Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 8 avril 2025 : la chanteuse et pianiste Jeanne Cherhal. Son nouvel album, "Jeanne", est disponible depuis vendredi.
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00:00C'est un instrument qui a fait chavirer votre coeur et donc qui a fait basculer votre vie.
00:06Le piano est devenu, dès vos premiers accords à l'âge de 13 ans, le liant avec votre
00:11plume, votre imaginaire, votre voix et avec celle que vous avez su épouser sans l'abousculer
00:15la musique.
00:16C'est avec Vincent Delerme, entre guillemets, que vous avez donné vos premiers concerts
00:20en double affiche avant de rencontrer le public qui vous a permis d'ailleurs d'aller encore
00:25un peu plus loin.
00:26Je pense aussi à l'album « Douze fois par an ». Ce disque vous a permis d'obtenir
00:30une victoire de la musique et d'être reconnu par cette critique qui a été unanime mais
00:34très très tôt.
00:35Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts, sans vilain jeu de mots, avec de belles collaborations.
00:40Je pense effectivement à Albain de Lassimome, les Françoises, avec Camille, Émilie Loiseau,
00:45Olivia Ruiz, Rosemary, il y avait la grande Sophie aussi, mais aussi avec Benjamin Biolay.
00:50En son, vous avez interprété Brandt, Rhapsody sur votre album Charade.
00:55Aujourd'hui, Benjamin a réalisé Jeanne, votre dernier bébé.
00:5813 nouveaux titres composent ce petit dernier qui vous ressemble et même qui vous raconte.
01:03Ce titre Jeanne est d'ailleurs très explicite, sans filtre, sans détour, il en dit long.
01:07Oui, ça a été une évidence en fait de l'appeler Jeanne et Benjamin était assez
01:14enthousiaste sur ce titre-là.
01:16On ne s'est pas tellement posé la question, c'est un disque si personnel, comme vous
01:22dites, une sorte d'autoportrait, c'est vraiment ça, c'est 13 facettes, je pense, de ma petite
01:28personne.
01:29On tourne autour de soi quand on écrit et ce disque n'y fait pas exception.
01:34Vous semblez avoir trouvé finalement cet équilibre que vous recherchez depuis très longtemps,
01:39c'est-à-dire entre cette envie de raconter des choses et de faire bouger les lignes et
01:43en même temps ce besoin de vous poser et de profiter.
01:46C'est un très beau résumé, ça me touche parce qu'effectivement, à toutes les étapes
01:51de cet album, je me suis sentie, déjà j'étais hyper heureuse de le faire ce disque, de
01:57faire les chansons, de l'enregistrer, même de faire les photos, tout s'est fait dans
02:02le jeu et dans la joie et j'ai la sensation d'être dans un bon équilibre, en ce moment
02:10en tout cas.
02:11Peut-être ça s'écroulera plus tard, mais c'est vrai qu'il y a une sorte d'apaisement
02:17et de bonheur de faire les choses, ça c'est vrai.
02:20Benjamin Biolaire a-t-il donc trouvé la clé pour vous pousser dans vos retranchements,
02:25dans les derniers retranchements ?
02:26Je pense qu'en tout cas, il a trouvé, il a mis la clé dans le contact, ça c'est sûr,
02:32parce que c'est lui qui est à l'origine de ce disque, dans le sens où il m'a vraiment
02:38stimulée pour refaire un album, à un moment où je n'étais pas forcément dans les dispositions
02:43de refaire des chansons et il m'a dit mais attends, ça y est, vas-y, ça fait quand même
02:49quelques années que tu n'as pas refait de disque, qu'est-ce que tu fous ? Tu fais un disque
02:53et je vais le réaliser.
02:54Et le fait qu'il me fasse confiance sans entendre aucune chanson et qu'il ait envie de s'impliquer
03:02comme ça, moi ça m'a donné des ailes, ça m'a vraiment, ça a rallumé la mèche et
03:07pendant un an je l'ai fourni en maquette piano-voix et il a sublimé tout ça.
03:14Cet album, il a quand même au cœur quelque chose qui vous suit depuis le début, qui
03:22a un peu finalement l'objectif que vous étiez fixé, c'est celui de la liberté.
03:25Et on comprend à quel point vous avez parcouru un chemin par rapport à ça.
03:32La liberté, elle existe du point de vue personnel mais aussi effectivement du point de vue
03:36d'un ensemble.
03:37Est-ce que la musique vous a permis d'être la femme libre que vous espériez être ?
03:42Oui, totalement.
03:43Enfin, je ne sais pas si je suis totalement libre mais en tout cas, c'est dans ma pratique
03:47musicale que j'éprouve le mieux ma liberté.
03:52Depuis que je fais des chansons, je me suis toujours autorisée à aborder tout ce que
03:58j'avais envie d'aborder sans forcément me dire « Attends, est-ce que ça, c'est pas
04:03un peu… »
04:04Dans les thèmes que j'ai envie d'aborder, je ne me suis jamais entravée et notamment
04:09dans ce disque-là, j'ai l'impression aussi que dans ma vie, j'arrive à un point
04:16où je suis entourée de gens que j'ai choisis.
04:20C'est hyper important de s'autoriser peut-être à faire un petit ménage aussi dans sa vie,
04:28à choisir.
04:29La vie est courte.
04:30Vous chantez d'ailleurs.
04:31Oui, c'est vrai.
04:32Il y a une chanson qui s'appelle « La vie est trop courte ». C'est une chanson dans
04:35laquelle je me suis permise de revenir à l'essentiel.
04:37On a peu de temps, donc autant être le mieux possible, autant s'entourer le mieux possible,
04:43autant prendre ses dispositions.
04:44C'est une chanson qui parle un petit peu d'un état mental qui n'est pas toujours
04:48au top.
04:49Donc autant se prendre en main pour essayer d'aller le mieux possible.
04:51Ce disque est aussi une libération, Jeanne, c'est-à-dire que vous avez eu aussi ce
04:57besoin de parler de ce qui vous dérange, de ce qui vous fait mal.
05:01« Le cri des loups » en est un très bel exemple où vous affrontez quasiment tête
05:05à tête les bêtes sauvages qui nous accompagnent.
05:07À la fin de la chanson, on entend une voix qui parle de Depardieu en disant « c'est
05:12la grandeur de la France, il fait briller la France ».
05:14Il rend fière la France.
05:15On est en plein cœur du procès d'ailleurs de Jérôme Depardieu.
05:18C'est important de rappeler que les mauvais comportements sont au centre de nos vies
05:24et qu'il faut définitivement les balayer d'un verre de main ?
05:27Bien sûr.
05:28Et puis en utilisant cette phrase de notre président à la fin de la chanson, j'avais
05:32aussi envie d'exprimer, j'avais très fort envie d'exprimer le fait que les violences
05:37sexistes et sexuelles, ça devait être au cœur du premier quinquennat déjà.
05:40On attend toujours… J'ai l'impression que sans le tissu associatif en France, le
05:52phénomène des violences sexistes et sexuelles passerait à la trappe.
05:56Il y a une très forte mobilisation associative en France et heureusement, parce qu'il y
06:01a plein de femmes qui ne trouvent de soutien que dans ce genre d'organisation non gouvernementale
06:09en fait.
06:10Et oui, j'avais envie de terminer sur le prédateur en chef dans cette chanson.
06:15Et effectivement, c'est une phrase… La phrase en elle-même, c'est « je suis un
06:20grand admirateur de Gérard Depardieu, il rend fière la France ».
06:23Et c'est vrai qu'il a dit ça il y a un an et demi, deux ans peut-être.
06:26C'était tellement l'inverse qu'on avait envie d'entendre.
06:31Cette phrase, ça anéantissait le fait de parler pour les femmes, le fait de se sacrifier
06:38en parlant.
06:39C'est un sacrifice.
06:40– Et d'être entendu.
06:41– Voilà, d'être entendu.
06:43Après, une femme qui parle de ce qu'elle a subi, elle est marquée, médiatiquement
06:50elle est marquée par ça.
06:51Je trouve que c'est du sacrifice et moi, c'est un courage que je n'aurais pas de
06:57dénoncer nominativement quelqu'un que j'ai croisé, qui m'a fait du mal dans
07:02ma vie.
07:03Je n'ai pas le courage, je le fais dans une chanson, anonymement, mais je n'ai pas
07:06le courage de faire ça.
07:07– Pour terminer, Sarah raconte « Le sablier qui s'écoule ».
07:09C'est une chanson qui est vraiment sublime, vous assumez un tête-à-tête avec le temps.
07:14Justement, le temps est-il devenu un allié ?
07:17– Oui, je crois.
07:18Oui, vraiment.
07:19Un allié est peut-être une source d'émerveillement et de découverte.
07:26Et je me dis très souvent que c'est ce qu'on a de plus précieux au monde, le temps.