Des millions de dollars auraient été gâchés aux Etats-Unis pour des recherches visant à «rendre les souris transgenres» ou à «promouvoir l’idéologie LGBTQIA dans la nation africaine du Lesotho, dont personne n’a jamais entendu parler» ? C’est en tout cas, ce qu’a défendu Donald Trump lors de son discours devant le congrès le 4 mars. Cette allocution montre ce que pense le nouveau président américain du monde scientifique.
Il licencie des fonctionnaires dans les agences fédérales œuvrant à la protection de la santé et de l’environnement, il réduit des financements de la recherche publique et censure même des thématiques qu’il n’aime pas.
Il licencie des fonctionnaires dans les agences fédérales œuvrant à la protection de la santé et de l’environnement, il réduit des financements de la recherche publique et censure même des thématiques qu’il n’aime pas.
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00:00Il interdit aux scientifiques d'utiliser certains mots comme diversité, genre, changement climatique.
00:04Selon lui, des millions de dollars auraient été gâchés aux Etats-Unis
00:08pour faire des recherches visant à rendre des souris transgenres.
00:15Mais c'est quoi le problème de Donald Trump avec les scientifiques ?
00:19Vous le savez, son administration n'a de cesse d'attaquer le monde scientifique
00:22en licenciant des fonctionnaires dans les agences fédérales
00:24ouvrant à la protection de la santé et de l'environnement,
00:26en réduisant des financements de la recherche publique
00:28ou en censurant des thématiques qu'il n'aime pas.
00:31Et face à ça, la communauté scientifique s'est levée
00:33en créant le mouvement Stand Up for Science.
00:35Et aujourd'hui, on va vous faire comprendre cette bataille
00:38que mène Donald Trump contre les scientifiques
00:40et quel est l'impact de ces politiques.
00:41Et pour en parler, on reçoit Olivier Monod,
00:44journaliste scientifique à Libération,
00:46et à tes côtés Thibault Sardier.
00:48Et à deux, vous avez mené ce dossier,
00:50l'Amérique en sciences inverses.
00:51Alors ma première question, j'essaie de comprendre concrètement c'est quoi
00:55ces attaques de Donald Trump contre la communauté scientifique
00:57depuis son investiture ?
00:58Il y en a plusieurs.
00:59On a notamment vu à la NOA,
01:01qui est le gros institut de recherche sur le climat et la météo,
01:07les coupes budgétaires et surtout les coupes d'effectifs.
01:09Je crois que c'est au total 10% des effectifs de la NOA
01:12qui soit ont été licenciés parce qu'ils étaient en période d'essai
01:15sur des contrats courts, soit ont démissionné.
01:18Donc ça, c'est une première attaque.
01:20Et une deuxième attaque va être globalement aussi sur les budgets.
01:24On sait qu'au NEH, beaucoup de réunions,
01:26donc le NEH, c'est le National Institute for Health,
01:31et donc c'est eux qui vont donner les bourses de recherche
01:34au laboratoire sur les sujets de santé.
01:37On sait que beaucoup de réunions qui doivent attribuer
01:39ces bourses de recherche ne se sont pas tenues.
01:41Donc les chercheurs n'ont pas obtenu les financements.
01:43On sait aussi que les financements qui sont attribués au laboratoire,
01:47en fait, une partie de ce financement va à l'université qui accueille le laboratoire
01:50et cette partie, Trump aimerait la couper.
01:54On sait que là aussi, il y a eu des licenciements.
01:57Et la dernière chose, tu l'as mentionné, c'est la censure la plus...
02:03dure, j'ai envie de dire, qu'on n'ait jamais vue.
02:05C'est juste supprimer des mots.
02:07Il y a des mots interdits dans la science aujourd'hui aux Etats-Unis.
02:10Et ces mots, c'est diversité, femme, genre, changement climatique.
02:14Mais justement, qu'est-ce que ça veut dire ?
02:15Comment ça s'exprime concrètement ?
02:17Parce que moi j'ai lu dans vos papiers, il y a de la censure, d'accord.
02:21Mais ça veut dire quoi ?
02:22Que les scientifiques dans les recherches, ils ne peuvent pas mettre tel ou tel mot ?
02:24Ils ne peuvent même pas en parler ?
02:25Comment ça s'exprime Thibault ?
02:26C'est exactement ça.
02:27Il y a des mots qui sont interdits.
02:29Il y a plusieurs listes avec des degrés de censure différents.
02:32Mais si on utilise le mot égalité, inégalité, femme, genre, LGBT, évidemment,
02:38le crédit de recherche, en fait, est supprimé.
02:43Et il y a même une intention de faire fonctionner l'intelligence artificielle
02:47pour faire en sorte que si vous essayez de nuancer votre propos,
02:50de ne pas utiliser le mot mais de faire comprendre ce sur quoi vous allez travailler,
02:54l'intelligence artificielle va être capable de détecter les cas problématiques.
02:57Et concrètement, c'est effectivement de l'argent qui, d'ores et déjà,
03:00est retenu, n'est plus versé, et donc des recherches qui s'arrêtent.
03:05Après, ce qu'il faut aussi dire, ce que tu disais Corentin dans l'introduction,
03:08qu'est-ce qui lui prend à Donald Trump,
03:10c'est aussi que c'est un mouvement qui n'a pas d'IA, en fait.
03:13Dans son premier mandat, Donald Trump, il avait déjà tenté le coup.
03:16Il avait eu déjà des mobilisations de scientifiques, des marches pour la science,
03:20au moment où il avait notamment annoncé qu'il voulait sortir des accords de Paris sur le climat.
03:25En 2021, son actuel président, J.D. Vance, vice-président, pardon,
03:29était candidat à un républicain et à une convention républicaine.
03:33Il s'en était pris frontalement aux universités en disant
03:36« Mais comment est-ce qu'on a pu laisser aux universités américaines
03:39le pouvoir de dire ce que c'était que la vérité ? »
03:42Et en fait, derrière ce discours sur la vérité des sciences,
03:45de tenir des propos qui lui, lui semblaient militants,
03:48problématiques sur les questions de genre, sur les questions de climat.
03:52Donc en fait, tout ça ne tombe pas là,
03:54juste avec l'arrivée, le de-retour de Donald Trump à la Maison-Blanche.
03:57C'est en fait beaucoup plus ancien.
03:59Merci beaucoup de regarder cette vidéo, j'espère qu'elle vous plaît.
04:02Si c'est le cas, abonnez-vous à la chaîne YouTube de Libération.
04:04On publie des discussions comme ça chaque semaine.
04:06Sachez aussi que c'est un entretien qui est mené en direct.
04:09Donc si vous voulez nous rejoindre, c'est sur Twitch.
04:11Et d'ici là, je vous souhaite un beau visnage.
04:13Concrètement, aujourd'hui, vous êtes médecin,
04:15et aux Etats-Unis, vous voulez monter un projet de recherche pour dire
04:18« les maladies cardiovasculaires,
04:20est-ce qu'elles impactent autant les hommes que les femmes ? »
04:23Ce n'est pas possible, parce que vous faites une différence entre hommes et femmes
04:25dans votre projet de recherche, et donc le projet ne sera pas financé.
04:28Et l'autre chose très concrète, c'est qu'il a supprimé des pages web
04:31entières, avec des résultats de recherche,
04:33parce qu'elles contenaient ces mots-là.
04:35Et là, on a vu que cette suppression de pages web est allée jusqu'à l'absurde,
04:38puisque l'affaire du bombardier de la Seconde Guerre Mondiale,
04:40le bombardier d'Hiroshima, qui avait été nommé par le pilote du nom de sa grand-mère,
04:45qui s'appelait Enola Gay.
04:46Et donc comme il y a le mot « gay » dedans,
04:48les photos de ce bombardier sur le site du Pentagone ont été supprimées.
04:51Comment est-ce qu'il a pu avoir une erreur aussi grossière ?
04:53C'est quoi, c'est l'intelligence artificielle ?
04:55Oui, je pense que c'est tout simplement automatisé.
04:57Du moment qu'il y a le mot « gay », il supprime la page.
05:02Comment les scientifiques se positionnent par rapport à ça ?
05:04Qu'est-ce qui leur arrive s'ils décident de ne pas respecter telle ou telle règle
05:09que Donald Trump demande aux scientifiques ?
05:12Ils se mettent en danger eux-mêmes.
05:15Du coup, ne plus avoir les crédits pour faire leurs recherches,
05:19ne plus pouvoir se payer, quoi.
05:21Et potentiellement aussi priver leur laboratoire de fonds.
05:26Et ce qu'on a vu dans les mobilisations de Stand Up for Science,
05:29c'est que beaucoup de chercheurs…
05:31Juste pour clarifier, Stand Up for Science,
05:33c'est donc un mouvement de scientifiques américains
05:35qui se lèvent contre ces attaques de Donald Trump.
05:39Et il y a eu une manifestation ce vendredi 17 mars aux États-Unis.
05:43Pardon, du coup, je t'ai coupé.
05:44Non, je t'en prie.
05:45Certains chercheurs ou certaines chercheuses ne manifestent pas,
05:48ne s'expriment pas publiquement,
05:50ou alors l'ont fait sur les mobilisations en se cachant,
05:54en portant un masque, etc., pour ne pas qu'on les reconnaisse.
05:57Parce qu'ils n'ont pas le droit de prendre la parole, en fait.
06:00Là, ils n'ont plus le droit de s'exprimer publiquement.
06:02Ils n'ont plus le droit de parler avec leurs collègues d'institutions étrangères.
06:07Donc là, les scientifiques français le disent.
06:10Ils n'ont plus d'échange, ou très difficilement d'échange,
06:13ou de réunion commune officielle avec leurs collègues américains.
06:18Et s'ils ne s'expriment pas, s'ils restent pour certains discrets,
06:23c'est parce qu'ils ne veulent pas mettre en péril leurs propres recherches,
06:25mais aussi, encore une fois, le financement de leurs labos
06:28et donc les chercheurs, les jeunes chercheurs qui travaillent avec eux.
06:31Je voudrais juste prendre une question d'un tchat que j'ai vu passer.
06:33Trump n'est pas assez cultivé pour connaître les circuits d'attribution des financements de la recherche.
06:37Quels sont donc les cerveaux inutiles qui l'influencent ?
06:40Est-ce que vous avez ces informations ?
06:42Il y avait un projet dont on avait un rapport d'un think-tank conservateur
06:48qui s'appelait Project 2025,
06:50qui a fait pas mal de bruit depuis 2-3 ans
06:52et qui était vraiment un vade-mécoum de comment prendre le pouvoir
06:56et comment prendre le pouvoir face aux idéologies woke et tout ça.
07:01Beaucoup des décrets qu'a pris Donald Trump dès son arrivée au pouvoir
07:05sont puisés dans ce document qui, je crois, fait 900 pages.
07:08On a aussi remonté sur les réseaux un rapport de Ted Cruz,
07:14le sénateur républicain,
07:16un rapport d'octobre 2024
07:18qui faisait la liste de tous les projets de recherche
07:20qu'il considérait comme idéologiquement biaisés
07:25et lancés pendant l'ère Biden-Harris.
07:27Et là, il a refait le 11 février dernier,
07:29on a toute une liste,
07:30on a un tableau Excel de 3000 projets de recherche
07:32pour, je crois, au total 2 milliards de dollars,
07:34ou un truc comme ça.
07:35Et donc, on voit bien que des gens ont travaillé à ce...
07:40Enfin, c'est préparé.
07:41Moi, Patrick Lemaire, qui est un des co-organisateurs de La Marche en France,
07:45me disait qu'il était frappé par le caractère méthodique de l'attaque.
07:49Et donc, c'est préparé.
07:50C'est pas du tout Trump de son côté, tout seul, dans son coin, dans son bureau ovale.
07:54Alors, rentrons dans le dur de cette attaque.
07:57C'est quoi les thèmes, concrètement, que Donald Trump déteste
08:00et veut bannir de la communauté scientifique américaine ?
08:03Je pense qu'on risque de caricaturer un tout petit peu,
08:06si on veut le dire très vite, c'est le climat, le genre.
08:10Quelles que soient après les dimensions que ça prend,
08:12on l'a dit tout à l'heure avec Olivier sur les mots interdits,
08:15ça va de femmes à LGBT,
08:17donc tout ce qui concerne les différences entre les personnes est exclu.
08:23Y compris dans des domaines où ça peut surprendre,
08:26c'est-à-dire qu'on s'imagine tout de suite, oui, c'est la croisade anti-woke de Trump.
08:30Il ne veut pas de, soit-disant, militantisme sur les facs.
08:33Mais ça se répercute sur des projets, par exemple, de recherche médicale.
08:36Donc, étudier les effets d'une pathologie ou, à l'inverse d'un médicament,
08:40les effets différenciés entre des patients masculins et des patientes féminines,
08:45ça n'est plus possible.
08:46Alors que c'est, pour le coup, des protocoles de base en recherche.
08:51Sur le climat, tout ce qui a trait aux études de la météo,
08:55d'une part, et du réchauffement climatique et de ses conséquences d'autre part,
09:00pose problème à Trump et il coupe des crédits,
09:04au risque aussi de déstabiliser des pans de recherche et de surveillance internationaux.
09:09Je crois que c'est Christophe Cassou, le météorologue et climatologue français,
09:14qui disait sur les réseaux sociaux il n'y a pas longtemps que
09:17nos prévisions européennes à nous, pour la météo,
09:20elles dépendent de ballons-sondes qui sont au-dessus des États-Unis.
09:23Sauf que là, les crédits, par exemple, sont coupés ou en passe de lettres
09:26ou en tout cas retenus.
09:27Donc, ça veut dire qu'il y a tout un écosystème qui dépasse largement
09:30les États-Unis qui est concerné.
09:33Oui, on a aussi...
09:35En fait, dans le document de Ted Cruz dont je parlais, il y avait quatre colonnes.
09:38C'était justice sociale, genre, race et justice environnementale.
09:42Il faut vraiment mettre l'accent sur l'environnement
09:46parce que, notamment en coupant les fonds de la NASA
09:49pour l'observation du système Terre,
09:52on sait que Donald Trump, lui, parle d'urgence énergétique
09:56plutôt que d'urgence climatique.
09:58Donc, on est vraiment sur une attaque contre le réchauffement climatique
10:01qu'il avait qualifié d'un oxe chinois il y a quelques années, je crois.
10:04Il y a un sigle qui revient beaucoup dans le rapport de Ted Cruz.
10:08C'est D-E-I, diversité, équité, inclusion.
10:11Et ce mot-là, dans le rapport, il est vraiment à toutes les sauces.
10:15Donc là, ce n'est pas le climat.
10:17On retourne sur la question de genre.
10:19En tout cas, plutôt le genre.
10:21Mais c'est omniprésent dans ce rapport.
10:24Et donc, du coup, on parlait de réchauffement climatique.
10:26Mais ça touche aussi, comme tu le disais, les sciences sociales.
10:29Concrètement, comment est-ce qu'elles sont touchées ?
10:31Et pourquoi est-ce que les sciences sociales sont visées par Donald Trump ?
10:35Moi, je dirais que les sciences sociales...
10:37D'ailleurs, il me semble qu'il y a eu une conférence de presse vendredi
10:40des chercheurs français en soutien de Stand Up for Science.
10:44Et c'est l'historien Patrick Boucheron qui disait que les sciences sociales,
10:48c'était le premier ennemi à abattre.
10:51En tout cas, le premier champ visé.
10:54Je pense que l'explication, elle n'est pas très compliquée.
10:57En tout cas, l'explication de base, c'est que c'est le champ
11:00qui se rapproche le plus des enjeux politiques.
11:02C'est là que la sociologie s'intéresse à la construction sociale des différences.
11:07C'est là que se sont ancrées des polémiques très anciennes sur le wokeisme.
11:12La question de la soi-disant théorie du genre qui n'existe pas,
11:16ce sont des attaques qui sont avant tout portées à l'histoire,
11:19à la sociologie, à la philo, donc des disciplines de sciences humaines.
11:24Et on pourrait...
11:27C'est là où il y a aussi une ambiguïté dans ce que fait Trump.
11:30Est-ce que vraiment Trump est anti-science ?
11:33Est-ce que Elon Musk est anti-science absolument ?
11:35Ce n'est pas certain parce qu'ils ont aussi des projets pour aller sur Mars.
11:40Donc là, il faut aussi des ingénieurs.
11:42Simplement, ce n'est plus du tout la même science.
11:44Et en tapant d'abord sur les sciences humaines,
11:47ils espèrent, ils essaient de se débarrasser de tout un discours
11:52que l'on estime politique et militant, dont ils estiment pouvoir dépouiller
11:57une science qui serait, elle, correcte et qui irait dans le bon sens à leurs yeux.
12:02Est-ce que vous avez des exemples concrets de scientifiques
12:04qui ont été accusés de wokeisme ?
12:06Est-ce que c'était le grand mot de Donald Trump pour aller attaquer ces scientifiques ?
12:10Vous avez des exemples concrets de ça ?
12:12Là, sur le wokeisme comme ça, je n'ai pas.
12:16Depuis temps blanc, l'exemple le plus concret qu'on a...
12:18Pardon, je vais revenir sur l'environnement.
12:20Mais c'était la représentante des États-Unis de la NASA
12:23qui a été interdite de se rendre à une réunion du ZIEC
12:26et qui a vu une partie de son équipe coupée, licenciée.
12:30Donc là, ce n'était pas sur du wokeisme.
12:32Après, les attaques en wokeisme, elles ont...
12:35Alors, ce n'était pas vraiment en wokeisme.
12:37C'était un peu différent.
12:38Mais suite aux manifestations pour Gaza sur les campus américains,
12:42il y avait eu beaucoup de polémiques avec les présidents de l'université
12:47qui étaient accusés de ne pas assez combattre l'antisémitisme sur les campus.
12:52Et là, à ce titre-là, ils ont décidé de supprimer 400 millions d'euros à Columbia.
12:57Donc ça, c'était il y a trois jours.
13:00Toujours parce que Columbia n'aurait pas assez lutté contre l'antisémitisme à cette occasion-là.
13:07Alors, je n'ai pas, moi, souvenir d'éléments récents
13:11où vraiment le Trump ou le personnel politique
13:14se serait vraiment focalisé sur telle ou telle personne.
13:17Mais reprenons ce que disait Olivier tout à l'heure.
13:19Maintenant, il y a des listes de travaux
13:21avec des liens renvoyant vers les documents de présentation
13:25qui sont, en fait, accessibles au public.
13:27Ce qui veut dire que très vite, on sait qui.
13:30Donc le côté chasse aux sorcières, là, pour l'instant,
13:33il est aussi peut-être parce que l'IA ou la détection automatique de mots a beaucoup fonctionné.
13:38Ce n'est pas forcément concentré sur des personnes.
13:41En tout cas, je n'en ai pas l'impression.
13:42C'est à vérifier.
13:44Mais tout est prêt pour le faire
13:46puisqu'il suffit après de se lancer dans les listes et de regarder qui signe quoi.
13:51Je vois qu'il y a un commentaire de AJOSINUS sur Twitch
13:54qui dit qu'il y a déjà une prof de philosophie qui a été arrêtée suite à ça.
13:57Je ne sais pas si vous l'avez noté, mais on a des exemples comme ça de scientifiques
14:00qui sont faits soit arrêtés, soit qui ont déjà eu des conséquences concrètes sur leur job
14:06au-delà des licenciements.
14:07En tout cas, il y a un article du New York Times
14:09qui raconte la mobilisation Stand Up for Science de vendredi
14:13et qui commence par le cas du docteur Francis Collins
14:17qui a été dans les années 90 l'un des pionniers de recherche sur le génome humain
14:23et qui s'est retrouvé il y a quelques jours mis à la retraite du jour au lendemain.
14:27Donc des cas individuels, y compris de personnes qui ont une carrière
14:31et qui sont des personnes reconnues dans leur champ,
14:34oui, c'est clair qu'elles sont touchées.
14:36Après, une petite précision aussi, c'est que ces mouvements,
14:39on en reparlera peut-être plus tard,
14:41mais ils touchent aussi beaucoup les jeunes chercheuses et les jeunes chercheurs
14:43qui ont peut-être aussi moins d'auras, qui sont moins identifiés,
14:46y compris dans le champ scientifique,
14:47mais parce que ce sont les plus précaires de la recherche,
14:50ce sont les plus facilement soit virés, soit non embauchés.
14:53Il faut savoir aussi qu'avant les manifestations de vendredi,
14:56Trump avait dit sur son réseau social
14:59qu'il voulait sanctionner financièrement les universités
15:03qui accueillaient ce genre de manifestations
15:05et sanctionner les personnes soit en les emprisonnant,
15:08soit en les renvoyant dans leur pays.
15:11Donc pour le moment, je n'ai pas vu émerger trop de choses comme ça,
15:15mais je pense que ça va peut-être monter dans les jours à venir,
15:17mais c'est quelque chose qu'on essaie de surveiller.
15:19Je vais prendre une remarque que quelqu'un a faite sur YouTube.
15:22Il y a quelques commentaires de ça.
15:24Donald Trump ne déteste pas les recherches scientifiques,
15:27mais le détournement de l'argent pour des recherches idiotes et malsaines.
15:30Alors, est-ce que Donald Trump supprime juste des financements
15:34de recherches idiotes et malsaines ?
15:37En fait, Donald Trump supprime des recherches
15:41que lui considère comme idiotes et malsaines,
15:43ce qui est un point de vue qu'est le sien,
15:46mais c'est là qu'il a...
15:48Je vais peut-être aller un peu plus loin que Thibault tout à l'heure
15:51en disant que quand Thibault disait qu'il n'attaque pas toutes les sciences,
15:54mais certaines sciences, il attaque toutes les sciences
15:56au sens où il ne laisse pas les scientifiques se chercher
15:59selon leur aiguillon de curiosité personnelle.
16:02Et il vient introduire un prisme idéologique qui est le sien là-dessus.
16:09Maintenant, idiotes et malsaines, dans son discours, il dit
16:11que ça ne sert à rien de faire des recherches sur la transmission du VIH au Lesotho,
16:16un pays dont personne n'a jamais entendu parler.
16:18On peut considérer que s'intéresser au VIH au Lesotho, c'est idiot et malsain,
16:22mais je ne crois pas.
16:24En tout cas, c'est quelque chose qu'il faut assumer après pour soi.
16:28Il faut savoir que quand il a supprimé l'USAID, l'aide internationale,
16:32l'aide internationale américaine,
16:34elle sert beaucoup à des projets de recherche et des projets de santé,
16:39des projets sanitaires notamment en Afrique.
16:41Moi, je travaillais sur un autre sujet qui a été publié ce week-end
16:44sur le microbiote vaginal, et un des chercheurs français,
16:47qui est basé aux États-Unis, me disait qu'une partie de ses recherches,
16:50qui étaient notamment sur le VIH au Malawi,
16:53avait été mise en pause à cause de Trump.
16:56Donc, très concrètement, on a des projets de recherche internationaux
16:59parce que c'est intéressant d'avoir des projets,
17:01y compris quand on est un chercheur aux États-Unis, sur le VIH.
17:04C'est aussi intéressant d'avoir un projet en Afrique
17:06parce qu'on n'a pas les mêmes populations,
17:08parce qu'on va comprendre différemment,
17:10et puis parce que c'est là-bas que l'épidémie est plus chaude et plus virulente.
17:14Qu'est-ce qui est idiot et malsain pour Trump ?
17:16C'est aussi la recherche qui n'a pas d'utilité directe,
17:20c'est-à-dire que la recherche fondamentale en réalité.
17:23Là, l'un des intérêts aussi de ces financements publics,
17:26c'est valable aux États-Unis, mais ce serait valable aussi chez nous,
17:29c'est que ça permet aussi aux chercheurs de mener des recherches
17:35sans être forcément certains de l'application directe et de la finalité.
17:38Là où une recherche privée ou une recherche par projet
17:41va être beaucoup plus directement tournée vers un objectif précis.
17:44Et cette recherche fondamentale,
17:46elle est essentielle pour délimiter de nouveaux champs de recherche,
17:50pour trouver de nouvelles choses et aboutir,
17:54peut-être au bout de 5, 10, 20 ans, à des applications concrètes
17:58qui pourront ensuite être récupérées,
18:00investies par les départements de recherche et développement du secteur privé.
18:04Et donc là, ce que fait Trump aussi,
18:07c'est qu'il cherche à empêcher cette recherche fondamentale
18:10qui est à priori, beaucoup de chercheurs en témoignent,
18:13la clé pour de futures applications
18:16et qui a toujours été des domaines de recherche
18:18où c'est l'État qui investit d'abord,
18:20parce que la prise de risque est plus grande,
18:22ce n'est pas des choses qu'on peut valoriser financièrement très rapidement ensuite.
18:25Et donc en général, le privé intervient
18:27quand la recherche fondamentale a eu lieu,
18:29principalement par le secteur public.
18:31Donc là, il met aussi en péril la recherche dans 10, 20 ou 30 ans.
18:35Pour revenir aussi sur la question idiot et malsain,
18:38on peut aussi parler de fake news quand il s'attaque sur le genre,
18:41quand il attaque toutes les théories de sciences sociales
18:44qui sont quand même des recherches avérées.
18:47Et le fait que ça aille contre ce que lui pense du monde,
18:51ce n'est pas pour autant que c'est faux.
18:54Et lui, c'est un peu son prisme-là.
18:56Il s'attaque à...
18:58La recherche est toujours un contre-pouvoir
19:00parce qu'elle donne un autre récit sur le monde
19:03que celui que les politiques donnent.
19:05Et donc vu que le récit, notamment des sciences sociales,
19:08notamment de l'intersectionnalité, du genre,
19:11est différent de celui que Trump donne,
19:14il veut le faire taire, tout simplement.
19:16Ça ne va pas plus loin que ça.
19:18C'est ça qu'il faut insister là-dessus,
19:20parce qu'on a l'impression que, d'un côté,
19:22il y a ce combat politique,
19:24ce combat woke des sciences humaines
19:26qui transparaîtrait un petit peu
19:28sur certains plans des sciences dures, etc.
19:31Mais il faut bien se rendre compte aussi
19:33que c'est une façon...
19:35C'est des avancées en recherche.
19:37Quand on s'intéresse au biais de genre
19:39ou au biais ratio
19:41dans la transmission de certaines pathologies,
19:44sur la façon de les soigner,
19:46quand on remet en question le fait
19:48que dans beaucoup d'études médicales,
19:50on a surtout testé des patients hommes blancs,
19:53là, on n'est pas en train de faire du wokisme,
19:55on est juste en train de faire en sorte
19:57que des traitements médicaux soient plus efficaces
20:00pour le plus grand nombre possible.
20:02Donc, en fait,
20:04derrière cette croisade politique,
20:06soi-disant,
20:08c'est en fait un problème
20:10qui remet en cause des avancées fondamentales
20:12dans les sciences,
20:14et là, j'ai beaucoup parlé de la médecine,
20:16mais je crois qu'effectivement,
20:18c'est l'un des meilleurs exemples
20:20sur lesquels on va régresser
20:22dans la population.
20:24Et peut-être aussi, pour faire un peu de contexte,
20:26rappelons que l'un des moments
20:28où Donald Trump s'en est le plus pris aux sciences
20:30dans son premier mandat,
20:32c'était au moment de la pandémie de Covid-19,
20:34où il remettait en question
20:36les données épidémiologiques
20:38qui étaient produites notamment
20:40par les agences publiques
20:42qu'il attaque aujourd'hui,
20:44alors que les données épidémiologiques,
20:46c'était l'évidence même du travail scientifique rigoureux.
20:48Et à ce titre,
20:50dans le gouvernement, il y a Robert F. Kennedy
20:52qui est ouvertement anti-vax. Vous me corrigez ou pas ?
20:54Non, on ne te corrige pas du tout.
20:56Et d'ailleurs, il y a un autre point
20:58qui a pas mal inquiété
21:00les épidémiologistes.
21:02Vous savez probablement
21:04qu'aux Etats-Unis, il y a un très fort épisode
21:06de grippe aviaire,
21:08H5N1.
21:10C'est notamment tout le cheptel bovin,
21:12toutes les vaches américaines
21:14qui ont ce virus-là, qui vient à la base
21:16plutôt des canards.
21:18Le gros risque est que plus
21:20ce virus s'adapte à des mammifères,
21:22à un moment, il arrive chez l'homme,
21:24il est très mal géré aux Etats-Unis.
21:26Et là, dans les coups budgétaires
21:28qui ont été pris, dans les décisions,
21:30dans la déstabilisation des agences fédérales
21:32qui a été faite depuis un mois,
21:34à des moments, le suivi
21:36de ce virus en a pâti.
21:38Et si jamais
21:40il doit y avoir une nouvelle
21:42grande pandémie mondiale
21:44type Covid-19,
21:46H5N1 est quand même vraiment un bon candidat.
21:48Il est, je crois, une mutation
21:50d'infecter l'homme et de pouvoir
21:52après se transmettre d'homme à homme.
21:54Et si on arrête, enfin en tout cas,
21:56si les Etats-Unis perdent
21:58le peu de surveillance qu'ils font
22:00de ce virus-là, ça va devenir
22:02très compliqué. Concrètement,
22:04la bataille que Donald Trump mène
22:06contre les scientifiques, est-ce que ça pourrait avoir
22:08des conséquences sur les avancées scientifiques
22:10de manière générale ? Par exemple, typiquement, sur le réchauffement
22:12climatique, comment on le perçoit ?
22:14Comment est-ce qu'on va pouvoir mieux
22:16l'endiller ?
22:18C'est sûr, parce qu'on a parlé
22:20des ballons-sondes
22:22opérés aux Etats-Unis, j'en ai parlé un peu
22:24les programmes de recherche internationaux
22:26sur notamment, par exemple, l'épidémie
22:28du VIH en Afrique. Mais on a aussi
22:30en fait, il faut savoir que dans la recherche, il y a beaucoup de bases
22:32de données qui sont en accès libre,
22:34qui dépendent de financements
22:36américains.
22:38Donc, il a déjà essayé de cuter,
22:40d'ailleurs, il a déjà cuté celles qui
22:42concernent le climat. Donc là, ça veut dire que, très clairement,
22:44on avait
22:46des séries de données, de températures
22:48et tout ça, qui étaient sur le site de la NASA, notamment,
22:50on les a plus. Et ça, c'est
22:52tous les scientifiques du monde entier
22:54qui les ont plus. Sinon, il y avait un autre
22:56truc, c'est PubMed.
22:58Alors, c'est une base de données de
23:00tous les articles de recherche, quasiment,
23:02qui ont été publiés depuis
23:04très longtemps, d'ailleurs. Et PubMed,
23:06c'est assez pratique. Vous avez le nom d'un chercheur,
23:08vous voulez savoir ce qu'il a fait, vous rentrez son nom dans PubMed,
23:10vous avez toute la liste de ses publications.
23:12PubMed, c'est américain.
23:14Si demain, il débranche PubMed,
23:16il y a beaucoup de gens, il y a le travail de beaucoup de gens
23:18qui va être compliqué. Il y a aussi
23:20certaines revues.
23:22Une des plus prestigieuses revues en recherche s'appelle
23:24Science, elle est aux Etats-Unis.
23:26Est-ce qu'ils vont essayer de les attaquer ?
23:28On sait que les revues dépendent en grande partie
23:30de l'argent que leur donnent les universités.
23:32Donc, il y a beaucoup
23:34de risques potentiels pour la recherche internationale.
23:36Il faut aussi savoir que les Etats-Unis
23:38se sont un peu construits comme étant
23:40le pays leadership en recherche,
23:42en science, en innovation.
23:44Donc, si ce pays-là
23:46tombe de ce côté-là, c'est
23:48tout le système international qui va en pâtir.
23:50Je lisais ce matin sur un réseau social
23:52un post d'un
23:54chercheur américain qui disait
23:56le système de recherche,
23:58quand on envoie une publication, un article de recherche,
24:00il doit être relu par
24:02trois reviewers et tout ça. Et le mec
24:04disait, si vous attendez les relectures des chercheurs
24:06américains en ce moment, soyez indulgents
24:08parce qu'on a un peu occupé à autre chose.
24:10C'est vraiment tout le système international
24:12qui commence à
24:14pâtir. Il y a un truc qui croise
24:16assez bien les questions de climat et les questions
24:18médicales, c'est les études de temps long.
24:20Quand vous étudiez un phénomène
24:22sur plusieurs
24:24années, il faut quantifier les mêmes données
24:26tous les mois, tous les ans,
24:28que ce soit sur les effets du réchauffement climatique
24:30ou sur les rapports
24:32entre santé et environnement chez certaines populations.
24:34Et là, ce qu'on voit, c'est que certains travaux
24:36qui ont ce temps long,
24:38d'un coup, perdent leur financement. Donc ça veut dire que
24:40demain, l'étude de suivi où on va aller faire
24:42un prélèvement sanguin dans une
24:44corde de population, on ne peut plus la faire
24:46parce qu'on n'a plus les financements. Donc on se retrouve
24:48sur un projet de recherche de 20 ans, par exemple,
24:50avec un trou qui
24:52pénalise l'ensemble,
24:54non seulement de la donnée produite jusque-là,
24:56mais du coup aussi, si on raisonne en termes financiers,
24:58de l'argent investi jusque-là.
25:00Donc là, c'est pour le coup de la recherche qui n'avance
25:02plus de façon très concrète.
25:04J'ai le sentiment que le fonctionnement
25:06même des recherches scientifiques,
25:08donc tu parles de temps long, tu parles de
25:10peer-review, donc le fait de faire relire par DPR,
25:12ce fonctionnement de la communauté scientifique va
25:14complètement à l'encontre du fonctionnement
25:16de la politique de Donald Trump.
25:18À ce titre, dans le tchat, on avait notamment
25:20Efficiency, qui d'ailleurs nous a suivis pour
25:22poster ce message, merci à toi.
25:24C'est de toute façon une manière d'entraver l'accès à la réalité,
25:26parfait pour un propagateur de fake news pathologique.
25:28Jemin Rees, qui est politique dans la recherche,
25:30c'est le choix de financiarisation
25:32des recherches. La méthodologie est pensée
25:34pour éloigner tout à coïncidence, en théorie,
25:36des croyances, alors que le choix
25:38de prioriser telle ou telle étude est politique.
25:40C'est là qu'il y a seulement un risque de dégradation
25:42et de manipulation de la fabrication du savoir.
25:44Comment est-ce que vous vous posez,
25:46vous, comment vous réagissez
25:48à ces remarques dans le tchat ?
25:50La question de la financiarisation
25:52des recherches, elle est intéressante
25:54parce que là,
25:56en gros, il y a deux sources d'argent,
25:58le public et le public privé, évidemment.
26:00Et la question, c'est que se passe-t-il
26:02lorsque le privé,
26:04en proportion, finance de plus en plus
26:06des recherches ?
26:08Quelles sont ces priorités ?
26:10Forcément, ce n'est pas
26:12les mêmes. Je vous en parlais tout à l'heure
26:14avec la recherche fondamentale, ce n'est pas les mêmes
26:16que le public.
26:18Et donc,
26:20qui décide, en fait, des priorités
26:22de recherche, premièrement ? Qui décide
26:24de ce sur quoi doivent travailler les chercheurs ?
26:26Si c'est Elon Musk
26:28et les chefs d'entreprise, ça n'a pas le même sens
26:30que si c'est les chercheurs
26:32entre eux, en concertation, parce qu'ils ont
26:34arbitré en fonction
26:36du travail qu'ils effectuent
26:38et de leur expertise.
26:40Et puis, la question aussi
26:42de ça, c'est le signal
26:44qui est aujourd'hui envoyé
26:46à la puissance privée. Vous avez aux États-Unis
26:48beaucoup d'universités privées qui sont
26:50financées, du coup, par
26:52de l'argent d'entreprises, de fondations,
26:54etc. Quand Donald
26:56Trump dit qu'on va arrêter, par exemple, de
26:58financer la recherche wokiste,
27:00qui entraîne-t-il dans son sillage ? Déjà, avec
27:02les coupes dans l'argent public,
27:04même des facs des universités privées
27:06se retrouvent en difficulté
27:08pour faire tourner leur laboratoire.
27:10Mais peut-être que demain, elles risqueront
27:12de perdre aussi des financements privés.
27:14Et dans ce cas-là, jusqu'où vont les choses ?
27:16On l'a évoqué tout à l'heure,
27:18face à ces attaques de Donald Trump, il y a un mouvement
27:20au stand-up for science, des scientifiques
27:22qui font une forme
27:24de résistance contre la
27:26bataille que mène Donald Trump.
27:28Ce mouvement, il s'exporte aussi en France.
27:30Pourquoi ?
27:32En fait, il s'exporte en France parce que la France
27:34avait déjà pas mal réagi au
27:36premier mandat de Trump, avec plusieurs
27:38manifestations qui étaient organisées. Donc, en fait,
27:40on a un réseau de scientifiques
27:42un peu militants qui
27:44est assez en place, qui sait se travailler,
27:46qui sait se mobiliser assez vite.
27:48Donc ça, c'est un
27:50premier élément qui est important.
27:52Il se met aussi en place en France parce que
27:56la communauté scientifique française,
27:58elle sent le vent mauvais aussi
28:00qui souffle ici en France. Il faut se rappeler
28:02que dans le premier quinquennat Macron,
28:04deux ministres,
28:06Blanquer, évidemment, pour ne pas les citer,
28:08avaient attaqué l'islamo-gauchisme
28:10à l'université, commandant
28:12un rapport qui finalement n'avait rien donné parce que
28:14cette notion n'existe pas.
28:16Donc, concrètement, ils avaient dit quoi, en fait ?
28:18Ils avaient dit que l'islamo-gauchisme
28:20gangrenait l'université française et
28:22Frédéric Vidal, le ministre de la Recherche à l'époque,
28:24avait commandé au CNRS un rapport sur le sujet.
28:26Un rapport qui n'a jamais eu lieu
28:28finalement, d'ailleurs.
28:30Mais donc, on n'est pas sur une attaque
28:32à dire que les universitaires, ce sont des
28:34woke, mais c'était des islamo-gauchistes.
28:36Ce qui n'est pas si loin, en fait.
28:38Et donc,
28:40il y avait quand même beaucoup ça dans
28:42la mobilisation française. C'était
28:44on veut défendre nos collègues américains,
28:46on veut les soutenir.
28:48On veut aussi dire que la France
28:50n'est pas sur une pente aussi raide que
28:52les Etats-Unis, mais elle est un peu dans la même direction
28:54quand même.
28:56Et notamment, on reparlait des questions de
28:58financement. Depuis 20 ans,
29:00la politique française, c'est quand même
29:02d'enlever aux chercheurs
29:04le peu de budget sur lequel il a la main
29:06pour choisir sur quoi bosser,
29:08pour lui demander de passer des appels à projet.
29:10Et donc, finalement, ces appels à projet sont
29:12décidés potentiellement un peu plus
29:14politiques. Et donc, il perd
29:16un peu la main des recherches
29:18qu'il peut mener, ou en tout cas de l'initiative,
29:20du pouvoir d'initiative qu'il a.
29:22Et donc, c'est aussi
29:24pour ça que la France s'est mobilisée.
29:26Il y a une chercheuse du
29:28Collège de France, chercheuse en informatique,
29:30qui s'appelle Claire Mathieu, qui a eu une phrase
29:32qui résume bien. Elle dit
29:34les situations Etats-Unis-France ne sont pas comparables,
29:36mais il y a des germes. Et toutes ces petites choses
29:38que vient d'évoquer Olivier,
29:40ça crée un climat
29:42d'instabilité, d'incertitude pour les chercheurs,
29:44et qu'il n'a pas dit pour le dire
29:46rapidement. Et c'est drôle
29:48parce que c'est quelque chose, quand
29:50vous parlez aux chercheurs aujourd'hui
29:52de stand-up for science, y compris juste
29:54pour parler des Etats-Unis, très vite,
29:56la discussion vient sur
29:58le cas en France et sur les questions
30:00de financement.
30:02Et l'un des éléments qui est
30:04beaucoup discuté, comme ça que les chercheurs
30:06évoquent souvent, c'est le fait qu'aujourd'hui,
30:08de plus en plus, un projet de recherche,
30:10il est financé sur projet.
30:12C'est-à-dire que vous devez élaborer un projet de recherche,
30:14candidater à des fonds,
30:16donc votre labo
30:18reçoit de moins en moins
30:20de financement automatique
30:22pour justement mener des recherches
30:24fondamentales, comme je l'évoquais tout à l'heure.
30:26Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que l'argent
30:28se fait de plus en plus rare, ça veut dire que les chercheurs
30:30sont de plus en plus en compétition, ou les laboratoires
30:32les uns avec les autres, parce que ceux
30:34que touche un laboratoire ou un chercheur
30:36pour un projet, l'autre ne l'a pas.
30:38Et tout ça pour eux, ça constitue
30:40un climat qui est de plus en plus difficile,
30:42de fragilisation de leur statut et de leur métier,
30:44alors que plus, évidemment,
30:46vous sécurisez les chercheurs
30:48dans leurs conditions de travail, plus vous vous assurez
30:50que la recherche, elle est indépendante,
30:52fiable, et qu'elle peut aller dans des directions,
30:54encore une fois, qui ne sont peut-être pas immédiatement
30:56utiles aujourd'hui, mais qui le deviendront peut-être
30:58demain.
30:59Est-ce qu'il y a d'autres pays qui,
31:01eux aussi, mettent en avant
31:03une défense du monde scientifique, qui
31:05ont importé le moment stand-up for science
31:07dans leur pays ?
31:09Oui, il y a eu, ce week-end,
31:11si tu tapais stand-up for science sur les réseaux sociaux,
31:13tu voyais des images qui venaient d'autres
31:15pays, globalement européens,
31:17mais
31:19oui, la France n'a pas été la seule.
31:21La France a été quasiment
31:23une des premières, et peut-être un peu plus massivement
31:25que d'autres, mais elle n'a pas du tout
31:27été la seule, parce qu'en fait, tout le monde
31:29est touché, puis tous les pays ont aussi
31:31des jeunes qui sont allés faire
31:33un post-doc, parce que c'est un peu ça, maintenant, dans la
31:35France internationale, c'est que vous faites votre thèse chez vous,
31:37puis vous partez faire un post-doc souvent aux Etats-Unis,
31:39mais bon, pas que, mais souvent,
31:41donc un post-doc, c'est un contrat de 2-3 ans,
31:43et puis, après,
31:45vous essayez de revenir dans votre pays pour prendre un poste
31:47plus pérenne ou plus long,
31:49et finalement,
31:51c'est souvent ces post-docs-là,
31:53comme Thibault l'a dit, donc c'est des jeunes qui
31:55sortent tout juste de leur thèse, ils ont entre
31:5725 et 30 ans, peut-être un peu plus
31:59parfois aussi, et là, ils se voient
32:01le budget coupé, et pour le coup,
32:03le budget coupé, ils n'ont plus rien, quoi.
32:05Et c'est ces jeunes qui
32:07morflent, et comme je le disais, les Etats-Unis, c'est vraiment
32:09la locomotive de la science internationale,
32:11donc on a des chercheurs du monde entier
32:13qui vont, pendant quelques
32:15années, faire leurs armes là-bas,
32:17et donc, en effet, toutes les communautés
32:19scientifiques internationales
32:21sont touchées, et par ailleurs,
32:23elles sont toutes aussi touchées, parce que, comme je le disais,
32:25les Etats-Unis hébergent
32:27des bases de données qui sont utilisées dans le monde entier.
32:29Sur la dimension internationale,
32:31il y a un point à avoir en tête, alors je ne sais pas si
32:33les mobilisations ont été très fortes là-bas, ce week-end,
32:35mais le Brésil,
32:37au temps de Bolsonaro, et l'Argentine
32:39depuis l'élection de Milley, ont subi
32:41des choses très comparables
32:43à ce que fait Donald Trump aujourd'hui.
32:45Ce sont donc un peu des, on pourrait
32:47dire, des laboratoires, sans mauvais jeu de mots,
32:49de la façon de fragiliser
32:51le secteur public de la
32:53recherche, donc,
32:55qu'il y ait eu mobilisation ou pas, il faut bien se rendre compte que
32:57ce mouvement
32:59d'attaque contre
33:01les sciences, il n'est pas propre aux Etats-Unis,
33:03il tend à se développer
33:05avec des germes plus ou moins
33:07grands, et
33:09face à ça, la recherche,
33:11elle est de plus en plus internationale,
33:13les projets de recherche aujourd'hui,
33:15ils relient, ils connectent
33:17des chercheurs et des chercheuses de nationalités
33:19différentes, donc forcément,
33:21c'est tout un écosystème qui est
33:23menacé. – Est-ce qu'on a des exemples
33:25dans l'histoire,
33:27d'autres exemples, où la science
33:29a été attaquée comme
33:31Donald Trump le fait aujourd'hui ?
33:33– Oui, il y a peut-être
33:35deux exemples à
33:37évoquer. Le premier, c'est une attaque
33:39qui ne vise pas forcément directement
33:41les sciences, et le deuxième beaucoup plus.
33:43Premier cas, c'est l'Europe
33:45des années 30.
33:47Quand
33:49le nazisme s'impose
33:51en Allemagne et que
33:53le Reich lance
33:55sa guerre,
33:57qu'est-ce qu'il se passe ? Les chercheurs,
33:59parce qu'ils sont juifs, parce qu'ils sont
34:01plus largement
34:03menacés par l'évolution du conflit,
34:05partent. Donc déjà,
34:07l'Europe, à ce moment-là,
34:09parce qu'il y a la Seconde Guerre mondiale
34:11qui se déclenche,
34:13doivent trouver refuge ailleurs, parce qu'ils
34:15ne peuvent plus mener un certain
34:17nombre de leurs recherches
34:19sur le continent européen.
34:21Et où vont-ils ? Comme
34:23par Einstein, par exemple, ils vont aux Etats-Unis.
34:25Et ce que nous a dit,
34:27en préparant justement le dossier de vendredi,
34:29l'historien Romain Huret,
34:31ce qui est intéressant, c'est que
34:33les Etats-Unis ont acquis
34:35leur puissance, ont devenu la première
34:37puissance universitaire
34:39du monde,
34:41grâce, si on peut dire, à l'arrivée
34:43massive de ces chercheurs
34:45au temps de la Seconde Guerre mondiale.
34:47Et là, donc, qu'est en train de faire Trump ?
34:49Il renvoie
34:51hors de ses frontières des chercheurs qui
34:53font la puissance américaine là-dessus.
34:55Et, paradoxalement, ça peut être une chance
34:57pour l'Europe de reconstruire
34:59une influence plus grande
35:01à ce sujet, si elle est capable
35:03d'accueillir. Le deuxième
35:05exemple qui visait plus directement les sciences,
35:07mais pas que, c'est le maccartisme aux Etats-Unis
35:09il y a
35:11une cinquantaine d'années.
35:13C'est un moment où la chasse
35:15aux sorcières fait qu'on va traquer
35:17les communistes,
35:19les marxistes qui sont
35:21dans le secteur public américain,
35:23y compris dans le domaine
35:25scientifique, et qu'on va là
35:27chercher aussi à bloquer des crédits de recherche
35:29ou des financements de recherche
35:31qu'on ne veut pas confier
35:33à certaines personnes.
35:35Et d'ailleurs, ce qui est intéressant
35:37du point de vue du vocabulaire politique,
35:39c'est que dans le rapport de Ted Cruz
35:41qu'évoquait tout à l'heure
35:43Olivier,
35:45qui vise cette recherche
35:47aujourd'hui soi-disant woke
35:49pour l'inclusion, qui s'intéresse aux questions
35:51de genre, etc., le mot
35:53marxiste revient souvent. On attaque
35:55les études ou les chercheurs marxistes
35:57comme à l'époque
35:59de la chasse aux sorcières.
36:01Est-ce que ces attaques de Donald Trump contre la communauté scientifique
36:03ont une base juridique ? Est-ce qu'elles peuvent
36:05avoir un avenir
36:07sur le long terme ?
36:09L'avenir de tout ça
36:11est en question, très clairement, parce que
36:13beaucoup de coupes financières,
36:15d'ailleurs, notamment la coupe financière
36:17contre l'aide internationale,
36:19beaucoup de licenciements aussi
36:21ont été attaqués
36:23en justice.
36:25Après, le schéma globalement, ce qui se passe,
36:27c'est que Trump prend sa décision par décret
36:29présidentiel. On a des gens
36:31qui l'attaquent en justice. Un juge fédéral
36:33tranche.
36:35Ça, c'est vu pour une partie
36:37de l'aide internationale, pas pour tout, mais pour une partie
36:39de l'aide internationale, le juge fédéral tranche
36:41contre Trump. Trump
36:43fait un recours
36:45contre cette décision auprès de la Cour suprême.
36:47Cour suprême qui, depuis le
36:49premier mandat de Trump, est
36:51en majorité composée
36:53de juges républicains,
36:55mais qui ne va pas toujours prendre
36:57une décision dans le sens de Trump. Là, on a vu
36:59sur l'aide internationale, alors
37:01j'espère pas dire de bêtises parce que c'est un sujet compliqué,
37:03mais le juge fédéral n'avait pas
37:05interdit à Trump d'arrêter l'aide internationale.
37:07Il lui avait juste demandé d'aller au bout
37:09des paiements qui étaient en cours.
37:11Trump ne voulait pas
37:13et la Cour suprême a donné
37:15raison au juge, finalement.
37:17Donc, on a
37:19peut-être des exemples où
37:21les décisions de Trump n'étaient pas
37:23légales.
37:25En tout cas, selon la justice en cours
37:27et selon les lois en cours actuellement
37:29aux Etats-Unis, avant qu'ils l'échangent, parce qu'on rappelle
37:31que Trump, il a le Sénat et le Congrès
37:33qui sont tous les deux républicains.
37:35Donc, il y a une vraie question de ce côté-là.
37:37La deuxième question, c'est un peu ce qu'évoquait Thibault,
37:39c'est, voilà, donc,
37:41les Etats-Unis sont devenus
37:43sont devenus
37:45la locomotive
37:47internationale en matière de sciences
37:49parce que c'est un pays d'accueil, parce que c'est un pays
37:51d'immigration. On rappelle que
37:53l'une des principales découvreuses
37:55des vaccins ARN messager
37:57est une ancienne de l'Est,
37:59de l'Europe, de l'autre
38:01côté du rideau de fer. Et donc, elle avait immigré
38:03toute jeune enfant. Enfin, ses parents
38:05avaient immigré en la prenant dans ses
38:07bagages. Donc, si jamais
38:09ce que Trump fait
38:11débouche sur une fuite
38:13des cerveaux américains vers
38:15l'Europe ou ailleurs,
38:17d'ailleurs, on ne sait pas trop qui aurait les capacités
38:19et qui aurait la volonté
38:21politique de déployer
38:23suffisamment d'argent pour
38:25accueillir tous ces chercheurs-là,
38:27il est tout à fait possible
38:29que les Etats-Unis perdent leur leadership
38:31mondial sur la science.
38:33Et ça, ce serait
38:35une conséquence qui serait d'ailleurs
38:37de manière assez
38:39cocasse, à l'inverse de ce que Trump
38:41veut faire. Il n'arrête pas de dire qu'il veut rendre les Etats-Unis
38:43plus forts. Mais là, c'est vraiment une décision
38:45qui, sur le long terme, risque d'affaiblir
38:47très clairement les Etats-Unis.
38:49– Merci beaucoup pour tous
38:51vos éclairages et pour cette discussion. Est-ce que
38:53vous pensez qu'il y a des choses qu'on a oubliées ?
38:55Est-ce que vous avez un mot de la fin à rajouter avant de terminer ?
38:57– Une mini-correction, c'est que le McCarthy,
38:59c'était plutôt il y a 70 ans, je crois que j'ai dit
39:0150 tout à l'heure, donc je corrige au cas ouf.
39:03– Moi, j'ai un dernier chose,
39:05c'est qu'on a vu, sur ce que je disais,
39:07la fuite des cerveaux, on a vu des
39:09établissements français essayer de mettre
39:11en place des programmes pour accueillir
39:13des... Alors je pense notamment à Ex-Marseille
39:15Université qui a débloqué quand même pas mal d'argent
39:17pour essayer d'accueillir sur 3 ans,
39:19alors c'est sur des projets de 3 ans des chercheurs
39:21américains. Par contre,
39:23il faut faire vachement attention parce que le gouvernement
39:25a emboîté le pas en disant, ah oui, on demande
39:27aux établissements d'agir
39:29dans ce sens. Alors à la fois, c'est louable
39:31et d'ailleurs, on se souvient
39:33qu'Emmanuel Macron avait lancé un grand plan
39:35de communication qui s'appelait « Make our planet great again »
39:37en 2017 à la
39:39premier mandat de Trump,
39:41mais il faut aussi assez faire attention sur le côté
39:43communicationnel du truc. La recherche
39:45en France va pas très bien, on est
39:47plutôt en train de couper ses financements
39:49et donc elle n'est pas vraiment dans une situation
39:51de pouvoir faire un appel d'air
39:53et dire à plein de chercheurs, venez chez nous parce que
39:55on n'a pas beaucoup de postes chez nous en fait.
39:57– Oui, c'est vrai qu'à travers tout ça, il y a une
39:59question intéressante, c'est quelle place
40:01en fait pour la science dans nos démocraties ?
40:03C'est une grande question comme ça
40:05pour terminer, mais on ne se l'est peut-être pas assez
40:07posé ces dernières années.
40:09Qui décide comment on finance
40:11la recherche, de comment on l'amène,
40:13de comment on garantit l'indépendance aussi des
40:15chercheuses et des chercheurs ? Et si
40:17ce qui se passe aux États-Unis peut avoir le mérite
40:19de réveiller plutôt que de subir des attaques
40:21similaires en France qui commencent
40:23à être menées notamment par l'extrême droite,
40:25on en sortira grandi. Mais le combat
40:27va sans doute être dur.