Interview ou reportage d'une émission cinéma produite par CANAL+ autour d'un film disponible sur CANAL+ ou sortant en salles, un événement ou une actualité du 7ème Art
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00:00Bonjour Léa. Bonjour Laurie. Bienvenue dans Tête à Tête. Merci beaucoup.
00:03Alors je me faisais la réflexion, je me disais on connaît l'audace et la liberté de Léa Drucker.
00:07C'est pas étonnant de vous voir à l'affiche du mélange des genres ?
00:11Ça je me rends pas bien compte, c'est instinctif en fait, pourquoi on est attirée par un projet
00:15ou par un metteur en scène ou des scénaristes.
00:19Et là en l'occurrence Michel Leclerc, moi c'est vrai que j'ai toujours beaucoup aimé ses films,
00:24qu'on se connaissait pas du tout et qu'il m'a envoyé ce scénario
00:28et qu'en effet j'ai reconnu sa patte et celle aussi de Baya Kasmi.
00:33Ils ont co-écrit le scénario ensemble, c'est Michel qui a réalisé le film.
00:36Sa femme est scénariste du film.
00:37J'ai trouvé ça audacieux et intelligent et en même temps ce que j'aimais beaucoup
00:42c'est que le film soulève plein de questions et n'affirme rien non plus,
00:47ne fait pas de leçons et qu'il y avait quelque chose d'un peu...
00:54qui était toujours sur le fil quoi.
00:55Et en même temps un défi parce que c'était de parler de nous en fait,
01:00de parler de nous aujourd'hui dans cette société.
01:02Et de cette société aussi en pleine mutation,
01:05c'est-à-dire qu'on est la société post-MeToo,
01:07on n'a pas complètement trouvé non plus notre équilibre
01:10et c'est vrai que je trouve que le film soulève bien toutes ces questions.
01:13Alors à travers votre personnage qui est Simone,
01:15qui est une policière un peu réac,
01:18qui infiltre un collectif féministe puisqu'elle est soupçonne de complicité de meurtre.
01:21Et en même temps, elle, pour protéger sa couverture, elle va accuser à tort un homme de viol.
01:27Voilà, donc c'est assez dense quand même le parcours de ce personnage tout au long du film.
01:30Comment est-ce que vous avez réagi lorsqu'elle vous a proposé ce rôle ?
01:33Qu'est-ce que vous en avez pensé aussi de ce personnage ?
01:35Ce qui m'intéressait beaucoup avec Simone, c'était son parcours, son chemin en fait.
01:39Parce qu'il y a un chemin très fort en fait.
01:42C'est-à-dire qu'elle commence...
01:43Moi je dirais pas réac, je dis que c'est une femme qui a des grands principes de justice et de vérité
01:48et que ça prime sur le reste.
01:49Et que c'est pas évidemment une femme qui est dans le...
01:52C'est pas une progressiste, elle a grandi,
01:55elle a fait sa place dans un système plutôt patriarcal.
01:59Ouais, c'est ça.
02:00Et elle a pas tellement envie de bouger ses repères.
02:03Donc c'est plutôt... Simone au départ, c'est ça.
02:05Et il se trouve qu'avec ce que vous venez de raconter,
02:08tout son chemin comme elle est infiltrée,
02:11en fait elle s'attache à ses idées.
02:13Et elle s'attache à quelqu'un, à une des femmes en particulier.
02:16Et c'est un personnage qui évolue.
02:17Donc ça, moi c'est ce que j'aime.
02:19C'est de prendre un personnage à un point A et de le faire arriver à un point B.
02:22Et de le mettre...
02:24De le faire vivre dans ses contradictions, dans ses paradoxes,
02:27dans ce qui peut nous déplaire.
02:28Mais d'en faire une personne qui change, qui se transforme.
02:33C'est ce que j'allais dire, en même temps terriblement attachante.
02:35Parce que c'est vrai qu'au tout démarrage du film, elle dit même
02:38« Il faut croire que je suis plus flic que femme ».
02:40Oui, voilà.
02:41C'est fort quand même.
02:42C'est-à-dire que son principe est plus fort que l'idée d'un féminisme.
02:48Pour elle, c'est encore une fois la vérité, la justice, coûte que coûte.
02:52Elle ne s'est pas posé les questions, en fait.
02:54Non, mais elle enquête sur un meurtre, en fait.
02:57Donc ça, c'est son objectif, c'est d'enquêter sur un meurtre.
02:59Et elle veut trouver la vérité.
03:01Elle a cet orgueil aussi de justicière, en fait.
03:03Et les revendications du collectif qu'elle a infiltré,
03:08dans un premier temps, ne la concernent pas
03:11puisqu'elle les soupçonne d'une complicité.
03:13En fait, l'idée, c'est de dénoncer les brebis galeuses dans la police
03:16qui ne font pas remonter les plaintes des femmes agressées.
03:18Ça, il y en a partout, dans tous les commissariats.
03:20C'est bien, je suis contente parce qu'on va enfin se les faire,
03:21ces enculés, là, franchement.
03:22Non, par contre, Sophia, ça se...
03:24Non.
03:25Bah quoi ?
03:25Vraiment, le fait que tu emploies le terme enculé
03:27comme une insulte, c'est problématique.
03:30Tu vois ?
03:30On a le droit de se faire enculé.
03:32Tu comprends ?
03:32Oui.
03:32Pardon, je savais pas, désolé.
03:34Bah ouais, parce qu'en fait, le patriarcat,
03:35ça commence par le vocabulaire.
03:37Donc, pédé, salope, gouinas, enculé, tout ça,
03:39t'oublies.
03:40Parce que si toi, tu commences à le faire,
03:41sinon, on commence à le faire,
03:42ça va pas marcher.
03:43T'as compris ?
03:43D'accord, oui, j'ai compris.
03:44Tu vois, moi, je suis une enculée, par exemple,
03:46il n'y a aucun problème.
03:46Ah, t'es une enculée ?
03:47Ouais, alors ?
03:48Il y a un personnage aussi que j'adore dans le film
03:49qui est joué par Benjamin Laverne,
03:51qui est très drôle.
03:51C'est Paul.
03:52Alors, lui, c'est un homme très conscient
03:54des préoccupations féministes.
03:56Il dit Simone de Beauvoir.
03:57Dans son couple, c'est celui qui travaille le moins.
03:59Il s'occupe des enfants.
04:01Il est très respectueux des femmes.
04:03Il laisse la place.
04:04Voilà, c'est ça.
04:05Il laisse la place aux femmes,
04:05mais pas de chance, il va être accusé de viol.
04:07Et il dit quelque chose aussi
04:08que je trouve de très beau
04:09lorsqu'il rencontre votre personnage.
04:14Oui, oui, je pense que c'est ce que j'ai...
04:17Il se remet en question pour tous les hommes.
04:19Oui, c'est ça.
04:20Et il accepte que l'histoire qui lui arrive
04:22dépasse, en fait, son histoire personnelle,
04:25qui est quand même très dure aussi.
04:27Mais c'est ça que je trouvais assez beau
04:30dans ce que vous l'avez raconté, Michel.
04:32C'est qu'en fait, il veut faire l'éloge
04:33malgré tout de la délicatesse et de la tendresse
04:37et de l'idée d'avoir...
04:38Est-ce qu'on peut, en effet,
04:42prolonger cette conversation,
04:43en tout cas, avoir cette conversation,
04:45retourner à un point zéro
04:46et tout recommencer, en fait.
04:48C'est une idée complètement utopique
04:49et complètement folle.
04:50Encore une fois, c'est une comédie.
04:51Mais ce que j'aime bien,
04:52c'est qu'il y a un mélange de...
04:53Déjà.
04:54Déjà.
04:55Et à la fois de quelque chose
04:56de profond et de sensible
04:57à travers le personnage de Paul.
04:59Parce que Michel Leclerc
05:01et Baïa Kasmi
05:02ne prennent pas, en fait,
05:03ces sujets-là à la légère.
05:04Ils ne veulent pas, en fait...
05:05La comédie, elle se situe
05:07sur comment on se positionne, en fait.
05:08Et Paul, il cherche sa place
05:09dans cette société
05:10et il est prêt à accepter
05:12beaucoup de choses.
05:13Paul, toi, tu travailles
05:15beaucoup moins que Charlotte.
05:16Oh, t'es une perle.
05:18Est-ce que tu ressens ça
05:19comme une atteinte à ta virilité ?
05:20Mais non, mais pas du tout.
05:22Pas du tout.
05:22Moi, je vous conseille plutôt
05:23de prendre les Maxi Confort Plus,
05:25si je peux me permettre.
05:25C'est vraiment celle que je préfère.
05:27T'es quasiment une femme, quoi.
05:28Non, non, je suis un homme, moi.
05:30Mais un homme complètement démoli.
05:31Déconstruit.
05:31Déconstruit.
05:32Au casting, il y a Judith Chemler.
05:34C'est vrai que Judith,
05:34elle a beaucoup pris la parole
05:36concernant les violences qu'elle-même
05:37elle a subie.
05:37Très courageusement, oui.
05:39Et en même temps, elle dit
05:39même sur un sujet comme celui-ci,
05:41on a besoin de légèreté,
05:42de rire, de soi,
05:43d'être dans l'excès,
05:44y compris avec toutes
05:45ces émotions graves.
05:47Ça résume bien
05:47ce que vous venez de dire.
05:48Oui, parce que je crois
05:49qu'on peut avoir l'espoir
05:51que la comédie,
05:52ça apporte du lien
05:53entre les gens.
05:54Et que ça permet aussi
05:56d'avoir la conversation
05:57autrement.
05:58Et c'est ce que dit Judith.
05:59C'est ce que dit
05:59il faut que ça sorte
06:00de plein de manières différentes.
06:03En essayant de ne pas dire
06:04de conneries,
06:04en essayant de ne pas dire
06:05des choses qui rendent
06:06ce qui nous touche
06:07et nous préoccupe,
06:08trop léger non plus.
06:10Et on voit aussi
06:11à travers le personnage
06:12justement joué
06:13par Benjamin Lavergne.
06:14Alors il est comédien,
06:15lui, il subit
06:15une fausse accusation
06:16de viol et en même temps,
06:18il subit aussi
06:18le rejet de la profession.
06:20C'est aussi des questionnements
06:21qu'on vit aujourd'hui
06:22qui ne sont pas évidents
06:23à aborder.
06:24Non, mais c'est vrai
06:24que Paul, c'est aussi
06:25un peu la voix
06:26de Michel Leclerc.
06:27C'est-à-dire que
06:27qu'est-ce que Michel,
06:28il a écrit ce scénario
06:29en se disant
06:30parce qu'il se posait
06:31plein de questions.
06:33Ça parle de la culpabilité
06:34aussi d'être un homme
06:35aussi, mais même
06:36si ce n'est pas
06:36un homme prédateur,
06:39c'est un homme
06:39qui veut, au contraire,
06:40c'est un homme féministe.
06:41Et donc il voulait
06:42écrire une histoire
06:44qui portait la voix
06:46de cet homme-là.
06:47Oui, c'est ça,
06:47parce qu'il a dit
06:48je voulais faire une comédie
06:49pour slalomer
06:50à travers un champ de mine.
06:52Oui, et puis surtout
06:54avoir cette envie
06:57de parler
06:57de la tendresse aussi.
06:59Tu veux essayer ?
07:00Moi, je vais essayer, moi.
07:02Non, non, non.
07:03Pourquoi ?
07:03Oui, je...
07:04Non, mais...
07:05Regarde, on l'a toute fait.
07:06Je n'en soupe pas.
07:07Tu vois, tu armes, là,
07:09bien contre ton épaule.
07:11OK ?
07:11Solide.
07:12Tu enlèves la sécu.
07:14Et tu penses à ton violeur.
07:18Parfait !
07:19Pas sale.
07:21Vas-y, je veux le faire.
07:22C'est à moi, c'est à moi, là.
07:22C'est à moi, c'est à moi.
07:23Et le personnage de Paul
07:24parle aussi des clichés
07:26de rôles et d'âge
07:27pour les actrices.
07:28D'ailleurs, on se rappelle,
07:29Léa, pour vous,
07:29le grand tournant.
07:30Vous le dites souvent,
07:31c'est votre rôle
07:32dans Jusqu'à la garde,
07:33victime de violences conjugales.
07:35Est-ce que vous pensez
07:36que le mouvement MeToo,
07:37justement, a contribué
07:38à susciter un intérêt accru
07:40du cinéma
07:41pour les personnages féminins ?
07:42On a fait beaucoup
07:43de progrès là-dessus.
07:44Mais je pense qu'en tout cas,
07:45ça a ouvert une porte
07:47fantastique aux femmes.
07:49C'est-à-dire qu'il y a
07:50beaucoup plus de femmes
07:51réalisatrices,
07:53il y a beaucoup plus
07:54de femmes scénaristes,
07:55il y a beaucoup plus
07:55de femmes productrices.
07:56Je trouve que ça a ouvert...
07:58Enfin, moi, à l'âge que j'ai,
07:59on me propose
08:00des personnages passionnants
08:01qui ont mon âge.
08:03Donc, c'est-à-dire,
08:03avant, ils étaient au placard,
08:04ces personnages-là.
08:06Il y avait peu de rôles
08:07pour des femmes de mon âge.
08:09Et là, je trouve
08:11que ça s'est ouvert.
08:13Maintenant, je me dis toujours
08:14que rien n'est acquis,
08:15qu'il faut toujours...
08:16Continuer à se battre pour...
08:17Oui, parce que...
08:19Parce que je constate quand même
08:22que les grosses productions
08:23sont rarement entre les mains
08:25de réalisatrices pour l'instant.
08:26Là, vous aviez confessé
08:28avoir eu des moments
08:29de creux très longs.
08:30Vous avez déjà pensé
08:30à arrêter le métier ?
08:32Oui, oui.
08:32Dans ces moments-là ?
08:33Une fois.
08:34Une fois, je me suis vraiment dit
08:35« Bon, j'ai tellement envie
08:37et c'est tellement frustrant
08:38que ça ne marche pas comme des mots. »
08:38Oui, c'est ça,
08:38c'est la frustration qui est compliquée.
08:40À un moment donné,
08:41je me dis « Combien de temps
08:42je vais vivre dans cette frustration ? »
08:44Et après, c'était presque
08:45un peu un instinct de survie
08:46de se dire
08:47« Peut-être penser à faire... »
08:48Pourquoi pas envisager
08:49de faire autre chose
08:50pour ne pas être trop triste.
08:52Et en même temps,
08:53c'est un peu
08:53un métier de frustration.
08:54Enfin, je me dis
08:55« Même quand ça marche bien,
08:57on n'a pas forcément
08:58le rôle qu'on a envie de jouer
08:59au moment où on a envie de le jouer. »
09:01Enfin, ça doit être difficile, en fait.
09:03Il faut être tenace, quoi.
09:04Il faut être tenace
09:05et puis il faut avoir la foi.
09:07Mais après,
09:08chaque route est très singulière.
09:10Chaque route,
09:11les routes de chacune et de chacun
09:12sont très, très particulières.
09:14Moi, je pense que
09:14ce qui est formidable,
09:16c'est aussi quand on est moteur,
09:17quand on engage des projets
09:19ou quand les gens qui écrivent,
09:21qui s'écrivent.
09:22Je connais plein d'actrices
09:22qui se sont écrits.
09:23Agnès Jaoui,
09:24elle n'a pas attendu
09:25qu'on vienne la chercher.
09:27Elle a écrit ses films
09:28qu'elle a réalisés.
09:30Enfin, voilà,
09:31il y a des actrices comme ça
09:32qui se sont vraiment mobilisées
09:34et qui n'ont pas attendu.
09:35Moi, j'étais plus dans l'attente
09:36qu'on ait envie de travailler.
09:38Du désir des autres.
09:39Donc, c'était un peu...
09:41Je me suis dit,
09:42à un moment donné,
09:43peut-être qu'il faut
09:44que je pense à faire autre chose.
09:46Et en même temps,
09:47en parlant d'actrices
09:47et de réalisatrices,
09:48vous avez une des rencontres
09:50importantes de votre carrière.
09:51Il y en a eu pas mal.
09:52Il y a eu Zabou Breitman.
09:54Il y a eu d'autres rencontres.
09:55Il y a eu Edouard-Hombert,
09:56Quentin Dupieux,
09:56Catherine Breillat.
09:57Aujourd'hui, Michel Leclerc,
09:58Dominique Molle aussi.
09:59Vous avez exploré
10:00beaucoup d'univers,
10:02des univers singuliers,
10:04différents.
10:04De quoi est-ce que
10:05vous avez envie aujourd'hui ?
10:06J'en parlais hier
10:07avec un copain.
10:08Je fais un métier
10:09qui est immersif.
10:10C'est-à-dire que
10:11je crois que c'est
10:12ce qui me plaît le plus.
10:13C'est qu'on me demande
10:14d'aller faire de la recherche.
10:18C'est assez génial,
10:19en fait,
10:19de pouvoir côtoyer
10:20des personnes
10:21qui ne font pas
10:21la même chose que moi.
10:22J'adore mon métier.
10:23J'adore les acteurs
10:24et les actrices.
10:25C'est pour ça
10:25que j'ai voulu le faire.
10:26En faisant ce métier,
10:27je me mets à rencontrer
10:29des gens
10:29qui ont d'autres métiers.
10:31C'est vraiment passionnant.
10:33De quoi j'ai envie maintenant ?
10:34De continuer ça.
10:37Quand Michel me dit
10:38qu'il y a une scène de harpe,
10:39il faut que tu apprennes
10:39à jouer quelques mesures de harpe.
10:41J'aime bien ces défis-là,
10:42de faire autre chose
10:43que ce que je fais
10:44et de côtoyer des personnes
10:45qui ne font pas
10:46la même chose que moi.
10:47Ça m'intéresse beaucoup aussi.
10:48Très belle,
10:48cette scène d'ailleurs à l'art.
10:50Merci.
10:50Je ne sais pas si vous étiez doublés.
10:52Non.
10:52Sous-titrage Société Radio-Canada