Hélène Perlant, fille de François Bayrou, victime de violences physiques lors d'un camp d'été animé par un curé de la congrégation de Bétharram, témoigne auprès de la journaliste Ophélie Meunier.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 24 avril 2025.
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00:00RTL Soir, Yves Calvi et Agnès Bonfillon.
00:03Il est 18h44, Hélène Perlant est donc la fille aînée de François Bayrou.
00:08Il y a 30 ans, elle était élève de l'établissement catholique privé Notre-Dame de Bétharam.
00:12Et pendant 30 ans, elle n'a rien osé dire à personne de l'agression dont elle a fait l'objet
00:16lors d'un camp de vacances animé par un curé de la congrégation.
00:19La fille du Premier ministre a accordé aujourd'hui une interview à Ophélie Meunier
00:23que vous retrouvez tous les samedis à 18h25 sur M6 pour la Grande Semaine.
00:28Et dans cette interview, Hélène Perlant raconte ce qu'elle a subi.
00:32Un passage à tabac d'un prêtre.
00:34Alors le système Bétharam, on appelle ça Bétharam, mais il est double.
00:37Il y a une école des filles, une école des garçons, et nous nous retrouvons tous dans le lycée commun.
00:44Donc collège, les filles d'un côté et les garçons de l'autre.
00:45Voilà.
00:46Au lycée, filles et garçons réunies à Bétharam.
00:47C'est l'aumônier de mon collège et qui est tout le temps rodé dans ce collège,
00:52qui a avec l'une des religieuses du collège une relation affichée.
00:56En tout cas, ils sont tout le temps ensemble.
01:00Je leur déplaie, évidemment.
01:04Donc ils vous ont dans le nez ?
01:05Ils m'ont dans le nez, tout simplement.
01:07Je fais un camp de vacances animé par eux.
01:11Et il est là, elle est là, il vient tout le temps.
01:13Et voilà, un soir, il ne s'est rien passé.
01:15Rien, je ne lui mets pas.
01:17C'est ça qui est sidérant dans le livre, c'est qu'on comprend qu'il ne se passe rien.
01:20Il ne se passe rien.
01:21Il n'y a pas de délimin de douceur.
01:22C'est fou.
01:23Un passage à tabac monstrueux, puisque quand on se parle avec les victimes,
01:28on a tous la même expérience de sentiment de mort imminente.
01:32Et c'est sur ça que se fait le verrouillage.
01:33C'est-à-dire, on se dit...
01:35Donc à ce moment-là, vous vous dites, je vais peut-être se passer ?
01:37Ben oui.
01:39Des coups de poing.
01:40Tellement c'est violent.
01:41Des coups de poing, des coups de poing.
01:42Enfin, c'est tellement violent.
01:44Et surtout, on ne sait même pas d'où c'est, d'où ça sort.
01:47Et puis, il fait 120 kilos.
01:48On ne crie même pas, on est suffoqué dans un corps qui lâche, cherche des yeux quelque chose.
01:55Il n'y a rien.
01:56Et il est impossible d'en faire une réalité.
01:59C'est-à-dire, on ne va pas oublier ce qui s'est passé, mais le délit, c'est qu'on bloque toute émotion.
02:05Parce que si on laisse les émotions, alors c'est la monade qui dégoupille.
02:10Vous n'en parlez pas à vos camarades ?
02:12Même pas à moi-même.
02:13Quand je retourne le lendemain, puisqu'on me laisse toute la nuit comme ça, quand je retourne le lendemain dans le groupe, c'est au contraire, en rajoutant, en surjouant, que je vais très bien.
02:21Il ne s'est rien passé, il ne m'a pas eu.
02:23Je ne veux pas lui laisser la moindre victoire.
02:26Et en fait, en étant dans une opposition comme ça, où on croit qu'on va tenir tête à son agresseur, parce que je ne suis pas du genre à me soumettre, tenir tête à son agresseur, en fait, on fait toujours.
02:35Non, mais c'est important de le dire.
02:36Après, c'est même pas une histoire de caractère.
02:38Après un passage à tabac, vous avez été à l'infirmerie, on vous a soigné.
02:41Rien ?
02:41Rien, alors que je passe plusieurs jours avec des acoufins terribles, avec des bosses, avec des bleus que je cache, etc.
02:49Et donc, personne ne vous soigne ?
02:51Non, personne. Et puis moi, je ne masque rien. Je peux vous dire que celui qui y voit quelque chose, il est doué. Il est doué. Je ne montre rien.
02:58Et je pense que c'est un réflexe.
02:59À la fin de ce camp d'été, vous rentrez chez vous.
03:03Je dis que le camp était super.
03:05Vous n'en parlez pas à votre père ?
03:06Non. Et puis surtout, je pense que...
03:07Vous n'en parlez pas à vos parents ?
03:08Jamais.
03:09C'est ça, je pense, la question que les gens se posent.
03:11Parce que ce livre, il s'appelle Le silence de Béthara. Moi, j'aimerais qu'on s'arrête sur ce mot silence.
03:15Oui, je voudrais faire...
03:16Ce qu'on veut comprendre aujourd'hui, c'est comment est-ce possible qu'il se soit passé des choses aussi terribles,
03:21des agressions physiques, des agressions sexuelles, potentiellement, où on reste au conditionnel tant qu'elles n'ont pas été jugées,
03:27comment c'est possible que toutes ces choses se soient passées pendant 50 ans,
03:30et que personne n'ait rien su et vu et parlé.
03:34C'est ça qu'on veut comprendre.
03:35Quelle est la force de ce système pour qu'on ne parle pas ?
03:40Je pense qu'il y a trois niveaux pour comprendre ce dispositif tel qu'on commence à le comprendre.
03:45Il faut le penser comme trois lieux, trois scènes séparées, si vous voulez.
03:48Il y a cette scène publique de la violence imposée à tous, où les gens sidérés ne vont rien dire,
03:54et donc ne diront plus jamais rien.
03:58Ça a transmis une espèce de culpabilité diffuse, d'avoir été impuissant à réagir à quelque chose qu'on ne comprend pas.
04:04Quand je vois un camarade agressé dans des thunes, on se dit qu'on n'a pas compris.
04:09Qu'est-ce qu'il a fait ? Qu'est-ce qu'il a dû faire ? On a manqué quelque chose ?
04:12Lui ne masque rien, ne montre rien, revient à sa place en faisant ce que j'ai fait,
04:17c'est-à-dire surtout ne pas lui laisser la chance de comprendre qu'on a eu mal.
04:22Il s'agit de tenir tête à son agresseur et qu'on réagit en se disant
04:25si on montre qu'on a mal, il a gagné.
04:27Je tiens le coup.
04:28Je tiens le coup, il ne m'a rien fait. Il faut qu'il ne m'ait rien fait.
04:31Vous n'en voulez à personne de ne pas avoir vu ? Vous n'en voulez pas à votre papa par exemple ?
04:35Je peux vous dire qu'avec ce que j'ai fait comme maquillage, si quelqu'un a vu, il est très fort.
04:41Vous y avez repensé pendant des années ou vous l'avez rangé dans un petit coin ?
04:45Je l'ai régulièrement rangé dans un coin de ma tête en me disant
04:49pourquoi je n'ai pas porté plainte, mais je l'ai fait en me questionnant comment ça marche.
04:55Hélène, c'est la chose sur laquelle vous vous souhaitez revenir aussi et qui est importante
04:59pour faire avancer l'histoire, c'est cette phrase « on ne veut pas voir ».
05:03Elle vous révolte en fait cette phrase.
05:05C'est parce qu'on ne peut pas voir, il faudrait pouvoir savoir.
05:10On ne peut pas.
05:12C'est parce qu'en fait, pour pouvoir voir, il faut pouvoir penser, c'est de l'impensable.
05:17Moi, j'ai pris le problème par moi-même, pas du tout par l'histoire politique.
05:21C'est quand je me dis, mais comment ça peut être, ce passé, tout ça, tous ces enfants
05:24qui vivent l'effroyable, à côté de moi, à 10 mètres de moi, dans ce lycée ?
05:29Parce que Bétharame, la terreur, ça, c'est la spécificité du collège.
05:33Lycée, c'est l'inverse.
05:34Bétharame, le foutoir généralisé, on s'amuse beaucoup, on met le bazar.
05:39Les religieux ne persécutent que les petits.
05:42Les grands du lycée, ils en ont peur.
05:44Donc, en fait, c'est une fiction disciplinaire.
05:47Il n'y a pas du tout de discipline.
05:49Il y a de la férocité, un petit peu.
05:50Il y a beaucoup de sexualité ambiante.
05:54Ces prêtres, ils ne causent que de sexe, en fin de compte.
05:57C'est ce que je raconte dans le livre.
05:58On va en catéchisme.
06:02Pourquoi ? Parce qu'on y va.
06:03Parce qu'on a le choix entre études dirigées ou catéchisme.
06:05Il est utile de vous dire, on va tous.
06:07Voilà.
06:08Les questions, c'est qui est-ce qui se masturbe ?
06:10Qui est-ce qui machin ?
06:11C'est comme ça.
06:12En cours de catéchisme ?
06:12Oui, il n'y a que ça.
06:14Ça ne parle que de...
06:15Ah oui.
06:17Il y a une hyper-sexualité malsaine, ambiante, partout,
06:22qui se fient des murs.
06:23Je veux dire, il y a plein de choses bizarres,
06:25mais c'est tellement énorme.
06:27Hélène, juste une question.
06:28Depuis que vous avez pris la parole,
06:30est-ce que vous avez été contactée par des gens que vous connaissiez
06:33ou d'autres victimes potentielles ?
06:35Par plein et surtout par beaucoup de gens qui m'ont dit depuis deux jours
06:38qu'on ne pouvait plus supporter que les gens croient
06:41que nous, on avait cautionné ça.
06:44Nous, on est victimes comme toi.
06:46On ne pourra pas le dire parce que ce que tu assumes là,
06:49c'est-à-dire de faire le buzz sur ton nom au lieu qu'on parle de ton histoire,
06:52on ne peut pas.
06:53Le décalage qui va se produire entre ce qu'on voudrait dire, on y est,
06:58et puis l'effet que ça va faire, ah, machin, y est.
07:01Ils ne se sentent pas les épaules de le vivre.
07:03Mais c'est difficile pour vous deux de porter tout ça aussi.
07:06Mais c'est bien sûr.
07:07Et vraiment pouvoir dire, enfin, on y est tous.
07:14Sachez enfin que la congrégation de Bétharam précise
07:17qu'elle n'a pas organisé le camp d'été au cours duquel Hélène Perlan a été agressée
07:21et que le religieux mis en cause, le père Lartiguet, organisateur de ce camp,
07:24n'était pas un père de Bétharam.
07:26Vous pourrez de toute façon retrouver l'intégralité de cet entretien samedi à 18h25
07:31sur M6 dans la grande semaine présentée par Ophélie Meunier.
07:34Dans un instant, le meilleur de Marc-Antoine Lebray sur RTL.