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Les jeunes craignent d'avoir moins d'emplois si la réforme des retraites est adoptée, puisque le gouvernement prévoit de reporter l'âge légal de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans. Selon les économistes, il n'y aurait pas de lien entre l'emploi des jeunes et celui des séniors. 

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Transcription
00:00 Une des craintes exprimées par les lycéens, Céline et les étudiants,
00:03 c'est que le report de l'âge légal de départ puisse nuire à l'emploi des jeunes.
00:07 Est-ce que c'est vrai ?
00:08 Alors, c'est vrai que c'est un argument avancé par les jeunes opposés à la réforme
00:11 parce que le gouvernement veut faire travailler les plus âgés plus longtemps, jusqu'à 64 ans.
00:17 Et puis, il affiche aussi sa volonté d'améliorer le taux d'emploi des seniors.
00:20 On le rappelle, aujourd'hui, il est seulement de 56 % selon les chiffres de l'Adares.
00:26 Alors, les jeunes disent si les seniors travaillent plus et plus longtemps,
00:29 s'ils partent à la retraite plus tard, ce sera moins d'emplois pour nous.
00:32 Écoutez Manes Nadel, il est responsable fédéral de la voie lycéenne.
00:36 C'était mardi à Paris, lors de la journée de grève.
00:41 Ces personnes-là qui vont partir plus tard, ce sont nos proches.
00:43 Nous luttons aussi en solidarité avec les travailleurs.
00:46 Mais aussi, cette réforme, elle va avoir un impact très concret tout de suite sur nous
00:50 parce qu'en allongeant la durée, le temps de travail,
00:53 le gouvernement va aussi accroître le chômage et notamment le chômage des jeunes.
00:57 Il y a déjà beaucoup de chômage des jeunes et une grande précarité, ça va accroître tout ça.
01:01 Jeune lycéen de 15 ans, discours similaire l'après-midi,
01:04 mardi après-midi, donc dans la manifestation parisienne.
01:07 Écoutez Géroen, il est lycéen à la Courneuve, en banlieue de Paris.
01:11 Nous jeunes, on a besoin d'un monde où on peut avoir de l'espoir.
01:13 On n'a déjà pas d'espoir parce qu'il y a un problème avec l'écologie,
01:16 avec le réchauffement climatique, on a un problème d'emploi.
01:18 C'est-à-dire que, par exemple, si les seniors continuent à travailler plus longtemps,
01:22 ça va nous bloquer des emplois, fatalement.
01:23 Et donc on se dit que c'est mieux qu'on se mobilise aujourd'hui
01:26 parce que peut-être que si les gens partent plus tôt à la retraite,
01:28 ça nous donne des emplois à nous aussi en tant que jeunes.
01:30 Est-ce que c'est vrai alors ?
01:31 Est-ce que des seniors qui restent plus longtemps dans l'emploi,
01:33 mécaniquement ça pénalise les jeunes qui veulent y entrer ?
01:36 Alors tous les économistes que j'ai interrogés me disent non,
01:38 il n'y a pas de lien mécanique entre le taux d'emploi des seniors et celui des jeunes.
01:43 En clair, le marché du travail, ce n'est pas comme un gâteau,
01:45 une part donnée à un senior, ce n'est pas une part en moins pour un jeune.
01:48 C'est ce que nous dit aussi Andrea Garnero, économiste à l'OCDE.
01:52 C'est une idée très rependue, pas que en France,
01:56 mais en fait elle se base sur un malentendu sur le fonctionnement du marché du travail.
02:02 Donc cette idée que si une personne plus âgée reste au travail,
02:08 elle empêche un jeune d'entrer sur le marché du travail,
02:11 se base sur cette idée que le marché du travail est un tout figé,
02:17 que l'on peut diviser infiniment.
02:19 Et c'est la même erreur qu'on fait quand on dit que les immigrés volent le travail aux nationaux
02:25 ou que les robots prennent le travail aux humains.
02:29 En fait, ce n'est pas comme ça que le marché du travail marche.
02:31 Le marché du travail n'est pas un tout figé,
02:34 mais c'est une boîte en recomposition permanente qui peut s'élargir ou se restreindre.
02:40 En fait, le marché du travail est beaucoup plus dynamique que ça.
02:43 Deuxième élément d'explication,
02:44 les postes et les compétences des jeunes et des seniors ne sont pas les mêmes.
02:48 Ils ne font pas le même job, ils ne font pas les mêmes postes.
02:50 Écoutez Stéphanie Villers, conseillère économique du cabinet de conseil EWC France.
02:55 On ne peut pas mettre en concurrence quelqu'un qui entre sur le marché du travail,
03:00 c'est-à-dire un jeune qui n'a pas d'expérience,
03:02 avec un senior qui a accumulé un certain nombre d'années d'expertise.
03:10 Une entreprise ne choisit pas un senior avec 30 ou 40 ans d'expérience
03:15 par rapport à un jeune qui a peu ou pas du tout d'expérience.
03:19 Ce sont deux postes différents en fait.
03:22 Il n'y a pas de concurrence et de compétition entre eux.
03:25 Est-ce qu'il y a des études, des chiffres qui prouvent que si les seniors travaillent
03:29 de plus en plus longtemps, ça n'a pas d'impact négatif à l'inverse sur les jeunes ?
03:33 Oui, les économistes regardent par exemple le taux d'emploi des seniors
03:36 et le taux d'emploi des jeunes à travers les pays de l'OCDE.
03:39 Et voilà quel est le constat.
03:42 En fait, si on regarde la corrélation entre le taux d'emploi des seniors
03:46 et le taux d'emploi des jeunes à travers les pays de l'OCDE,
03:48 c'est une corrélation positive.
03:50 C'est-à-dire que dans les pays où il y a plus de seniors au travail,
03:53 il y a aussi plus de jeunes au travail.
03:55 Parce que ça veut dire que c'est un marché du travail en bonne santé.
03:59 C'est dans les marchés du travail qui ne sont pas en bonne santé
04:02 où il y a moins de seniors au travail et il y a aussi moins de jeunes au travail.
04:06 J'ai regardé ce qui s'est passé en France ces dix dernières années.
04:08 Le taux d'emploi des seniors et le taux d'emploi des jeunes ont augmenté.
04:12 Ils restent bas mais sur dix ans ils ont augmenté.
04:14 Avec une progression plus forte pour les seniors.
04:17 On le voit à gauche de ce tableau.
04:19 Le taux d'emploi des 55-64 ans était de 41,5% en 2011.
04:24 Il a augmenté à 56% en 2021.
04:28 Et pour les jeunes de 15 à 24 ans, à droite dans le tableau,
04:31 le taux d'emploi était de 29,9% en 2011 et il est de 32,3%.
04:37 Ça ne semble pas une progression époustouflante
04:39 mais 32,3% pour les jeunes, c'est son plus haut niveau depuis 1992.
04:44 En résumé, les économistes que j'ai interrogés me disent
04:46 que la hausse de l'emploi des seniors ne nuit pas à l'emploi des jeunes.
04:51 Oui, mais même pire que ça, ils pensent que le problème se situe ailleurs.
04:54 Oui, c'est vrai, le défi est ailleurs.
04:56 Le défi c'est la concurrence entre les seniors,
04:59 entre ceux qui sont tout proches de la retraite,
05:03 ceux qui vont travailler jusqu'à 64 ans
05:05 et ceux qui ont 5 à 10 ans de moins, 55-60 ans.
05:09 Écoutez Stéphanie Villers.
05:10 Là, la concurrence où elle se joue chez les seniors,
05:13 c'est ceux qui sont juste à côté, qui ont 5 ans ou 10 ans de moins
05:19 et qui effectivement sont moins chers que les plus âgés
05:24 et qui pourraient avoir une expérience proche, une expertise proche.
05:30 Et là, il peut y avoir une vraie concurrence.
05:33 Mais il n'y a pas de concurrence avec les deux extrêmes
05:36 entre les plus jeunes et les plus âgés.
05:39 Et donc cela pose un défi.
05:40 Comment rendre les plus âgés plus employables,
05:43 plus attractifs, acquis du fait de leur expérience ?
05:47 Coutent aussi plus cher aux entreprises.
05:49 Certains évoquent la nécessité d'alléger les charges patronales
05:52 sur cette catégorie de seniors, sur les plus âgés,
05:55 pour les rendre donc plus attractifs financièrement.
05:57 Et puis voici une deuxième piste défendue par Stéphanie Villers.
06:01 On a développé l'apprentissage et on a vu que ça marchait très bien.
06:07 Les jeunes rentrent sur le marché du travail
06:09 grâce à des contrats en alternance, des contrats d'apprentissage.
06:12 En 2021, il y a eu la création de 700 000 créations d'emplois
06:18 à travers cet apprentissage.
06:21 Et ce qu'il faut savoir, c'est que l'apprenti,
06:23 ou le jeune qui a un contrat d'alternance,
06:25 il est en temps partiel au sein de l'entreprise.
06:29 Et là où je pense qu'on pourrait trouver une adéquation
06:32 entre un senior et un junior,
06:35 c'est permettre au senior de former ce jeune,
06:39 parce que le senior a une vraie compétence,
06:41 et petit à petit amener ce senior vers l'inactivité,
06:45 c'est-à-dire lui proposer plutôt en fin de carrière un temps partiel,
06:48 ça ne veut pas dire un mi-temps, un temps partiel,
06:51 pour que progressivement il arrive vers l'inactivité,
06:55 c'est-à-dire vers la retraite.
06:56 C'est un point extrêmement important.
06:58 Alors si je prends le problème à l'envers,
07:00 comme vous avez terminé votre démonstration Céline,
07:03 obliger les entreprises à employer des seniors,
07:05 c'est donc une des pistes du gouvernement,
07:08 c'est une piste qui va être très très sensible politiquement,
07:10 parce que Ehler, qui est sans doute la clé d'adoption de ce texte à l'Assemblée,
07:15 a des exigences là-dessus.
07:16 Oui, et c'est intéressant parce que c'est le seul point
07:18 sur lequel Elisabeth Borne a un peu bougé pour le moment.
07:21 Au début, le gouvernement ne proposait qu'un index des seniors,
07:25 c'est-à-dire chaque entreprise devait publier des résultats
07:27 sur la façon dont elles employaient les seniors ou les licenciés.
07:31 Et le gouvernement ne voulait pas de sanctions.
07:33 Et là, Elisabeth Borne vient de dire, il y a quelques jours,
07:36 que des sanctions finalement, elles y étaient favorables,
07:39 et qu'en plus, une mesure qui ne devait concerner cet index
07:42 que les entreprises qui avaient plus de 300 salariés,
07:45 finalement pourrait concerner les entreprises qui n'en ont que plus de 50.
07:49 Donc ça élargit quand même le champ d'application.
07:52 Après, ça ne convainc toujours pas une bonne partie de l'opposition et des syndicats
07:56 qui vous diront "ça reste un gadget,
07:58 ce n'est pas comme ça qu'on va vraiment faire avancer l'emploi des seniors".
08:01 Et certains, en effet, poussent par exemple pour enlever
08:04 des cotisations patronales sur les seniors, etc.,
08:07 des mesures qui ne sont pas envisagées pour le gouvernement aujourd'hui.
08:09 Pour l'instant, c'est plus un dérivé du "name and shame",
08:12 on le dit en anglais parce que c'est un fonctionnement anglo-saxon,
08:15 c'est-à-dire qu'on publie les entreprises qui ne sont pas vertueuses,
08:18 on les soumet au public en fait, Anne-Charlene.
08:21 Oui, alors il faut savoir que ça a quand même sa dose d'efficacité.
08:24 Je prends le parallèle avec une législation qui est moins connue
08:26 que celle sur la facturation qui date du Nois à Monde 2004,
08:29 qui a été encore, on va dire, un peu carabinée en 2006,
08:33 et puis encore en 2009.
08:34 En réalité, quand on commence comme ça,
08:36 on peut aussi se cheminer vers des sanctions dans une évolution de notre droit.
08:40 On l'a plusieurs fois fait, en créant des index comme ça pour mieux identifier,
08:44 puis ensuite, une fois qu'on a mieux identifié,
08:46 pouvoir sanctionner et arriver à créer des mesures incitatives.
08:50 On l'a déjà dit, pour moi, il y a quand même une petite réserve de constitutionnalité
08:53 qui consiste à se dire que ce n'est pas, à mon avis,
08:55 l'objet d'un projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
08:57 Mais bon, à voir sur la vécu du Conseil.
08:59 Ce que vous dites, alors pardonnez-moi pour rappeler à nos téléspectateurs,
09:01 vous dites en fait, ce n'est pas tant que ça ne doit pas exister dans le projet,
09:04 c'est le véhicule législatif choisi par le gouvernement,
09:06 peut-être que ça ne tiendra pas à l'intérieur.
09:08 En effet, même si on arrive à obtenir un consensus politique,
09:10 même si ça fait partie de la loi votée, le vrai problème,
09:12 c'est qu'il y a un objet à ces lois de financement de la Sécurité sociale,
09:16 qui est de corriger le budget de la Sécurité sociale,
09:18 et donc d'avoir un impact sur l'équilibre financier de la retraite de la Sécurité sociale,
09:22 ce qui n'est évidemment pas le cas,
09:23 aussi bien des mesures, par exemple, prises en faveur de l'égalité salariale homme-femme,
09:27 ou de l'employabilité des seniors,
09:29 où là vous êtes sur quelque chose qui relève d'une loi travail,
09:31 mais pas d'une loi relative à l'équilibre de la Sécu.

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