Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00L'édito politique sur Europe 1 avec Le Figaro, bonjour Alexis Brezet.
00:04Bonjour Dimitri, bonjour à tous.
00:06Ce matin, Emmanuel Macron va s'exprimer devant les chefs d'état-major des principales armées de l'Union Européenne et de l'OTAN,
00:11mais sans les Américains.
00:13Est-ce que ça veut dire, Alexis, qu'il est en train d'imposer ce concept d'autonomie stratégique européenne qu'il défend depuis son premier mandat ?
00:20Eux, n'allons pas trop vite en besogne, Dimitri.
00:24En l'occurrence, il faut noter que ce concept d'autonomie stratégique,
00:28l'idée qu'un jour les Européens ne dépendront plus des États-Unis pour assurer leur défense,
00:33ou en tout cas qu'ils en assumeront une part substantielle,
00:36ce n'est pas une invention d'Emmanuel Macron.
00:38C'est même une très vieille idée.
00:39On retrouve le concept chez le général De Gaulle au début des années 60,
00:43dans ses conversations avec le chancelier Adenauer.
00:47Et depuis Jacques Chirac, c'est une proposition constante dans la bouche des présidents français.
00:52Proposition qui, il faut le reconnaître,
00:54n'avait pas connu jusqu'ici beaucoup de succès auprès de nos partenaires européens.
00:58On a vu que les choses avaient beaucoup changé,
01:00le tournant brutal de Donald Trump a précipité une prise de conscience chez les Européens.
01:05Oui, c'est vrai, mais ça n'a planifié pas pour autant tous les obstacles.
01:09Cette fameuse autonomie stratégique européenne, qui prétend la bâtir ?
01:13Les Français, qui marchent fièrement à l'avant-garde,
01:15mais qui n'ont pas un sous-vaillant pour financer leur réarmement ?
01:18Les Britanniques, qui ne sont guère plus riches,
01:21et dont la force nucléaire dépend totalement des Américains ?
01:23Les Allemands, qui ont les moyens financiers eux,
01:26mais qui, pour s'armer, doivent modifier leur constitution,
01:28ce qui suppose l'accord des verts, et ça, c'est pas gagné.
01:31Les Italiens, qui entendent bien cultiver les liens privilégiés
01:34que Giorgia Meloni a établis avec Donald Trump ?
01:37Etc, etc, etc...
01:39Sans oublier Madame von der Leyen,
01:41qui voudrait bien récupérer l'affaire au profit de la Commission,
01:44et qui promet de distribuer de l'argent qu'elle n'a pas,
01:47en se mêlant d'un sujet qui, d'après les traités, ne la regarde pas.
01:51Bref, on n'est pas au bout du chemin.
01:53L'Allemagne et la Pologne commencent aussi à évoquer publiquement
01:55une alternative américaine aux parapluies nucléaires américains.
01:59Ça devrait accélérer les choses.
02:01Que les plus atlantistes des atlantistes en soient là,
02:05c'est le signe incontestable que les esprits ont évolué.
02:08Enfin, il me semble que, loin de simplifier le problème,
02:12ça le rend à peu près inextricable.
02:15Enfin, Dimitri, personne ne peut croire un instant
02:18que les Allemands vont se contenter d'un petit coin du parapluie nucléaire
02:23qu'étendrait généreusement sur leur tête la France Emmanuel Macron.
02:27Ce rôle de protecteur qu'ils ont laissé aux Américains après la guerre.
02:30Parce qu'ils n'avaient pas le choix.
02:32Les Américains étaient les vainqueurs et eux les vaincus.
02:34Ils ne vont pas aujourd'hui l'abandonner à la France
02:37et laisser la France déclencher seul le feu nucléaire depuis leur territoire,
02:42voire sur leur territoire.
02:44Les Allemands, comme les Polonais, de leur point de vue c'est naturel,
02:47n'ouvrent le dossier que parce qu'ils souhaitent partager avec nous
02:51la décision d'emploi de l'arme nucléaire
02:53dont ils se disent par ailleurs qu'on va leur demander de la financer.
02:56Or, ce partage est totalement contraire à la doctrine stratégique française
03:02telle qu'elle a été définie par le général de Gaulle en 1959.
03:06Il est indispensable que la France se défende par elle-même,
03:09pour elle-même et à sa façon.
03:11Comme il est d'ailleurs totalement contraire au principe même de la dissuasion
03:15qui repose sur la décision personnelle, fulgurante, imprévisible d'un seul homme
03:22et pas sur celle d'un comité intergouvernemental
03:26et pourquoi pas, tant qu'on y est, d'un vote au Bundestag ou à la diète polonaise.
03:30Même Emmanuel Macron, qui aimerait tant se poser en leader militaire de l'Europe,
03:34a dû le reconnaître.
03:36La dissuasion française, on peut l'élargir, on ne peut pas,
03:40on ne doit pas la partager.
03:43Voilà pourquoi, en dépit des promesses d'autonomie stratégique,
03:47le parapluie américain, dont Donald Trump n'a jamais dit d'ailleurs qu'il le repliait,
03:52a encore de beaux jours devant lui.
03:54L'édito politique sur Europe, merci beaucoup Alexis Brazet.