Alors qu'Emmanuel Macron a exclu de retirer la Légion d'honneur à l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, plusieurs descendants de décorés ont déposé un recours ce mardi devant le tribunal administratif de Paris.
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00:00Votre choix ce soir, Christophe Barbier, légion d'honneur ou de déshonneur ?
00:04C'est le titre, un recours est intenté devant la justice administrative
00:07pour exiger que Nicolas Sarkozy soit privé de sa légion d'honneur.
00:12De quoi s'agit-il exactement ?
00:13C'est un recours qui n'arrive pas aujourd'hui par hasard.
00:16Il advient le 6 mai parce que le 6 mai, il y a 18 ans, Nicolas Sarkozy était élu président de la République.
00:21Et le 16 mai avait lieu sa cérémonie d'investiture où on le voyait, comme la tradition le veut,
00:26recevoir, on ne l'enfile plus depuis Georges Pompidou et depuis Giscard,
00:30recevoir le cordon parce qu'il était élevé automatiquement à la dignité de grand maître de l'ordre de la légion d'honneur.
00:37A l'initiative du recours d'aujourd'hui, on retrouve Julien Bayou, ancien député,
00:40ancien secrétaire national d'Europe Écologie Les Verts, désormais avocat,
00:44et qui est aussi petit-fils de décoré de la légion d'honneur.
00:47Avec d'autres décorés ou petits-fils ou enfants de décorés,
00:50dont d'ailleurs un décoré qui a été décoré par Nicolas Sarkozy lui-même,
00:53il signe une tribune en demandant de retirer simplement la légion d'honneur à Nicolas Sarkozy.
01:00Pourquoi ? Il s'appuie sur le code de l'ordre de la légion d'honneur
01:03qui dit dans son article 89 qu'il y a des peines disciplinaires.
01:06Le blâme, la suspension totale ou partielle du traitement.
01:09Alors le traitement c'est 6,10 euros par an quand on est chevalier
01:12et 36,59 euros quand on est grand croix.
01:14C'est modeste.
01:15C'est énorme, c'est symbolique.
01:16Et puis évidemment, la discipline, la sanction suprême, l'exclusion de l'ordre.
01:20Dans quel cas ?
01:21Ça c'est l'article 91 qui nous le dit.
01:23Sont exclues de l'ordre les personnes qui sont condamnées pour crimes
01:27et même s'il n'y a pas de crimes,
01:28celles qui sont condamnées à une peine d'emprisonnement sans sursis
01:31égale ou supérieure à un an.
01:34Parfois même, on peut exclure des gens par des simples scandales publics
01:37et parce que leur comportement n'a pas été idéal.
01:40Dans l'affaire Paul Bismuth, l'affaire Aziber, vous savez l'affaire des écoutes,
01:43Nicolas Sarkozy a été condamné à trois ans de prison dont un ferme.
01:47CQFD, il doit perdre sa médaille.
01:49Le grand chancelier, le général Lecointre, reconnaît la logique de ce raisonnement.
01:52Il explique que ce serait de droit, ce retrait.
01:55Il y a d'ailleurs beaucoup de précédents.
01:57En voici quelques-uns, parmi les plus fameux.
01:59Du côté des chefs d'État, alors on ne va pas comparer avec Sarkozy,
02:03Philippe Pétain et Bachar el-Assad.
02:04On passe.
02:05Du côté des affaires politiques, on retrouve quand même l'ère Sarkozy,
02:08Isabelle Balkany, Claude Guéant, mais aussi par exemple Pierre Estoupe.
02:12C'était un des magistrats dans l'arbitrage.
02:14Affaire Adidas, Tapie Crédit Lyonnais.
02:15Arbitrage qui a été faussé.
02:17Donc, on est au cœur de ce monde-là.
02:19Il y en a aussi pour d'autres.
02:20Guérini, c'était quelqu'un qui relevait du Parti Socialiste,
02:23président du Conseil Général des Bouches-du-Rhône.
02:25Et puis Maurice Papon, il avait été ministre sous Giscard.
02:27Claude Gubler, c'était même le médecin de François Mitterrand.
02:30Vous voyez, il avait trahi le secret médical.
02:33Et on l'avait radié pour cela à cause de son livre.
02:35Dans les affaires, on trouvait Jacques Grosemarie, Loïc Flock-Prigent.
02:37Vous les avez vus.
02:38On trouve aussi des people et des people étrangers.
02:40John Galliano, propos antisémite.
02:42Lance Armstrong, dopage.
02:44Harvey Weinstein, je ne vous fais pas un dessin.
02:46À tous ceux-là, on a retiré la Légion de l'Ordre.
02:48On l'a retiré.
02:49Je ne peux pas imaginer, dit le Général Lecointre,
02:51que la loi ne s'applique pas pour Nicolas Sarkozy.
02:54Et donc, il applique le processus.
02:57Le Général écrit à la personne incriminée.
02:59Qui va lui répondre pour se défendre ?
03:01Ensuite, le Général et le Conseil de l'Ordre
03:04décident d'une sanction, blâme, ou bien exclusion,
03:07et on transmet au Grand Maître.
03:09Le Grand Maître, c'est le Président de la République.
03:12Et donc ça, ça prend quelques mois.
03:13Mais si je vous suis bien, c'est donc inéluctable.
03:15Nicolas Sarkozy va perdre sa Légion d'honneur ?
03:17Pas sûr. Pas sûr pour deux raisons.
03:18D'abord, il peut se défendre. Son avocat le dit.
03:21Nicolas Sarkozy n'a pas reçu la Légion d'honneur
03:23pour ses mérites, mais pour sa fonction.
03:25C'est la présidence de la République qui a été décorée.
03:27Elle ne peut pas être déchue, bien sûr.
03:29Ce n'est pas l'homme qui reçoit la Légion.
03:31C'est la fonction.
03:32Le décorer et le condamner, ce n'est pas le même Sarkozy.
03:36Deuxième bouclier pour Nicolas Sarkozy.
03:38Le Grand Maître actuel, le Président,
03:39c'est Emmanuel Macron.
03:40Et le 24 avril, elle a été très claire.
03:42Il l'a dit.
03:43Si la marge de manœuvre m'est donnée, elle l'est.
03:46Je préférerais qu'un ancien président de la République
03:48reste à la place qui est la sienne dans l'ordre.
03:50En clair, il ne suivra pas la recommandation du Conseil
03:53si cette recommandation, c'est l'exclusion.
03:56Alors, les signataires de la tribune,
03:58avec Julien Bayou, protestent.
03:59Ce n'est pas affaiblir la fonction
04:00que de retirer la Légion d'honneur.
04:02Au contraire, ça renforcerait la fonction
04:05que de sanctionner quelqu'un
04:06qui n'en a pas été digne.
04:08Néanmoins, c'est une divergence-là
04:10d'appréciation entre Bayou et Macron.
04:13À moins qu'en 2027,
04:14Bayou, Sandrine Rousseau, Jean-Luc Mélenchon
04:16deviennent Président de la République,
04:18je pense que cette croix
04:19qui a été accrochée pour la première fois
04:21sur une poitrine le 15 juillet 1804,
04:23une poitrine de grognard,
04:24je pense que cette croix va rester
04:26sur la poitrine de Nicolas Sarkozy.
04:28Ah, vous l'avez, vous ?
04:29Vous m'avez prêté la vôtre.
04:30Ah oui, c'est ça, oui.
04:31C'est ça, oui.
04:31C'est ça, c'est la Légion d'honneur
04:34du général de Montaulon.
04:35C'est un rôle que j'ai joué au théâtre.
04:36Ah oui, d'accord.
04:37Vous savez, vous pouvez acheter des décorations.
04:38On peut les acheter.
04:39Ce que vous avez dit, c'est de les porter.
04:40Réaction, Elsa Amélie.
04:42Alors, moi, je suis particulièrement
04:44frappée par cette question qui se pose
04:45puisqu'on est décoré de la Légion d'honneur
04:48pour les services rendus à la France
04:49ou aux causes qu'elle défend.
04:51Et personnellement, j'avais manifesté
04:53avec Reporters sans frontières
04:55il y a de ça presque 20 ans
04:56pour contester le fait que Jacques Chirac
04:59avait remis la Légion d'honneur
05:01à Vladimir Poutine
05:02et il l'avait fait en toute discrétion
05:04bien conscient du scandale
05:05que cela allait poser.
05:06Et même le représentant,
05:08le correspondant à l'Élysée de l'AFP
05:09ne l'avait appris que le lendemain.
05:11Les médias n'avaient pas été conviés.
05:13Seule une télévision russe était présente.
05:15Et c'est d'ailleurs comme cela
05:16qu'on l'a appris.
05:17Depuis, il y a eu de nombreuses demandes
05:19de déchoir à Vladimir Poutine
05:21de ce titre de grand croix
05:23de la Légion d'honneur.
05:24Et pour un chef d'État étranger,
05:25c'est le président qui décide tout seul.
05:26Exactement.
05:27Le conseil de l'or ne s'en mêle pas.
05:28Et si on a pu le faire pour Bachar el-Assad,
05:29on peut le faire pour Vladimir Poutine.
05:30Je ne crois pas qu'on puisse séparer
05:31l'homme de la fonction.
05:32Tout comme je ne crois pas
05:33qu'on puisse séparer l'homme de l'artiste.