En réaction à la montée des tensions après l'arrestation en France d'un agent consulaire algérien, Alger a décidé dimanche d'expulser 12 agents français. Paris a à son tour aujourd'hui d'expulser douze agents algérien et de rappeler son ambassadeur.
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00:00Rappel de l'ambassadeur, l'ambassadeur Romaté, l'un de vos successeurs, donc pour consultation.
00:06Là, on passe encore un niveau dans l'escalade entre les deux pays ?
00:09Oui, c'est clair. La règle des relations internationales, c'est la réciprocité.
00:15Et donc, l'Algérie a expulsé 12 agents consulaires. Nous expulsons 12 agents consulaires.
00:23L'Algérie n'a plus d'ambassadeur à Paris depuis le mois de juillet dernier.
00:26Il a été rappelé également en Algérie, mais il n'a jamais été remplacé.
00:31Et aujourd'hui, le président de la République a décidé d'expulser 12 agents consulaires.
00:36Je ne sais pas lesquels, d'ailleurs, dans quels consulants.
00:40Et puis, de rappeler pour consultation notre ambassadeur.
00:44Un rappel pour consultation, c'est un rappel...
00:47Qu'est-ce que ça veut dire exactement, un rappel pour consultation ?
00:49C'est un rappel pour manifester sa mauvaise humeur.
00:52Ça peut durer 5 jours, une semaine, un mois.
00:56Mais dans l'échelle de la mauvaise humeur diplomatique, il y a encore quelque chose au-dessus ou pas ?
01:01Il y a la rupture des relations diplomatiques.
01:04Mais un rappel pour consultation, c'est un signal fort de mauvaise humeur.
01:10Encore un mot avec vous, vous avez aidé en cours avant de faire circuler la parole.
01:12Ce qui étonne d'autant plus, c'est la rapidité avec laquelle la tension est remontée.
01:19Alors qu'il y a une semaine, il y avait eu ce coup de téléphone entre Abdelmajid Tebboune, le président algérien, et Emmanuel Macron.
01:24Où l'on semblait expliquer que la détente était engagée.
01:27Que peut-être Boualem Sansa, l'écrivain franco-algérien détenu en prison, allait être gracié.
01:33Il y a un nouveau grain de sel qui a grippé la mécanique.
01:37C'est l'arrestation d'un agent consulaire pour des faits qui remontent à déjà plusieurs mois.
01:43Mais ce qui est inadmissible quand même, c'est qu'un agent consulaire algérien avec un passeport diplomatique ou vraisemblablement un passeport de service
01:52ait pu agir en France et se livrer à des activités quasi mafieuses.
01:57Donc c'est ça qui est incompréhensible.
02:01Et ce grain de sable, à nouveau, voilà, on est reparti.
02:04Et là, c'est véritablement une nouvelle escalade.
02:06Il y a huit jours, c'était embrassant nos folles villes.
02:08Et aujourd'hui, le rideau ne se lève plus, mais ça baisse.
02:13Ulysse Gosset, cela dit, l'incroyable difficulté, quand on est chef d'État français,
02:21évidemment président algérien aussi, d'essayer de dénouer les relations.
02:24Et cela montre à quoi cela joue.
02:26Au fond, on a eu toujours le sentiment qu'Emmanuel Macron misait sur l'équation personnelle qu'il avait avec le président algérien
02:30pour tenter de raccommoder les liens entre les deux pays.
02:33On ne peut pas dire que ça fonctionne formidablement bien.
02:36Absolument pas.
02:38On peut même dire ce soir que c'est la consternation à Paris.
02:41Parce qu'effectivement, le 31 mars dernier, les deux présidents, Théboune et Macron,
02:45avaient scellé, je dirais, la relance d'une relation franco-algérienne
02:49qui était très abîmée par des mois de crise.
02:53La plus grave crise depuis l'indépendance de l'Algérie.
02:55Et là, ce soir, on est dans un nouveau rebond de cette crise, je dirais, au-dessus d'un champ de ruines.
03:02C'est-à-dire que le rappel de l'ambassadeur, certes pour consultation, c'est-à-dire qu'il n'est pas rappelé définitivement,
03:08le renvoi de 12 diplomates et agents consulaires, parce que ce ne sont pas simplement des agents consulaires
03:14qui sont renvoyés par la France.
03:15Ce sont également des diplomates algériens.
03:17Ou des agents des services.
03:19Bien entendu, qui sont certainement les deux à la fois.
03:21Des services, des diplomates et du consul.
03:24Mais néanmoins, si vous voulez, c'est un geste quasiment sans précédent.
03:28C'est-à-dire que là, on a touché le fond.
03:30La seule chose qui pourrait aller encore pire, c'est effectivement si on avait une rupture complète des relations diplomatiques
03:36ou si la France décidait finalement de remettre en cause les fameux accords franco-algériens de 1968.
03:42On n'en est pas là, mais néanmoins ce soir, au-delà de la consternation, si vous voulez,
03:46il y a la volonté de la France de faire porter à l'Algérie la responsabilité de cette crise.
03:51En disant, nous ne voulions pas qu'on en arrive là, et pourtant, la symétrie est absolument indispensable en matière diplomatique.
03:59On ne peut pas faire autrement.
04:02Thierry Arnault, je vous soumets cette réaction du ministre des Affaires étrangères.
04:06Jean-Noël Barraud, les autorités algériennes ont choisi l'escalade.
04:08Nous répliquons comme annoncé en réponse à leurs décisions injustifiées et incompréhensibles.
04:12Nous expulsons 12 agents algériens et rappelons pour consultation de notre ambassadeur le dialogue toujours,
04:17mais pas à sens unique.
04:18On voit ce choix de la fermeté et il faut aussi, là encore, dire à ceux qui nous regardent ce soir les implications concrètes,
04:24puisque au-delà des questions, au-delà d'une sorte d'enlèvement d'histoire un petit peu obscure,
04:30il y a la question de ce qu'on appelle les OQTF, c'est-à-dire que les ressortissants algériens
04:34que l'ont souhaité expulser vers l'Algérie, et le sort de Boilem Sansal.
04:38À la fin des fins, ce sont ces deux sujets-là qui sont les victimes collatérales, si j'ose dire,
04:43de cette tension entre la France et l'Algérie.
04:45Oui, parce qu'on imagine que sur ces deux fronts, les choses ne vont pas s'arranger.
04:48Et d'ailleurs, ce soir, les deux filles de Boilem Sansal publient un appel au secours
04:53au président de la République dans les colonnes du Figaro,
04:57parce qu'elles sentent bien que Boilem Sansal, qui est âgé, qui est malade,
05:01qui n'a presque plus de force, écrivent ces deux filles,
05:05est l'otage d'un contentieux qui lui échappe, évidemment.
05:11Donc, ce dossier-là ne va pas rentrer dans une situation plus facile,
05:18c'est le moins qu'on puisse dire.
05:20Il y a sans doute, à la constatation dont parlait Ulysse,
05:24une forme d'incompréhension aussi à Paris, parce qu'Ulysse le disait,
05:27il y a eu ce coup de fil entre les deux présidents le 31 mars,
05:30un long communiqué qui était quand même très encourageant,
05:32avec une tonalité extrêmement positive, la reprise de relations,
05:36l'évocation du sort de Boilem Sansal,
05:39l'invitation faite au ministre des Affaires étrangères,
05:43Jean-Denis Barraud, dont vous parliez à l'instant,
05:44à se rendre à Alger, ce qu'il fait une semaine plus tard.
05:46Et il est reçu plutôt bien.
05:48Il rencontre son homologue, mais il rencontre lui aussi le président Tebboune.
05:53Il revient en expliquant qu'il a jeté les bases d'une relation, je cite,
05:57« sereine et apaisée ».
05:58Donc, en l'espace d'une dizaine de jours,
06:00on a l'impression que l'ensemble de ses efforts diplomatiques
06:02ont globalement remis la relation sur les rails.
06:05Et là, on voit à quel point c'était fragile,
06:07et à quel point tout ça est parti en vrille,
06:10pour dire les choses familièrement,
06:12parce qu'on s'est emparé avec beaucoup de violence côté algérien
06:16de l'arrestation de cet agent consulaire en France.
06:18Néla Latrousse, il faut aussi parler des conséquences politiques en France,
06:24puisque sur la question des relations entre Paris et Alger,
06:27on avait au fond l'idée d'un côté, portée par le ministre des Affaires étrangères,
06:30le président de la République, qu'il fallait utiliser l'arme diplomatique,
06:33et on avait de l'autre côté un ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau,
06:35qui lui mettait en avant la manière forte.
06:38Est-ce que ce qui se passe là signifie qu'à la fin,
06:42c'est Bruno Retailleau qui avait raison,
06:43et qu'en fait, la manière diplomatique ne fonctionne pas avec Algérie ?
06:46Il y avait une répartition des rôles entre les deux,
06:48et plus on avance, plus d'un côté comme de l'autre,
06:51on assume qu'il fallait porter l'une et l'autre des voix.
06:55Au ministre de l'Intérieur, le soin d'appeler à une riposte extrêmement dure
07:02pour créer les conditions du rapport de force.
07:05au ministre des Affaires étrangères d'incarner la voix de la diplomatie,
07:08qui est une voix en général plus médiane, plus douce, plus molle pour ceux qui la critiquent.
07:20Mais de ce fait, la voix douce, si j'ose dire, ou la voix diplomatique,
07:25a fonctionné tout autant que la voix forte,
07:28puisque lorsque l'on échange avec les différents acteurs de la relation France-Algérie,
07:32et je dis France-Algérie à dessein, c'est-à-dire de la France vers l'Algérie,
07:36et non pas de l'Algérie vers la France,
07:38tout le monde s'accorde à dire que Bruno Retailleau a créé les conditions
07:41de la reprise du dialogue diplomatique,
07:43puisqu'il permettait d'avoir finalement un interlocuteur
07:46qui était moins urtiquant pour les autorités algériennes.
07:53Et ça a fonctionné, puisque Thierry rappelait ce voyage
07:55qui n'a plutôt pas trop mal fonctionné,
07:58qui en tout cas permettait une forme de dialogue retrouvé.
08:02L'arrestation, en revanche, de l'agent consulaire algérien
08:07est venue en quelque sorte troubler à Alger,
08:13puisque dans le calendrier, il y a eu cette arrestation,
08:16il y a eu une demande qui a été faite à l'ambassadeur de France à Alger
08:19de faire connaître les protestations d'Alger à la France,
08:21en disant « mais c'est absolument abominable,
08:24vous ne pouvez pas arrêter un agent consulaire de la sorte
08:26sans respecter un certain nombre de processus et de process en l'espèce diplomatique ».
08:33Il a été répondu côté français « oui, mais enfin ce n'est pas une affaire politique,
08:38il y a l'indépendance de la justice et donc les autorités françaises
08:40ne peuvent pas intervenir dans le cours de la justice »,
08:43ce qui a été pris côté algérien comme une provocation,
08:46parce que, depuis Alger, la lecture qui est faite,
08:49c'est que la justice répond aux ordres politiques.
08:52Et donc, de ce point de vue-là, c'est là que vient se re-gripper la situation,
08:56ajoutant, on peut appeler ça du complotisme côté français,
09:00mais c'est vraiment le mode de fonctionnement d'un certain nombre de décideurs côté algérien,
09:05l'arrestation, ou plutôt la réponse française de dire « la justice est indépendante »
09:10au moment où Bruno Retailleau est au Maroc,
09:13et ce sont ces services qui ont procédé à l'arrestation.
09:17C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, les 12 Français expulsés
09:19sont 12 agents du ministère de l'Intérieur,
09:22placés sous la responsabilité de Bruno Retailleau.
09:24Xavier Driancourt, est-ce que ce qu'on est en train de vivre
09:27et ces relations plus que tempêteuses entre la France et l'Algérie
09:30ne signifient pas qu'au fond, c'est impossible d'avoir une relation apaisée ?
09:35On n'arrête pas de dire « le pouvoir algérien utilise à des fins
09:38de régulation interne de son régime la détestation de la France,
09:41ce que d'aucuns appellent la rente mémorielle ? »
09:44Est-ce qu'au fond, c'est seulement possible d'avoir de bonnes relations
09:47entre la France et l'Algérie ?
09:49Historiquement, depuis 1962, il y a eu très peu de périodes,
09:53à l'exception peut-être de la période Chirac,
09:56jusqu'en 2005.
09:58Jacques Chirac s'entendait très bien avec Bouti Fika.
10:01Il y a eu très peu de périodes
10:02où il y a eu une relation normale avec l'Algérie.
10:05Donc, on s'est toujours vanté d'une relation spéciale
10:08et en réalité, très vite, on retombe dans les travers
10:12et la spécificité de cette relation.
10:15En quelques mots, Ulysse Gossé ?
10:17On constate ce soir que la stratégie de l'apaisement ne fonctionne pas.
10:20Mais il faut rappeler quand même que l'Algérie...
10:23Elle a permis à Jandré Faro d'aller à Alger.
10:25Non, mais il était à Alger pour faire quoi ?
10:27Pour faire quoi ?
10:28Une semaine plus tard, tous ces coups ?
10:29Non, il y a une chose quand même qui est importante.
10:31On prend les relations diplomatiques,
10:33mais si, il faut que la diplomatie garde une voie tout de même.
10:35Le principe de la relation, c'est de pouvoir marcher sur les deux jambes.
10:38Ce que l'on peut dire avec certitude,
10:39c'est que l'Algérie a tenté de faire enlever
10:41un influenceur algérien, un opposant du régime
10:44sur le territoire français.
10:45Cela est absolument inacceptable
10:48et la riposte algérienne
10:49qui a expulsé des consulaires français
10:51est totalement hors de proportion.
10:54Donc, ce soir, on est dans une crise grave.
10:56Est-ce qu'on ira plus loin ?
10:57Sans doute, pas jusqu'à la rupture,
10:59mais on ira plus loin
11:00parce qu'effectivement, le dialogue avec Alger
11:02est quasiment impossible.
11:04Merci beaucoup, Ulysse Gossénel à la Trousse,
11:05Thierry Arnaud et Xavier Drienco
11:07d'être revenus.
11:08Donc, on vous a quasiment rattrapé,
11:10Manu Militare,
11:11pour nous éclairer sur,
11:12plus que ce regain de tension,
11:14ces relations qui, sans doute,
11:15n'ont pas été aussi tendues
11:16depuis plusieurs décennies.
11:18pour nous éclairer sur les décennies.
11:20Merci beaucoup, Ulysse Gossénel.
11:21Merci beaucoup, Ulysse Gossénel.
11:22Merci beaucoup, Ulysse Gossénel.