Yves de Locht, médecin généraliste à Bruxelles, était l’invité de BFMTV ce vendredi soir.
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00:00 Parfois vous vous dites peut-être que c'est trop sur vos épaules, qu'il y a trop de poids,
00:03 avec tous ces Français qui viennent vous voir,
00:05 parce qu'il est impossible d'avoir recours à de telles pratiques aujourd'hui chez nous ?
00:09 Pour parler de mon cas personnel, c'est vrai que vous le savez, j'ai des appels tous les jours.
00:16 Pour moi, ça devient trop.
00:19 Je ne peux plus tout assumer.
00:23 J'ai dit que j'acceptais, si on est dans les conditions de la loi belge, une euthanasie par mois.
00:28 Je vais en diminuant le plus possible,
00:30 parce que ce soin, ou ce dernier soin, comme nous disons en Belgique,
00:35 c'est peut-être pour nous médecins,
00:39 la charge émotionnelle est la plus lourde de tout ce que j'ai fait depuis 50 ans.
00:45 C'est pratiquer une euthanasie, ce n'est jamais facile.
00:49 Donc, ça, je pense, heureusement que j'ai une famille, je fais du sport, etc., ça me permet.
00:56 Mais bon, quand on pratique une euthanasie en Belgique,
00:59 rien que le fait de voir que le patient qui va mourir
01:04 n'arrête pas de nous remercier en disant "vous auriez dû le faire déjà il y a trois mois",
01:09 ça calme un peu mon émotion.
01:12 Et puis, quand je pars de là, je me dis "je l'ai libéré de sa souffrance".
01:18 Donc, quelque part, je pense que c'est un espèce de contrat moral
01:23 que j'ai fait entre le patient qui me connaît depuis quelques temps,
01:26 il m'a demandé, j'ai accepté parce que les conditions de la loi étaient respectées,
01:30 et nous sommes allés ensemble jusqu'au bout du chemin.
01:34 Il part en souriant.
01:36 Le problème, c'est l'entourage, évidemment, qui s'effondre au moment de l'euthanasie,
01:43 je me retrouve seul au bord du lit avec l'épouse, l'époux qui se jettent dans mes bras en pleurant,
01:49 je pleure avec eux, mais ils ont accepté ce chemin.
01:55 Ils se sont préparés au deuil.
01:57 C'est parfois beaucoup moins pénible que quelqu'un qu'on retrouve mort brutalement.
02:02 Absolument.
02:03 Donc là, parce que souvent dans les familles, il y a le conjoint ou la conjointe,
02:08 il y a les enfants, les petits-enfants, ils ne sont jamais tous d'accord, évidemment.
02:12 J'essaye de plus en plus d'avoir des contacts, je demande à celui qui va s'en aller
02:18 s'il a des enfants, des petits-enfants,
02:20 et j'essaye de leur en parler pour préparer le deuil qui va arriver.
02:25 Et ça fait beaucoup, ça.