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Karl Polanyi (1886 - 1964)

Historien de l'économie et économiste hongrois, appartenant aux courants institutionnalistes et hétérodoxes, il donnera naissance aux approches « d’économie plurielle ». Son ouvrage principal “La Grande Transformation” paru en 1944, est centré sur la thèse que l’idée libérale d’un marché autorégulateur, tel que prônée par A. Smith, est tout simplement une utopie tant au niveau macro que micro-économique.

Principes d'encastrement et désencastrement

K. Polanyi développe le concept d’encastrement et de désencastrement de l’économie agissant sur les sociétés par un double mouvement complémentaire. Celui de la production de richesses par le biais de commercialisation de marchandises sur des places de marchés qui s’éloignent du “bien commun” (mouvement de désencastrement). Et, par réaction, l’émergence d’un système de redistribution de ces richesses marchandes, via le processus de réencastrement assuré par l’activité sociale, politique et culturelle. En effet, la société de marché et son système autorégulateur a soumis le travail, la nature et la monnaie, trois biens essentiels à la vie, à la logique marchande et “l’autorégulation n’est qu’une utopie qui porterait en elle-même le germe de sa destruction”. Explicitons les trois principes clefs qui devraient contrecarrer, selon lui, les effets négatifs du principe de marché, sans le nier.

Premièrement, le principe de redistribution - centralité, par lequel les richesses sont partagées librement ou hiérarchiquement, par le chef ou l’institution en charge, l’Etat. On retrouve ici la notion d’Etat-providence. Deuxièmement, le principe de réciprocité - symétrie, qui pourrait se résumer par “donner” pour “recevoir” et “rendre” même si le retour n’est pas immédiat et, ou, équivalent (à la base par exemple d’un système collectiviste). Cette interaction s’effectue au sein des communautés, des familles ou de groupes volontaires plus mutualistes. On retrouve ici la notion de rapport social. Troisièmement, le principe de l’administration domestique - autarcie, par lequel l’individu assure la production pour son propre usage ou celui de son groupe. Le surplus est échangé, troqué ou revendu. Ces trois principes clefs ne sont pas en opposition avec l'activité d'échange marchand mais ont été occultés par la logique prédominante du marché.

L’économie plurielle et économie (néo)libérale classique : oppositions et point d’accord

K. Polanyi réfute les hypothèses de départ exposées par A. Smith. Chez ce dernier, l’origine de la division du travail fait suite à la spécialisation individualiste du chasseur-cueilleur alors qu’elle trouve une explication plus anthropologique chez K. Polanyi. Celui-ci met au contraire en avant, une spécialisation par le genre (force physique), le talent (empathie, care), et une raison plus sociale; le sauvage se socialise pour une plus grande efficacité à la survie. Il réfute l’idée qu’avant la parution en 1776 de la “Richesse des Nations”, il n’existait pas d’autres formes d’économie de marché efficiente. Citant par exemple le principe du commerce kula - archipel Pacifique qui permet la circulation des marchandises à grande échelle et sur de grandes périodes selon le simple principe de réciprocité - pas de monnaie et pas de profits et, qui s’est avéré un des systèmes d’échange commercial parmi les plus raffinés de l’Histoire. L’économie est ici bien secondaire par rapport aux relations sociales.

Son modèle d’encastrement permet à la sphère politique et sociale de se réapproprier un certain contrôle sur les marchés sans s’y opposer comme dans les modèles plus conflictuels, lutte des classes, proposés par K. Marx ou libéral de la “main invisible” d’A. Smith. Il propose un équilibre plus harmonieux, une pluralité des principes d’échanges, sans hiérarchisation, mettant en évidence trois pôles de l’économie - marchande, non marchande et non monétaire. C’est l’interaction entre le marché, la redistribution et la réciprocité. L’enjeu du paradigme est celui de la reconnaissance au niveau macro de chaque mode d’intégration, vers un cadre institutionnel qui le soutienne. Il replace le rôle du politique au centre des intérêts communs. Il récuse le principe de marchandisation de la force de travail - l’homme, de la terre - la nature et, de la monnaie car leur valeurs d’échanges sont fictives.

Sources:
- Polanyi K., (1944, trad. française en 1983), "La grande transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps", Paris, Gallimard.
- Lemaître A. (2015), Histoire et courants de pensée en économie, Bruxelles.
- Polanyi K., synthèse du cours d'Andréa Lemaître par sous-groupe "Inclusive", « Histoire et courants de pensée en économie : Karl Polanyi " Fopes Groupe de Bruxelles 2015 - . p.15

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