Depuis 14 ans, ce gynécologue soigne inlassablement les femmes du Kivu, en RDCongo. Il répare le corps de celles, qui, violées par des soldats, sont perçues comme autant de territoires à dominer pour gagner la guerre.
La province du Kivu, en RDCongo, l’un des pires endroits au monde pour les femmes. Les conflits se succèdent depuis les années 1990, et pour contrôler les territoires, les groupes armés pulvérisent les corps et les âmes. Les soldats violent les femmes, les mères, les filles, les sœurs. Des exactions qui traumatisent aussi les enfants, humilient les hommes, distillent des poisons. 500 000 Congolaises victimes en 16 ans. Dans cet enfer sur terre, un ange gardien veille sur les femmes de la région. Un colosse au regard profond et à la voix douce, qui depuis, 14 ans, les recueille et les soigne. Un homme bon, sur lequel les plaies de la guerre se sont abattues. Le Dr Mukwege, gynécologue de 58 ans, reçoit aujourd’hui le prix de la Fondation Chirac pour la prévention des conflits, pour son engagement auprès des victimes de violences sexuelles. Pourtant, quand il a ouvert l’hôpital de Panzi en 1999, il était loin d’imaginer sa vocation.« Je voulais lutter contre la mortalité maternelle », explique t-il.
« Après mes études de médecine à Angers, j’avais décidé de revenir au Congo. En France, je n’avais jamais vu une femme mourir en donnant naissance, alors que chez moi, cela arrivait presque quotidiennement. »
Il ouvre d'abord un service de maternité à l'hôpital de Lemera. Mais à cette même époque, le Congo est en guerre. Après s'être réfugié au Kenya, il revient dans le Kivu. « Moi, j’étais médecin, en temps de paix comme en temps de guerre ! J’ai demandé à l’Unicef des tentes et du matériel. » Les tentes sont pillées, alors il réhabilite deux bâtiments, et c’est ainsi que l’hôpital de Panzi sort de terre. Sa 1ère patiente, il s’en souvient comme si c’était hier « Elle m’a bouleversée. Au lieu de faire une césarienne pour donner naissance, j’ai opéré une femme d’une trentaine d’années qui avait des blessures par balles au niveau des cuisses, des plaies multiples à l’appareil génital ». Ce n’est qu’après avoir été soignée qu’elle lui avoue avoir été violée et torturée.
« Au début, je pensais que c’était l’acte d’un seul homme, d’un barbare.» Mais quand, quelques mois après l’ouverture de l’hôpital, il a déjà reçu 45 femmes avec des blessures de ce type, il commence à comprendre qu’elles ne sont pas des cas isolés. « Mais je ne savais pas encore que j’étais face à une effroyable épidémie de violence. »
14 ans après l’ouverture de l’hôpital, il a soigné plus de 40 000 femmes. Mais le Dr Mukwege n’aime pas trop aligner les chiffres. Comme si cette comptabilité morbide risquait de désincarner une fois encore ces victimes que le viol a déjà déshumanisées. « Derrière chaque chiffre, il y a avant tout une femme qui a perdu son intégrité physique et psychologique, qui est handicapée, perd ses urines, est rejetée par son mari.
Par Gaëlle Rolin
La province du Kivu, en RDCongo, l’un des pires endroits au monde pour les femmes. Les conflits se succèdent depuis les années 1990, et pour contrôler les territoires, les groupes armés pulvérisent les corps et les âmes. Les soldats violent les femmes, les mères, les filles, les sœurs. Des exactions qui traumatisent aussi les enfants, humilient les hommes, distillent des poisons. 500 000 Congolaises victimes en 16 ans. Dans cet enfer sur terre, un ange gardien veille sur les femmes de la région. Un colosse au regard profond et à la voix douce, qui depuis, 14 ans, les recueille et les soigne. Un homme bon, sur lequel les plaies de la guerre se sont abattues. Le Dr Mukwege, gynécologue de 58 ans, reçoit aujourd’hui le prix de la Fondation Chirac pour la prévention des conflits, pour son engagement auprès des victimes de violences sexuelles. Pourtant, quand il a ouvert l’hôpital de Panzi en 1999, il était loin d’imaginer sa vocation.« Je voulais lutter contre la mortalité maternelle », explique t-il.
« Après mes études de médecine à Angers, j’avais décidé de revenir au Congo. En France, je n’avais jamais vu une femme mourir en donnant naissance, alors que chez moi, cela arrivait presque quotidiennement. »
Il ouvre d'abord un service de maternité à l'hôpital de Lemera. Mais à cette même époque, le Congo est en guerre. Après s'être réfugié au Kenya, il revient dans le Kivu. « Moi, j’étais médecin, en temps de paix comme en temps de guerre ! J’ai demandé à l’Unicef des tentes et du matériel. » Les tentes sont pillées, alors il réhabilite deux bâtiments, et c’est ainsi que l’hôpital de Panzi sort de terre. Sa 1ère patiente, il s’en souvient comme si c’était hier « Elle m’a bouleversée. Au lieu de faire une césarienne pour donner naissance, j’ai opéré une femme d’une trentaine d’années qui avait des blessures par balles au niveau des cuisses, des plaies multiples à l’appareil génital ». Ce n’est qu’après avoir été soignée qu’elle lui avoue avoir été violée et torturée.
« Au début, je pensais que c’était l’acte d’un seul homme, d’un barbare.» Mais quand, quelques mois après l’ouverture de l’hôpital, il a déjà reçu 45 femmes avec des blessures de ce type, il commence à comprendre qu’elles ne sont pas des cas isolés. « Mais je ne savais pas encore que j’étais face à une effroyable épidémie de violence. »
14 ans après l’ouverture de l’hôpital, il a soigné plus de 40 000 femmes. Mais le Dr Mukwege n’aime pas trop aligner les chiffres. Comme si cette comptabilité morbide risquait de désincarner une fois encore ces victimes que le viol a déjà déshumanisées. « Derrière chaque chiffre, il y a avant tout une femme qui a perdu son intégrité physique et psychologique, qui est handicapée, perd ses urines, est rejetée par son mari.
Par Gaëlle Rolin
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