ont été
11:42annoncés par la Présidente de la Commission Européenne, c'est 150 milliards de prêts
11:45aux Etats.
11:46Absolument.
11:47Les 650 milliards d'euros restants sont des vœux pieux, on appelle en gros les Etats
11:53à s'endetter davantage pour se réarmer.
11:56Je ne vais pas vous rappeler le taux d'endettement de la France, même si moi je vais vous dire
12:00que je suis extrêmement pragmatique sur les investissements de défense, les investissements
12:05de défense, et je tiens à le dire aux Français, ça rapporte plus que ça ne coûte.
12:09Et quand vous mettez un euro dans les investissements liés à la défense, vous en récupérez
12:15le double au bout de dix ans.
12:17Donc les investissements dans la défense c'est extrêmement rentable et ça permet
12:20non seulement d'assurer notre sécurité.
12:22Ce plan d'Ursula von der Leyen, vous l'auriez voté ou pas ?
12:25A une condition, c'est qu'on mette en place la préférence européenne dans ses
12:29achats de défense.
12:30Elle n'est pas dans le plan.
12:31Si c'est pour, alors non.
12:32Donc non, vous ne l'auriez pas voté.
12:34C'est là où j'aimerais avoir votre avis.
12:38Parce que vous voyez, ce plan de 800 milliards que vous contestez depuis qu'il a été
12:42voté, il a été voté par Victor Orban, qui n'est pourtant pas le plus grand europhile.
12:46Il a été voté par Giorgia Meloni.
12:48Et vous vous dites non, on ne l'aurait pas voté.
12:50Parce que ce sont des Etats qui sont précisément sur le plan de leur défense, en tout cas
12:53une partie des pays d'Europe de l'Est, sous pavillon américain et sous le parapluie
12:58nucléaire américain.
12:59Nous sommes la France.
13:01Nous avons une grande armée.
13:02Nous avons une base industrielle de défense qui est remarquable, qui est enviée dans
13:06le monde entier.
13:07Et nous avons précisément un siège de conseil de sécurité de l'ONU qui nous garantit
13:11une forme d'indépendance.
13:12Si l'Europe de la défense, ça consiste à acheter du matériel américain, à acheter
13:17des F-35 plutôt qu'à acheter des Rafales, alors ça ne nous bénéficie pas.
13:21Donc moi je veux bien que les nations européennes s'engagent dans un effort financier sans
13:25précédent pour se réarmer.
13:27Ça a été fait globalement depuis dix ans, même si la France a en pourcentage moins
13:31d'efforts financiers pour se réarmer depuis dix ans que les autres pays.
13:34C'est vrai.
13:35C'est vrai.
13:36C'est vrai.
13:37Et nous avons soutenu ces efforts de réarmement.
13:39Mais quand j'entends le chancelier allemand venir dire qu'on a besoin du parapluie nucléaire
13:44français pour se substituer au parapluie nucléaire américain, et bien moi je lui
13:48propose une chose, c'est qu'il commence par renoncer à ses commandes de F-35 américains
13:53et qu'il achète des Rafales français.
13:55Parce qu'on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.
13:58Et sur le fond, Jordan Bardella et Emmanuel Macron veulent ouvrir le débat sur l'extension
14:03du parapluie nucléaire français aux partenaires de l'Union Européenne, on précise que ce
14:09n'est pas un partage du bouton nucléaire qui reste français, mais la possibilité
14:15d'étendre le parapluie nucléaire à d'autres pays.
14:18Pour vous c'est non ?
14:19Ce n'est pas ce qu'a indiqué le gouvernement polonais, qui a reçu les propos d'Emmanuel
14:23Macron sur le partage de la dissuasion nucléaire avec un argument.
14:26Ce partage vaut si la Pologne peut accéder au système de déploiement du feu nucléaire.
14:35La réponse de la France est claire, c'est non.
14:37Donc, moi je suis opposé à ce que la France partage.
14:42Oui mais alors quel est l'intérêt de ce débat ?
14:44Parce que s'il s'agit de partager le bouton nucléaire, les français y sont opposés.
14:49Je pense que la France doit conserver la conception, la mise en œuvre et le déclenchement du
14:53feu nucléaire de manière souveraine et entre les mains du Président de la République.
14:58Deuxièmement, s'il s'agit de partager la capacité de défense de la France.
15:04D'abord, la défense des intérêts vitaux de la France ne s'est jamais arrêtée aux
15:07frontières de l'Hexagone.
15:08C'est la doctrine du général de Gaulle qui avait été rappelée dans le livre blanc
15:11de la défense par Michel Debré.
15:13En 1972, nous sommes très clairs là-dessus, De Gaulle lui-même disait que les intérêts
15:17vitaux de la France étaient menacés à partir du moment où le territoire du Benelux était
15:21lui-même menacé.
15:22Premièrement.
15:23Deuxièmement, notre appartenance à l'Union Européenne aujourd'hui nous confère d'ores
15:26et déjà un devoir d'assistance mutuelle à l'égard des pays de l'Union, à l'égard
15:30des pays européens qui seraient agressés par une puissance étrangère hostile.
15:35Donc, quel est l'intérêt de ce débat si ce n'est alimenter l'idée que le Président
15:40de la République est dans une fuite en avant fédéraliste, qu'il considère qu'il faut
15:44désarmer la souveraineté de la France pour la partager avec des partenaires européens.
15:47Je veux dire, l'Europe de la défense, c'est une chimère et le choix des armes, il ne
15:52peut être que souverain.
15:53Et moi, je ne souhaite pas que demain ou après-demain, la présidente de la Commission Européenne
15:57puisse décider d'envoyer des soldats français mourir sur des théâtres d'opérations extérieures.
16:01Ce n'est pas du tout sa compétence, ce n'est pas sa compétence.
16:05La défense, ce n'est pas sa compétence ? Absolument.
16:06Alors pourquoi prend-elle l'initiative ? Pourquoi vous dites ça ? Parce que l'Union
16:10n'profite des crises pour s'approprier des compétences qui ne sont pas les siennes.
16:14Elle l'a fait pendant la crise sanitaire avec la compétence de s'enfuir.
16:17Ça nous a permis d'avoir des vaccins, Jordan Barbella.
16:18Elle l'a fait pendant la crise migratoire, elle l'a fait pendant la crise migratoire.
16:21Ce n'était pas bien ce qu'elle a fait ?
16:22Avec le pacte pour les migrations.
16:23Pendant le Covid sur les vaccins, ce n'était pas bien ?
16:24On progresse.
16:25Il y a quelques secondes, vous m'avez dit que ça n'était pas le cas.
16:27Vous voyez bien que la Commission Européenne utilise chaque crise pour s'approprier des
16:30compétences qui ne sont pas les siennes.
16:32Et moi je vous dis une chose que je crois beaucoup de Français partagent, le choix
16:35des armes ne peut être que souverain et l'Europe de la défense, c'est la spoliation des moyens
16:40de la France par la Commission Européenne.
16:42Donc j'y suis résolument opposé.
16:44Je pense que la France a un rôle aujourd'hui moteur mais que nous devons renouer avec une
16:48diplomatie libre et indépendante.
16:50Et précisément, à partir du moment où des partenaires européens font le choix d'acheter
16:55du matériel américain plutôt que d'acheter du matériel français et européen, on ne
16:59peut pas parler d'Europe de la défense.
17:00Emmanuel Macron vous a d'ailleurs attaqué sur vos positions dans ce débat, estimant
17:03au Figaro ces sujets ne souffrent pas d'amateurisme, Madame Le Pen n'est pas sérieuse, sinon
17:07elle ou Monsieur Bardella seraient venus à la réunion sur l'Ukraine et la défense
17:10que j'ai faite la semaine dernière avec les partis.
17:12L'un était à Washington pour découvrir que Monsieur Steve Bannon faisait des saluts
17:15nazis contre Madame Le Pen, je comprends qu'elle était en vacances.
17:18Bon, je pense que quand on est président de la République, non seulement on doit avoir
17:23un peu de hauteur, mais on doit éviter de raconter n'importe quoi.
17:27Parce qu'à chaque fois que le président de la République a convoqué des réunions
17:30de chefs de partis, je m'y suis rendu.
17:32Marine Le Pen s'y est systématiquement rendu.
17:35En l'occurrence, la réunion que vous mentionnez, nous avons été sollicités par l'Elysée
17:39quelques heures avant la réunion et effectivement j'étais dans l'avion, donc je ne fais pas
17:42mon agenda en fonction de l'agenda du président de la République Emmanuel Macron.
17:48Vous étiez dans l'avion pour aller au CIPAC, ce rassemblement conservateur qui se tenait
17:54à Washington.
17:56Vous avez annulé votre discours après un salut nazi de Steve Bannon, ancien conseiller
18:01de Trump.
18:02Bannon, qui vous a ensuite très violemment attaqué, s'il est si inquiet que ça et
18:08qu'il se fait pipi dessus comme un petit garçon, alors il est indigne et ne dirigera
18:14jamais la France.
18:15Il estime que seuls les hommes ou les femmes à poignes peuvent diriger le pays.
18:20Alors, je reconnais que les termes sont peu diplomatiques, mais vous lui répondez quoi ?
18:25Rien du tout, je ne réponds pas et je ne débats pas avec quelqu'un qui lève le bras
18:29sur scène.
18:30C'est tout.
18:31Mais il a fallu attendre le salut nazi de Steve Bannon pour prendre conscience de la
18:35radicalité du personnage ?
18:37Pardon, je n'étais pas en une noce avec Steve Bannon.
18:42Je me suis rendu à un meeting aux Etats-Unis dans lequel il y avait beaucoup de partis patriotes,
18:50dont des représentés des partis qui sont au pouvoir, le parti de Madame Mélanie,
18:55le parti du président argentin, le parti du président américain Donald Trump.
19:00Et puis il s'avère que sur scène, sur les dizaines d'orateurs qui se sont exprimés
19:04sur la scène pendant près de trois jours, il y a un intervenant qui s'est exprimé
19:07avant moi, qui est un ancien conseiller de Donald Trump, qui a levé le bras durant son
19:13discours et je n'ai pas souhaité prendre la parole après sur scène.
19:16Mais enfin, si vous me reprochez de ne pas avoir voulu m'exprimer sur scène où quelqu'un
19:20a fait un salut nazi, là je suis extrêmement inquiet par vos griefs.
19:24Un mot sur la situation en Syrie, Jordan Bardella, près de 1000 morts en trois jours, essentiellement
19:28dans la communauté alaouite, le pays est-il hors de contrôle ?
19:30Oui, il l'est depuis plusieurs années, mais ce qui m'interpelle, c'est que tout le monde
19:37s'est félicité de la chute d'un dictateur, dont acte le régime de Bachar el-Assad, et
19:44que la France, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, M. Barraud, a été
19:47le premier à se rendre à Damas pour aller se prosterner devant le nouveau régime syrien
19:55qui est tenu par les héritiers d'Al-Qaïda, de Daesh, et par une organisation terroriste
20:00qui a organisé des attentats contre la France.
20:01Il ne faut pas leur parler.
20:02C'est-à-dire que quand je vois qu'en pleine tentative de négociation de la paix avec
20:06la Russie, le ministre des Affaires étrangères ne veut pas prendre le ministre des Affaires
20:10étrangères russe, M. Lavrov, au téléphone, mais qu'il va se prosterner devant les héritiers
20:15de Daesh et d'Al-Qaïda en Syrie, je trouve que ça ridiculise la diplomatie française,
20:20ça ridiculise sa fonction, et permettez-moi d'avoir un mot pour les minorités halaouites
20:24et chrétiennes qui depuis maintenant plusieurs heures subissent des massacres sans commune
20:29mesure de la part de gens dont la réaction, l'action et l'hostilité civilisationnelle
20:36et viscérale qu'ils portent à notre civilisation, en tout cas à la civilisation chrétienne
20:41était parfaitement prévisible.
20:42Le verdict du procès des assistants parlementaires du FN est attendu dans trois semaines maintenant,
20:49le 31 mars.
20:50Rappelons qu'une peine de cinq ans d'inéligibilité avec exécution provisoire a été requise
20:57contre Marine Le Pen, ce qui l'empêcherait de facto de se présenter en 2027 au RN.
21:04Vous vous préparez à toutes les éventualités, y compris à ce scénario où Marine Le Pen
21:11ne serait pas candidate ?
21:12Je ne crois pas à l'inéligibilité de Marine Le Pen, parce que Marine Le Pen est totalement
21:18innocente dans ce dossier.
21:19Je me permets de rappeler encore et toujours qu'on parle d'un désaccord administratif
21:23sur la façon dont ont travaillé les assistants du Parlement européen, et qu'une inéligibilité
21:28en tout cas avec exécution provisoire qui priverait une candidate qui était trois fois
21:33candidate à l'élection présidentielle et qui est aujourd'hui donnée au second tour
21:36dans tous les sondages, constituerait effectivement un problème démocratique.
21:41Si elle était empêchée de se présenter, qu'est-ce qui se passe ?
21:44Je ne me mets pas dans cette hypothèse.
21:47Mais si jamais ? Gouverner, c'est prévoir, Jordan Barbella.
21:51Oui, mais à partir du moment où Marine Le Pen est innocente, et à partir du moment
21:56où je sais son innocence, nous ne nous mettons pas dans cette situation.
21:59C'est la justice qui décide de son innocence ou pas ?
22:01C'est vrai, mais si condamnation il doit y avoir, nous ferons appel.
22:06Et en tout cas, s'il y a une exécution provisoire sur une paie d'inéligibilité prononcée
22:10comme ça a été évoqué dans les réquisitions du parquet, ça ne pose rien.
22:13Elle a dit heureusement on est deux, heureusement il y a Jordan Barbella.
22:16Voilà.
22:17Donc c'est vous.
22:18Non mais je viens, vous m'avez posé la question, je ne crois pas à son inéligibilité.
22:23Donc voilà, la réponse est trouvée.
22:25Merci.
22:26Merci à vous.
22:27Merci beaucoup.
22:28Merci d'avoir été au micro d'Inter, Jordan Barbella, président du Rassemblement National.