Category
🎥
Court métrageTranscription
00:00 Rose, oui, c'est une sentimentale.
00:06 Il est vrai que comme elle a eu une famille à charge très jeune,
00:11 on la voit au début de son éducation sentimentale, de son éducation amoureuse.
00:15 Elle a envie de liberté, de liberté de sentiment, de liberté d'action.
00:20 Et donc cette chronique familiale sur 30 ans,
00:22 on voit aussi comment il y a de la résignation, de la sagesse,
00:26 tout en gardant aussi sa fibre décalée,
00:29 parce que c'est quand même un personnage particulier.
00:32 Et c'était tellement compliqué, mais du coup jouissif, agréable à jouer.
00:38 Et du coup, on a une vraie responsabilité par rapport à un portrait de femme libre.
00:42 On aurait pu verser dans quelqu'un qui part vraiment dans tous les sens,
00:45 ou alors quelqu'un de très consciencieux, de très dur et même de triste.
00:49 Et ce n'est pas le cas.
00:49 Il y a ces deux choses-là qui se mélangent.
00:51 Et du coup, ça donne un vrai personnage.
00:54 Que ce soit comme un roman, c'est venu en écrivant.
00:56 Mais c'est intéressant que vous parliez de l'éducation sentimentale
00:59 parce que j'ai lu il y a très peu de jours
01:01 qu'il voulait l'appeler aussi "portrait d'un homme de notre génération".
01:07 Et je trouvais que c'était un petit peu ce que des fois je pensais
01:11 en termes de construction d'un homme petit à petit dans le film.
01:14 Et qu'il y a ça, bien sûr.
01:15 Après, l'idée du roman, c'est que quand je me suis mise à écrire,
01:17 j'ai réalisé que c'était très dense,
01:21 qu'il y avait beaucoup de sujets qui traversaient les personnages
01:23 et que ça ressemblait un peu à un roman
01:25 et qu'il fallait lui donner du souffle romanesque.
01:27 Et il fallait oser ça.
01:28 Comme si c'était une fresque intime, intérieure.
01:31 C'était ça qui m'intéressait.
01:32 Pour moi, c'est des personnages...
01:35 C'est comme des héros de roman, mais je les vois comme ça.
01:37 C'est-à-dire que c'est des gens très courageux
01:38 qui sont ancrés à fois dans une forme de destinée
01:42 et en même temps qui sont libres aussi.
01:44 Rose, c'est quelqu'un qui est entre légèreté et tragique.
01:48 C'est quelqu'un qui change de vie, qui change de pays.
01:51 Elle est, pour moi, non pas là pour avoir une meilleure vie,
01:54 mais pour choisir sa vie et celle de ses enfants.
01:57 C'est quelqu'un qui arrive de Côte d'Ivoire,
01:59 enfin, qui arrive en France de Côte d'Ivoire à la fin des années 80.
02:02 Et elle a des enfants jeunes.
02:04 Moi, comment j'ai travaillé le personnage,
02:05 c'est que c'est quelqu'un qui a fait des études.
02:09 Pour moi, c'est quelqu'un qui est prof, professeur.
02:12 Mais concrètement, en arrivant avec ses enfants dans un pays étranger,
02:16 en étant hébergée chez de la famille, donc n'ayant pas d'indépendance,
02:20 il faut qu'elle nourrisse sa famille.
02:21 Donc elle travaille en tant que femme de ménage dans un hôtel.
02:25 Et on pourrait trouver cette situation misérabiliste,
02:27 mais tout simplement, c'est été le cas,
02:29 l'avis de beaucoup de personnes, de mères seules,
02:32 qui ne sont pas forcément africaines d'ailleurs.
02:34 Elle s'attelle à cette tâche consciencieusement.
02:36 Mais ce n'est pas qu'une mère, c'est une femme aussi.
02:38 En fait, je pense que quand on parle du travail des femmes,
02:45 quand on parle de la charge mentale des femmes concernant la famille,
02:49 c'est-à-dire qu'il y a clairement deux travails,
02:51 il y a le travail rémunéré et celui qui ne l'est pas.
02:53 Oui, pour moi, c'est politique.
02:55 C'est un sujet qui est actuel, mais qui a toujours été en fait.
03:00 Ça, c'est ce qu'on pourrait voir d'un point de vue extérieur.
03:02 Moi, je l'ai vécu comme...
03:04 Enfin, je vois ce rôle comme une chronique, en fait, familiale.
03:10 Et comme vous l'avez très bien dit, une éducation sentimentale aussi.
03:13 Je veux envie qu'il soit une famille concrète,
03:15 et qu'on soit proche d'eux.
03:17 Et qu'on oublie les questions de pays, de couleurs.
03:21 C'est juste une histoire d'une mère et ses fils.
03:23 Pour moi, ce qu'on pourra voir, c'est qu'il n'y a aucun cliché,
03:27 dans le sens qu'il n'y a pas de misérabilisme
03:30 par rapport à la condition de Rose ni de ses enfants.
03:33 Il y a des réalités qui sont fâcheuses.
03:35 Les contrôles au faciès, la fétichisation du corps noir,
03:39 ce sont des sujets, oui, et qui sont souvent dans les films
03:44 où il y a une présence noire.
03:46 Là, on est vraiment juste sur une chronique familiale,
03:48 encore une fois.
03:50 Le film parle d'une partie de la famille de la réalisatrice.
03:54 Et du coup, il y a beaucoup d'amour.
03:56 Enfin, moi, je sais qu'il y a un regard bienveillant
04:02 et très doux sur cette femme qui est quelqu'un de spécial.
04:10 Ce que je refuse, c'est que si moi, en tant qu'actrice,
04:13 je ne peux pas ramener le personnage à un être humain,
04:18 si je ne peux vraiment pas le faire car le scénario,
04:20 les dialogues l'enferment trop dans un cliché,
04:23 je refuse, enfin, je décide de ne pas faire certains projets.
04:27 Parce que de toute façon, notre travail aussi,
04:29 ce n'est pas juste de livrer un personnage
04:32 et de réciter un texte.
04:34 Il faut aussi qu'on l'enrichisse,
04:37 qu'on le rende aimable au premier sens du terme,
04:40 d'abord pour nous-mêmes et ensuite pour le spectateur.
04:42 Mais des fois, ce n'est pas possible.
04:45 Mais moi, c'est mon travail.
04:47 La chance de ce film, c'est de pouvoir se découvrir l'un et l'autre
04:54 dans des choses différentes,
04:56 dans des personnages incarnés de manières totalement différentes.
04:59 Et par la vision de Léonore,
05:00 d'avoir juste, comme on peut le dire, des rôles romanesques,
05:04 des rôles de...
05:05 Juste de nous voir dans d'autres choses, en fait,
05:07 dans d'autres récits.
05:08 C'était ça, la chance de ce film.
05:10 J'ai un petit frère qui a...
05:12 T'as quel âge, mon frère ?
05:13 25.
05:13 Il a 25, il a deux ans de plus que mon petit frère.
05:16 J'ai revu cette relation-là, en fait,
05:18 j'avais envie de l'avoir comme petit frère.
05:21 J'avais envie de...
05:22 C'est bizarre parce que dans le film, c'est mon grand frère,
05:25 mais j'ai regardé le film avec...
05:27 Parce que j'ai 32 ans...
05:30 J'allais dire de plus que toi.
05:32 Mais non, vraiment, vraiment, vraiment,
05:35 c'est pour moi le rôle dans lequel il est le plus à l'aise,
05:39 où ça parle vraiment de notre identité, de ce qui nous ressemble.
05:42 Donc je pense que ça a été un vrai plaisir aussi à jouer.
05:44 Mais c'est dans ce film-là que moi, Stéphane, il me fait kiffer vraiment.
05:48 C'est un putain d'acteur, vraiment.
05:50 Tu m'en veux parce que tu n'as pas eu de père.
05:56 De père, non.
05:57 Mais papa, j'en ai eu plein.
06:00 Moi, j'ai fait tout ce que j'ai pu.
06:02 Et si j'ai fait des erreurs ?
06:04 Tu fais de ton mieux.
06:05 Sous-titrage Société Radio-Canada
06:09 © Sous-titrage Société Radio-Canada
06:12 © Sous-titrage Société Radio-Canada
06:15 [SILENCE]