Retraites. Au cœur de la forte mobilisation du 31 janvier avec les enseignants

  • l’année dernière
Les opposants à la réforme des retraites ont défilé mardi dans des cortèges très fournis. L'Humanité a rejoint les enseignants du Snes-Fsu (premier syndicat du secondaire), venus très nombreux manifester leur refus de travailler toujours plus.

Partout en France, les cortèges affichaient le même refus de la réforme phare d'Emmanuel Macron et son report de l'âge légal de départ à 64 ans.
Dans plusieurs grandes villes, comme Montpellier, Nantes, Rennes ou Marseille, la participation était supérieure à celle du 19 janvier, lors de la première mobilisation. A Paris, la CGT a fait état de 500.000 manifestants (contre 400.000 le 19). Le chiffre des autorités n'était pas immédiatement disponible.
"C'est une des plus grandes manifestations organisées dans notre pays depuis des dizaines d'années", a déclaré Laurent Berger, le numéro un de la CFDT, notant, peu avant le départ du cortège parisien vers 14h00, qu'il y avait "plus de monde" dans la rue que le 19.
Entre un et deux millions de manifestants selon les sources, avaient alors battu le pavé.
"Dans tous les retours que j'ai, c'est plus que le 19", a renchéri son homologue de la CGT Philippe Martinez, tandis que Frédéric Souillot (FO) a mis en avant un "tir de barrage".
"Je suis prof de Français en collège et je me sens de moins en moins ajusté. Le monde qui se construit, doit être construit avec des jeunes", explique Agnès Lugand, dans le cortège du SNES-FSU. "Travailler jusqu'à 67 ans n'est même pas envisageable" souligne l'enseignante.
Selon les chiffres communiqués par les préfectures, ils étaient par exemple 14.000 à Rouen (contre 13.000 le 19) ou 28.000 à Nantes (contre 25.000). A Marseille, quelque 40.000 personnes ont défilé, contre 26.000 le 19 janvier.
Un quart des profs en grève

Au total, onze mille policiers et gendarmes sont mobilisés, dont 4.000 à Paris.
Une intersyndicale doit se réunir à partir de 18H00 au siège de FO pour décider des suites du mouvement, et probablement annoncer au moins une nouvelle journée de mobilisation.
Dans l'Education nationale, le Snes-FSU, premier syndicat du secondaire, chiffrait à 55% le nombre de professeurs des collèges et des lycées en grève.
Mardi matin, des lycéens se sont mobilisés à Paris et ont bloqué partiellement le lycée Voltaire à Paris, dans le 11e arrondissement.
La CGT a annoncé 75 à 100% de grévistes dans les raffineries et dépôts de TotalEnergies. Quant aux grévistes d'EDF, ils ont occasionné dans la nuit des baisses de charges dans les centrales électriques de "près de 3.000 MWH", sans toutefois causer de coupures.
"Certain de perdre"

Pris en étau entre la détermination de la rue et la virulence des oppositions à l'Assemblée nationale, où le projet est débattu depuis lundi en commission, le gouvernement a durci le ton depuis ce weekend, au risque d'être accusé par la gauche, à l'instar de Fabien Roussel (PCF), "de fracturer durement" le pays.

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Transcription
00:00 Et voici l'acte 2 de la mobilisation contre la réforme des retraites.
00:03 Nous sommes le 31 janvier à Paris, place d'Italie.
00:06 Nous allons partir à la rencontre des enseignants.
00:09 Comment comptent-ils se mobiliser une nouvelle fois contre cette réforme ?
00:12 Comment justifient-ils la difficulté de leur travail ?
00:15 Et enfin, comment comptent-ils gagner cette bataille ?
00:18 Allez, c'est parti.
00:19 En tant que femme, déjà, professeure,
00:22 nous avions prévu un moment de partir à 62 ans.
00:29 Et toi ?
00:30 Oui, pareil.
00:31 Et avec une décote, certes, mais en étant en bonne santé.
00:36 Je suis professeure de PS.
00:38 Et puis là, on nous rajoute en plus des mois, on nous retire des sous.
00:43 Donc finalement, moi, ma retraite à taux plein, je l'aurais à 67 ans et demi,
00:47 c'est-à-dire 67 ans et encore.
00:49 Mais je ne suis pas la seule.
00:51 On est plein dans ce cas-là.
00:54 Donc c'était très important qu'on soit là aujourd'hui.
00:56 Quand j'aurai 67 ans, c'est même pas envisageable.
01:00 D'ailleurs, je vais partir avec une décote parce qu'à un moment donné,
01:05 on n'est plus ajusté au public de jeunes.
01:10 Moi, je suis prof en collège.
01:12 J'ai des jeunes adolescents.
01:14 Je me sens de moins en moins ajusté.
01:15 C'est ça ce que je veux dire.
01:17 Et puis le monde qui se construit, il se construit avec des jeunes.
01:20 Et moi, je ne serai plus là pour leur permettre d'ouvrir le monde.
01:24 C'est à eux de fabriquer ce monde.
01:26 - Votre agence vous parle à qui ?
01:29 - On parle de la pénibilité, mais pas assez de la pénibilité des enseignants.
01:32 Certes, il y a du bruit.
01:33 On est debout toute la journée.
01:36 En ce qui concerne le premier degré, les collègues font toutes les récrés,
01:40 c'est-à-dire qu'il n'y a pas de pause.
01:42 Donc, même pour aller faire pipi, il faut courir.
01:44 Pour aller boire un café, il faut courir.
01:46 Je pense que les gens ne se rendent pas compte de ça.
01:48 On rajoute au temps de classe, les temps de réunion qui se multiplient,
01:52 que ce soit les réunions avec les équipes pédagogiques, avec les parents,
01:56 avec des formations.
01:58 On nous parle des 108 heures.
01:59 On a un format de 108 heures dans lequel on doit tenir les réunions.
02:03 Ça explose. On en fait beaucoup plus.
02:05 Donc, on a quand même des journées à rallonge, qu'on le veuille ou non.
02:09 Et sans compter la préparation, sans compter les corrections.
02:14 Je pense que les gens ont du mal à se rendre compte, effectivement,
02:16 du vécu des enseignants dans les classes et dans les écoles.
02:22 Et puis, j'espère qu'effectivement,
02:23 on va être aussi nombreux que la dernière fois,
02:25 voire plus nombreux et que ça va prendre de l'ampleur.
02:28 Enfin, moi, je suis là pour ça, en tous les cas.
02:30 Moi aussi.
02:31 On pensait déjà partir à 62 ans.
02:36 Et pour nous, 62 ans, c'était quand même assez compliqué.
02:40 Et là, on se retrouve encore avec des années de plus.
02:45 En fait, on ne se voit pas dans la classe.
02:47 Moi, je travaille avec des élèves qui sont en collège,
02:51 des élèves qui utilisent, par exemple, la technologie informatique.
02:55 Je suis un petit peu larguée, je vous avoue, déjà à 57 ans.
02:58 Donc, à 62, voire 64, voire même plus, si je veux,
03:04 je ne veux pas de décote.
03:07 Je ne sais pas du tout comment je serai dans une classe.
03:14 La classe demande tellement d'énergie, tellement de don de soi,
03:17 tellement de punch que je suis sûre que je n'aurai plus à cet âge-là
03:24 et que je ne pourrai plus faire mon boulot de façon satisfaisante
03:28 et être contente de moi-même et des rapports que j'aurai avec mes élèves.
03:32 Et ça, ce n'est pas possible.
03:33 Quand on n'a pas suffisamment la pêche,
03:35 on n'arrive plus à mener notre classe.
03:37 On n'arrive plus à être suffisamment disponible pour tirer le groupe,
03:42 mener le groupe, avoir toute l'énergie nécessaire
03:46 pour emmener tout le monde dans les progrès avec bienveillance
03:52 et avoir un œil pour tous.
03:57 En fait, on n'a juste tout simplement plus l'énergie pour ça.
04:01 Et donc, du coup, on fait mal notre boulot.
04:03 Quand on voit les collègues qui font ce métier depuis plus longtemps,
04:06 c'est des collègues qui sont aujourd'hui complètement cassés,
04:10 et on n'imagine pas une seule seconde de voir leur demander
04:14 de travailler jusqu'à 64 ans, voire plus,
04:17 puisque si ce sont des gens qui ont fait des études longues,
04:21 eh bien, ce sera peut-être 67 ans.
04:23 On ne peut pas imaginer coller un enseignant de 67 ans devant une classe.
04:28 Ce n'est pas possible.
04:29 Donc, du coup, qu'est-ce qu'ils feront pour avoir leur point ?
04:32 Ils vont se rabattre sur un métier encore plus précaire
04:35 pour pouvoir avoir leur retraite à taux plein.
04:39 Et donc, ça veut dire la précarisation des seniors,
04:41 toujours plus de précarisation pour les seniors.
04:43 En fait, je ne connais moi aucun professeur
04:46 qui fasse des semaines de moins de 40 heures,
04:48 ne serait-ce que pour la préparation des cours,
04:50 et puis une heure travaillée devant une classe,
04:53 c'est une attention de tous les instants.
04:55 Donc oui, effectivement, c'est un travail qui est extrêmement pénible.
04:58 Plus encore pour les jeunes profs qui n'ont pas d'expérience
05:02 et qu'on lâche, on va dire, dans la fosse au lion,
05:06 généralement sans aucune préparation,
05:07 avec une préparation chaque fois inférieure,
05:10 puisque la formation des profs est de moins bonne qualité chaque année.
05:15 Oui, je dirais, c'est le point final du ras-le-bol que les enseignants ont.
05:24 Ça ajoute à toutes ces années.
05:27 Moi, ça fait 25 ans que j'enseigne, donc j'ai vu l'évolution
05:31 et la reconnaissance qui est de moins en moins prégnante
05:36 envers les enseignants.
05:38 Et puis le salaire, oui, effectivement,
05:43 qui a été bloqué, l'indice qui a été bloqué
05:47 depuis 20 ans à peu près.
05:49 Donc, c'est le coup de massue.
05:55 C'est un métier difficile, un métier usant,
05:57 parce qu'on a de plus en plus d'élèves en classe.
06:00 Bien entendu, ce sont les politiques successives
06:01 des différents ministres de l'Éducation nationale
06:04 qui se sont succédés.
06:05 Moi, j'ai des classes de seconde à près de 35 élèves.
06:09 Donc, c'est extrêmement usant.
06:11 On a un prof, ça a 200 ou 300 élèves par an,
06:14 avec toutes les problématiques auxquelles on doit faire face,
06:18 qui dépassent même, je dirais, le simple cadre pédagogique,
06:21 avec des élèves difficiles qui ont des problèmes,
06:23 des parcours difficiles.
06:24 Voilà. Et donc, c'est un métier qui est extrêmement usant,
06:27 extrêmement usant.
06:28 Donc, moi, je peux le faire parce que c'est un choix,
06:31 que je ne travaille pas très loin de chez moi
06:33 et que j'ai des élèves qui sont très sages
06:35 et que je n'ai pas de difficultés.
06:36 Mais je pense à mes collègues qui travaillent dans des camps difficiles
06:40 et je le répète surtout, moi, c'est un choix.
06:43 C'est très, très, très difficile de se projeter.
06:46 Je ne me vois honnêtement pas à 64 ans, 65 ans, 67 ans devant des enfants.
06:52 Déjà, même si je suis jeune, de temps en temps,
06:55 ce n'est pas facile, que ce soit dans leur comportement,
06:59 dans leur vie sociale, derrière aussi,
07:03 qui est difficile à gérer mentalement, on va dire,
07:07 sentimentalement parlant, mais physiquement aussi.
07:10 On est baissé toute la journée.
07:11 On doit gérer beaucoup de choses.
07:13 Moi, je ramène du matériel.
07:14 J'habite à une heure de mon travail de route.
07:17 Je ramène les cahiers chez moi.
07:19 C'est dur à porter.
07:20 Voilà, que ce soit physique ou moral,
07:22 je ne me vois pas à ces âges-là devant des enfants.
07:24 En tout cas, moi, je serai là à chaque fois qu'il faut se mobiliser.
07:26 Je viendrai.
07:28 Merci.
07:29 Merci.
07:30 Merci.
07:31 Merci.
07:32 [Sous-titres par @NVTHLSS]

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