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À 17 ans, passionnée par la musique et venant de banlieue, comment devenir cheffe d’orchestre ?
C’est tout l’enjeu de l’actrice Oulaya Amamra (César du Meilleur espoir féminin pour « Divines ») qui porte à l'écran le parcours de Zahia Ziouani, véritable cheffe d'orchestre française à l'origine de l'ensemble « Divertimento ».
Pour le podcast "Réplique", elles discutent du métier de cheffe d’orchestre, de leurs similitudes et d'un parcours commun entre soeurs de banlieue. Sans oublier le combat à mener pour une femmes dans ce milieu encore mené à la baguette par les hommes.
« Divertimento » de Marie-Castille Mention-Schaer à l'affiche le 25 janvier.
Remerciements à nos invitées Oulaya Amamra et Zahia Zouani. Et à Marie Plante Germain et Jérôme Barcessat de Déjà le web d’avoir rendu cette rencontre possible.
Pour plus d’informations sur Divertimento, rendez-vous sur https://www.orchestre-divertimento.com/
Le podcast Réplique de Canal+ est animé par Steph Chermont et Marie Salah, d’après leur idée originale. Il est produit par François Saltiel pour Art2voir et réalisé et monté par Nicolas Bergman.Réplique, c’est le nouveau podcast cinéma de CANAL+.
À chaque épisode, nous vous proposons une rencontre entre une actrice ou un acteur, et le personnage qu’il ou elle incarne dans la vraie vie. Dans Réplique, on souhaite réconcilier et faire converser cinéma et sujets de société.
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Transcription
00:00 Moi, je me rappelais du sketch de Louis de Funès, où il agite et je me disais bon,
00:08 c'est un psyclone, on va me demander d'agiter les bras.
00:12 Pour moi, c'était du jeu.
00:14 Oulaya, elle dirige vraiment les orchestres qu'on voit et parfois même, c'était
00:18 même important de temps en temps de rappeler aux musiciens qui étaient dans l'orchestre,
00:22 qui étaient des vrais musiciens, attention, aidez-la un petit peu, soyez autonome parce
00:25 que ce n'est pas une vraie chef, entre guillemets.
00:27 Mais quelque part, elle s'emparait tellement du personnage, elle s'emparait tellement
00:30 du rôle et de la gestique qu'en fait, les musiciens l'ont suivi comme une vraie
00:34 chef d'orchestre.
00:35 Elles sont fascinantes ces deux artistes, Oulaya Amamra et Zahia Ziwani, une actrice
00:53 et une chef d'orchestre, toutes deux réunies pour parler du film divertimento et du pouvoir
00:58 de l'art dans nos vies.
00:59 Comment une jeune femme d'origine algérienne, venant de banlieue dans les années 90, a-t-elle
01:04 pu contre toute attente réaliser son rêve de diriger un orchestre symphonique ? Comment
01:09 faire quand on est une femme dans un milieu jusqu'alors machiste ? C'est ce qu'Oulaya
01:13 Amamra nous fait vivre dans ce film, à savoir, la vie la vraie de la grande Zahia Ziwani.
01:18 Steph Sherman a eu la chance d'assister à cette rencontre aussi solaire qu'humaniste,
01:22 où deux voix ne font plus qu'une pour parler de passion et d'émancipation.
01:26 Hello Oulaya ! Hello ! Hello Zahia ! Hello ! Alors Oulaya, je commence par toi parce
01:36 qu'on se connaît un petit peu d'avant.
01:37 Qu'est-ce que ça te fait de rencontrer ton personnage dans la vraie vie avec la présence
01:42 de Zahia en face de toi ? Je suis toujours très intimidée en vérité d'être en face
01:48 d'Oulaya, parce que j'ai beaucoup d'admiration pour la femme que c'est, pour ce qu'elle
01:53 a accompli et je me reconnais beaucoup dans son parcours, dans tout ce qu'elle a vécu
01:59 et sa soeur, son rapport avec sa soeur.
02:01 Moi-même, j'ai une soeur qui est dans le cinéma aussi et c'est vrai qu'on travaille
02:06 ensemble.
02:07 Donc oui, on a beaucoup de points communs.
02:08 On va en parler d'ailleurs du rapport avec ta soeur.
02:11 Zahia, qu'est-ce que ça te fait ? Je me permets de te tutoyer aussi, d'être en face d'Oulaya
02:17 qui incarne ton métier, ta passion, ta vie à l'écran.
02:20 Écoute, pour moi, c'est toujours du plaisir déjà, parce que c'est une personne avec
02:26 laquelle je me sens vraiment très à l'aise.
02:29 On a déjà un profond respect l'une envers l'autre, mais aussi une profonde complicité.
02:34 Et je sais qu'aujourd'hui, maintenant, ça fait partie des personnes qui comptent
02:38 beaucoup aussi dans ma vie.
02:39 Et c'est vrai que quelque part, j'ai l'impression de me revoir quand j'étais jeune.
02:43 Alors, outre le fait que dans le film, c'est assez marquant et qu'elle a tellement bien
02:47 aussi, elle s'est tellement bien appropriée aussi ce que je suis, ce que j'étais à
02:53 l'époque, aussi des façons aussi de m'exprimer, d'évoluer, de me mouvoir.
03:00 Donc, franchement, c'est assez déroutant même, j'ai envie de dire tellement j'ai
03:04 l'impression de me revoir quand j'étais jeune.
03:05 Et puis aussi, en effet, avec plein de points communs.
03:07 Et voilà, ça m'a beaucoup rassurée de savoir que c'était elle qui faisait mon rôle.
03:14 On aura l'occasion de s'en reparler.
03:17 Mais franchement, voilà, c'était pour moi beaucoup de satisfaction aussi et de sérénité.
03:21 C'est joliment dit, faisait mon rôle.
03:24 Alors, c'est joli parce qu'en fait, c'est ça, c'est où Laïa, tu incarnes dans
03:28 Divertimento, Zaya.
03:29 Donc, vraiment, c'est une cheffe d'orchestre.
03:32 On est dans les années 90, 17 ans, les mêmes origines dans le personnage que Zaya dans
03:40 la vie.
03:41 Est-ce que vous pouvez me raconter un peu toutes les deux comment vous êtes arrivés
03:44 sur le projet de ce film qui est un film assez fort, qui est un film qui raconte le parcours
03:51 de vie d'une femme, d'une jeune femme et dans un milieu, ce milieu de la musique classique,
03:57 on va détailler ensemble, qui n'est pas forcément accessible, qui n'est pas forcément
04:00 facile.
04:01 Zaya, comment t'es arrivée sur ce film?
04:02 Alors, moi, il y a Marie Castille, la réalisatrice, qui m'a proposé le rôle.
04:07 Elle est venue me voir au Maroc pendant que j'étais en tournage et je suis tombée amoureuse
04:13 du personnage.
04:14 On ne peut pas refuser.
04:16 Ce n'est pas des rôles communs.
04:18 On n'en lit pas beaucoup, en vérité, des rôles comme ça aussi fort, qui ont quelque
04:23 chose à dire.
04:25 Et puis, je me sentais très, très proche encore une fois.
04:28 Et voilà, je n'ai pas du tout hésité.
04:31 Puis après, je l'ai rencontrée et oui, ça a confirmé.
04:34 C'est quelqu'un de vraiment gentil.
04:38 Mais on dit ça des fois de gens, mais là, vraiment, elle est gentille.
04:43 Elle est vraiment généreuse.
04:45 Elle est vraiment entière.
04:46 Elle ne dit jamais de mal des gens.
04:49 Non, mais c'est vrai.
04:50 C'est vraiment une fille, on a envie de la voir dans sa vie.
04:54 Tu la rencontres et tu te dis, ah ouais, l'humain, t'as envie de croire en l'humain, en fait,
04:59 quand tu la rencontres.
05:00 C'est pas mal Zahia.
05:01 Oui, c'est vrai.
05:02 Comment toi, Zahia, ça s'est passé ? Parce qu'en fait, c'est adapté de ta vie.
05:06 Oui, tout à fait.
05:08 En fait, au départ, j'ai été contactée il y a quelques années pour travailler sur
05:12 un projet de film qui parlait de la place de la musique en banlieue, mais pas forcément,
05:18 qui n'était pas du tout celle de mon histoire.
05:20 Et puis, ce projet n'a pas vraiment vu le jour.
05:22 Et puis, quelques temps après, les producteurs sont revenus me voir en disant, ben voilà,
05:27 ton histoire, elle nous inspire beaucoup.
05:29 On a envie de la porter à l'écran.
05:30 Et c'est vrai que bon, habituellement, moi, j'ai déjà vu des films inspirés d'histoires
05:36 vraies.
05:37 C'est souvent quand les personnes sont déjà décédées, en fait.
05:40 Donc, je me dis, moi, j'ai 40 ans.
05:42 Enfin, je n'avais pas encore 40 ans quand l'idée a commencé à émerger.
05:46 Et donc, voilà, j'ai pris un peu de recul.
05:49 Alors, j'étais à la fois très impatiente quelque part de rentrer dans cette aventure,
05:55 évidemment très honorée qu'on ait envie de faire un film sur mon histoire.
05:58 Et en même temps, je savais que je ne voulais pas le faire à n'importe quel prix parce
06:01 que voilà, moi, j'ai aussi beaucoup de respect pour mes parents, pour l'éducation
06:04 qu'ils nous ont transmise, pour aussi la ville où j'ai grandi, le quartier où j'ai
06:08 grandi, les gens avec qui j'ai grandi.
06:10 Et c'est vrai que même si c'est un quartier populaire, la Seine-Saint-Denis, bon ben voilà,
06:14 moi, j'ai grandi dans un quartier avec des gens aussi entiers, généreux, voilà, avec
06:18 aussi des réalités pas toujours faciles, mais pas dans un pas dans une banlieue où
06:22 je voyais des voitures brûler tous les jours avec de l'insécurité tous les jours.
06:26 Non, c'était aussi des familles qui se battaient tous les jours, comme mes parents,
06:29 pour donner le meilleur et espérer le meilleur pour leurs enfants.
06:33 Et donc, moi, je voulais aussi que ce film permette de voir ça, de voir aussi que voilà,
06:39 des familles d'origine algérienne peuvent aussi avoir envie de partager la musique classique,
06:45 peuvent aussi ambitionner des choses belles et grandes pour leurs enfants, que les quartiers
06:50 populaires, ce n'est pas que source de misère.
06:53 Et donc, voilà, moi, ça a été aussi une discussion assez franche et assez quelque
06:58 part convaincue auprès des producteurs pour leur dire oui, mais je n'accepterais pas
07:03 qu'on voit qu'on voit la banlieue avec parfois tous les stéréotypes et les idées
07:08 reçues qu'on peut avoir.
07:09 On met un peu les pieds dans le plat, ou là, je te vois hausser les sourcils.
07:12 C'est vrai que parfois, le cinéma, on le dit, peut être vraiment cliché, peut surtout
07:17 concernant la banlieue.
07:18 Alors, la musique classique, deux mondes.
07:21 Pourquoi tu haussais les sourcils, par exemple, Oulaya ?
07:23 Non, parce que je trouve que c'est vraiment vrai.
07:26 Ça fait du bien de voir des parents maghrébins qui incitent leurs enfants à s'instruire,
07:32 à écouter de la musique classique.
07:34 Moi, je sais que ma mère, par exemple, elle a tout fait pour qu'on ait aucun temps à
07:39 passer dehors et qu'on était dans une école privée catholique.
07:44 Après, j'avais la natation, j'avais la danse classique.
07:46 Et en fait, c'est aussi des parents qui se battent pour que leur enfant ait toutes les
07:53 chances de leur côté.
07:54 Et je trouve qu'on le voit bien dans le film avec les parents qui...
07:59 En fait, c'est ça.
08:01 Moi, je trouve qu'en banlieue, on ne voit pas assez le fait que même si on n'a rien,
08:05 on est curieux, qu'on s'entraide, que c'est ça, en fait, aussi, la banlieue.
08:10 C'est pas...
08:11 Effectivement, je suis d'accord avec elle.
08:12 C'est pour ça que j'acquiesce ça.
08:14 Mais c'est pas que les voitures brûlées.
08:16 Oui, il y a une rage.
08:18 Oui, il y a ça.
08:19 On ne peut pas le nier.
08:20 Mais il y a des gens qui veulent, des jeunes gens qui veulent changer des choses.
08:24 Cet orchestre, c'est un investissement pour la ville et pour les jeunes.
08:29 J'estime que les habitants de Stein méritent d'accueillir et d'entendre de grandes oeuvres
08:34 dans de bonnes conditions.
08:35 Vous venez changer le monde, en fait.
08:36 Tu es riche !
08:37 Tu es qui pour prétendre diriger cet orchestre ?
08:38 Si c'est ça que tu veux, être chef d'orchestre, alors accroche-toi, ma fille.
08:39 On est ravis d'accueillir ce qui est notre premier orchestre.
08:40 Il a un nom, d'ailleurs, cet orchestre ?
08:41 On dirait un timon.
08:42 Avant d'accepter ce rôle, tu connaissais un petit peu ce métier de chef d'orchestre.
09:00 Non.
09:01 Est-ce que sincèrement, tu comprenais ce qu'on faisait sur un pupitre ?
09:04 Non, non, non, du tout.
09:06 Moi, je me rappelais du sketch de Louis de Funès, où il agite et je me disais, bon,
09:13 c'est un petit clown, quoi.
09:14 On va me demander d'agiter les bras.
09:17 Pour moi, c'était du jeu.
09:20 C'était se mettre en scène.
09:23 Et d'ailleurs, à chaque fois que je regardais des vidéos de chef d'orchestre, je me disais
09:27 mais ils font des têtes.
09:28 C'est toujours très expressif.
09:33 Et non, c'est pas du tout ça.
09:36 C'est très, très technique, déjà, puisque le chef d'orchestre, il apprend un conducteur.
09:40 Ça, il faut le savoir.
09:41 Moi, je ne le savais pas.
09:42 Donc, le conducteur, c'est toutes les partitions de tous les instruments par choeur.
09:46 Wow.
09:47 Déjà, tu as une mémoire.
09:50 Ce n'est pas nos petits textes.
09:52 Et c'est vrai que quand moi, j'étais rencontrée ou Laya, enfin, même avant, moi, j'avais
09:59 qu'une hantise, en fait, c'était de tomber sur une comédienne qui ne soit pas sensible
10:02 à la musique et surtout qui ne la vive pas, qui soit rythmique.
10:05 Et donc, c'est vrai que j'attendais impatiemment de la rencontrer et de me dire voilà, je
10:10 croisais les doigts en disant voilà.
10:12 Alors, quand on s'est rencontré la première fois, j'étais très rassurée aussi humainement.
10:17 Voilà, Laya a dit plein de choses très gentilles.
10:20 Merci.
10:21 Voilà mon encontre.
10:22 Et c'est là, je pourrais dire la même chose aussi.
10:23 C'est une personne qui est très généreuse et très facile quelque part.
10:27 Et c'est vrai que moi, ne connaissant pas trop le cinéma, on peut se dire tiens, voilà
10:31 les comédiennes, elles peuvent parfois être un peu certaines, soit inaccessibles, soit
10:36 un peu capricieuses.
10:37 Ou Laya, en plus, quand je l'ai rencontrée, elle avait déjà, elle a déjà une très
10:41 belle carrière des distinctions.
10:43 On ne sait pas, peut être.
10:44 Et donc, je me suis dit bon, j'espère qu'elle ne va pas être, elle ne va pas avoir aussi
10:48 une personnalité qui ne va pas avec la mienne, justement, et pas du tout.
10:52 Et j'étais très rassurée à tout point de vue, humainement parlant, artistiquement
10:56 parlant.
10:57 C'est vrai qu'en effet, Laya, tu ne connaissais pas vraiment la musique classique, le métier
11:02 de chef d'orchestre, les conducteurs, mais en même temps, elle avait un rapport naturel
11:08 à la musique et le fait justement, son parcours de danse classique, justement, avec un rapport
11:13 au corps aussi déjà maîtrisé, élégant et qui permettait justement de pouvoir aussi
11:18 s'emparer, d'avoir des beaux gestes.
11:20 Et moi-même qui enseigne la direction d'orchestre, parfois j'ai des élèves qui sont très
11:24 bons musicalement, mais qui ne sont pas forcément très gracieux ou très habiles avec leurs
11:28 gestes.
11:29 Et bien, Oulaya, c'est l'inverse, c'est-à-dire qu'avec les gestes, elle est capable de faire
11:32 de très belles choses, d'avoir une belle gestique.
11:35 Et puis en même temps, il a fallu justement lui permettre, alors non pas de lire un conducteur
11:40 et de tout comprendre, parce que ça, c'est vraiment de l'ordre de la technique musicale.
11:43 Et on a mis deux mois et demi à préparer un projet qu'on aurait dû avoir deux ans
11:47 et demi à préparer.
11:49 Donc, voilà, ça a été très intense.
11:51 Mais en tout cas, Oulaya, elle dirige vraiment les orchestres qu'on voit.
11:56 Et parfois même, c'était même important de temps en temps de rappeler aux musiciens
12:00 qui étaient dans l'orchestre, qui étaient des vrais musiciens, attention, aidez-la un
12:03 petit peu, soyez autonomes parce que ce n'est pas une vraie chef, entre guillemets.
12:07 Mais quelque part, elle s'emparait tellement du personnage, elle s'emparait tellement
12:10 du rôle et de la gestique qu'en fait, les musiciens l'ont suivi comme une vraie chef
12:13 d'orchestre.
12:14 C'est énorme, ça.
12:15 C'est le meilleur compliment, franchement.
12:16 Tu sais quoi, alors une chef d'orchestre, elle fait quoi ? Tu peux me raconter Oulaya
12:21 vu que maintenant...
12:22 Oui, franchement, oui.
12:23 Maintenant, moi, j'aime bien le comparer à un metteur en scène parce que pour moi,
12:27 le chef d'orchestre, c'est celui qui donne la couleur, qui donne la sensibilité.
12:30 En fait, en vérité, tu peux écouter le même morceau dirigé par trois personnes
12:36 différentes et c'est pas du tout...
12:38 Ça ne procure pas du tout la même émotion.
12:41 Pourquoi ? Tout simplement parce que le chef d'orchestre, il va venir apporter ce que je
12:46 t'ai dit, la couleur par le rythme des fois, ralentir des fois.
12:52 En vérité, c'est comme une pièce de théâtre.
12:55 Tu vas voir le Malade imaginaire.
12:56 C'est la même pièce, les mêmes textes, mais il y a mille, mille façons différentes
13:03 de le raconter.
13:04 J'aime bien, j'aimerais rebondir sur ce que disait Aya sur le rapport au corps, toi
13:09 qui as fait de la danse aussi.
13:10 C'est intéressant, ça.
13:11 C'est-à-dire qu'une chef d'orchestre, c'est bien plus que des conducteurs, etc.
13:15 C'est aussi mener la danse, peut-être, non ? Qu'est-ce que c'est, en fait, vraiment
13:20 ce métier ?
13:21 Oui, c'est quelque part, c'est mener la danse parce que c'est une communication qui
13:25 est très gestuelle, en fait.
13:26 Et comme justement, un chef d'orchestre ne peut pas parler pendant les concerts, il y
13:30 a en effet toute une communication, un lien qui se crée avec les musiciens.
13:35 Et alors, ce que disait Uleya, c'est très juste, c'est-à-dire que c'est donner une
13:40 sensibilité, une couleur musicale.
13:41 Mais après, une fois qu'on est en répétition et c'est là où se façonne vraiment le son
13:45 de l'orchestre, c'est là où la chef d'orchestre ou le chef d'orchestre va faire tout ce travail-là,
13:50 d'arriver à réunir les musiciens, les fédérer, les emmener dans une même direction musicale.
13:54 Il y a mettre en place la conscience de cette direction musicale, mais après, il faut arriver
14:00 à la réaliser et à la restituer à chaque concert.
14:02 Et c'est vrai que ça demande aussi de l'énergie et qu'à chaque moment, le chef d'orchestre,
14:06 il est là aussi pour transmettre une énergie pour qu'à la fois le musicien derrière
14:10 restitue.
14:11 Et donc, parfois, on se dit bah tiens, les musiciens, ils ont leur partition, donc ils
14:15 savent quand est-ce qu'ils peuvent jouer.
14:16 Oui, ils savent quand est-ce qu'ils peuvent jouer, mais par contre, la façon dont, comment
14:20 ils doivent le jouer et surtout comment ils doivent le jouer avec les autres musiciens.
14:23 Un jour, on peut être en pleine forme, le lendemain, un peu plus fatigué.
14:27 Donc, on va réagir différemment.
14:29 On va être dans une salle qui va résonner, une autre salle qui le fera moins.
14:31 Donc, quand on dit que c'est un spectacle vivant, une musique vivante, c'est vivant
14:34 à tous les sens du terme.
14:36 Et c'est là où justement, le rapport au corps est important parce que la gestique,
14:39 elle va permettre d'accompagner tout ça, parfois de mettre en confiance les musiciens,
14:43 parfois de les rappeler un petit peu à leur attention, à leur vigilance, parfois d'être
14:47 un peu ferme et autoritaire parce qu'on sent que voilà, ça commence un peu à s'éparpiller,
14:51 qu'il y a des initiatives personnelles qui commencent à se prendre, alors qu'au contraire,
14:54 on doit être solidaire.
14:55 Et puis, voilà, donc pour moi, c'est un chef d'orchestre, il doit avoir les mots
15:00 appropriés, mais aussi il doit avoir les gestes appropriés.
15:02 Et parfois, comme le disait très justement Olaïa tout à l'heure, il y a des chefs
15:05 d'orchestre qui sont très expressifs, qui vont être parfois un peu caricaturaux.
15:09 Voilà, moi, j'aime bien que l'élégance et la beauté du geste fassent aussi partie
15:14 quelque part de ma façon de diriger, en fait.
15:17 Et puis, c'est physique aussi, on ne se rend pas compte, mais il faut avoir du cardio
15:22 quand même.
15:23 Ça y est, moi, quand je l'ai vu la première fois en concert à la Philharmonie, j'ai
15:28 vu l'orchestre divertimento.
15:29 Déjà, c'était mon premier concert de musique classique, donc grosse claque.
15:33 - Ah ça, c'est intéressant.
15:34 Qu'est-ce que tu as ressenti ? - Ah bah franchement, ça n'a rien à voir
15:37 avec l'écouter en CD, quoi.
15:40 Tu ne sais pas pourquoi, t'as des moments où t'as envie de pleurer, mais tu ne sais
15:44 pas pourquoi.
15:45 - Ça, c'est des émotions, des émotions fortes.
15:47 - Des émotions fortes, mais puisque c'est de le recevoir.
15:49 Et Zaya, je me souviens de l'avoir vue, parce qu'en plus, nous, on la voit de dos, tu vois.
15:55 Mais vraiment, investir tout son corps, tout le temps et chaque geste, il n'y a rien
15:59 qui est à peu près, où tu vois qu'il y ait...
16:03 Voilà, elle va vraiment au bout, bout, bout des gestes.
16:07 C'est impressionnant.
16:08 Aujourd'hui, les femmes qui dirigent des orchestres sont toujours très rares et elles
16:13 doivent toujours faire face aux positions conservatrices de certains hommes du milieu.
16:17 Quelques-unes ont réussi à s'imposer et à faire carrière.
16:20 Laurence Equilbet, Claire Gibaut, Emmanuelle Haïm, Nathalie Stutzmann, Marine Alsop.
16:24 - En tout cas, parmi les données, il y a celle de la force physique, parce qu'on peut
16:28 se dire que Claire Gibaut, c'est une femme très bien pour diriger une formation Mozart,
16:31 40 musiciens, pas de problème.
16:33 Mais pour Wagner et Berlioz, c'est autre chose.
16:34 Il faut vraiment une force physique importante.
16:36 - Il y a une réplique du film qui dit "se sentir vivante en étant chef".
16:42 Est-ce que tu peux me décrire un peu ce que cette phrase te procure, ou Laïa ?
16:48 - Pour moi, c'est si tu fais pas ça, tu meurs presque.
16:56 Moi, c'est pareil avec le cinéma, mais je me dis que demain, si je fais pas ça, je
17:03 fais rien.
17:04 Dans tous les cas, je fais ça.
17:06 Et si ça marche pas, je ferai moi-même, j'en sais rien.
17:09 Je créerai moi-même moi aussi comme un orchestre.
17:13 Mais en tout cas, oui, c'est ça pour moi.
17:15 - Et en effet, moi, je pense que c'est peut-être ça aussi qui nous rapproche toutes les deux.
17:20 De ce que j'en comprends de la vie d'Oulaya, c'est que le métier de comédienne et d'actrice,
17:28 c'est une évidence pour toi, tout comme pour moi d'être chef d'orchestre, c'est aussi
17:31 une évidence.
17:32 Et qu'en effet, sur le podium, l'estrade du chef, c'est l'endroit où je me sens bien.
17:38 Je me sens à ma place.
17:39 C'est un endroit où il faut aussi être bien solide parce qu'on est face à un grand groupe,
17:46 parfois des orchestres qui sont très nombreux, avec des chœurs.
17:49 Ça m'est arrivé d'être face à plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d'artistes,
17:53 même parfois sur des gros projets.
17:54 Donc voilà, il faut se sentir fort et solide.
17:58 Mais en même temps, c'est l'endroit vraiment où pour moi, c'est mon univers, c'est ma
18:03 place.
18:04 Et donc, c'est vrai que c'est quelque chose de...
18:06 C'est là où je me sens vivante.
18:08 Et parfois, dans la vie de tous les jours, j'aime bien être aussi, avoir mes moments
18:13 de solitude, ma petite bulle.
18:15 Parfois même, je suis d'une nature plutôt réservée à la base.
18:18 Mais c'est vrai que quand je suis sur les strats, c'est une autre Zaya.
18:22 C'est ma façon à moi d'être artiste.
18:24 C'est ma vie aussi.
18:25 Et c'est à ces moments-là que je me sens pleinement vivante, en effet.
18:29 Oui, pareil.
18:30 Il n'y a que les moments où je joue, en vérité, où je suis pleinement, j'ai envie
18:37 de dire, moi-même, bizarrement, alors qu'en plus, je joue d'autres rôles.
18:40 Enfin, je joue des gens qui ne sont pas moi.
18:42 C'est comme si d'un coup, on te d'autorise, on te donne la liberté d'être vraiment
18:48 toi.
18:49 Et puissante.
18:50 Il y a un côté artistique qui se rejoint, forcément, en tant qu'actrice et en tant
18:53 que chef d'orchestre.
18:54 Peut-être que vous pouvez partager au-delà du film, quoi.
18:58 La passerelle, elle est toute faite.
19:00 Le film, il nous plonge dans les années 90.
19:02 On jongle entre la Seine-Saint-Denis et les quartiers chics de Paris.
19:06 On sent une nette fracture entre ces deux mondes.
19:08 Est-ce que tu peux m'expliquer, Zaya, dans quel contexte tu as grandi ?
19:12 Donc, plonger un peu dans ces années 90 et essayer de comprendre cette fracture.
19:17 Oui, alors, en effet, moi, j'ai grandi dans un quartier à Pantin, un quartier plutôt
19:22 populaire, peut-être dans un des premiers grands, grandes barres d'immeubles qui
19:26 existaient là-bas.
19:27 Et voilà, quelque part, j'ai grandi aussi dans une bulle dont je parlais tout à l'heure,
19:33 avec les parents, la famille, même s'il y avait les réalités difficiles, mais avec
19:38 aussi un immeuble, un quartier où il y avait beaucoup aussi de mixité culturelle.
19:43 Donc, voilà, j'étais habituée à cette vie-là, avec des parents qui nous accompagnaient
19:47 beaucoup à l'école, à la musique.
19:49 Et donc, en fait, quelque part, je ne connaissais qu'une seule façon, quelque part, de vivre.
19:54 Et quand je suis arrivée à Paris, à la fois, moi, j'ai été très heureuse d'aller
19:58 dans ce lycée parce que parfois, je souffrais un peu de ne pas avoir d'autres jeunes qui
20:03 partageaient une passion aussi forte que la mienne, celle de la musique.
20:06 Et donc, de me dire, tiens, je vais aller dans un lycée prestigieux à Paris où je
20:11 vais avoir l'école le matin, l'après-midi libéré pour pouvoir justement faire de la
20:15 musique.
20:16 J'ai été très contente de ça.
20:17 Et c'est la première fois que je me suis retrouvée à vivre frontalement, en fait,
20:22 ces idées reçues sur la banlieue, sur les origines sociales populaires, sur les origines
20:28 aussi culturelles différentes, extra-européennes.
20:32 Et donc, du coup, moi, je ne savais pas que la vie, elle était comme ça, en dehors
20:35 quelque part de mon quartier de Pantin, de ma banlieue, où je grandissais quelque part
20:39 avec la bienveillance de tout le monde aussi.
20:41 Et ça m'a à la fois beaucoup fragilisé, ça m'a beaucoup heurté et en même temps,
20:48 ça m'a aussi quelque part énormément renforcée parce que je me suis dit bon, ben
20:52 Azahia, l'univers musical dans lequel tu t'engages, s'il est comme ça, il va
20:56 falloir que tu apprennes à y faire face.
20:57 Si tu es chef d'orchestre, il va falloir que tu apprennes à faire face aussi à toutes
21:01 les personnes qui seront peut-être détracteurs, qui ne voudront pas.
21:03 Et en fait, les premiers mois qui ont été difficiles, j'ai essayé de les transformer
21:09 en quelque part à la fois une force et en même temps que les gens qui doutaient de
21:13 moi, de les amener à changer d'attitude pour au contraire les amener vers moi et à
21:17 ce qu'on arrive à créer quelque chose ensemble.
21:18 Oulahia, j'ai envie de te faire réagir.
21:21 Tu peux me raconter dans le film ton personnage.
21:23 Tu es face à des élèves de bonne famille.
21:27 Elle se prend dans la tête des réflexions de ses origines, de la banlieue.
21:32 Même, c'est associé presque à une pauvreté culturelle, alors que dans le film, la famille,
21:39 elle est riche culturellement.
21:40 Elle transmet.
21:41 Tu peux me raconter tout ça ?
21:42 Oui, parce qu'en fait, c'est des idées reçues et qui sont perpétuées aujourd'hui
21:49 par plein de choses, les médias, etc.
21:51 Et encore aujourd'hui, puisqu'on parle des années 90, moi, j'ai vécu plutôt ça
21:55 dans les années 2000, 2010.
21:59 Et c'est pareil.
22:01 Moi, j'étais pas très loin de ce qu'a vécu Zaya, notamment dans mon école privée,
22:08 mais aussi au conservatoire où au conservatoire, c'était pas si facile.
22:14 Et pourtant, quand je suis arrivée au conservatoire, j'avais fait Divine et du coup, c'était
22:19 l'année où j'ai eu mon César.
22:21 Et malgré ça, on te montre que ce n'est pas ta place.
22:25 On te le dit, que ce soit certains profs et on te fait sentir en fait que tu n'as pas
22:32 ta place et que tu prends la place de quelqu'un, etc.
22:37 Donc, tu dois te battre plus.
22:39 Tu dois montrer tout le temps et te justifier et prouver qu'en fait, c'est le bon endroit,
22:44 même si tu as une reconnaissance du métier, même si etc.
22:48 Donc sur ça, après, ça a commencé à évoluer.
22:52 Aujourd'hui, on voit, voilà, là, Dieu merci, maintenant, le conservatoire a commencé à
22:57 évoluer, donc il y a plus de diversité grâce à Claire-Alaine d'Arcueil.
23:02 Mais sinon, c'était compliqué.
23:04 Là, la scène dite dans le film, c'est dur, même moi à jouer, c'était dur parce que
23:11 bon, voilà, au bout de 3, 4, 5, 6 réflexions, j'avais de la peine.
23:16 Je me suis dit, mais la pauvre, en fait, tout ce qu'elle a vécu.
23:19 Et je trouve que justement, là où elle en est aujourd'hui, c'est encore plus beau parce
23:25 qu'elle a vécu tout ça.
23:26 Et moi, je sais que ça me donne la rage.
23:28 Je crois qu'elle aussi.
23:30 Moi, je remercie ces gens-là.
23:32 Je les remercie.
23:33 Regardez, j'ai préparé les oeuvres qu'on pourrait travailler avec l'orchestre.
23:37 L'apprenti sorcier, les nocturnes, les suites algériennes.
23:40 Vous n'êtes pas content de moi ?
23:41 Si, bien sûr.
23:42 Mais Lambert va être chef aussi et il va faire carrière, j'en suis sûr.
23:46 Et pas moi.
23:47 Tu as 17 ans, Zahia.
23:48 Et puis tu as le bac cette année.
23:50 Tu vas perfectionner ton alto et on verra l'année prochaine.
23:52 Il y aura peut-être un orchestre B.
23:54 Mais Lambert aussi, il a le bac.
23:55 Il a le même âge que moi.
23:56 On est dans la même classe à Racine.
23:57 Il n'est même pas de ce conservatoire.
23:59 Mais son père, oui.
24:01 Et Lambert, il suit des cours de direction.
24:03 Et puis, tu es une femme.
24:06 Tu as eu la rage, Zahia, à cette époque ?
24:10 Ah oui, oui.
24:11 Et puis je l'ai encore aujourd'hui.
24:12 Parce que ce que dit Oulaya, c'est très juste.
24:14 C'est-à-dire que quelque part aujourd'hui, même 25 ans après le début de ma carrière,
24:20 aujourd'hui, j'ai créé un orchestre.
24:21 Je suis une chef d'orchestre qui a aussi de l'expérience.
24:24 Et je navigue un petit peu entre ces moments de lumière, de célébrité et d'autres fois
24:28 où je me prends encore de plein fouet, soit des réflexions, soit des situations qui ne
24:33 sont pas forcément toujours très nettes et très claires.
24:36 On va dire, bah tiens, Zahia, non, on ne veut pas que vous dirigiez.
24:39 On ne veut pas que votre orchestre évolue parce que vous êtes une femme ou parce que
24:42 vous vous appelez Zahia ou parce que vous venez de banlieue.
24:44 C'est une discrimination qui ne sera jamais aussi frontale.
24:46 Et donc, aujourd'hui, c'est encore très difficile.
24:49 Donc, oui, cette rage, moi, j'essaye de la transformer dans une force qui m'amène
24:53 aujourd'hui à faire un pas de côté et aussi avoir un regard différent sur mon métier.
24:56 Moi, aujourd'hui, quand à l'époque, j'avais décidé d'être chef d'orchestre, je me
25:01 suis aussi interrogée sur quel chef d'orchestre j'avais envie d'être au 21e siècle.
25:04 Et justement, c'est la richesse de ce parcours en Seine-Saint-Denis, de mes parents, qui
25:09 m'ont amené à me dire, bah tiens, Zahia, tu ne peux pas juste le faire dans la continuité
25:13 avec quelque chose, quelque part de poussiéreux, de vieillissant, d'élitiste.
25:17 Mais au contraire, moi, je veux montrer que la musique classique, justement, c'est aussi
25:20 de l'énergie.
25:21 C'est cette belle force qu'on est capable de transmettre.
25:24 Ça peut être aussi un lieu où on peut fédérer des personnes qui ne se rencontrent
25:27 pas ailleurs et de rendre populaire cette musique qui est très belle.
25:31 De aussi d'amener cette musique qui fait partie de notre histoire à rencontrer le
25:35 côté contemporain et urbain d'aujourd'hui et d'interroger des sujets qui sont d'actualité.
25:41 Donc voilà, aujourd'hui, moi, ma rage, je la transforme en une force qui m'amène
25:45 aussi à être singulière, inventive et audacieuse aussi.
25:48 On rappelle les chiffres, c'est toujours intéressant.
25:50 Les chefs d'orchestre, c'est 6% dans le monde qui sont des femmes, 4% en France.
25:56 Oui.
25:57 Vous en pensez quoi, Oulaya, avant de faire ce film, est-ce que tu avais conscience que
25:59 c'est mieux de la musique classique ? En plus d'être en venant de banlieue, en étant
26:05 une femme, c'est plus que de la rage, là.
26:08 C'est une guerre qu'il faut mener.
26:10 Complètement, oui, je m'en rendais compte parce que finalement, quand tu commences à
26:14 regarder, tu veux chercher des exemples.
26:17 C'est que des hommes, donc il y a très peu de femmes.
26:20 Là, je crois que c'est en train de...
26:23 On en parle, c'est 4%.
26:25 Enfin, c'est encore rien du tout.
26:27 Mais oui, on se rend compte.
26:31 Zahia, je crois que finalement, tu ne t'identifiais pas à des femmes.
26:39 C'est exactement ça.
26:40 Et comme je ne m'identifiais pas, j'ai eu du mal au départ à m'autoriser à me dire
26:47 "tiens, je vais pouvoir être chef d'orchestre".
26:48 Et puis, quand justement, ces premières expériences avec les camarades du lycée qui me disent
26:55 "ce n'est pas ta place, retourne là d'où tu viens".
26:58 Et avec un prof de direction d'orchestre qui, au départ, ses premiers mots "ce n'est pas
27:04 un métier qui est fait pour les femmes".
27:06 Heureusement, j'ai malgré tout bénéficié de sa bienveillance et j'ai eu la chance de
27:12 vivre un an et demi fantastique avec lui où il m'a appris beaucoup de choses.
27:16 Mais c'est vrai que c'était difficile de se projeter.
27:18 Donc aujourd'hui, moi, je trouve ça important.
27:21 J'ai créé cet orchestre, c'est aussi pour pouvoir être libre de mes choix artistiques
27:25 et tout simplement de rendre ça possible aujourd'hui.
27:28 Et quand une femme, une jeune fille, maintenant, elle peut voir une comédienne comme Moulaya
27:34 réussir avec beaucoup de talent ou une chef d'orchestre comme Zahia Ziwani réussir,
27:39 moi, je trouve que c'est important qu'il y ait quelque part des rôles modèles, même
27:44 si je n'aime pas forcément toujours ce mot-là, parce que je trouve que c'est un côté presque
27:47 un peu prétentieux.
27:48 Mais il y a un moment de temps, c'est important de pouvoir s'identifier pour pouvoir se projeter.
27:51 Et aujourd'hui, les jeunes d'aujourd'hui, ils ont besoin de voir des jeunes filles comme
27:54 les jeunes garçons, des jeunes voire issus des quartiers populaires, voir une comédienne
27:58 comme Moulaya, une chef d'orchestre comme Zahia Ziwani.
28:00 Et comme ça, ça permet aussi de commencer à faire changer les choses, en effet.
28:05 Tu penses que c'est juste ça ?
28:07 Oui, oui, complètement.
28:08 Moi, je pense que toutes les...
28:09 Enfin, j'espère qu'il y a beaucoup de gens qui vont s'identifier et qui vont pouvoir
28:14 y croire, parce que je crois que c'est ce qu'il y a de plus...
28:17 Enfin, le début du commencement, c'est y croire déjà, y croire que c'est possible.
28:21 Moi, ma sœur, elle a fait une association qui s'appelle "Mille Visages" et pareil,
28:26 pour le même principe, de démocratiser ces métiers-là et de dire que c'est possible.
28:32 Et ça a aidé beaucoup de jeunes qui, aujourd'hui, font des très belles carrières dans le cinéma
28:40 ou pas que.
28:41 Il y en a qui sont ingénieurs du son.
28:43 Enfin, voilà, je trouve que ça ouvre des...
28:46 On se dit que c'est possible, juste ça.
28:48 Et c'est possible d'être ambitieux, surtout.
28:50 Je le vois exactement dans ce que dit Aoulaya, c'est très juste.
28:54 Et dans les jeunes, par exemple, qui fréquentent l'Académie Divertimento, parce qu'après
28:58 l'aventure de lancer ce bel orchestre, moi, j'avais envie, avec ma sœur Fethouma, de
29:02 faire changer les publics qui viennent aux concerts, mais aussi les jeunes qui pratiquent
29:06 la musique.
29:07 Et de voir...
29:08 Et donc, aujourd'hui, dans l'Académie Divertimento, il y a des jeunes de Seine-Saint-Denis, de
29:12 la Sarthe, de plein de régions de France différentes.
29:14 Et voilà.
29:15 Et aujourd'hui, ces jeunes, certains s'orientent dans la musique et d'autres dans d'autres
29:19 domaines.
29:20 Mais la musique leur a permis de comprendre qu'ils avaient un potentiel en eux et donc
29:24 de développer une confiance en eux qui les amène aujourd'hui à se projeter, mais beaucoup
29:28 plus loin et de façon beaucoup plus ambitieuse que ce qu'ils imaginaient au début.
29:32 Et certains sont avocats, médecins, ingénieurs, éducateurs sportifs.
29:37 Mais en tout cas, ils vont vers là où ce qu'ils ont souhaité, ce qu'ils ambitionnent.
29:40 Et je trouve que c'est hyper important.
29:42 Il y a aussi ce côté main tendue.
29:44 Dans le film, on le voit très bien où Laïa a des scènes avec Niels Aarstrup qui sont
29:50 fabuleuses ou c'est dur au départ.
29:53 Tu peux me raconter aussi.
29:55 Est ce que toi, ce côté main tendue, c'est important aussi dans ton métier ?
29:59 Complètement.
30:00 D'ailleurs, c'est marrant que tu parles de Niels Aarstrup parce qu'il m'a beaucoup
30:03 aidé pendant le tournage.
30:05 Presque, il a été un parrain.
30:07 Il m'a donné énormément de conseils que j'ai notés méticuleusement parce que je
30:12 trouve que c'est un très grand acteur.
30:13 Et les grands, ils aident.
30:17 Isaiah, on le voit dans le film aussi, elle aide, elle transmet.
30:21 C'est ce qu'elle dit finalement.
30:22 Tout ça, c'est aussi, ça va permettre pour la génération d'après et d'après
30:29 et d'après de perdurer et que ce ne soit pas juste comme ça pour rien, un coup de
30:33 chance.
30:34 Et je trouve que c'est ça qui est beau.
30:35 C'est effectivement, c'est moi, ce que j'aime le plus par-dessus tout, c'est
30:40 par exemple donner des cours à Mille Visages.
30:42 Je donne des cours parce que je trouve ça génial de voir des jeunes improvisés.
30:47 Déjà, ça m'inspire beaucoup parce que ça me remet à un niveau où tu te dis
30:52 ah ouais, en fait, c'est juste ça, c'est jouer, c'est s'amuser.
30:55 C'est vrai qu'au bout d'un moment, t'es face à des acteurs aussi qui ont perdu
31:00 la naïveté et du coup, qui n'ont plus forcément la même envie de s'amuser.
31:04 Ça fait du bien de revenir à cet état là.
31:05 Et du coup, Niels, il a été très, très bienveillant.
31:11 Donc, concrètement, ça se passe comment?
31:13 C'est quoi cette main tendue?
31:14 Ou alors avec Zaya sur le tournage, comment ça s'est passé?
31:17 Les gestes, les mots?
31:19 Qu'est ce qui t'a redonné confiance ou peut être donné envie d'aller encore
31:23 plus loin?
31:24 C'est effectivement, c'est des gestes.
31:26 Ouais, je me souviens avoir pour la première répétition essayé de diriger et j'étais
31:33 complètement désarçonné parce que j'étais impressionnée par l'orchestre, etc.
31:38 Et Zaya qui me prend et qui me dit ça va aller, c'est normal.
31:44 Moi aussi, je suis passé par là.
31:46 Déjà, je me suis dit wow.
31:47 Et oui, c'est tout.
31:50 C'est tout ça.
31:51 Ce qu'il faut savoir, c'est que de diriger quelque part dans sa chambre, dans sa petite
31:55 bulle et on a passé des heures toutes les deux à décortiquer les œuvres.
31:59 Est ce que justement, elles comprennent ou là, il y a ce que j'expliquais tout à
32:03 l'heure sur cette notion d'énergie qu'il faut apporter, justement pour amener les
32:07 musiciens à se dépasser.
32:08 Donc, c'est vrai qu'au départ, Oulaya, je l'avais senti un peu déstabilisée, mais
32:15 ce qui est tout à fait normal parce que et voilà.
32:17 Donc, j'ai essayé en fait d'être toujours un petit peu dans son champ de vision pour
32:21 la rassurer.
32:22 Mais voilà, après, il y a des fois, je lui ai dit écoute, fais toi confiance parce que
32:26 franchement, t'es au top.
32:27 Et après, j'ai pas eu besoin de dire deux fois.
32:30 Elle était vraiment super.
32:31 On terminera là dessus.
32:32 Tu peux me raconter Oulaya.
32:33 Là, tu es la réplique de Zaya, comme le nom de notre podcast.
32:38 Vraiment, tu reproduis dans la fiction la réalité.
32:41 Qu'est ce que tu as ressenti la première fois que tu as dirigé, même si c'est du
32:44 cinéma ? Qu'est ce que tu as ressenti ? Côté émotions, tu t'es sentie vivante, puissante
32:49 comme on l'a évoqué pendant 30 minutes ?
32:51 Oui, oui, je me suis sentie vivante, puissante.
32:54 J'ai ressenti beaucoup de choses qui sont arrivées.
32:57 D'ailleurs, à la fin de la première, je me souviens de la première répétition, en
33:01 filmé, dans le film.
33:03 C'était pas prévu, mais j'étais très, très émue.
33:06 Et du coup, je me souviens de ce moment où les gens derrière le combo étaient émus.
33:11 Et on ne sait pas encore une fois pourquoi, mais parce que quand tu reçois la musique,
33:17 il y a quelque chose.
33:18 C'est presque, tu touches le sacré.
33:21 C'est bizarre, mais si...
33:23 Je saurais pas trop mettre de mots.
33:27 Je crois qu'on peut pas l'expliquer.
33:29 Il faut le vivre.
33:30 Tout à fait.
33:31 C'est beau, hein ?
33:32 Ouais.
33:33 On finira sur cette note.
33:35 Je me permets le jeu de mots.
33:36 Merci à toutes les deux.
33:37 Merci.
33:38 Merci.
33:39 Merci.
33:40 Merci.
33:40 Vous venez d'écouter "Réplique", le podcast de Canal+ qui fait tomber les murs entre
34:10 la salle de cinéma et le monde extérieur.
34:12 Cet épisode est produit par François Saltiel chez Art de Voix et réalisé par Nico Bergman
34:18 sur une idée originale de Steph Sherman et Marie Sala.
34:21 N'oubliez pas de vous abonner à notre émission et à lui donner plein d'étoiles.
34:24 Salut !
34:34 Salut !
34:38 Salut !
34:39 Salut !
34:40 Salut !
34:40 [SILENCE]

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