• il y a 3 ans

Synopsis : Etiennette perd la mémoire.

Atelier documentaire Infocom, Université de Nantes 2016.
Réalisé par : Léa Quentel, Anabelle Bien, Lola Bonnet, Camille Caillard.
Intervenants réalisateur Xavier Liébard, technique, Patrice Clerjeaud, Pédagogiques, Patrice Allain, Béatrice Hébuterne.
Remerciements à l'équipe de Mutualité Retraite au Domicile Collectif de la Crémetterie et à la famille d'Etiennette.
Transcription
00:00 C'est comme ça que vous voulez l'éliminer ?
00:04 Qu'est-ce que ça va faire ?
00:08 Et puis...
00:15 Elle a confondu, elle a cru que c'était elle qui était là, alors que c'était moi qui étais à côté.
00:21 On se ressemble, par exemple ?
00:24 Bonjour, je suis Elisabeth Marçan, je suis médecin coordonnateur dans une maison de retraite et gériatre.
00:31 Et au cours de mon parcours professionnel, et puis dans ma vie aussi, j'ai pu accompagner de nombreuses personnes âgées.
00:40 Et à travers ce parcours, forcément j'ai rencontré des gens atteints de troubles au niveau de la mémoire, avec des degrés différents.
00:50 D'accord.
00:52 Donc si vous voulez qu'on échange par rapport à votre ressenti sur cette rencontre que vous avez eue avec cette dame âgée et sa fille,
01:02 ça pourrait être intéressant qu'on échange nos points de vue, vous avec votre ressenti, et moi avec ma vision peut-être médicale,
01:08 ou ce que je peux avoir aussi d'étonnant par rapport à ce que vous allez me dire.
01:12 Bonjour Madame Farouk !
01:15 On va vous filmer !
01:18 Vous êtes la vedette de la douceur du cinéma !
01:22 Alors je vais vous laisser.
01:24 Trop mignon ça !
01:26 Vous avez vu, il y a tout le matériel !
01:29 Comme un pro !
01:31 Que des belles filles !
01:36 Oui merci !
01:38 Laquelle choisir ?
01:40 Ce sera la reine !
01:42 La reine !
01:44 Alors, moi je vais vous demander de vous présenter.
01:49 Alors je me présente, je suis Madame Farouk Etiennette.
01:53 J'ai fait, comment dirais-je, mon apprentissage au Gabriel Fayette de Nantes.
01:59 D'accord.
02:01 Et je suis restée toute l'année, la vie, avec eux après.
02:09 Je suis toujours restée avec eux.
02:11 D'accord, et vous vendiez quoi ?
02:14 Des colis fichés, des dentelles et des robes de mariée.
02:21 Tout ce qui fait la mariée.
02:24 D'accord.
02:26 Vous n'avez pas rencontré votre mari au bal ?
02:29 Non, c'était mon garçon d'honneur.
02:32 Ah !
02:33 À un mariage d'une amie.
02:35 Ah d'accord !
02:37 Elle me dit, je t'assure, tu auras quelqu'un mais il ne cause pas beaucoup.
02:42 Il m'avait bien causé.
02:46 D'accord, et du coup après c'est vous qui vous êtes mariée ?
02:49 Voilà.
02:50 Avec le garçon d'honneur ?
02:51 Voilà.
02:52 C'est bien.
02:54 Et oui, c'était comme ça.
02:57 Ça c'est plutôt sympa comme histoire.
02:59 C'était bien.
03:01 Et ça a duré toute notre vie.
03:05 Voilà. Pendant combien d'années ?
03:09 Je ne sais pas, une vingtaine d'années, cinq ans au moins.
03:13 Ah oui ?
03:14 Ah oui.
03:17 Ça fait beaucoup.
03:19 Et vous avez eu des enfants ?
03:21 Deux filles.
03:22 Deux filles ?
03:23 Douze ans. Douze ans de filles et on n'a pas eu après.
03:29 La dernière avait douze ans.
03:32 Ça fait un an et demi.
03:39 Et la bonne femme maintenant, elle est derrière les carreaux là.
03:45 Et après ils ont fait quoi comme métier vos enfants ?
03:47 Ils travaillaient dans le bâtiment.
03:50 Dans le bâtiment aussi ?
03:52 Et c'était quoi leur nom ?
03:54 Faou ?
03:56 Leur prénom à vos enfants ?
03:58 Leur prénom, bien j'en avais, attendez, comment ils s'appelaient ?
04:05 Bien il y avait autre chose.
04:08 Je cherchais les prénoms.
04:17 Ah ah.
04:24 J'avais Pierre, j'avais...
04:29 Il y était plusieurs.
04:35 Alors ce qu'on va faire, c'est qu'on va se lancer le ballon.
04:41 Vous voyez par exemple je dis "Madame Faou".
04:45 Voilà.
04:46 Oh, bravo.
04:47 Alors maintenant...
04:48 À qui vous voulez ?
04:51 Dites le nom avant, pour que personne ne sache.
04:55 Je vais partir à elle.
04:59 Quand elle est entrée justement à la crémétrie,
05:03 là avant d'entrer on a fait un petit peu le ménage chez elle
05:05 et on a trouvé, m'assurez-moi, une quarantaine de paquets de pâtes,
05:10 autant de gâteaux secs,
05:12 ce qui caractérise en quelque sorte la maladie d'Alzheimer
05:17 parce qu'elle pensait qu'elle manquait de quelque chose.
05:20 Donc on allait dans un commerce, on achetait ce qu'elle me disait
05:25 et le lendemain comme elle ne se rappelait plus ce qu'elle avait acheté,
05:29 on rachetait à nouveau ou elle achetait toute seule des choses
05:33 parce qu'elle pensait, enfin dans la tête,
05:36 ce qui avait marqué plus c'était l'absence de produits
05:39 plutôt que ce qu'on avait acheté.
05:41 Ce qu'on avait acheté était complètement squeezé.
05:44 Donc on se retrouvait avec une quarantaine de paquets de pâtes
05:47 qui aménaient n'importe où.
05:49 Elle qui était déjà caractérisée comme quelqu'un de très très maniaque,
05:54 au fur et à mesure de la mémoire qui s'en va,
05:59 le côté maniaque se perd aussi.
06:02 On a trouvé des choses qui n'étaient vraiment pas de son sort
06:06 quand elle était en pleine santé.
06:09 Donc c'est une maladie avec des apparences très différentes
06:13 selon le degré d'attaque et selon les personnalités des gens.
06:17 Et on a souvent une image un petit peu sombre
06:19 parce que c'est quelque chose qui nous fait peur
06:21 mais les gens peuvent le vivre tout à fait sereinement et tranquillement.
06:24 Pour les familles c'est quelquefois un petit peu différent
06:27 parce qu'ils ont l'image des parents qu'ils ont connus
06:30 et c'est vrai que de voir les gens évoluer avec des oublis,
06:34 des oublis qui peuvent les concerner
06:36 ou qui peuvent concerner des pans de la vie,
06:38 c'est assez compliqué pour eux.
06:40 Elle mélange les périodes.
06:42 Là par exemple, elle parle de...
06:45 Garlae Lafayette, elle était chef de rayon.
06:48 Or elle n'était pas chef de rayon Garlae Lafayette.
06:51 Elle était chef de rayon 20 ans avant.
06:55 Elle était chef de rayon 20 ans avant.
06:58 Et bon, elle arrange...
07:00 Les animaux, il n'y a jamais eu tellement d'animaux à la maison.
07:03 Les animaux que j'ai connus, moi, c'était un chien et un chat.
07:08 Mais le chien était attaché toute la journée
07:11 et le chat, c'était un chat égaré qu'on avait recueilli.
07:14 C'était dire qu'on aimait les animaux et qu'on en a toujours eu.
07:18 Ça l'arrange maintenant, mais ce n'était pas le cas.
07:21 Elle enjolive certains aspects de sa vie.
07:25 Et puis autrement,
07:28 elle essaie de dire que la famille était une famille unie.
07:33 Elle nous a souvent redit ça depuis, qu'elle avait une famille unie.
07:37 Mais la famille unie, en fait,
07:40 elle a suivi, elle était pour son mari.
07:44 C'est-à-dire qu'elle suivait mon père régulièrement en déplacement.
07:47 Mais en nous laissant, quand même, ma sœur et moi,
07:51 moi avec des grands-parents qui étaient analfabètes.
07:55 Et puis ma sœur, mon Dieu, compte tenu de son âge,
07:58 puisqu'elle avait 8 ans moins que moi,
08:01 compte tenu de son âge, elle était en pension
08:04 chez des sœurs à l'âge de 7 ans.
08:06 (Cri de bébé)
08:09 (Rires)
08:12 La star !
08:14 Ce que vous m'avez raconté d'Etiennette,
08:17 on a l'impression que c'est les côtés de sa personnalité
08:20 les plus agréables, peut-être, les plus heureux, qui subsistent.
08:23 On voit qu'elle est coquette,
08:26 on voit qu'elle est attentive à sa personne,
08:29 on voit qu'elle va essayer d'être dans un lien social, par contre,
08:32 qui est assez fort, dans le présent,
08:35 avec des gens qui lui sont proches ou des gens qui ne le lui sont pas,
08:38 avec peut-être aussi, ce qui est un petit peu surprenant,
08:41 et ce qui peut peut-être interpeller sa famille,
08:44 un lien social avec des "étrangers",
08:47 aussi fort, peut-être, qu'avec les membres de sa famille.
08:50 (Brouhaha)
08:53 C'est ma mère,
08:56 donc je fais ce que j'estime être mon devoir, ici, quoi.
09:00 Ne pas la laisser dans le besoin,
09:03 ne pas la...
09:06 Médier à ce qu'elle ait tout ce qu'il faut,
09:09 et puis, depuis, j'ai eu des réponses de maisons de retraite en disant
09:12 "Maintenant, on a une place, forcément",
09:15 parce qu'elle avait été inscrite, quand même, en 2009,
09:18 alors maintenant, les places se libèrent, mais depuis, j'ai dit
09:21 "Écoutez, non, moi, je préfère là aller bien,
09:24 et je préfère la laisser là que de prendre la place
09:27 où elle va se retrouver dans une maison de retraite où il y a 80 personnes,
09:30 et puis, elle va se retrouver là-bas,
09:33 et puis, elle va se retrouver là-bas,
09:36 et puis, elle va se retrouver là-bas,
09:39 et puis, je pense qu'elle a appris ses habitudes,
09:42 qu'apparemment, elle s'y trouve très bien,
09:45 et qu'elle ne pose surtout aucun problème à la maison de retraite.
09:48 (Brouhaha)
09:51 (Brouhaha)
09:54 (Brouhaha)
09:57 - Vous êtes contente ? - Très contente. J'adore ma fille.
10:00 - Alors, bonjour. - Bonjour, ma chérie.
10:03 - Alors, bonjour. - Bonjour, ma chérie.
10:06 - Bonjour, tu vois, tu reconnais les filles ?
10:09 - Bonjour, tu vois, tu reconnais les filles ?
10:12 - Les filles, disons, elles ont peut-être grandi un peu ?
10:15 - Les filles, disons, elles ont peut-être grandi un peu ?
10:18 - Oh, ben, peut-être pas beaucoup, quand même.
10:21 Il n'y a pas longtemps que tu les as vues.
10:24 - Ben oui, c'est ça. - C'est ça.
10:27 Alors, viens donc par là. Je vais te mettre par là.
10:30 Parce que je t'ai amené des... - Petites surprises.
10:33 - Je t'ai amené des surprises. Je t'ai amené déjà du chocolat.
10:36 - Tiens. Ça fait une surprise.
10:39 Oh, c'est gentil, ça.
10:42 Tu sais que ta mère est de nouveau au monde ?
10:45 - Ben oui, je sais bien. - Allez, je vous laisse. Bon après-midi.
10:48 - Oui, merci, madame.
10:51 - Le petit-fils ? - Alors, le petit-fils, mais le petit-fils...
10:54 - Elle peut te dire son nom ?
10:57 - Tu ne peux pas me dire son nom ?
11:00 C'est ton petit-fils ou ton arrière-petit-fils ?
11:03 - C'est peut-être l'arrière. - C'est l'arrière ?
11:06 Eh ben, t'as perdu. - Dis bienvenue.
11:09 - C'est Laurent. - Oh, que je rencontre.
11:12 - Et ça, c'est qui, ça ?
11:15 - Ça, c'est René.
11:18 - Ton genre ? - Oui. - Un fils ? - Oui.
11:21 - Mais deux filles ? - Ton genre était deux filles.
11:24 - Et ça, c'est qui, ça ?
11:27 - Oh, quelle horreur.
11:30 Mais je ris quand même.
11:33 - Ah ben, tu te reconnais bien, là, dis donc. - Ah oui.
11:36 C'est très bien. Des souvenirs.
11:39 - Et alors ça, c'est qui, ça ?
11:42 - C'est Wilfried.
11:45 - Wilfried ? - Oui. Et puis là ?
11:48 - Et puis c'est toi ? - Ah ben oui, c'est moi.
11:51 - Mais c'est bien, celui-là.
11:54 Oh, ben dis donc, puis monsieur est très, très élégant.
11:57 - C'est le jour de son mariage, quand même.
12:00 - Ben oui, ça m'étonne pas.
12:03 - Attention, monsieur. - Allez, donne.
12:08 - Ça fait du bien, ce physique. - Ah ben, ça fait travailler les bras, hein.
12:11 - Si vous pensez que vous allez voir, prenez un bonbon, par exemple.
12:14 - Merci, madame Charrier.
12:17 - Faites des petits coups comme ça.
12:20 - Hop là.
12:23 - C'est les petites chaises.
12:26 - Oui, mais c'est vrai que dans ces maladies
12:29 où on a une partie de perte de mémoire,
12:32 on peut remarquer que les gens, finalement,
12:35 se dépouillent peut-être des conventions sociales
12:38 et des ifo et on doit être comme ci, comme ça.
12:41 Et on est, j'allais dire, un petit peu transparent vers les autres.
12:44 On dit ce qu'on est et puis les autres en face,
12:47 on les reçoit comme ils sont.
12:50 Si votre visage lui plaisait, elle vous l'a dit.
12:53 Si elle vous a trouvé sympathique, elle l'a dit.
12:56 Et elle, c'est pareil, elle est dans une forme plus d'émotion
12:59 que d'intellectualisation ou de raisonnement.
13:02 J'ai l'impression que c'est les côtés de sa personnalité
13:05 les plus agréables peut-être, les plus heureux qui subsistent.
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13:34 [Musique]
13:40 ♪ On est le grand ennemi ♪

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