• il y a 7 ans
Précipitez-vous à la résidence de son excellence Alexandre Orlov, ambassadeur de la Fédération russe à Paris ce week-end, lors des Journées du patrimoine. Non seulement il vous accueillera avec affabilité, mais il vous réserve une sacrée surprise : la réplique du cabinet d’ambre de Saint-Pétersbourg. Certes, une réplique, mais une réplique parfaite, tout aussi couverte d'ambre que l’authentique, qui a disparu dans les tourmentes de la dernière guerre mondiale.

« C’est la première fois que cette réplique sort de Russie. Nous voulons ainsi marquer le trois centième anniversaire de la visite de Pierre le Grand à Paris », explique Alexandre Orlov. Les quatre parois du cabinet, s’étalant sur cent mètres carrés, sont parées de milliers de fragments d’ambre taillés par des spécialistes de la marqueterie d’ambre. Le poids total atteint presque 900 kilos. Entamée en 1979 sous l’ère soviétique, la réplique du cabinet d'ambre a été pour la première fois présentée au public en 2003 au palais Catherine à proximité de Saint-Pétersbourg.

Un cadeau du roi de Prusse à Pierre le Grand

L’histoire de l’authentique cabinet est marquée de gloire et de sang. Aujourd’hui encore, de nombreux chercheurs de trésors sont à sa recherche, le localisant ici et là. L’idée du cabinet revient à Frédéric Ier, roi en (sic) Prusse, pour orner le palais de style baroque qu’il se fait bâtir à Charlottenbourg. Il en confie le dessin à l’architecte Andreas Schlüter qui le fait sculpter par trois maîtres de la marqueterie d’ambre. Il leur faudra neuf tonnes d’ambre et plus de dix ans pour arriver à leur fin.

Malheureusement, le roi de Prusse meurt en 1713, avant l’installation du cabinet. En 1716, le tsar Pierre le Grand, rendant visite à son successeur Frédéric-Guillaume Ier, s’extasie devant le cabinet qu’il qualifie de huitième merveille du monde. Son hôte, moins féru d’art que son père, s’empresse de lui en faire cadeau contre plusieurs dizaines de soldats de plus de 2 mètres de haut qui constitueront sa garde d’élite.

La rumeur prétend que, par la suite, la Grande Catherine aimait s’y enfermer avec ses amants

Emballé dans des caisses, le cabinet prend la route de Saint-Pétersbourg où il séjourne quelques années dans des caisses jusqu'à l'accession sur le trône de l’impératrice Élisabeth Ire qui le fait d’abord installer au palais d’Hiver, puis au palais Catherine qu’elle fait bâtir à Tsarskoïe (aujourd’hui, Pouchkine). Il y sera transporté sur le dos de 76 hommes de sa garde. Pour le mettre à la taille du salon choisi pour le recevoir, l’architecte italien Bartolemeo Restrelli ajoute des pilastres, des miroirs et des panneaux imitant l’ambre. Du coup, le cabinet gagne en surface et devient chambre d’ambre. La rumeur prétend que, par la suite, la Grande Catherine aimait s’y enfermer avec ses amants, trouvant dans l’ambre une excitation supplémentaire.

En 1941, les Allemands assiègent Stalingrad. Estimant le cabinet intransportable, les Russes se bornèrent à recouvrir les murs de papiers peints. Bien évidemment, la ruse ne prit pas. Les nazis ne mirent que 36 heures à démonter les panneaux pour les déposer dans 27 caisses et les expédier au château de Könisberg. Le cabinet d’ambre y fut remonté, avant d’être nouveau mis dans des caisses trois ans plus tard lors du bombardement de la capitale allemande pour les forces alliées et soviétiques. Depuis lors, le cabinet d’ambre n’a jamais été retrouvé. Qu’est-il devenu ? C’est un mystère qui passionne des centaines de chercheurs de trésor. Certains prétendent qu’il aurait brûlé dans l’incendie du château, d’autres pensent qu’il gît toujours dans des bunkers polonais.

24 ans de travail

Depuis 70 ans, la quête du Graal d’ambre est ponctuée de morts étranges. Un major soviétique allant à la rencontre d’un informateur en moto est décapité par un fil de fer tendu en travers de la route, tandis que son contact est retrouvé étranglé chez lui. Un fermier voulant révéler des informations capitales lors d’une conférence de presse est découvert chez lui, un couteau dans le ventre. On conclut à un... suicide ! Autres victimes de leur curiosité : un écrivain, un haut responsable du renseignement extérieur de Russie, un général…

En 1979, l’Union soviétique décide de reconstituer à l’identique le cabinet d’ambre, à partir de vieilles photos et de quelques panneaux miraculeusement retrouvés. En 2003, après 24 ans de travail acharné et de plusieurs millions d’euros dépensés, la réplique est achevée et installée dans le palais Catherine. Jusqu’à présent, celle-ci n’avait jamais bougé. Pour la première sortie de Russie, la voilà donc installée à la résidence de l’ambassadeur de Russie.

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