Isaac Stern

  • il y a 18 ans
Stern - Saint-Saens - Introduction & Rondo Capriccioso

Isaac Stern, né le 21 juillet 1920 à Kremenets (Ukraine) et mort le 22 septembre 2001 à New York, est un violoniste américain, l'un des plus illustres représentants de la première génération de musiciens entièrement formés aux États-Unis.
Il a un an lorsque sa famille s'installe à San Francisco. Il reçoit de sa mère ses premières leçons de musique. À huit ans, il entre au Conservatoire de San Francisco où il étudie le violon avec Nahum Blinder. Le 18 février 1936, pour son premier concert public, il interprète le Concerto pour violon n° 3 de Camille Saint-Saëns avec l'Orchestre symphonique de San Francisco sous la direction de Pierre Monteux.
En 1950, il rencontre Pablo Casals au Festival de Prades qui lui fait découvrir l'univers de la musique de chambre. En 1961, il fonde un célèbre trio avec le pianiste Eugene Istomin et le violoncelliste Leonard Rose, avec lequel il se produira pendant plus d'une vingtaine d'années.
En 1960, à la tête d'un comité de soutien, il s'oppose, avec succès, à la démolition du Carnegie Hall à New York. En 1996, le grand auditorium du Carnegie sera rebaptisé en son honneur.
Musicien engagé, il n'hésite pas à mettre la musique au service de ses convictions, en témoigne ses tournées en URSS en pleine guerre froide, son voyage en Chine au lendemain de la Révolution culturelle (il fut le premier musicien occidental à accepter l'invitation du gouvernement chinois), son premier séjour en Allemagne après avoir refusé pendant des années de s'y produire, son engagement actif pour Israël aux côtés de Golda Meir et David Ben Gourion ou encore le fameux récital donné à Jérusalem en pleine guerre du Golfe devant un public équipé de masques à gaz.
Il a également découvert et soutenu nombre de jeunes talents parmi lesquels Yo-Yo Ma, Itzhak Perlman, Pinchas Zukerman, Shlomo Mintz.
Ses instruments de prédilection ont toujours été les violons de Guarnerius del Gesù, tout d'abord le Vicomte de Panette (1737) acquis en 1947 puis l'ex-Ysaÿe (1740) acquis en 1965. Il a également possédé deux Guadagnini, un Vuillaume de 1846, le Tsar, un Bergonzi et un Stradivarius de 1721, le Kruze.
Stern est réputé pour l'excellence de ses enregistrements. Il a publié l'intégrale des concertos de Brahms, Bach, Beethoven, Mendelssohn ainsi que les œuvres de compositeurs plus modernes tels que Samuel Barber, Béla Bartók, Igor Stravinsky et Leonard Bernstein.
En 1995 et 1996, Sony Classical a fait paraître une série de quatre coffrets intitulée Isaac Stern, A Life in Music où est rassemblée la quasi-totalité de sa production discographique comme soliste, chambriste et concertiste.

==> Ci-dessous, interview exceptionnelle accordée le 21 décembre 2000 au journaliste Dominique Simonnet

Vous avez interprété de nombreuses œuvres du XXe siècle.

Oui, j'ai joué beaucoup de créations. Cinq concerti ont été écrits pour moi. Entre 1925 et 1970, la musique a connu l'une des périodes les plus riches de son histoire: Debussy, Ravel, Prokofiev, Stravinsky... Mais, pour moi, il n'y a pas de musique contemporaine, classique ou romantique. Il n'y a que la musique. Quel que soit le langage musical du compositeur, il faut essayer de le comprendre, de parler avec ses phrases. Si vous ne trouvez pas un lien avec l'œuvre, alors il ne faut pas la jouer! Un musicien doit être complètement sincère. Autrefois, j'ai pu jouer deux ou trois choses que je n'aimais pas beaucoup, mais je ne le fais plus depuis vingt ans. Je n'ai jamais interprété le Concerto de Schönberg, par exemple. Leonard Bernstein me disait: «C'est du Schumann avec des fausses notes.» Pour moi, ce sont des fausses notes sans Schumann! Mais je reconnais que d'autres violonistes savent le jouer magnifiquement. Ils ont «absorbé» cette musique.

Jamais de Paganini, non plus.

Je n'aime pas le trapèze volant. Je suis trop lourd pour ça!

A quoi pensez-vous quand vous jouez sur scène?

Je suis chez moi, complètement confortable. La seule chose que je n'aime pas, c'est d'avoir des petites filles au premier rang, en socquettes blanches et souliers vernis, qui bougent sans cesse, mais jamais dans le tempo... La plupart du temps, j'entends dans ma tête le son que je vais jouer un centième de seconde avant de le produire sur le violon. Je prépare les doigts, l'archet, je prends en compte l'endroit où je me trouve, la sonorité que je viens d'utiliser, celle que je veux atteindre. C'est difficile à expliquer, mais je suis parfaitement conscient de ce processus d'anticipation.

Pas de temps pour penser, ou rêver? Seulement le chant de la musique à venir?

Oui, qui m'habite totalement. Il n'y a plus rien d'autre. Mais, pour être honnête, cela ne se réalise pas chaque fois... J'utilise aussi l'acoustique de la salle comme un instrument supplémentaire. Et, dès les premières minutes du concert, je perçois le public, je sens s'il a des oreilles.

«Je ne peux pas faire l'amour avec un auditoire composé d'Allemands»

Vous le choisissez parfois, ce public. Pendant la Seconde Guerre mondiale, vous avez joué pour les soldats américains sur le front et, depuis 1956, dès qu'une crise éclate en Israël, vous vous y rendez, votre violon sous le bras. Mais vous n'avez jamais voulu jouer en Allemagne.

C'est quand il y a des difficultés qu'il faut montrer sa solidarité. Parfois, la musique peut rendre la vie un peu plus supportable, ne serait-ce que quelques minutes. Les artistes sont des êtres humains comme les autres, mais nous avons notre musique pour nous exprimer et parler, s'il le faut, à 5 000 personnes à la fois. Jouer du violon, c'est s'engager dans un dialogue affectueux avec des auditeurs, un peu comme on fait l'amour. Je joue pour chaque auditeur, individuellement. Les souvenirs de la période horrible du nazisme m'ont toujours empêché de jouer en Allemagne: je ne peux pas faire l'amour avec un auditoire composé d'Allemands. C'est un fardeau personnel que je ne tiens pas à transmettre. Récemment, j'ai enseigné quelques musiciens en Allemagne. Mais je n'ai pas apporté mon violon.

Lors d'un fameux concert à Jérusalem, le 23 février 1991, pendant la guerre du Golfe, vous avez joué devant un public qui portait des masques à gaz.

Je jouais un concerto de Mozart avec l'Orchestre philharmonique d'Israël dirigé par Zubin Mehta, quand soudain celui-ci est venu vers moi: «Isaac, il y a une attaque de missile, il faut arrêter le concert.» L'orchestre s'est retiré, je sentais la nervosité gagner le public. J'ai pris mon violon et j'ai joué la Partita en ré mineur pour violon seul, de Bach. C'était drôle de voir tous ces gens dans la salle avec leur masque à gaz qui leur faisait des petites figures porcines. Et, doucement, ils ont commencé à se détendre... Je voulais juste me sentir utile, défier par la musique la rage de destruction... Aujourd'hui, Israël vit une tragédie. Que va-t-il arriver aux jeunes Arabes qui ont grandi avec la haine et le désir de mourir en martyrs? Et aux jeunes Israéliens qui refusent d'accepter que les autres ont eux aussi le droit de vivre et de penser comme ils le veulent?

-> par curiostié, allez donc écouter le même morceau de Saint-Saens joué cette fois par le génial Ivry Gitlis:

http://www.dailymotion.com/LTT/video/xkaq0_ivry-gitlis-survolte-saintsaens

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