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00:0011h-13h, Pascal Praud sur Europe 1.
00:04Le roi Charles III a évoqué le caractère effrayant de tout diagnostic de cancer,
00:09maladie dont il a révélé être atteint en février 2024.
00:12Les moments les plus sombres de la maladie peuvent être illuminés par la plus grande compassion,
00:17écrit le monarque, toujours traité pour un cancer.
00:19Le diagnostic de cette maladie est impressionnant et parfois effrayant.
00:24Je fais partie des 390 000 personnes qui malheureusement reçoivent une telle nouvelle chaque année au Royaume-Uni.
00:31Charles III a souligné l'importance du lien humain, qu'il s'agisse de l'explication minutieuse d'une infirmière,
00:36de la main tenue par le bénévole d'un centre de soins palliatifs ou de l'expérience partagée dans un groupe de soutien.
00:42C'est formidable parce qu'évidemment que ce lien humain est très important
00:46et David Kayat qui est avec nous, qui est oncologue, le connaît mieux que quiconque.
00:51Puisque depuis 50 ans peut-être, David Kayat, bonjour.
00:55Bonjour, bonjour, oui, 50 ans malheureusement.
00:5750 ans, vous êtes au contact des malades et vous savez comment sans doute apprendre cette terrible nouvelle
01:06dont il, j'ai envie de dire, est-ce qu'il se doute à chaque fois lorsque vous dites à quelqu'un
01:11vous avez un cancer, est-ce qu'il vous dit, est-ce qu'il est surpris la plupart du temps
01:16ou est-ce qu'au contraire il dit je m'en doutais docteur ?
01:20Alors, quand un patient vient consulter un cancérologue, c'est que quand même il pense qu'il a probablement un cancer.
01:25Donc la surprise, c'est très rare.
01:27Mais par contre, l'effondrement, c'est un mot, c'est un euphémisme, c'est un tsunami, c'est un tremblement de terre.
01:33Le cancer, il tue la première fois quand on prononce le mot.
01:37Les gens se sentent mourir ce jour-là quand on leur dit vous avez un cancer.
01:41Après, il reste à les reconstruire, à les aider, à en faire des soldats pour qu'ils rentrent dans leur combat contre la maladie.
01:47Mais au moment de l'annonce, c'est terrible.
01:49Et c'est pour ça qu'en France, on a créé la profession d'infirmière d'annonce.
01:54C'est-à-dire qu'aujourd'hui, la loi met dans l'obligation les cancérologues ou les médecins,
01:58en tout cas qui traitent des cancers, les met dans l'obligation de donner l'accès à une infirmière qui a été formée pour ça,
02:06qui va aller expliquer les propos du médecin.
02:08Parce que, vous savez, le problème, c'est que quand le monde s'effondre autour de vous,
02:13au moment où le cancérologue prononce ce mot, vous ne retenez rien de ce qu'il vous dit.
02:19Vous avez tellement l'impression que vous allez mourir que tout ce qu'il vous raconte sur les traitements,
02:23sur les chances de guérir, sur le fait qu'il faut rester optimiste, etc.,
02:27c'est très, très peu enregistré.
02:28Donc, il faut répéter ça avec le temps, avec de l'empathie, en tenant la main.
02:33Et ça, la France, elle est à la pointe de cette humanisation,
02:37parce qu'elle a créé dans la loi, enfin dans les décrets,
02:40le fait d'avoir des infirmières qui annoncent la maladie, qui réannoncent la maladie,
02:45et qui prennent le temps de considérer toutes les composantes de ce qui va être le combat pour ce malade.
02:51Donc, déjà, l'acceptation, parce qu'il y a du déni, souvent.
02:54Et puis ensuite, le fait qu'il y a des chances de guérir, elles sont immenses aujourd'hui.
02:59On a 420 000 cas nouveaux chaque année en France, et il y a 150 000 morts.
03:04Ça veut dire quand même que l'essentiel des malades guérissent aujourd'hui.
03:07Voilà, donc il faut prendre du temps, il faut aimer les gens,
03:10il ne faut pas faire ce métier juste parce que c'est très scientifique,
03:14il faut aussi le faire parce que c'est très humain.
03:16Je recevais Pascal Bataille, il y a quelques jours,
03:19il a bénéficié d'un traitement, disait-il, d'immunothérapie,
03:23qui, il y a deux ans, simplement, deux ans, n'existait pas.
03:28Alors, évidemment, je lui ai posé d'ailleurs la question,
03:30il y a 15 ou 20 ans, vous auriez eu ce que vous avez aujourd'hui ?
03:33Il me dit, je pense que là, je serais mort, disait-il.
03:37Alors, il a eu une intervention chirurgicale, je me permets de le dire,
03:40puisqu'il l'a dit à l'antenne, donc on lui a enlevé une partie du poumon,
03:44et puis il a eu donc cette immunothérapie,
03:47et il est aujourd'hui en ce qu'on appelle en réémission.
03:50Donc, les progrès sont énormes,
03:52parce que le cancer du poumon, c'était parmi les plus meurtriers.
03:57C'était parmi les plus meurtriers, vous avez absolument raison,
04:00mais les choses ont changé grâce à l'immunothérapie.
04:03Et d'autres grandes personnalités de la chanson, par exemple,
04:06ont récemment annoncé qu'ils étaient en réémission depuis des mois et des mois,
04:09grâce à l'immunothérapie, avec pourtant des cancers du poumon.
04:13Moi, il y a encore 5 ans, presque, je dirais,
04:1590, 12, 14% des malades que je recevais avec cancer du poumon
04:19avaient été condamnés, pratiquement, même après des souffrances difficiles.
04:23C'était des chimios durs, des rayons, de la chirurgie,
04:26des difficultés à respirer et tout.
04:27Aujourd'hui, mais c'est incroyable,
04:29l'immunothérapie a complètement bouleversé le pronostic,
04:32non seulement de ce cancer-là, mais du mélanome malin,
04:35de certains cancers du côlon, de certains cancers très agressifs du sein.
04:38L'immunothérapie, c'est une révolution thérapeutique
04:41qui a augmenté de manière spectaculaire les probabilités de guérison
04:45pour beaucoup de malades.
04:46Il faut simplement pouvoir, en France, tout est gratuit,
04:49mais il y a des pays où, malheureusement,
04:50les patients, comme aux Etats-Unis, doivent payer.
04:52Et là, malheureusement, l'immunothérapie, c'est très très cher.
04:56Bon, à chaque fois que vous venez dans les studios
04:59ou sur les plateaux de télévision, on fait toujours un point sur le cancer.
05:03Cette fois-ci, on parle davantage, effectivement, du côté humain,
05:05de l'accompagnement, de l'accompagnement également psychologique.
05:09C'est toujours difficile de savoir cette part de psychologie,
05:11comment elle influe directement sur le corps,
05:14combien la présence de sa famille, la volonté propre du malade,
05:19c'est toujours très très difficile.
05:21Il y a parfois des surprises, dans un sens ou dans un autre.
05:23D'ailleurs, peut-être vous-même, êtes-vous surpris
05:25de la résistance psychologique des uns et des autres.
05:28Ceux qu'on imagine forts vont être faibles,
05:30et puis ceux qu'on imagine faibles vont être parfois forts.
05:32J'imagine que là-dessus, il y a tellement de cas que vous avez rencontrés
05:36que votre témoignage nous intéresse toujours sur cet aspect humain.
05:40Vous l'avez dit, c'est comme ça.
05:42C'est-à-dire qu'en fait, vous avez l'impression que le malade est fort
05:45parce que ses propos, son regard, il soutient votre regard, etc.
05:49Et en fait, c'est des gens qui vont s'effondrer
05:51au premier effet secondaire, à la première difficulté.
05:55Et au contraire, vous avez des patients, des hommes, des femmes,
05:58qui ont l'air d'être comme ça, complètement passifs,
06:02malmenés par la vie, et qui vont trouver une résilience et une force.
06:05Donc en fait, quand vous rentrez dans cette relation unique, singulière,
06:09à chaque fois, pour chaque nouveau malade,
06:11il faut faire le blanc dans sa tête
06:13et capter vraiment le patient
06:16et non pas se faire des idées sur le patient.
06:17Par contre, vous parlez de la psychologie.
06:19S'il existe un traitement qui peut guérir ou mettre en rémission un malade,
06:23il faut encore que le patient, qui veuille le recevoir,
06:27soit capable d'endurer les conséquences de ce traitement.
06:30Et ça, c'est pour ça qu'on parle avec des termes de guerre.
06:34On parle de la guerre contre le cancer, etc.
06:37Donc, ça, c'est la relation humaine entre le malade et le médecin,
06:42les psychologues autour, toute l'équipe, les infirmières.
06:44Le médecin, il passe quoi ?
06:4620 minutes tous les deux mois avec un malade.
06:48Mais l'infirmière, c'est toutes les semaines ou tous les 15 jours,
06:50pendant une heure ou deux, quand elle fait la perfusion de chimio.
06:53Donc, toute l'équipe doit être solidaire dans l'idée de tenir à bout de bras
06:58les gens pour les faire traverser ce combat,
07:01ce voyage dans la guerre,
07:03qui peut peut-être les amener à guérir.
07:05Mais si vous n'avez pas ça,
07:07s'il n'y a pas la famille qui soutient,
07:08s'il n'y a pas d'empathie,
07:10si finalement vous êtes seul face à votre destinée,
07:13la plupart du temps, les gens s'effondrent en cours de route.
07:16C'est la limite de la vie.
07:17On ne peut pas comprendre si on n'est pas soi-même passé par cette expérience.
07:22L'expérience est intransmissible.
07:24Donc, comprendre la détresse de quelqu'un qui apprend qu'il a le cancer,
07:28comprendre les effets secondaires,
07:30comprendre les nausées,
07:32comprendre tout ce qui ne sont que des mots,
07:35pour nous qui sommes bien portants.
07:37Évidemment, c'est la limite de ces discussions,
07:42c'est que seuls ceux qui sont passés, bien sûr,
07:45par ces difficultés,
07:47peuvent savoir et comprendre
07:49ce qu'éprouve un homme et une femme qui est atteint d'un cancer.
07:54Je voulais vous remercier...
07:54Juste pour finir, juste une seconde,
07:56parce qu'il y a l'annonce,
07:58elle dure quelques minutes,
07:59mais après il y a la vie avec le cancer.
08:01Et je peux vous dire que cette cicatrice,
08:03elle prend beaucoup de temps pour disparaître.
08:06Elle laisse des traces.
08:07Et là aussi, les gens ont besoin encore d'être soutenus et d'être aidés.

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