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00:00Christophe Willem, il est 8h moins le quart.
00:03Ici Normandie, jusqu'à 9h, ici Matin.
00:09Des blouses blanches en grève et dans les rues hier, notamment à Paris,
00:13où de nombreux Rouennais ont fait le trajet pour rejoindre la mobilisation nationale,
00:18une mobilisation contre la proposition de loi Garot,
00:22qui vise à réguler l'installation de médecins pour lutter contre les déserts médicaux.
00:27Et parmi les grévistes, il y avait des internes.
00:29Marianne Naquet, le représentant syndical des internes Rouennais, répond à vos questions.
00:34Bonjour Benjamin Charrois.
00:36Bonjour Marianne, merci beaucoup pour l'invitation.
00:38Alors vous étiez en grève hier, mais pas vraiment en grève.
00:41Non, c'est ça exactement. Je m'étais déclaré gréviste par solidarité avec mes collègues internes,
00:47mais j'avais des obligations à la fois dans le service et facultaires qui m'ont forcé à rester ici à Rouen.
00:52Comment qualifiez-vous votre état d'esprit ce matin ?
00:57C'est quoi ? C'est de la colère, de l'incompréhension, du désarroi ?
01:01C'est de l'exaspération, je dirais.
01:03En fait, ça fait des années qu'on nous ressort ces idées de coercition pour lutter contre les déserts médicaux,
01:09alors qu'en fait, c'est absolument pas la bonne solution.
01:12Les déserts médicaux en France, tout le monde en a fait le constat, c'est quelque chose qui est acté.
01:17Mais en fait, ces déserts médicaux, ils ne sont pas dus à des problèmes de répartition des médecins sur le territoire.
01:23Ils sont dus majoritairement à un problème de démographie médicale.
01:25Il n'y a pas assez de médecins aujourd'hui pour répondre à la demande de soins.
01:28Et en fait, imposer des mesures pour restreindre l'installation des médecins aux déserts médicaux,
01:34c'est finalement desservir l'accès aux soins au niveau national.
01:37Vous vous dites que le problème, c'est la pénurie, mais alors c'est quoi la solution ?
01:40Parce qu'on sait qu'il faut 10 ans, voire 15 ans pour former des médecins.
01:44Tout à fait.
01:46Et il y a énormément de solutions.
01:48Il y a plein de mesures qui peuvent être mises en place.
01:51La coercition en est une, mais c'est la pire.
01:54Des solutions, il y en a beaucoup.
01:57Par exemple, recruter plus de médecins étrangers.
02:00Empêcher les médecins de partir à la retraite.
02:04C'est un peu violent ça, non ?
02:05Empêcher les médecins de partir à la retraite à partir d'un certain âge.
02:07Non ?
02:08Ça me fait plaisir de vous l'entendre dire.
02:10Justement, c'est une solution.
02:13Est-ce qu'il y a un âge aussi, on n'a pas le droit de s'arrêter ?
02:15Tout à fait.
02:16C'est une remarque intéressante.
02:18C'est-à-dire que si on empêche les médecins de partir à la retraite,
02:21évidemment, ça augmentera l'offre de soins.
02:23Mais ce n'est pas éthique du tout comme solution.
02:25Et il y a un point commun avec la coercition,
02:26c'est qu'en fait, on force les médecins à faire des choses qu'ils n'ont pas envie de faire.
02:29Mais vous, par exemple, la proposition qu'a faite le Premier ministre François Bayrou,
02:35que les médecins consacrent un ou deux jours par mois dans un désert médical,
02:39et il y a une contrepartie financière en échange, ça, ça peut être envisageable ?
02:43Tout à fait, c'est envisageable.
02:45Mais encore une fois, ça ne répond pas, ça ne résout pas le problème.
02:48C'est-à-dire que ce n'est pas 80 millions de consultations en plus qui aura sur le territoire,
02:52c'est 80 millions de consultations qui seront déplacées.
02:54Les médecins, au lieu d'avoir des consultations dans leur cabinet habituel,
02:58en fait, ils vont faire des consultations ailleurs.
03:00Donc en fait, c'est un peu comme un jeu de chaises musicales,
03:03sauf qu'on a plus de chaises que de médecins.
03:05Mais est-ce que ce n'est pas déjà ça pour des patients qui n'ont pas de médecins
03:08et qui attendent désespérément d'avoir des consultations ?
03:12Oui, bien sûr, exactement.
03:13Les gens vont chercher des consultations là où il y en a, plus loin.
03:17Donc en effet, le fait de déplacer ces consultations dans les territoires ruraux,
03:21ça permettra à ces personnes-là d'avoir un accès facilité aux consultations,
03:26mais ça au détriment des gens autour du cabinet où le médecin exerce habituellement.
03:31Donc votre proposition phare, enfin votre solution, c'est qu'il faut absolument former et recruter.
03:37Exactement, former, recruter.
03:39Et surtout, en fait, le déterminant de l'installation des étudiants en médecine
03:44et des jeunes médecins dans les territoires ruraux,
03:47c'est l'implantation dans le territoire.
03:48C'est-à-dire qu'il faut qu'au cours de la formation,
03:52il y ait en fait une représentation plus importante de l'enseignement dans ces territoires-là,
03:56qui est une universitarisation des territoires ruraux,
04:01avec des maîtres de stage, des assistants sur ces terrains de stage-là,
04:05développer justement le fait que les étudiants en médecine aillent dans ces territoires ruraux
04:11pour favoriser leur installation ensuite là-bas.
04:13L'actuel ministre de la Santé dit qu'il faut un peu aussi qu'il y ait une solidarité
04:17et une prise de conscience des professionnels du secteur.
04:21Est-ce que ce n'est pas un peu vous traiter de capricieux finalement ?
04:24Parce qu'il y a des professions qui sont régulées,
04:26c'est le cas des pharmaciens, c'est le cas des notaires.
04:27Pourquoi pas vous finalement ?
04:30Écoutez, la solidarité, c'est un peu l'ADN de notre profession.
04:33Ça c'est quelque chose qu'on a tous en nous.
04:36On s'est engagés en médecine pour le soin.
04:39Et le fait de dire qu'il faut faire un effort, on en est conscient.
04:42Mais encore une fois, 90% du territoire est un désert médical.
04:47Et imposer à un médecin de s'installer dans un désert médical,
04:51c'est aussi lui imposer de s'installer dans un désert tout court finalement.
04:54C'est-à-dire que non seulement il n'y a pas de médecin dans ces territoires-là,
04:57mais souvent il n'y a pas de service public, il n'y a plus la poste,
05:01il n'y a plus d'école pour les enfants.
05:04Et c'est vrai que c'est difficile de demander à un jeune médecin,
05:06qu'à la trentaine, de s'installer dans ces territoires-là,
05:09alors qu'on peut avoir une volonté de fonder une famille.
05:13C'est difficile.
05:15C'est ça qui fait peur vous, c'est ce que vous disent vos camarades étudiants,
05:19c'est ça qui les freine aussi, la peur d'être seul ?
05:21La peur d'être seul.
05:23C'est vrai que l'exercice médical des médecins généralistes,
05:26il a beaucoup évolué.
05:27C'est-à-dire qu'on préfère s'installer dans des maisons de santé pluridisciplinaires,
05:31avoir des collègues autour de nous, c'est rassurant,
05:33d'un point de vue professionnel déjà, quand on a un doute,
05:35on peut demander un avis à un collègue.
05:37Et ça permet aussi d'avoir un exercice beaucoup plus serein,
05:39de partager des charges, d'avoir des collègues avec qui discuter à midi.
05:42Et c'est vrai que ce paradigme, il a changé au cours des dernières décennies
05:47sur le mode d'exercice.
05:49Et donc c'est vrai que c'est beaucoup mieux d'ouvrir aujourd'hui
05:51un centre de santé avec plusieurs médecins
05:53que de faire apparaître des cabinets un petit peu isolés au sein des campagnes.
05:58Merci beaucoup Benjamin Charouard, représentant syndical des internes rouennais,
06:02d'avoir répondu à nos questions.
06:05Vous finissez là dans quelques jours votre internat
06:08et vous passez donc en médecine égale.
06:11Je vais commencer un nouveau stage en médecine égale.
06:13Bonne journée à vous.
06:13Merci beaucoup.
06:15Cette interview à retrouver sur notre site ici.fr
06:19et votre application ici.
06:21La météo pour aujourd'hui,
06:23avec le ciel qui va briller au-dessus de nos deux départements
06:27de l'heure de la Seine-Maritime.
06:287 degrés 3 relevé par Marie Acry.